Mois : mai 2017

Excuser l’inexcusable

« Il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer c’est déjà vouloir un peu excuser. » Discours d’Emmanuel Valls, deux semaines après les attentats de Novembre 2015.

Des propos qui font étrangement écho à ceux de Nicolas Sarkozy suite aux révoltes des quartiers populaires en 2005 : « Quand on veut expliquer l’inexplicable, c’est qu’on s’apprête à excuser l’inexcusable ».

Les discours politiques, relayés par les médias dominants sont de plus en plus offensifs et agressifs pour décrire le climat de violence et de dégradation des quartiers populaires. Il s’agit chaque fois, de mettre en exergue des profils de comportement inquiétants, dangereux et de les extraire de leur contexte. Au fil des années, au fil des quinquennats, ces discours sont à la fois similaires et de plus en plus marqués par la volonté de constituer des catégories d’individus dans la société, et d’essentialiser les comportements. On nous décrit régulièrement des évènements qui concernent les jeunes des cités surtout, des jeunes envahies de haine envers la société dans son ensemble et qui représentent donc de fait, une menace pour le maintient de nos valeurs républicaines. Tous ces discours justifient les réponses exclusivement répressives. Il s’agit d’éradiquer cette violence et cette menace, de façon définitive.

Si on s’intéresse un peu à notre histoire on ne peut que constater une régression du fait de toutes ces réponses de plus en plus brutales.

En effet, après la seconde guerre mondiale, la solution répressive en matière de redressement de l’enfance délinquante avait montré ses limites. L’État décide alors de donner la priorité à l’éducatif en adoptant l’ordonnance de 1945. Mais cette loi a été réformée 34 fois depuis sa création. Les débats pour justifier le durcissement des sanctions ont fait rage…  Et aujourd’hui l’insécurité redevient un thème de prédilection des médias et des politiques, matérialisée  en ce qui concerne la jeunesse par le qualificatif « la racaille ».

Que s’est-il passé entre l’Ordonnance de 1945 qui pose les fondements protecteurs de la Justice des Mineurs et les lois répressives des années 2000 ? Comment expliquer qu’au lendemain de la guerre, la société se sente comptable du devenir d’une jeunesse délinquante alors qu’elle choisit aujourd’hui d’en faire son bouc émissaire ?

Ecoutons Laurent Mucchielli (1) qui évoque une série d’évènements qui ont contribués à nous faire accepter la question de la sécurité nationale comme  » la 2ème priorité après le chômage »

(colloque de Villepinte en Octobre 1997 à l’initiative de Jospin alors 1er ministre) :

Laurent Mucchielli parle du « tournant dans les année 80,90 », qui contribue à transformer nos visions du monde et qui débouche sur des pratiques sécuritaires de plus en plus répressives.

En 1989, nous assistons à la 1ère « affaire du foulard islamique » qui devient un évènement national et qui nous mènera inexorablement à la loi de 2004 sur le port du foulard.

En 1990, c’est la survenance des émeutes urbaines. Elles produisent une peur imaginaire, celle d’entrer dans une situation à l’américaine, avec des zones de non droit.

En 1991 la 1ère guerre du golf augmente encore cette peur. Les classes dirigeantes ont peur que les habitants des quartiers se rebellent parce qu’ils sont arabes, et provoquent ainsi l’extension du conflit.

Ces différents évènements aboutissent à la mise en place d’une peur fondamentale, celle du jeune immigré des cités, l’ennemi de l’intérieur. Cette peur traverse toute la société.

« L’étranger est un corps étranger« .

Après les attentats du 11 septembre 2001, la question de l’islam surgit. L’aspect religieux est désormais considéré comme dominant dans cette représentation du danger. Le jeune des cités devient le jeune « arabo musulman ». L’islam est perçu comme une religion qui prédispose à la violence. Chaque évènement issu des quartiers populaires nourrit les discours sur la barbarie des jeunes des cités. La lecture des conflits sociaux en terme ethnique remplace la lecture en terme de classe sociale.

Les émeutes de Novembre 2005, puis les attentats de Janvier 2015, justifient le décret de l’état d’urgence.

Nous sommes désormais face à une rupture, une incompréhension majeure avec les quartiers populaires. S’opère un glissement de la notion de sécurité, un droit qu’il faudrait rétablir pour les catégories sociales les plus fragiles, et le maintient de l’ordre qu’il faut instaurer d’une main de fer dans les quartier populaires.

(« De gauche à droite, le lobby sécuritaire a-t-il gagné ? »Conférence/débat avec Laurent Mucchielli, Université d’été du NPA en août 2015).

Il ne faudrait donc pas expliquer pour ne pas risquer d’excuser ces explosions de colère qui surgissent régulièrement dans de nombreux quartiers. Mais une « explication » nous est cependant donnée, elle n’est pas nouvelle. Si ces jeunes se complaisent dans ces comportements déviants c’est qu’ils y sont encouragés par des parents démissionnaires qui ne leur ont donné aucune limite éducative. La réponse est donc claire pour pallier à ces situations inacceptables : la sanction, la répression généralisée.

Hors, les enquêtes sur les conditions de vie qui se dégradent de façon globale dans les quartiers populaires, sur la précarité qui s’installe de façon grandissante, sont de plus en plus alarmantes. On connaît de façon précise, le taux de chômage qui flambe dans les quartiers populaires, et qui concerne d’abord les jeunes. On connaît, de façon précise, la réalité des emplois précaires qui peuvent être proposer pour beaucoup d’entre eux, parfois uniquement sur quelques heures par semaine!….

Mais on connaît peut être moins le non recours aux droits élémentaires, comme les différentes allocations qui n’assurent d’ailleurs que la survie. Ce non recours augmente d’années en années. Il est du, pour la plus part, à la lassitude, au découragement, à la honte. La honte d’être pauvre, la honte de ne pas pouvoir subvenir à ses propres besoins, le sentiment d’indignité d’avoir à demander de l’aide.

Et ces conditions de vie ne devraient avoir aucune conséquence sur les comportements de ceux qui les subissent?

Etre privé d’emploi, être privé d’un revenu décent, c’est être privé de la possibilité de s’insérer dans la société, d’avoir un logement, de fonder une famille.

C’est une jeunesse où la norme dominante est d’être en dehors. Avec le sentiment ne pas être seulement discriminé, mais rejeté, d’être traité comme un parias parce que issu de l’immigration.

La colère des jeunes est structurée par des sentiments d’injustice, d’abandon, d’humiliation qui s’articulent sur leur vie quotidienne.

Alors bien sûr qu’il faut chercher à comprendre, et mettre en évidence la détresse grandissante des habitants, des familles, des quartiers populaires.

Mais il faut surtout témoigner de ce qui existe encore et malgré tout : les capacités de solidarité et d’entraide qui aident au quotidien à ne pas rompre les amarres. Cette façon de se mobiliser pour réaliser des démarches administratives avec ceux pour lesquels c’est trop compliqué. Ces mères de familles qui sont prêtes à remettre en question leur emploi du temps du jour pour accompagner une autre mère à la sortie de l’école, pour inscrire son enfant à la cantine. Elles savent ces femmes combien peut être précieux ce petit temps libéré des enfants pour mener à bien d’autres démarches, pour ne pas se laisser submerger par les innombrables tâches du quotidien. Et ce soutien des unes envers les autres est assuré comme une évidence. L’évidence que notre humanité repose sur ces actes d’entraide au quotidien, l’évidence que d’être ainsi centré sur le bien commun, permet à chacun de se réaliser plus pleinement, de se sentir exister avec les autres.

Il faut témoigner de cette force dont beaucoup d’habitants font preuve, pour sortir de leur isolement et de leur peur, pour participer à la réalisation de projets qui ont du sens et qui servent le collectif.

Alors qu’est-ce que peut produire une démarche qui essaye de comprendre ?

A Terrain d’Entente, à l’occasion de nos ateliers de rue, nous nous heurtons parfois à des explosions d’exacerbations de certains jeunes et nous ne parvenons pas toujours à ne pas rompre le dialogue. Il suffit d’une étincelle, un regard, un mot de trop et nous assistons très vite à une escalade d’insultes, de coups, de menaces envers les autres camarades….

Face à ces situations, le temps long est nécessaire pour essayer de construire un autre mode de relation, un autre rapport à l’autre.

La compréhension des problèmes sociaux ça se joue dans la vie quotidienne. Nous sommes présents tout au long de la semaine, tout au long de l’année, pour répondre à différents besoins.

Chaque fois que nous nous sommes efforcés de mieux connaître la situation particulière de ceux qui manifestaient le plus de rage, le plus de violence, nous nous sommes toujours retrouvés face à un jeune en détresse qui subissait une réalité quotidienne insupportable. Ce qui devient insupportable c’est le cumul des difficultés : les difficultés à l’école avec le sentiment d’être rabaissé intellectuellement, les difficultés de vivre dans un quartier qui est relégué où on se sent abandonné par les institutions, les difficultés de vivre dans une famille où les adultes n’ont plus de pouvoir sur leur propre destin, où les démarches n’aboutissent plus, où le découragement se manifeste par des attitudes d’abandon.

Et chaque fois, nous nous sommes efforcés de manifester une attention toute particulière à ce jeune en lui offrant autant que possible des moments privilégiés avec lui, pour lui, à partir de ses envies. La sanction dans ces situations particulières n’est jamais une réponse suffisante, elle réactive le sentiment de rejet et d’abandon. Nous nous désolons et nous nous inquiétons de constater comment l’école sanctionne par des éviction scolaires à répétition, par des exclusions des établissements.

Nous privilégions l’attitude empathique, l’effort de compréhension, la manifestation de notre intérêt pour ce jeune. Nous sommes alors centrés sur tous les moments réussis avec lui, et nous parlons surtout de ça avec lui, avec sa famille. Notre intérêt est centré sur ce qui va bien.

Ca prend du temps, ce n’est pas spectaculaire, mais ensemble, avec lui, nous faisons l’effort de tenter de traverser cette impasse relationnelle et nous arrivons souvent, pas toujours, mais souvent, à ouvrir un autre espace de compréhension mutuelle. Notre objectif étant de partager avec tous ceux qui souhaitent nous rejoindre, des moments de bien être où chacun peut trouver sa place.

Il faut s’inquiéter très sérieusement de cette rupture, cette incompréhension majeure de la société avec les quartiers populaires. Il faut redonner la parole à tous ces habitants, les aider à conquérir leur place de droit dans la société.

Il faut juste être à leur côté, s’engager avec eux, dans la durée.

Josiane Günther
(1) Laurent Mucchielli: sociologie de la délinquance et de la politique sécuritaire

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Efficacité, volonté de contrôle, de maitrise…. Une dérive de plus dans notre façon de vouloir traiter les questions de société.

Efficacité, volonté de contrôle, de maitrise…. Une dérive de plus dans notre façon de vouloir traiter les questions de société.
Pour les questions d’organisation de collectifs, sur la façon dont on envisage de mener à bien les projets avec les personnes concernées, la notion d’efficacité, de maitrise, la volonté de contrôle prend le pas sur l’esprit d’humanisme, de tolérance et de respect des capacités et des rythmes de chacun.
Aujourd’hui, plus que jamais, et dans tous les secteurs de la société il est désormais question d’efficacité. Peu à peu, nous intégrons les principes du système néo libéral, jusque dans nos relations humaines. Les institutions depuis déjà un certain nombre d’années, et des structures de quartier aujourd’hui, dont l’activité est centrée sur l’accueil de la personne, l’écoute, la prise en compte de la demande….pensent désormais en termes d’objectifs, de projets.
Les appels à projet ont certainement une très lourde responsabilité dans cette dérive. Ils instaurent du prêt à penser, ils délivrent toute une série de concepts de plus en plus désincarnés, qui ne relèvent pas d’une situation vécue, éprouvée, et les imposent aux structurent qui doivent s’y conformer si elles veulent pouvoir prétendre à des aides financières. Les pourvoyeurs d’aides financières exigent que l’on produise de « l’emporwement », de la « démocratie participative », de « l’éducation populaire »…… La contradiction est presque grossière de cette injonction à développer de la participation active des citoyens. Comme s’il suffisait de le décider.

Dans ce cadre d’appels à projets, il est juste question de récupérer le langage et la pensée de tous ces acteurs de terrains qui construisent avec patience et humilité d’autres chemins propices à la rencontre authentique, vecteurs de créativité et de transformation réelle. La conséquence préjudiciable étant d’en dénaturer la finalité.
Pour les questions qui relèvent du champ social, celles du vivre ensemble, comment peut on envisager d’élaborer des démarches à la manière d’un gestionnaire d’entreprise qui prévoit, programme, optimise?
Le piège c’est d’envisager la réalité à partir de présupposés, de ce qu’on imagine être la meilleure manière de construire les relations humaines, de la façon dont une rencontre doit se dérouler. On estime qu’il existe une manière convenable pour que les relations s’instaurent. Il faut trouver le bon moyen pour que le collectif évolue de telle ou telle manière. Par exemple, quand on s’adresse à des familles, il est envisager comment les parents doivent avoir envie de jouer avec les enfants, comment ils doivent se comporter, comment ils doivent se parler…..
Ces principes, établis, réfléchis, en dehors de la réalité, en dehors de la présence des personnes concernées, deviennent des objectifs à atteindre de façon programmée. Mais si ces objectifs ne sont pas atteints de la façon dont ils avaient été pensés, le risque est d’interpréter ce qui a été vécu comme un échec. Il s’agit d’orienter les choses de la façon dont on les a pensé, alors qu’il ne peut être question que d’expériences à vivre et de l’opportunité que nous trouvons à en tirer des enseignements, de la compréhension, du sens pour aller de l’avant ensemble, dans un rapport d’égalité, pour tenter de construire des relations qui soient justes pour les uns et les autres, porteuses de plus de justice et d’égalité.
Penser les choses au lieu de les vivre, et prendre le risque de construire des projets qui ne correspondent en rien avec les besoins réels. Les exemples sont trop nombreux. Avec pour conséquence, les incompréhensions, le sentiment de ne pas se sentir pris en compte, reconnu, partie prenante, le découragement, la rupture de confiance….
Ainsi, nous perdons de vue la notion de complexité de la personne et des relations humaines, avec sa part d’aléatoire, de contradiction, d’ambivalence. Tout n’est que nuance pour ce qui concerne les questions humaines.
Nous perdons de vue la notion de temps qu’il est nécessaire pour construire, pour entreprendre et amorcer des changements. « Il faut donner du temps au temps ». Cette expression de bon sens a toujours expliqué le temps qu’il est nécessaire pour construire des relations humaines, établir des liens de confiance entre les personnes, au sein d’un collectif, réaliser des choses ensemble. Le temps qu’il faut et dont nous ne pouvons pas décider par avance de la durée.
Il y a une part d’imprévisible et de non mesurable, dans chacune de nos tentatives de construction collective. La réalité ne se réduit jamais à la façon dont on là pensée.
La personne est à prendre en compte dans sa complexité et le contexte particulier dans lequel elle évolue. Il n’y a pas la bonne où la mauvaise attitude face à une situation particulière, il n’y a pas la bonne ou la mauvaise réponse pour régler un problème concret. Il y a la rencontre et ce qu’elle produit, qui est par essence imprévisible. Il y a ce qu’on est capable à un moment donné de communiquer, d’exprimer avec plus ou moins de clarté, d’entendre, de prendre en compte, d’accepter. Il y a le lien qui se construit avec sa part d’incertitude, de moments forts et d’autres plus difficiles. Il y a ce qui est juste et pertinent aujourd’hui et qui sera peut être remis en question demain.
Les acteurs de la pédagogie sociale sont centrés sur les questions du pouvoir d’agir, de démocratie participative, d’éducation populaire. Ils s’engagent auprès des habitants des quartiers délaissés, oubliés, en proposant un temps de présence, en occupant l’espace public, en animant des ateliers de rue. La volonté est de favoriser un temps de partage où chacun se sente bien, se sente reconnu et puisse s’impliquer pour construire avec les autres, des relations positives, réaliser des actions qui répondent à des problèmes concrets.
Le rôle essentiel des pédagogues sociaux est de s’efforcer d’assurer un climat de sécurité et d’ouverture au dialogue au sein du collectif. Il s’agit de prendre acte de la réalité, telle qu’elle se présente sans décider de ce qu’il faut changer, ou améliorer. Les pédagogues sociaux considèrent les personnes rencontrées comme les principaux experts de la situation dont elles souffrent. Dans ces rencontres, rien n’est décidé à priori, programmé, nous accueillons tous ceux qui souhaitent nous rejoindre de manière inconditionnelle.
Nous ne plaquons pas une grille d’intentions décidée en dehors des réalités vécues par les personnes, des contextes que nous créons ensemble.
Nous n’avons pas d’intention particulière sur la manière dont ces temps collectifs doivent se dérouler, nous donnons par contre beaucoup d’attention à chacun. Quand on travaille dans la rue, on travaille dans la libre initiative des enfants, des parents. On travaille avec tous les âges en même temps et le travail qu’on produit est en phase avec l’environnement, il ne répond plus aux exigences d’une institution coupée du monde.
Et ainsi, au fil du temps, la parole se libère, des envies se manifestent, on réfléchit ensemble à d’autres possibles. On s’attache à transformer notre environnement tel qu’il est, en prenant conscience de nos chaînes de nos contraintes, ici et maintenant, ensemble.
« Les pédagogues sociaux démontrent patiemment par la pratique qu’une autre pédagogie est possible, qu’elle valorise et renforce les individus et les groupes, qu’elle arme les enfants contre la violence sociale, qu’elle lutte efficacement contre la solitude, l’auto-exclusion et la dépression ambiante. » (Laurent Ott)
Il s’agit de devenir auteurs ensemble, en s’engageant, en s’impliquant dans un processus, dans un rapport d’égalité, de sujets à sujets (« ….il s’agit d’être auteur de ses apprentissages, d’être créatif, de ne pas seulement s’adapter mais aussi de s’attacher à transformer l’environnement. » Laurent OTT)
Ainsi nous nous inscrivons tous ensemble dans un mouvement d’émancipation, de reprise en main de notre avenir commun.
Josiane Reymond, Terrain d’entente
6 sept 2015, josianereymond@orange.fr

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Faire ensemble société

Envisager l’avenir avec tous ceux pour lesquels rien n’est envisageable aujourd’hui.
Faire ensemble société.

 

« La justice n’a plus d’argent !!! ». Dans les services sociaux, c’est un argument considéré avec sérieux et accepté. L’agent qui a pour mission la protection de l’enfance, doit désormais le prendre en compte. L’état estime aujourd’hui les différentes prises en charges prévues pour répondre aux besoins des enfants en terme de cout. Il somme les institutions en charge d’assurer ces services d’envisager les mesures les moins onéreuses possibles. Les agents devant ainsi contribuer à des économies substantielles.
Hors, certains enfants manifestent aujourd’hui leur mal être en développant des troubles psychiques graves. Récemment, une jeune fille de 13 ans a été hospitalisée d’urgence en psychiatrie. Elle se mutilait aves toutes sortes d’objets, elle cherchait à se donner la mort. Elle va séjourner dans ce service pendant plus d’un mois, non pas que les soins hospitaliers soient une réponse adaptée à ses troubles. Au contraire, cet enfermement devient même une difficulté supplémentaire. Car ce service, faute de personnel suffisant, enferme les « patients » dans leur chambre par mesure de protection. Cette jeune fille va donc restée enfermée parce qu’il n’y a aucune solution de protection adaptée. Les lieux de placements sont littéralement saturés.
L’histoire de cette jeune fille, c’est l’histoire de milliers d’enfants dont les familles fuient la misère qu’elles subissent dans leur pays d’origine. Lorsqu’elles se retrouvent en France, elles vivent parfois pendant plusieurs années la précarité, l’incertitude du lendemain, l’errance…. Ces enfants se retrouvent meurtries et en souffrance ce qu’ils manifestent de façon parfois extrême. Mais il y a également tous ces enfants nés en France et dont les familles subissent une misère toujours plus profonde.
Les exemples se multiplient semaine après semaine, où il n’est plus possible de trouver des solutions de protection adaptées, parce qu’il n’y a plus d’argent pour les services sociaux, les services de soins……
Pourquoi devenons-nous aussi passifs et résignés face à ce système qui ne raisonne plus qu’en terme de chiffre et de cout ?
Nous avons perdu le sens de nos métiers centrés sur la protection des plus fragiles parce que nous ne comprenons plus l’évolution du cours de notre histoire. Les agents estiment qu’ils n’ont plus prise dans l’évolution de notre système. La réalité nous semble trop complexe, incompréhensible, inchangeable. Alors, pourquoi lutter ? Nous acceptons cette période
d’ austérité qui se prolonge et qui dégrade le travail de tous les services sociaux, les services de soin, les services de l’éducation nationale. Une austérité qui concerne en fait les couches les plus pauvres de notre société. Avec elle nous acceptons de perdre la notion d’intérêt général, la perte des droits humains fondamentaux. Il n’y a plus d’argent pour les services publics, pour le service à la personne et les multinationales réalisent des profits de plus en plus exorbitants, scandaleux, indécents.
L’état, pendant plusieurs décennies, a pu financer un système de protection sociale qui apportait des réponses à un certain nombre de difficultés. Ce système comportait évidemment de réelles limites, mais il tendait vers des rapports plus égalitaires. Les agents de ce système de protection étaient alors centrés sur les questions d’accès aux droits pour tous, et pouvaient ainsi chercher et trouver, avec les personnes en demande d’aide, des solutions pour régler certains problèmes.
Il y avait un certain consensus entre ces appareils de l’état et la politique sociale. On était ensemble attaché à défendre ce principe de justice sociale, d’égalité des droits, de dignité de la personne, et à y contribuer de façon concrète. On croyait alors en la possibilité d’améliorer les conditions de vie du plus grand nombre.
Depuis les années 80, nous assistons à un abandon de la politique pour la finance, au démentellement de toute une série de dispositifs consacrés à l’intérêt général parce qu’on a décidé de ne plus s’opposer à la main mise des multinationales sur la société.
Le système marchand a peu à peu contaminé tous les secteurs de notre société. Ce sont les chiffres qui parlent et nous font penser la réalité et non les besoins et les droits des personnes. De telle sorte qu’aujourd’hui, les agents pensent les différentes actions qu’ils doivent mener, en terme de cout, c’est ce qui leur est rappelé tous les jours. Chaque agent est encouragé également à optimiser son propre poste de travail.
Nous sommes investis par une autre « culture », celle de la rentabilité, de l’individu mu et développé par ses intérêts propres, de la responsabilité individuelle.
Ce qui devient inacceptable, ce n’est pas le fait que des enfants vivent avec leur famille, dans un état de dénuement très préjudiciable pour leur santé psychique. Ce qui devient inacceptable, ce sont justement ces familles qui viennent nous manifester leur incapacité à prendre soins de leurs enfants et dont les prises en charge représentent un cout pour la société qu’elle refuse aujourd’hui d’assumer. L’état refuse ainsi de prendre en compte un nombre croissant de nos concitoyens. Une partie de plus en plus importante de la société est abandonnée, oubliée. Il y a des quartiers de sans droits, sans voix, sans avenir.
Les acteurs de la pédagogie sociale ont choisi justement d’être présents dans ces quartiers, parce que cette présence représente une issue à cette fracture dévastatrice pour l’ensemble de notre société. L’issue c’est justement de rejoindre les personnes là où elles vivent, d’aller à la rencontre des gens pour construire avec eux des temps de rencontres.
L’issue c’est d’offrir un temps de présence de façon régulière, et de s’engager auprès des personnes que nous rencontrons semaine après semaine.
L’issue c’est de retrouver le chemin de ce qui nous est commun, et de chercher à transformer avec les personnes concernées ce qui est inacceptable : l’aggravation de la pauvreté pour de nombreuses familles, et toutes ses conséquences qui sont dévastatrices.
Cette présence régulière, tout au long de l’année permet de prendre la mesure de ce que vivent les familles pauvres aujourd’hui. C’est un combat au quotidien pour assurer les moyens de subsistance.
Ces sont des mères qui se déplacent à pied parce que les transports en commun sont trop chers, qui traversent la ville d’un bout à l’autre, pour acheter moins cher, qui consacrent leur énergie à faire des démarches administratives pour payer les factures incompressibles, pour faire valoir des droits qui sont toujours plus remis en question.
Et ce sont aussi ces mères, sur lesquelles on peut compter pour organiser un repas pour 150 personnes, pour se mobiliser pour renforcer notre équipe pour accompagner les enfants à un spectacle.
Malgré un quotidien éprouvant pour de très nombreuses familles où il faut mener une véritable bataille pour tenir, nombreuses sont celles qui arrivent, à partir de ces rencontres régulières, qui redonnent de la confiance, de l’assurance, à trouver l’énergie pour construire avec d’autres des solidarités indispensables. Elles ont la force et le courage de croire en un avenir possible avec tous, les différentes actions collectives abouties, en étant la confirmation.
De se retrouver ensemble, à la même hauteur permet une autre vision des familles et d’apprécier leur courage, leur sens de l’engagement, leur recherche permanente pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Ce qui devient inacceptable, c’est justement le fait que pour beaucoup, le manque de l’essentiel soit permanent. Ensemble, nous nous efforçons de créer les conditions de retrouver des possibles.
Ce qui est déterminant dans ces temps de rencontre, c’est la simplicité avec laquelle ils se déroulent. Nous disposons de peu de moyens, nous offrons juste une présence attentive, nous jouons, nous discutons, nous partageons des expériences. Cette simplicité met tout le monde au même niveau.
Et les liens qu’on tisse semaine après semaine, sont des liens qui se construisent dans un rapport d’égalité, d’investissement et d’implication personnelle. La préoccupation de l’un devient notre affaire à tous. Chacun contribuant à la résolution du problème.
Nous nous retrouvons ainsi à plusieurs pour prendre soin des enfants, à prendre part à leur éducation. C’est surtout ça pour nous, le soutien à la parentalité. Etre un collectif, se sentir concerné et agir ensemble sur les différents évènements qui traversent nos temps de rencontre.
Nous assurons ainsi de manière effective et collective, la protection des enfants. Nous connaissons depuis près de 4 ans, une mère qui vit seule avec ses trois enfants. Elle est en difficulté pour assurer leur éducation. Je l’encourage à faire une demande d’aide éducative depuis un certain temps. Mais cette mère a vécu avec ces différents services des expériences qui l’ont beaucoup blessée, où elle a senti qu’on estimait qu’elle était une mauvaise mère. Elle a pris alors le parti d’éviter ces services pour se protéger de ce regard jugeant.
Au sein de notre collectif, elle a compris, au vu des difficultés que traversaient différentes familles, et qui pouvaient les nommer sans honte et sans peur de se sentir juger, que l’éducation des enfants était un exercice très difficile. Elle a également entendu des paroles bienveillantes pour elle-même, avec différents membres de l’association. Des invitations concrètes pour qu’elle prenne soin d’elle. Autant de signes de reconnaissance de sa propre personne, qui lui manifestaient concrètement qu’elle avait du prix à nos yeux, et que c’était important pour nous qu’elle se sente bien.
Cette mère a récemment prit rendez vous avec la Maison des Adolescents. Nous étions présents au premier entretien pour l’encourager dans cette démarche difficile, où elle prenait le risque de manifester des difficultés.
Les actes que nous posons de façon très locale, très petite, ont une incidence sur l’ensemble et ont leur part dans la construction de rapports plus justes, plus humains et plus égalitaires. Les actions collectives, partagées, réfléchies avec d’autres sont de véritables perspectives pour notre avenir commun. Elles redonnent à tous et à chacun espoir, et désir de participer à notre propre émancipation.
La pédagogie sociale s’est engagée dans cette voie depuis plus d’un siècle. Nous portons un fort héritage avec Korkzac, Radlinska, Freire, Freinet…. Tous ces personnages qui se sont engagés avec les plus opprimés pour répondre à des injustices et tenter de transformer la société.
Terrain d’entente s’efforce, à son niveau, avec de très modestes moyens, de tenir cet engagement.
Josiane REYMOND Terrain d’Entente Janvier 2016

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« Comment construire un avenir commun ? »

Comment construire un avenir commun ?

« Dans le temps de leur impuissance, la folie meurtrière est l’inconscient des colonisés…. Cette furie contenue, faute d’éclater, tourne en rond et ravage les opprimés eux-mêmes. Pour s’en libérer, ils en viennent à se massacrer entre eux : le frère levant le couteau contre son frère, croit détruire une fois pour toute, l’image détestée de leur avilissement commun. »
Frantz Fanon « les damnés de la terre »
C’était l’époque de la colonisation en Algérie. Frantz Fanon y décrit la brutalité, la barbarie du colon et analyse les conséquences dévastatrices sur le peuple colonisé. «…. le frère levant le couteau contre son frère…. ». C’était ailleurs, dans un contexte très précis de territoire occupé, c’était il y a longtemps.

1. Au fil des années, une situation qui s’aggrave
Sur notre territoire, à notre époque, on constate des prémices de tendances semblables. Les colonisés, les dominés, un même destin ? C’est toujours compliqué, c’est toujours risqué les analogies, mais c’est l’occasion de chercher à comprendre, à mettre en évidence les dangers.
Dans certains quartiers populaires, les relations de voisinages se délitent, la tension s’aggrave, les personnes de même condition s’opposent, se jalousent, se vivent comme concurrentes les unes vis-à-vis des autres.
Dans certains quartiers populaires, on manque de tout, et surtout de l’essentiel. Des logiques de survie se développent. La vie est pour beaucoup une bataille sans fin, et souvent perdue. Les familles consacrent l’essentiel de leur énergie pour s’efforcer de boucler le mois, payer les factures, éviter les découverts sur le compte ….On sort de chez soi, on sort du quartier juste pour tenter de régler des problèmes. La plupart du temps ce sont les relations avec les administrations qui deviennent source de problème. Un nouveau papier est réclamé pour compléter le dossier qui conditionne l’accès à l’allocation qui auparavant ne nécessitait pas cette nouvelle contrainte. Ou bien le service relève un trop perçu, qui bien souvent est une erreur administrative. Ou bien le dossier a pris du retard, parfois même, il a été perdu !!! et l’allocation est suspendue…..entrainant des conséquences en chaine avec des impayés, des dettes… qu’il faudra tenter de résoudre, encore et encore.
A St Etienne, la CAF ne propose plus un accueil libre, les usagers doivent prendre rendez vous. II faut attendre souvent plus d’une heure pour espérer obtenir un rendez vous dans les 3 jours. Il n’y a plus de salle d’attente, les sièges ont été supprimés. Dans un grand hall, les gens font la queue, des mères avec des bébés, des femmes enceintes, des personnes handicapées, des personnes âgées. Souvent la tension monte, les remarques, les disputes, les mauvaises paroles volent. « Le frère levant le couteau contre son frère croit détruire une fois pour toute l’image détestée de leur avilissement commun ».

Il n’y a pas si longtemps, quand on parlait des quartiers populaires c’était pour mettre en évidence cette capacité à construire des liens d’entraide et de solidarité, où « il suffisait de frapper à une porte pour qu’elle s’ouvre ». Aujourd’hui, beaucoup de portes sont fermées, et quand on se risque à sortir, il y a bien souvent des conflits qui opposent les voisins entre eux. Les mères s’accusent entre elles d’avoir des enfants mal élevés…. Certaines explosent et se battent. « Elle m’a cherchée, je l’ai envoyée à l’hôpital !!! »
Certains enfants, certains jeunes ont effectivement des comportements irrespectueux, voire même manifestent entre eux, une grande brutalité, de la cruauté parfois. Nous savons depuis longtemps expliquer ce phénomène. On parle d’enfants « insécures ». Des enfants qui
semblent avoir un besoin permanent d’attention et de reconnaissance. Ces phénomènes violents ont été suffisamment analysés : l’insatisfaction du besoin de sécurité provoque l’addiction à la violence. La dévalorisation de soi entraine des symptômes anxieux, dépressifs.
Pour rendre supportable cette anxiété, l’enfant ressent le besoin de chercher à rendre l’autre faible, pour se sentir ainsi plus fort lui même. La délinquance, c’est la tentative du traitement de la dépression. Le passage à l’acte produit du plaisir et du soulagement, mais juste dans l’instant. D’où cette notion d’addiction à la violence.

Alors certaines familles pauvres n’arrivent pas à subvenir suffisamment aux besoins profonds de leurs enfants ? Comment peut-on imaginer qu’il en soit autrement ? Comment ces adultes malmenés et découragés pourraient-ils donner à leurs enfants ce qui est essentiel, cette nécessaire sécurité affective, qui permet d’envisager l’avenir avec confiance, alors qu’ils sont eux même dans l’incertitude du lendemain ? Alors que notre système actuel ne leur manifeste que mépris, dénis, défiance ?

2. Comment comprendre cette évolution ?

Cette époque obscure, où l’avenir semble encore plus inquiétant que ce que nous traversons déjà, nous sommes de plus en plus nombreux à le ressentir. La condition de vie dans les milieux populaires, avec son lot de précarité généralisé et global, semble annoncé ce qui attend le plus grand nombre. Ne serait ce que sur la question des conditions de travail, elles se dégradent dans tous les secteurs, privés et publics confondus. La loi travail, va provoquer une concurrence encore plus sauvage dans chaque entreprise et entrainer des conditions de travail de plus en plus dures et injustes, irrespectueuses des lois qui protègent les salariés, avec une menace permanente de licenciements. Les conditions de travail des fonctionnaires sont également profondément remises en question. Dans ces secteurs, il est question de gestion, la gestion des couts et de rentabiliser chaque poste de travail.

Partout on parle du cout du travail. Un travail qui conditionne des droits sociaux toujours remis en question. Un travail dont la pénurie est organisée et dont le manque met en cause des droits qui sont devenus vitaux.
Donc aujourd’hui la société est divisée entre une immense majorité de laissés pour compte et une caste de nantis qui dominent, décident sans partage. C’est ce que traduit le mouvement Podémos en Espagne, quand il parle de la situation du peuple face à l’oligarchie, la caste. Dans son analyse politique et sociale, il encourage à politiser les conditions individuelles de vie pour permettre à tout un chacun de comprendre le système, et se donner ainsi les moyens de sortir ensemble de l’impuissance et de l’impasse.

3. Des acteurs sociaux se mobilisent pour construire, produire, transformer

Aller à la rencontre de ces quartiers délaissés, offrir une présence régulière, c’est l’engagement tenu dans la durée des pédagogues sociaux, et de Terrain d’Entente à St Etienne. Cette forme de présence dans l’espace publique, permet de voir, de comprendre et de mettre en lumière ce qui nous est caché. Ce scandale des injustices sociales, des rapports d’inégalités qui détruisent des vies entières. C’est également l’occasion de comprendre ensemble notre condition commune. Il est temps de multiplier ces initiatives, de construire des espaces de rencontre où on fait les choses ensemble.
« Il faut inventer des tables rondes, à la manière du roi Artur, où les gens peuvent abandonner les armes en entrant.», suggère Philippe Meirieu. Il poursuit : « C’est par le faire ensemble qu’on retrouve le commun qui permet de se parler, de rétablir la confiance. « Faire », plutôt que « vivre ensemble », retrouver ainsi un intérêt commun autour duquel les gens s’investissent. Notre société a perdu le sens du faire ensemble. Il faut reconstruire une écologie de l’attention collective. »

Politiser les expériences de vie de chacun, construire des tables rondes, occuper l’espace publique et faire sortir les gens de chez eux.
L’espoir est ténu, il disparait parfois. Pour les familles des milieux populaires, l’espoir c’est surtout de pouvoir offrir un avenir meilleur pour leurs enfants. Alors certains arrivent à se mobiliser par exemple, autour de rencontres avec des enseignants pour parler de la scolarité des enfants, pour organiser des sorties…. Nous mesurons chaque fois l’effort fournis par ces adultes qui trouvent l’énergie de s’arracher à leurs préoccupations du quotidien pour réfléchir avec d’autres et mieux comprendre, pour trouver des solutions. Un effort qui met en évidence la volonté de dépasser, d’échapper à cette condition intenable et indigne. Une ressource qui permet de continuer à croire que c’est possible.

Depuis près de 3 ans, les rencontres au « café des femmes » permettent de mettre en évidence les préoccupations. Chaque Vendredi, nous nous retrouvons parfois à 25 autour de la table pour évoquer des questions de sociétés, nos inquiétudes face à l’avenir de nos enfants, nos besoins d’aide concrète, notamment autour des démarches administratives, nos envies. Nous faisons ainsi de la politique à hauteur d’hommes, en développant nos capacités à nous parler, à nous efforcer de comprendre et de respecter le point de vue de chacun. Nous nous organisons ensemble pour construire et réussir des projets. Nous rions beaucoup, nous pleurons aussi, souvent !!!.

Nous arrivons de plus en plus à nous organiser pour prendre soin des enfants, pour exercer collectivement notre responsabilité dans leur éducation et leur protection. Nous construisons une communauté éducative pour assurer au mieux ce besoin de sécurité affective.
C’est un immense chantier qui se construit pas à pas, avec des retours en arrière, avec des doutes et des frustrations. Si des solidarités se construisent, elles ne suffisent pas à combler les besoins, à régler les problèmes qui s’accumulent et s’aggravent pour beaucoup. Parce qu’il semble que chaque fois que nous arrivons à prévoir et réaliser quelque chose, ça met en évidence tous les besoins insatisfaits et nous nous sentons souvent seuls, trop seuls pour tenir cet engagement dans la durée. Ce qui nous met en danger, le danger de ne pas arriver à poursuivre cet effort, faute de moyens nécessaires.
Mais il n’y a rien d’autre de possible, face à cette situation inquiétante, que de construire cette démarche particulière. Une démarche où nous construisons du commun. Où chacun est pris en compte dans son combat, ce qui donne une chance de lui permettre de sentir possible de le mener avec d’autres. Il s’agit d’être très attentif à ce qui se manifeste, et ouvrir chaque fois que possible des espaces pour mettre en évidence des questions qui sont communes à beaucoup. Nous allons par exemple engager prochainement une réflexion sur les conditions de travail des femmes de ménage et tenter d’éviter que pour ces salariées, les liens de subordination ne deviennent des liens de soumissions à des conditions inacceptables et indignes. Nous allons également développer des espaces de création artistique avec les enfants, grâce à la présence d’une comédienne professionnelle.
Nous sommes tous concernés parce que nous sommes le peuple.

Il est urgent de construire des collectifs, une communauté d’intérêt et de conditions. A l’échelle de chaque territoire, nous pouvons mutualiser nos compétences et nos expertises. Ce que souffrent aujourd’hui les familles les plus fragiles des quartiers populaires, nous concerne tous totalement. Si nous ne nous mobilisons pas tous ensemble sur ces questions urgentes, nous nous retrouvons dans la même impasse terrible que décrivait Frantz Fanon. « Le frère levant le couteau contre son frère….. »

Pour l’association Terrain d’Entente

Josiane GÜNTHER
josianegunther@orange.fr

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