Terrain D'entente

Les enfants du chaos…. Les enseignements et les actions qui en découlent….

En septembre 2016, Terrain d’Entente a fait la proposition à la médiathèque de Tarentaize, d’inviter Alain Bertho pour parler de son dernier livre, « les enfants du chaos ». Ce qu’il évoque de la situation sociale et politique rentre en résonance avec la grille d’analyse et la démarche portée par la pédagogie sociale.

Alain BERTHO est anthropologue, il enseigne à l’université Paris-8 et consacre ses travaux aux mobilisations urbaines et aux émeutes. Il a publié comme dernier ouvrage, « les enfants du chaos. Essaie sur le temps des martyrs »

Dans cette analyse, Alain Bertho situe les derniers évènements meurtriers du mois de Novembre à Paris à partir de différents épisodes de notre histoire.

« Toute une partie de la jeunesse française est constituée de petits-enfants ou d’arrières petits enfants de personnes venues des ex-colonies françaises pour travailler en métropole et que l’on a traitées comme des chiens lorsque l’industrie a commencé à battre de l’aile. Quelque chose s’est constituée sur quatre générations autour de stigmates accumulés dans une population que l’on n’a jamais considérée comme complètement française. Aujourd’hui, une partie de cette population revendique une fierté et une identité à travers l’islam.

A cela s’ajoutent les désillusions et la perte d’avenir qui touchent tous les jeunes, et pas seulement ceux qui sont nés dans des familles de culture musulmane.

On a pu observer une réislamisation de populations des banlieues après les émeutes de 2005, liée à la façon dont on a géré ces événements. La quasi-totalité de la classe politique de l’époque a estimé qu’il était scandaleux de brûler des voitures bien avant de s’indigner de la mort de deux enfants. Cette priorité accordée aux voitures incendiées a eu un effet symbolique dramatique sur la jeunesse des quartiers, que l’on a laissée seule.

Cette expérience collective a sans doute eu un effet souterrain largement sous-estimé. Le passage à l’acte s’inscrit dans un contexte historique, social et culturel. »

Dans ses recherches, Alian Bertho interpelle les acteurs de l’action sociale

« L’urgence n’est pas de « déradicaliser » une poignée de jeunes que l’on aura isolés des autres, mais d’accompagner les milliers de jeunes aujourd’hui en rupture et en danger, et d’imaginer des solutions permettant une remédiation générale. Il faut travailler au plus près de ces jeunes, et pour cela on devrait recruter en masse des travailleurs sociaux. »

Nous n’avons pas la prétention d’imaginer que la pédagogie sociale va mettre daech en difficulté, hélas. Mais nous souhaitons prendre notre part de responsabilité dans les questions qui nous sont posées par notre époque. La question des conséquences dévastatrices pour les populations qui sont discriminées, dans ces quartiers relégués qui concentrent la misère, et où il ne semble plus y avoir d’espoir d’un avenir meilleur. Nous pouvons affirmer aujourd’hui à partir de ces 6 années d’expérience sur le quartier, que c’est possible de faire tous ensemble société, que lorsque des espace sont ouverts, les gens sortent de chez eux, se mobilisent pour réaliser des projets avec d’autres, pour construire des relations d’entraide et de solidarité. Et nous allons tous ensemble bien mieux en construisant ce climat de confiance et de reconnaissance mutuelle. Un collectif multiculturel, qui est porteur d’avenir

Nous avons souhaité proposer ce temps de rencontre parce que nous ressentons une urgence à réagir face à la menace actuelle.

Une double menace en fait, celle des folies meurtrières qui se multiplient partout et que rien ne semble pouvoir arrêter, et celle de la réponse exclusivement répressive de notre gouvernement.

Le maintient de l’état d’urgence est en train de transformer nos rapports sociaux en grande peur de l’autre. Plus on s’enfonce dans l’ordre sécuritaire, plus la politique apparaît comme une guerre que l’état mène à la société. Il ne semble plus y avoir de limite à la stigmatisation des musulmans.

Tout dans leur comportement irait à l’encontre des valeurs fondamentales de notre pays. Mais on fait peu de cas de ces valeurs dans des débats plus déterminants quant à notre devenir.

Que dire de l’égalité, face au passage en force de la loi travail?

Que dire de la liberté alors que l’état d’urgence est constamment renouvelé?

Que dire de la fraternité avec la stigmatisation d’une partie de la population?

Que dire de la laïcité quand elle sert systématiquement d’arme contre les musulmans?

Des initiatives existent, qui pensent et expérimentent d’autres formes d’intervention sociale. Cette rencontre est l’occasion de réfléchir ensemble à l’impact d’une démarche particulière qui mobilise de nombreux acteurs sur différents territoires : la pédagogie sociale. Démarche dans laquelle l’association terrain d’Entente est engagée depuis 6 ans, sur le quartier Tarentaize/Beaubrun.

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1001 Territoires, pour la réussite de tous les enfants à l’école

Il y a 5 ans, un comité « pouvoir d’agir » s’est crée, à Paris, à partir de différents constats: les enfants des milieux populaires sont massivement en difficulté à l’école. Il n’y a pas d’espace pour se parler entre enseignants et parents. Les attentes par rapport à l’école sont différentes dans les deux milieux. Beaucoup de rendez vous manqués pour pouvoir mieux se comprendre. Des convictions étaient également mises en évidence: chaque enfant, dès 3 ans a toutes les capacités pour rentrer dans les apprentissages scolaires. Il est nécessaire de créer des conditions d’accueil des familles dans l’école pour construire des liens de connaissance et de reconnaissance mutuelle. La co éducation à l’école est possible et incontournable pour offrir les meilleures conditions d’apprentissage aux enfants.

Cette action part donc de la volonté de constituer une communauté éducative. Construire un collectif, avec les parents et tous les partenaires concernés par l’éducation, pour aller ensemble dans le même sens, pour le bien être des enfants. Les parents, les structures de quartier, sont complémentaires de l’école.

Sur le quartier Beaubrun/Tarentaize, la proposition au cours des différents échanges qui rassemblent les partenaires de l’éducation (parents, associations, DRE, REP), a été de faire des constats sur la façon dont chacun vit l’école. Ce qui fonctionne bien, ce qui est difficile, ce qu’on voudrait voir changer, les propositions éventuelles.

Depuis Avril 2016, des rendez vous réguliers se déroulent au centre social du Babet en présence des parents, des enseignants, de Terrain d’Entente, du DRE et du REP. Depuis le début de ces rencontres, la parole a pu circuler de manière positive. Elle est due pour bonne partie à la qualité de présence des parents. Ils ne sont pas venus pour dénoncer, mettre en cause les capacités pédagogiques des enseignants. Ils ont su exprimer leur difficulté à bien comprendre le fonctionnement de l’école, il ont mis en évidence les contraintes qui les empêchaient de participer aux rencontres proposées dans l’école (la garde de leurs enfants en bas âge, leur honte pour certains, face à leur manque de compréhension de la langue française, de la lecture et de l’écriture….) On peut repérer une évolution rapide de ces temps de rencontres, les échanges se vivent de manière horizontale, chaque adulte présent exprime sa façon de comprendre la situation, fait des suggestions, prend position.

Nous avons, à partir de ces échanges, mis en place des actions qui deviennent pérennes. Notamment la présence des parents dans chaque école, une matinée par semaine, prévue sur le temps de décharge des directrices de façon à créer des rencontres régulières, pour permettre des échanges entre le représentant de l’école, d’un partenaire responsable de l’éducation et des parents: « les espaces info parents ».                                                                                                     Nous avons pu mesurer la volonté de nombreuses mères de famille à se mobiliser pour prêter main forte à des adultes plus en difficulté pour s’adresser à la bonne personne, au service concerné pour réaliser les démarches nécessaires à la scolarité de leurs enfants. Cette capacité à renoncer au programme de la matinée pour certaines et d’accompagner une mère qui n’arrive pas à s’orienter vers le service administratif adapté.                                                                                   Nous commençons à envisager des temps d’animation au sein des écoles pour répondre à des préoccupations de parents. Des temps de jeux, entre adultes, pendant le temps scolaire sont déjà engagés à l’école de Tarentaize. Ces rencontres tentent de répondre aux préoccupations des parents de pouvoir aider leurs enfants dans les apprentissages.                                                        Tout le monde connait des jeux, beaucoup en pratiquent. L’objectif est que ces temps s’organisent le plus possible sous forme d’échange de savoir. Il est question d’imaginer des temps de réalisation de jeux pendant « les espaces info parents ».

« Travailler ensemble, produire ensemble, ce n’est pas seulement apprendre comment faire les choses, mais aussi trouver ensemble l’énergie et la raison de le faire ». (Laurent OTT)

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Tournoi de foot pour la Palestine

Samedi 27 Aout 2016, Terrain d’Entente a organisé un tournoi de foot à l’Etivallière, en soutien au peuple palestinien, en partenariat avec le collectif BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions)

Durant l’après midi, 200 personnes sont venues soutenir cette action, nombre ont participé au tournoi dont une équipe de mères de Terrain d’Entente.

12 équipes de foot ont répondu présent à l’invitation de Terrain d’entente. 6 équipes d’adultes et 6 équipes d’enfants se sont affrontées durant l’après midi sous l’œil bienveillant des spectateurs venus déguster quelques gâteaux réalisés par les bons soins des femmes de Terrain d’Entente.
A la fin de la journée, les gagnants du tournoi de foot se sont vus remettre des drapeaux, des écharpes et autres accessoires aux couleurs de la Palestine.
Entre les rires, les discussions, et la solidarité, on peut donc dire que cette journée fut une réussite.

Au fil des années, à force de réaliser des projets qui aboutissent, nous prenons conscience que le collectif est une force et qu’il rend possible des actes qui peuvent être source de transformation.

C’est pour cette raison que nous avons senti possible d’être à l’initiative de cette journée : un tournoi de foot, qui rassemble largement, en soutien au combat pour l’égalité et la justice du peuple palestinien, contre l’apartheid.

Nous nous sentons particulièrement affectés, touché dans notre dignité, par ce que subit ce peuple depuis si longtemps. Il est victime de la barbarie raciste la plus brutale et la plus destructrice grâce au silence et à l’inaction complice de la communauté internationale officielle. Il faut que ça cesse.

Nous soutenons donc l’action de boycott lancée depuis plus de 10 ans et qui rayonne au niveau international, parce que nous estimons que c’est un moyen de lutte à la portée de chacun et qui a fait les preuves de son efficacité. Nous croyons possible grâce à cette immense mobilisation citoyenne que le peuple palestinien retrouve sa liberté et sa dignité. Nous avons conçu ce tournoi comme une contribution à ce mouvement porté par BDS.

Le bénéfice des gâteaux et jus de fruits vendus est donné à BDS, soit 155 euros. Gâteaux réalisés par les femmes de Terrain d’entente.

Il faut remercier d’abord les enfants de Terrain d’Entente, qui ont eu envie de réaliser ce tournoi sur « un vrai terrain de foot », ils ont participé concrètement et très sérieusement à son organisation, motivés par cette cause.

Il faut remercier toutes les mères qui ont participé activement à l’organisation de cette rencontre.

Et nous remercions tout particulièrement la présence de Monira et du collectif DBS, Boycott, Désinvestissement, Sanctions qui s’emploie à isoler Israël pour que cesse les politiques d’apartheid et de meurtre.

Josiane GUNTHER, Hedi ZENNAF

 

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Clip de RLM-Hiver Arabe

Pour la première fois cette année, notre collectif était invité à participer au tournage d’un clip de rap.

C’est donc avec grand plaisir que nous avons répondu à l’appel du rappeur RLM, un artiste stéphanois aux textes engagés. Cet après midi la, une trentaine de membres de Terrain d’Entente était présent au chateau de Roche-La-Molière.

Sur place, une centaine de personnes étaient réunies pour l’occasion. Un atelier créatif était proposé à tous, afin de pouvoir écrire un mot ou faire un dessin pour proner la paix dans le monde.

Adultes et enfants souhaitaient exprimer leur indignation et leur volonté de se mobiliser lorsqu’une situation nous paraît inacceptable.

Après un peu plus de trois heures de tournage, le clip était tourné et nous avons partagé un gouter tous ensemble en profitant d’un spectacle de danse proposé par une troupe locale.

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Terrain d’entente, c’est ça…

Le témoignage de Fyala sur le « café des femmes »…
lundi 20 février 2017, par Lucile Paysant

 Ce témoignage a été recueilli par Lucile Paysant, comédienne, et mis en voix lors du colloque « pédagogie sociale » sur Stanislaw Tomkiewicz en novembre à Paris. 

-  Alors, je sais pas, est-ce que tu veux te présenter ?

D’accord je me présente, je m’appelle Fyala, je suis maman de cinq petits enfants dont une c’est une petite mais en premier quand j’ai connu « Terrain d’entente » j’avais seulement quatre enfants. Je venais de venir d’Algérie en 2014. Je connaissais personne et mes enfants avaient des difficultés à faire des amitiés, des connaissances avec des jeunes garçons tout ça. Et en allant sur le terrain (j’allais au parc seulement pour que mes gosses s’amusent) là y’avait « Terrain d’entente » que je connaissais pas du tout. Et je voyais des personnes avec des grandes caisses rouges et des enfants tout autour en train de jouer. Et moi je me demandais : « Mais qui est-ce ces gens-là… ? » . Et je n’arrivais pas, ni à comprendre, ni à expliquer qui était vraiment « Terrain d’entente ». Et c’est là qu’un jour j’ai remarqué une fille qui était avec « Terrain d’entente », des fois elle était sur le terrain, des fois à la bibliothèque, elle racontait des histoires, elle s’occupait des petits et c’est là que je me suis approchée d’elle et je lui ai dit : « Mais qui vous êtes ? … Je vous vois mais je comprends pas … vous êtes qui ? Une association ou quelque chose comme ça ? »
Là elle m’a raconté en deux trois mots, qui était « Terrain d’entente » et elle m’a invité à les rejoindre sur le terrain les samedis et les mercredis après-midi. Et puis il y avait aussi un « Café des femmes ». Alors j’étais très contente pour mes gosses avant d’être contente pour moi ; et puis le mercredi après-midi j’ai emmené toute la famille sur le terrain et j’ai fait connaissance, Josiane qui s’est approchée, m’a fait la bise, m’a parlé de Terrain d’entente, après aussi Claire, et ça m’a fait très plaisir parce que moi aussi j’étais seule sur Saint-Etienne, j’avais ni parents, ni famille, ni rien. Et c’était pour moi une rencontre d’une nouvelle famille. Pour moi et pour mes enfants. C’est comme ça que j’ai fait la connaissance de Terrain d’entente.

Cliquer sur la photo pour l’agrandir
Les 26, 27 et 28 janvier, des enfants de Terrain d’entente, des enfants du quartier de Tardy, des adultes amateurs et des membres du collectif X se sont rassemblés pour raconter ensemble, d’une même voix, l’histoire des péripéties d’Ulysse et ses marins dans une Odyssée revisitée par (la plume d’) Agnès D’Halluin. Deux heures et demi d’aventures, de chants, d’impro, de jeu pour traverser ce récit avec les spectateurs. Ci-dessus « le chant des sirènes » chanté par tous les marins, dont ceux de Beaubrun-Tarentaize, pour faire face aux envoûtements des Sirènes… Photo : Anne Pellois.

-  D’accord, et du coup tu allais au Café des femmes ensuite ?

Ensuite la semaine qui est suivante elle-même je suis partie au Café des Femmes, et là j’ai fait la rencontre des « mamans ». C’était des dames comme moi, qui portaient le foulard, qui venaient aussi du pays, qui avait aussi le mal du pays. Et là ça m’a plu. J’ai fait des connaissances de beaucoup de femmes, on a parlé ensemble et on est devenues des amies. Maintenant on se voit dehors, on se connait tu vois on est une même famille maintenant c’est sûr. Saint-Etienne on a notre propre petite famille. Nous sommes des gens sans famille, on a quitté le pays avec les familles, avec les parents, avec les sœurs et frères et on s’est retrouvés dans un pays tous seuls.

-   Et comment tu présenterais le principe de ce café à des gens qui connaissent pas ?

En tous cas ce café là pour moi il forme une puissance quand on est tous ensemble. On partage beaucoup de choses ensemble. On partage surtout nos joies ensemble, nos peines, si on veut on se confie, entre nous, mais des fois par exemple si y’a quelqu’un qui est malade, je sais pas moi, on lui trouve des remèdes… Tu vois c’est vraiment une belle chose le café des femmes, moi en tous cas ça me fait beaucoup de bien. Ça permet de boucher un trou vide qui était en moi. J’avais vraiment en moi. J’avais un grand vide. Pas de famille… ça m’a rempli ce vide-là. Ça me l’a rempli. C’est pour ça que maintenant c’est un manque pour moi d’être éloignée comme ça. Je me rappelle que Claire elle pleurait quand je lui ai dit que je déménageais, parce qu’elle disait : « C’est fini, tu pourras plus venir, c’est trop loin, c’est trop loin, t’auras un bébé » tout ça. Mais moi je comprenais pas, je disais : « Mais non, je serai là ! Je serai là ! » Et maintenant je suis un petit peu éloignée, ça fait du mal mais j’essaie de revenir et de respirer « hhhhhhhumm… » comme si un poisson qu’on remettait dans l’eau. Mais je suis sûre que ça va continuer le « Café des femmes » en tous cas pour moi. J’espère que ça va continuer, parce qu’on évolue, toutes ensemble, on va voir que y’a une idée, quelqu’un pense à quelque chose , et on est tous de notre force pour réaliser cette chose-là.
Et c’est bien pour nous. Pour des dames. Des dames. Parce qu’on est toujours en silence nous. On essaye …. Même si on pense des choses, on pense au fond de nous. On essaye pas vraiment de l’ « éclorer ». Le « Café des femmes » lui il nous permet de « éclorer » nos pensées, nos idées. Par exemple, on va vouloir faire quelque chose, eh ben on arrive à le faire, tous ensemble, main dans la main et ça, ça fait beaucoup de bien. On réalise des choses ensemble. Ça c’est bien ça. Ça fait du bien. Ça, ça me fait beaucoup de bien.

-  Oui ça se voit ! Et c’est quoi les projets que tu retiens, qui ont été construits tous ensemble dans le « Café des femmes » depuis que tu y es ?

Deux choses vraiment qui m’ont touchée dans le « Café des femmes » qu’on a réalisé ensemble : c’ était « la soupe de l’amitié » . C’était à cause de l’attentat de « Charlie hebdo » et on se sentait mal, nous, les dames qui sortent en foulard. On se sentait mal parce que c’est comme si on portait notre religion comme ça là (mime d’un plateau) alors que nous on y est pour rien… Y’a même une dame qui voulait plus sortir. Elle voyait les gens la regarder mal et tout ça. Et y’a eu Josiane qui m’en a parlé à moi la première, elle m’a dit regarde les dames… – « Est-ce que c’est pour les religions qu’on fait ça ? » elle a dit : « Non c’est pas pour les religions, c’est pour dire à tout le monde que même si on a certains notre religion, on peut vivre ensemble. » A cause de ces attentats du centre-ville, on va faire une grande soupe d’amitié, l’offrir à tout le monde et on va parler de ce qu’on pense, de tout ça. Et la soupe elle a vraiment réussi. Y’a eu beaucoup de gens. C’est passé dans le journal. Ce jour-là m’a touché à moi. J’ai senti qu’on avait réalisé quelque chose. On avait parlé de quelque chose.
Et la deuxième chose aussi qu’on a réalisé c’était pour la Palestine. De cotiser pour la Palestine. De parler de leur souffrance, qu’il fallait faire quelque chose, main dans la main. Et on a tenu un « p’tit truc » ensemble : on a préparé des gâteaux, tout ça, on les a vendu à des prix symboliques, mais on a pu ramasser une petite somme d’argent pour l’offrir à l’association BDS*. Et on s’amuse aussi d’un autre côté, on a fait deux coups ?… « D’une pierre deux coups » ! D’un côté on s’est bien amusé, nous les dames on a fait du foot. Des dames de plus de 40 ans en train de courir derrière une balle (rires) ! ! Et les gens qui nous regardent, et on a tout laissé derrière nous, on se voyait même pas comme on était ! Et aussi on a cotisé. On a donné de nous. Pour cette cause-là. Main dans la main. On s’est bien amusé et on a cotisé de l’autre. Ça c’est ce qui m’a plu.

Y’a aussi un autre côté dans le « Café des femmes », il réalise des hammams aux dames, des sorties, et d’autres choses. Moi, pour moi avec ma famille sur le dos, mes enfants tous petits, ça m’intéresse pas vraiment. Tu vois pour moi hein. Les autres ça leur intéresse parce qu’ils sont coincés ici, ce sont des familles qui n’ont pas de papiers, ils peuvent pas retourner maintenant voir leur père leur famille tout ça, et faire des vacances, offrir des vacances à leurs enfants tout ça, et grâce à ces sorties-là eux ils se sentent bien. Ils font des sorties, ils vont au bord de l’eau, ils font des pique-niques. C’est aussi un manque qui est en eux. Et ce côté-là … moi maintenant avec mon petit et tout ça, je peux me priver de ça. Ce côté-là. Mais ce que je peux pas me priver, c’est : le « Café des femmes » ! Mon petit café devant moi ! Ou alors…de faire des choses pour l’humanité.
Et ce qui touche beaucoup. Tu vois, moi je suis suivie au Conseil général, et ils me demandent toujours « Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? » Alors moi je dis : « Moi je suis une mère au foyer, mais je suis dans une association, on fait des trucs ensemble. » Alors il me regarde il me dit : « Une association euh… musulmane madame.. ? » Je dis : « Pas du tout ! ! Une association où il y a toutes les religions, où se sont même des français qui la tiennent. » Le gars il en revenait pas. Il croyait peut-être qu’une femme comme moi elle ne pourrait pas faire autre chose avec des autres gens. Peut-être lui il peut pas imaginer qu’on peut faire malgré tout, et c’est ça qu’est-ce qu’il nous offre le « Café des femmes » et « Terrain d’entente ». C’est que malgré notre couleur, notre religion, notre âge et tout, on peut faire beaucoup d’choses ensemble. Et on se sent bien. On se sent ni rejeté ni…
Tu vois aussi par exemple : tellement que la vie est dure et tout, les gens ils aiment bien quand c’est tout gratuit. Ça donne envie aux gens de venir là parce que c’est gratuit, parce que les gens maintenant ils souffrent avec la crise du travail.
On a tous de l’argent, de quoi manger. Mais on peut pas tout se permettre. « Terrain d’entente » il permet des sorties, du hammam. Y’a beaucoup de dames parce qu’ils ont pas vraiment les moyens. Et du coup il y en a de plus en plus et ça aussi c’est bien. C’est surtout bien pour les gens qui n’ont pas vraiment les moyens. Ça aussi ça me plait dans le « Café des femmes » faut rien payer, c’est gratuit. Quand notre soupe était gratuit les gens n’en revenaient pas. Après ils disaient : « Alors, alors, combien je mets ? » – « Gratuit ! ! Gratuit ! ! » Et après ils disaient : « Non, non, je veux mettre quelque chose ». Par exemple, ils demandaient si y’avait une caisse. Y’avait pas de caisse, c’est gratuit. C’est ça, ça touche aussi tu sais ça. Cette gratuité là, ça me touche moi. Moi j’aime aussi les choses peuvent être gratuites. Pourquoi toujours avec l’argent là comme ça ? Ça aussi ça me plait. Dans cette association. Ca me plait. Moi dans les autres associations qui ont connues mes idées tout ça, ils me demandent de rentrer dans leur association mais moi je dis : « Non, c’est celle-là et j’y reste. » Ils disent : « Si si » Je dis : « Non non ! »

 

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Article de BastaMag sur Terrain d’Entente

« Dans un quartier populaire de Saint-Etienne, des « ateliers de rue » sont proposés régulièrement aux enfants. Leur principe : un accueil libre, inconditionnel et gratuit. Sur cet espace en milieu ouvert, les enfants, parfois accompagnés par leurs parents, sont invités à prendre des initiatives et à coopérer. Ces ateliers s’inspirent d’une pédagogie sociale visant à expérimenter de nouvelles façons de vivre et d’éduquer collectivement, avec tous les âges et à partir de toutes les cultures. Cinq ans après leur mise en place, ces pratiques d’émancipation, qui recréent aussi du lien entre adultes, gagnent du terrain, mais sont peu soutenues par les politiques. Un « café des femmes » a également ouvert. Reportage.

Difficile de trouver l’espace de jeux du quartier de Tarentaize, bordé par un boulevard urbain d’un côté, abrité par une grande médiathèque de l’autre. A mesure que l’on s’approche, les cris des gamins disputant une partie de foot recouvrent le bruit des voitures ralliant Saint-Étienne. Aux abords du terrain, des enfants affluent pour aider à déplier les tapis de jeux fournis par l’association Terrain d’entente. Des sourires gagnent les visages à la vue des diabolos, jeux de société, slackline (sortes de cordes pour funambules), instruments de jongle et autres coloriages… Depuis cinq ans, l’association propose des ateliers de rue, les mercredi et samedi après midi, tout au long de l’année. Avec un principe clé : l’accueil est libre, inconditionnel et gratuit.

« Les enfants partent et viennent librement, les différents jeux sont à leur disposition », relate Josiane Reymond, fondatrice de l’association. « C’est parti d’une demande des enfants, qui nous disaient qu’il n’y avait rien pour eux. » Tarentaize, à l’ouest de Saint-Etienne, est considéré comme l’un des quartiers les plus en difficulté de la ville, avec un taux de pauvreté dépassant les 43% [1]. « Beaucoup d’habitants voudraient partir, nous sentons que les enfants souffrent, la vie est dure. Au lieu de regretter que les gens ne se mobilisent plus, nous avons décidé d’aller à leur rencontre. Nous sommes venus avec des tapis et des jeux, au pied des immeubles, en nous demandant : quelle légitimité peut-on avoir en n’étant pas du quartier ? » La réponse, l’association l’a trouvée dans la présence grandissante d’enfants lors de ces ateliers installés dans l’espace public.

Pour les enfants, ces ateliers de rue ne sont pas seulement un moment de jeu, mais aussi un temps pour évoquer leurs préoccupations et leurs envies. « Ils sollicitent notre présence pour certains conflits », observe Josiane. « Nous nous référons aux outils de la pédagogie sociale pour aider les enfants à construire des relations positives, traverser les conflits de façon à ce que chacun trouve sa place au sein du collectif. » Derrière le concept de « pédagogie sociale », on retrouve des figures comme le pédagogue Célestin Freinet [2]. Aller à la rencontre de quartiers délaissés, offrir une présence régulière, favoriser l’émancipation individuelle et collective, c’est l’engagement tenu dans la durée par les pédagogues sociaux. « Nous ne sommes plus dans la distance mais dans la proximité, nous ne sommes plus dans la défiance mais nous construisons au fil du temps des relations de confiance et d’estime réciproques », explique Josiane, qui s’appuie fortement sur les travaux de Laurent Ott, chercheur en travail social.

« Chacun possède un petit bout de l’histoire d’un enfant »

L’association Terrain d’entente propose de partir des idées des enfants, et de compter sur tout le monde pour les réaliser. Ce jour-là, Youssef, un jeune adolescent, reparle de son envie d’organiser une chasse au trésor. Saad, stagiaire chez Terrain d’entente, propose de l’aider avec d’autres enfants. « Des projets deviennent possible avec la participation de tous, notre petite équipe, les enfants, les adultes, souligne Josiane. A force de tâtonnements, on trouve peu à peu la meilleure façon de se retrouver collectivement. Nous organisons des « conseils » avec les enfants, pour discuter de la manière dont les choses se passent. » Un « bâton de parole » y circule entre enfants, seul celui qui tient le bâton est autorisé à parler.

A la différence des centres de loisir, le travail mené par l’association Terrain d’entente se mène dehors, sur l’espace public, sans aucune barrière de protection traçant une frontière entre intérieur et extérieur. « Souvent, quand on ne sait plus quoi faire avec un gamin, on le met dehors, observe Josiane. La sanction, nous la dégainons tous, mais ça ne règle rien : les gamins se sentent exclus, abandonnés. Être dans l’espace public nous rend d’une certaine manière plus intelligent. Nous finissons toujours par trouver une solution. » L’équipe organise au moins deux réunions par semaine pour faire le point. « Chacun possède un petit bout de l’histoire d’un enfant. Nous cherchons ensemble l’attitude la plus adaptée face à des gamins parfois très tendus. »

« Nous nous sommes efforcés d’entendre, de comprendre »

Josiane évoque l’exemple de Sonia*, une jeune fille de 12 ans, la plupart du temps agressive avec les autres enfants mais aussi avec les adultes. « Notre première intention a été le rappel au cadre, l’exclusion de certains jeux, ce qui a redoublé sa rage. Puis, nous nous sommes efforcés d’entendre, de comprendre. » Sonia s’est peu à peu confiée sur les problèmes de sa famille, sa détresse. « Nous avons partagé sa peine, son sentiment d’injustice, de ne pas se sentir aimée. Et comme la plupart des enfants lorsqu’ils se sentent entendus, pris en compte, elle s’est reconnectée à ses envies. » Sonia voulait construire un atelier coiffure et beauté. « Lors de cette première journée réalisée à son initiative, elle s’est montrée très attentive aux autres, s’efforçant d’intégrer tous ceux qui souhaitaient profiter de ce nouvel espace. Elle a pu manifester une autre et très belle, très touchante part d’elle-même. »

Face à des familles en difficulté, de plus en plus isolées, Josiane estime que l’éducation des enfants « concerne tout le quartier ». « Les parents ne peuvent pas consacrer toute leur énergie à s’occuper des enfants, ils ont plein de choses à tenir pour assurer le quotidien : de nombreuses démarches, des préoccupations, ils sont parfois épuisés. Notre présence auprès des enfants, deux après midis par semaine, constitue un petit relais auprès des parents qui le souhaitent. On se sent concernés et on agit ensemble sur les différents évènements qui traversent ces temps de rencontre. » Ce collectif permet de faire sortir les gens de chez eux, de créer des liens de confiance et de compter sur d’autres. « Certains nous disent que nous rendons les parents démissionnaires. C’est fou ! Personne ne s’inquiète des parents qui confient leurs enfants au centre de loisir. »

Originaire d’Algérie, Samia vient régulièrement avec ses enfants. « Je n’ai pas ma famille ici, et la solitude me pèse. Je restais souvent à la maison. Maintenant, nous nous connaissons avec les autres femmes du quartier, nous partageons nos joies et nos peines. » Une garde des bébés a également été mise en place le mardi après-midi dans le centre social du quartier, avec la possibilité pour les parents d’être présents. L’équipe assure également une présence régulière à la médiathèque de Tarentaize, apportant notamment une aide aux devoirs. Des sorties nature, théâtre ou cinéma sont aussi organisées.

« Il y a beaucoup de cafés pour les hommes, mais rien pour nous »

Depuis 2013, l’association a ouvert un café des femmes, à leur demande, qui se tient le vendredi après-midi dans le centre social. « Il y a beaucoup de cafés pour les hommes dans le quartier, mais il n’y a rien pour nous », témoigne Fiala, son bébé dans les bras. « Ici, nous parlons librement, nous n’avons peur de rien », poursuit son amie qui a déménagé dans un autre quartier, mais qui n’hésite pas à faire trente minutes de trajet en transports en commun pour participer à ce temps d’échange. Ce vendredi, elles sont une dizaine de femmes réunies autour d’un thermos de thé à la menthe et de gâteaux faits maison. Elles reviennent sur leur journée de travail, évoquent des galères administratives, rient à la vue des photos du tournoi de foot en soutien à la Palestine auquel elles ont participé. « On peut tout faire avec le voile, vous voyez ! », plaisantent-elles.

C’est la première fois que Djilalia participe au café des femmes. La voix fébrile, elle explique que son enfant de 13 ans vient d’être mis à pied huit jours par le collège suite à une bagarre. Elle est venue avec les courriers de l’école qu’elle n’a plus la force d’ouvrir, et ne sait pas à qui s’adresser pour l’aider. « Je n’arrive plus à dormir, souffle t-elle, il va passer en conseil de discipline. » Tour à tour, ces femmes qui ne la connaissaient pas une heure avant, lui apportent leurs conseils et tentent de la rassurer. « Toutes seules, on est trop fragiles », constate Josiane. Et parfois, l’espoir de pouvoir offrir un avenir meilleur à leurs enfants est bien ténu. Toutes s’accordent sur la nécessité d’organiser des rencontres avec des enseignants pour évoquer la scolarité, mieux comprendre les difficultés et leur trouver des solutions. Dans ce lieu, l’entraide et la solidarité ne sont pas que des mots, elles se vivent.

Peu de moyens, beaucoup d’« inventivité »

Si les idées et les envies ne manquent pas, l’association dispose en revanche de très faibles moyens financiers. A défaut de local, l’équipe investit ponctuellement le centre social ou la médiathèque en cas de pluie, et stocke le matériel dans un garage insalubre. « Le café des femmes est remis en question lors de chaque vacances scolaires car le centre social a besoin de ses locaux. Cela renvoie aux habitants de ces quartiers qu’il n’y a pas grand chose pour eux, seulement les miettes », soupire Josiane. Ne pouvant embaucher de manière pérenne, le turn-over dans l’équipe est fort [3]. Les autres énergies sont bénévoles. Josiane redoute de ne pas arriver à maintenir cette démarche dans la durée. Elle s’accroche cependant : « Avoir peu permet de développer l’ingéniosité, la créativité. C’est possible, si l’on appartient à un collectif. »

Cet usage collectif de l’espace public, tissé de solidarités, n’est pas propre à Saint-Étienne. Des initiatives similaires existent à Paris-Longjumeau avec l’association Intermèdes-Robinson, et dans le quartier de la Villeneuve à Grenoble, avec l’association Mme Ruetabaga (voir la vidéo de présentation ci-dessous). « Il est temps de multiplier ces initiatives, de construire des espaces de rencontre où l’on fait les choses ensemble », reprend Josiane. « C’est par le faire-ensemble qu’on retrouve le commun qui permet de se parler, de rétablir la confiance. »

Sophie Chapelle  »

 

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« Des ateliers de rue gratuits et à ciel ouvert à Saint-Étienne » Activ’Radio

« Zoom sur une initiative de quartier à Saint-Etienne : des ateliers de rue gratuits et en plein air. C’est ce que propose l’association Terrain d’Entente dans le quartier de Tarentaize.

Chaque mercredi et samedi après-midi, les bénévoles organisent de nombreuses activités dédiées aux jeunes de 2 à 17 ans. Théâtre, lecture, c’est l’occasion de donner à ces enfants souvent défavorisés le moyen de s’épanouir socialement. »

`Article d’ActivRadio sur Terrain d’Entente

 

 

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