Terrain D'entente

Une caisse sociale de l’alimentation pour une alimentation de qualité pour toutes et tous!

La question de l’alimentation est une préoccupation partagée par tous, elle traverse tous les champs: la santé, les inégalités, les enjeux environnementaux, la rémunération des producteurs, la démocratie.

Pouvoir choisir de manger ce que l’on souhaite sans se détruire la santé. respecter le travail des producteurs et productrices.

La défense du droit fondamental de se nourrir,  la défense de ceux qui produisent la nourriture et qui doivent pouvoir vivre de leur travail.

Pour transformer le modèle agricole il faut s’attaquer à la précarité. Il y a donc nécessité à travailler tous ensemble.

A St Etienne, un collectif d’une vingtaine de structures s’intéresse à ces questions depuis deux ans. Il concerne des associations, des distributeurs, des producteurs (Terrain d’Entente, Coop Sol 42, VRAC St Etienne, Le collectif SSA, La Fabrique de la Transition,  la Tablée, le Pain du Loup, la Fourmilière, la Ferme au Quartier, le réseau des AMAP,  les Bio coop).                            Il cherche et expérimente de nouvelles voies pour lutter contre la précarité alimentaire et pour avancer vers une démocratie alimentaire.

Nous souhaitons développer les conditions d’une alimentation de qualité accessible à tous, en nous adressant en priorité à ceux qui en sont privés. Une façon pour nous de nous acheminer vers un droit universel.

 

Après avoir participé à l’émergence et à la dynamique de VRAC St Etienne, qui propose chaque mois, à Tarentaize et à la Cotonne, des commandes de produits de qualité à prix coûtant,  nous avons initié différents projets :

⁃ la culture en plein champ pour développer avec les paysans, des liens d’entraide et d’inter connaissance. Nous avons ainsi produits cette année des pommes de terre (800 kg) et des courges (plusieurs centaines). Nous avons pu nous partager entre les participants, une partie de ces productions, nous en avons vendus, au moment des distributions de VRAC.

–  des paniers solidaires avec l’AMAP de BEAUBRUN, que les familles payent 30% du prix coûtant le reste étant payé au paysan par un subvention du réseau régional des AMAP. Les producteurs ont vu augmenter leur débouché de manière significative.

⁃ le parrainage à la FOURMILIERE, le super marché coopératif, qui a permis à des habitantes de Tarentaize  de devenir  «coopératrices» et de participer à cette dynamique.

–  une cantine solidaire en cours de réalisation à Beaubrun/Tarentaize.

 

Cette expérience qui monte en puissance nous encourage à tenter de changer d’échelle, d’un quartier de St Etienne à l’ensemble de la ville, et de développer la contribution du plus grand nombre pour permettre à chaque stéphanois de pouvoir  se nourrir  correctement et de manière digne.

 

A ce jour, il semble possible de nous engager ensemble: consommateurs, distributeurs,  pour constituer une caisse sociale de l’alimentation en développant des pratiques solidaires déjà existantes en magasin:  prix arrondi en caisse, don des points des cartes de fidélité, fruits et légumes suspendus….. et d’autres que nous allons promouvoir.

Une mobilisation où nous serions tous gagnants, qui relève de notre intérêt commun.

Engager et permettre à chacun à plus consommer des produits de qualité, locaux, permettre une plus grosse production, des débouchés plus importants, et aux distributeurs de trouver une issue à la baisse de fréquentation de leur magasin constatée depuis plusieurs mois.

 

Cette mobilisation pourrait nous engager tous ensemble pour chercher ‘un mode d’organisation pour définir collectivement ce que nous voulons manger, comment on le produit, que ceux qui nous nourrissent puissent vivre dignement, en assurer l’accès à tous.

Nous commençons à réfléchir aux perspectives de la sécurité sociale de l’alimentation: une vraie politique de protection sociale qui inclut le droit à l’alimentation.

 

Cette caisse sociale de l’alimentation pourrait en tracer un peu les contours. Au sein de notre collectif, nous tentons des projections sur le fonctionnement de cette caisse :

–   Chacune et chacun peut travailler dans différents chantiers ; le maraîchage, les distributions de VRAC, la cantine….Le temps de travail effectué est comptabilisé sous la forme d’une cotisation « temps ». A ce jour, les personnes volontaires ont, pour une grande partie, de faibles revenus et trouvent leur place dans les actions proposées. Elles et ils travaillent gratuitement et deviennent moteur dans certaines actions en cours. Ces cotisants en temps seraient rétribués en bons d’achat qui pourront être utilisés dans des lieux de distributions « conventionnés », identifiés collectivement. Il n’y a plus de bénévoles, de bénéficiaires ni de personnes accueillies, nous sommes tous des cotisants.

– Une cotisation en argent pourra être versée par celles et ceux qui le peuvent.

– La vente des légumes récoltée collectivement abondera aussi cette caisse.

– Toutes et tous reçoivent un bon d’achat à dépenser dans les lieux conventionnés.

 

La contribution de Leaticia, dans le cadre de son master en politique locale et développement territorial, va nous aider à cheminer dans cette réflexion. De façon à ce que nous construisions nos valeurs, nos principes et nos modalités d’action.

Tout ce processus en cours est l’occasion de faire ensemble l’apprentissage des codes et des pratiques de la démocratie et de la citoyenneté, par une expérience d’auto organisation qui inclut tous les acteurs, toutes les personnes volontaires. Les décisions sont prises au sein du collectif, les actions sont réalisées avec tous: militants associatifs, personnes en situation de pauvreté.

 

Cette caisse est d’ors et déjà  alimentée par le réseau des bio coop qui y a contribué de manière substantielle. Nous allons solliciter d’autres contributions de façon à assurer une certaine  pérennité: le 1% pour la transition de la Fabrique de la Transition, St Etienne Métropole….

Nous pourrons nous appuyer sur des pratiques déjà en cours: Montpellier dans le cadre de l’expérimentation « Quartier à Vivre » développe  une  caisse alimentaire commune.

 

Ces actions solidaires vont donc se développer tout au long de cette année 2023 dans les différents magasins volontaires: les bio coop, La Fourmilière, Le Terroir, De la Ferme au Quartier, VRAC en Vert.

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Une cantine solidaire à Beaubrun

      Le terrain des saveurs

 

Pour nous, l’Amicale, Vrac, Terrain d’Entente, tout a commencé autour des bacs de jardinages cultivés durant cet été de canicule par l’Amicale! En Septembre, un repas a été cuisiné collectivement à partir  cette récolte, et pris ensemble. Ce qui nous a permis d’imaginer cette cantine à partir de nos expériences et nos constats.

L’Amicale fait un bilan positif des expériences de cuisine collective avec les habitants et de repas partagés autour d’événements interculturels. Elle s’inquiète du confort des étudiants du CFA qui se retrouvent dehors avec un sandwich,  quelque soient les intempéries, s’ils ne sont pas inscrits à la cantine.  Terrain d’Entente, depuis deux ans, réalise un travail, en lien avec d’autres collectifs,  autour de la question de l’alimentation de qualité accessible à tous. (culture en plein champ, participation à la dynamique de VRAC, adhésion à l’AMAP de Beaubrun). Nous envisageons prochainement de pouvoir produire collectivement des légumes et cette possibilité de cantine nous permettrait de les cuisiner.

Pour les habitantes: « Ce projet de cantine correspond à un besoin sur le quartier. Beaucoup de personnes sont très pauvres autour de nous, elles se nourrissent avec les colis alimentaires, elles sont sans famille, très seules. La cantine va nous permettre de nous retrouver autour d’une même table. »

Nous voulons:

Une Cantine solidaire

– Pour des personnes en difficulté financière, seules, qui ne cuisinent pas un repas équilibré par jour. Créer un cadre où chacun puisse se sentir « comme chez soi »

– Pour des enfants qui n’ont pas pu être inscrits à la cantine scolaire. Pour apprendre à goûter à tous les aliments, les légumes

– Pour les étudiants au CFA qui n’ont pas accès à la restauration scolaire.

Un lieu de rencontre et d’échanges multiculturels, intergénérationnels

« Une cuisine du monde » de façon à sortir des discriminations alimentaires.

Lutter contre le gaspillage, avec la valorisation des surplus, des invendus  des commerçants, des associations.  Le terroir est un partenaire privilégié.

Développer une alimentation saine et locale. S’appuyer sur les partenariats construits avec l’AMAP de Beaubrun, VRAC, favoriser les commerçants du quartier

Une reconnaissance des capacités d’organisation du travail des femmes, de leur professionnalisation. Et faire de nouveaux apprentissages pour mener ce projet de cantine dans sa globalité

Un prix solidaire (2 euros minimum/adulte, 1 euro/enfant)

Un prix libre conscient (avec estimation du prix de revient)

Plus de 20 femmes sont prêtes à s’impliquer dans l’organisation concrète!

Pour évaluer la faisabilité, nous avons réalisé une période d’essai où nous avons privilégié

l’ invitation des partenaires du quartier pour faire découvrir ce projet. Le bilan est très positif.

Nous avons pu réunir plusieurs partenaires des structures dont toutes ne se connaissaient pas!

Malgré les conditions de cuisine pas encore très favorables, nous avons été  en mesure d’assurer 25 repas!. Samira et Aline sont restées très disponibles pour nous aider à nous approprier l’espace.

Toutes les femmes qui se mobilisent pour que ce projet aboutisse, vivent avec des revenus insuffisants, beaucoup d’entre elles ont recours aux colis alimentaires de manière régulière. Elles acceptent malgré tout d’assurer gratuitement ce travail. Certaines ont du assumer des frais de cantine pour se rendre disponibles, d’autres ont apporté de chez elles, des compléments au menu pour en enrichir la saveur et la diversité. Et ce fut deux repas de fête!

Toutes sont prêtes à poursuivre cet effort dans la durée, en espérant ainsi assurer un service aux habitants qui répond à des besoins identifiés.

Cette forte mobilisation nous permet de croire en de possibles transformations indispensables pour vivre mieux tous ensemble dans notre quartier.

Nous espérons pouvoir à terme rassembler régulièrement autour d’une même table partenaires et habitants.

Plus que de leur dire simplement « merci », mettons en évidence les capacités inouïes de ces femmes qui sont le moteur des actions susceptibles d’enrichir notre quotidien.

Et merci à l’Amicale de nous avoir ouvert ses portes. Un partenariat s’instaure ainsi de manière très encourageante.

Dès la rentrée 2023,  des flyer, des affiches permettront de diffuser les dates d’ouverture et les possibilités d’inscription.

 

Pour plus d’information : Sarah: 07 67 42 44 84

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Le collectif solidarité alimentaire

Suite à la période longue du confinement différents collectifs se sont inquiétés des difficultés croissantes des familles à assurer les besoins alimentaires quotidiens.

Ils ont faits plusieurs constats:

Le coût de la nourriture reste une préoccupation permanente des familles. Tout au long de la semaine on court de promo en promo pour trouver le moins cher possible pour nourrir sa famille. Il y a de plus en plus de recours à l’aide alimentaire.  Un mode d’intervention caritatif fortement imbriqué au système alimentaire et sur productif. Initialement destiné aux situations d’urgence, ce dispositif est en passe de devenir une réponse structurelle.  L’aide alimentaire construit un système indigne de dépendance, de sélection et d’exclusion. La Banque alimentaire est issue d’excédents de l’agro industrie, et de la grande distribution.

Avec tout un système de défiscalisation qui encourage à produire plus sans remise en question du modèle de production.

Ce Système permet de distribuer aux pauvres des denrées destinées à être jetées,  une nouvelle opportunité de faire des profits. Le caractère indigne de ce processus se double du problème de l’impact de cette alimentation industrielle sur la santé.

Comment permettre à chacun de se nourrir correctement et de manière digne?  Cette question de l’alimentation traverse tous les champs: il s’agit de réduire les inégalités, de penser une juste  rémunération des producteurs, répondre aux enjeux environnementaux, et à la question sanitaire.

La possibilité de pouvoir subvenir aux besoins élémentaires, de choisir son alimentation nous semble être des objectifs à ne jamais perdre de vue.

Suite à des rencontres avec la FAQ( La Ferme au Quartier), la Fourmilière (magasin coopératif), la Fabrique de la transition (coordination des réseaux alternatifs), Terrain d’Entente, l’AMAP de Beaubrun:

Développement de  la dynamique de VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun). L’amicale de Beaubrun, le centre Social le Babet sont partie prenante.

C’est l’organisation d’un groupement d’achat pour l’accès à des produits de qualité à prix coûtant. Il est financé par la FAP (Fondation Abbé Pierre), des bailleurs publics, la Région

Cette association existe dans plusieurs territoires. Chaque mois dans les quartiers, les habitants passent leur commande. Les produits sont livrés dans les structures existantes. Des évènements autour de la « cuisine »  ont commencé à s’organiser. L’objectif étant de créer des rencontres qui produisent une dynamique collective,  du plaisir partagé

Le prix coûtant aujourd’hui reste inaccessible pour encore trop de familles. Il faut continuer à chercher des alternatives.

Le collectif de solidarité alimentaire s’est constitué il y a un an, pour tenter d’autres réponses pour assurer cette accessibilité à une alimentation de qualité. Il concerne une vingtaine de structures du bassin stéphanois: des associations, des producteurs, des distributeurs, des restaurateurs.

Les brigades de solidarité: dans plusieurs régions, des militants  se sont organisés depuis le premier confinement pour récolter des dons, les distribuer régulièrement aux personnes qui n’ont plus de solution pour se nourrir, malgré la présence des associations caritatives. A St Etienne pour faire face à la demande qui va croissant, un système de contrôle a été mis en place avec  un agent qui s’assure que chaque « bénéficiaire » ne s’adresse qu’à une seule asso et ne « profite » pas de plusieurs lieux de distribution,et les « bénéficiaires » n’ont droit qu’à un panier par mois. Avec les brigades, personne n’a à justifier de son revenu, chacun vient quand il en a besoin.

La cantine participative: en lien avec les Brigades. Les habitants viennent cuisiner ou se restaurer autour d’une grande table, à partir des produits issus des dons (repas à prix libre).

VRAC St Etienne. Distributions démarrées en Septembre 2021

De la ferme au Quartier:  Plateforme de distribution des produits issus de l’agriculture paysanne locale pour les consommateurs, les restaurations collectives, les distributeurs. Leur  logistique est mise à disposition de VRAC, des Brigades, en récupérant les invendus des magasins/fermes partenaires, du jardin d’Oasis qui y dépose les paniers solidaires.

La Fourmilière. Magasin coopératif géré de façon démocratique sur le mode une personne = une voix. L’objectif est de rémunérer équitablement les producteurs et permettre l’accès à des produits de qualité pour tous. Offrir un lieu d’échange, de partage des savoirs et de débats. Chaque coopérateur donne 3 heures par mois pour contribuer à l’organisation du magasin. Tous ceux qui le souhaitent peuvent devenir coopérateurs.

Différentes  Bio coop.

« Au Terroir » : Magasin de producteurs

Ces magasins partenaires tentent de mettre en place divers dispositifs de solidarité :  leurs invendus; fruits et légumes « suspendus »;                    –   points de la carte de fidélité, prix arrondis pour constituer un fond de solidarité en direction des associations.

Les AMAPS un système de circuit court alimentaire, en économie solidaire de façon à établir un commerce équitable entre agriculteurs et consommateurs. Avec le réseau AURA des AMAPS, mise en place de paniers solidaires (les familles payent 30% du prix coûtant, le financement est assuré par des appels à projets)

Les jardins d’Oasis. Proposer à des personnes de retrouver le chemin de l’emploi. Le contrat de travail dans le domaine du maraîchage biologique peut être un tremplin. Alimente un circuit de paniers solidaires sur Saint-Étienne financé par la région.

 La fabrique de la transition. Pour contribuer à faire du territoire Stéphanois, un territoire résilient face aux impacts du dérèglement climatique et à la destruction des liens de solidarité. Rôle de coordination dans le collectif Solidarité Alimentaire.

Il est indispensable de développer la mutualisation de toutes ces ressources pour appréhender la réalité dans toute sa complexité. Notre volonté est de nous adresser à ceux pour lesquels rien n’est accessible et qui ne sont pas partie prenante de tous ces réseaux. Tenir compte de leur expertise pour avancer est indispensable.

Les questions qui nous préoccupent face à cette nouvelle dynamique

–  Comment ne pas rentrer dans une posture « caritative« et créer du lien non descendant ?

Il nous faut distinguer aide alimentaire intégrée au système, et mise en place d’une autre solidarité renforçant les liens entre paysans et habitants des quartiers.

–   Lentraide et la transformation nécessaire de nos rapports sociaux: La question de la défense du droit fondamental de se nourrir,  croise celle de celui qui produit la nourriture et qui doit pouvoir vivre de son travail. Ceux qui nous nourrissent et ceux qui ne peuvent pas se nourrir subissent des situation sociales assez identiques  Inventer des  modes d’organisation pour renforcer les équipes sur les lieux de production pour planter, récolter.

–   Comment on peut associer les personnes concernées aux démarches solidaires et aux réflexions ?Et veiller à une appropriation de ce projet dans le respect des possibilités de chacun à pouvoir s’y engager.

Tenter de développer des opportunités de travail, de partage de projets avec tous, qui nous sortent de nos tendances à l’entre soi et qui nous permettent de mieux appréhender la réalité dans ses aspect les plus divers et d’agir de manière plus adaptée 

Le projet qui se développe:

accès à des paniers solidaires avec la mise en lien des collectifs: les AMAPS, les Jardins d’Oasis, Terrain d’Entente.

Rencontre avec les membres actifs de l’AMAP du quartier où 17 adultes avaient participé. Visite de la ferme du jardin d’Oasis avec 15 adultes: projet d’atelier cuisine pour prendre l’habitude d’utiliser les légumes bio dans leur intégralité;                                                                 Depuis Décembre 2021, 13 familles concernées par les paniers solidaires. Chaque quinzaine elles viennent les récupérer pendant la distribution de l’AMAP du quartier.

Certaines familles ont renoncé, d’autres s’inscrivent. Nous devons prendre en compte  la difficulté pour beaucoup, de s’inscrire dans la durée du fait d’une instabilité permanente de l’existence où chaque jour peut apporter des difficultés supplémentaires. Il faut rester dans la dimension collective, où ensemble on retrouve l’envie, l’énergie, le sens. Accepter cette part d’incertitude qui est la réalité quotidienne des familles.

Un petit bilan sur les 4 mois de fonctionnement: pour les paysans: 30% de productions en plus; pour les familles: 20 familles ont découvert ce commerce équitable, un système de solidarité s’est organisé: certaines familles ont payé des paniers pour celles qui ne pouvaient pas. Amel a permis que cette distribution soit possible durant toute cette période.

Le parrainage à la Fourmilière, pour permettre son accès à d’autres coopérateurs Deux rencontres au magasin qui ont concerné 15 personnes. Beaucoup d’intérêt manifesté pour la démarche: des produits de qualité, favoriser la production  locale, être partie prenante, responsable collectivement et non pas simplement « client ». Face à la difficulté manifestée à s’engager pour 3 heures d’affilée, une proposition de créneau de 2 heures a été réalisée. Face à la difficulté à financer la part sociale: une proposition de « part sociale suspendue » (financée par les coopérateurs) a été faite pour soutenir l’effort. 10 personnes commencent à s’impliquer.

Initier des rencontres paysans/ quartier. Un après midi à la ferme proche du quartier avec 12 adultes. Présentation du travail d’élevage. Visite de la terre 100m2 prêtée par le paysan, qu’on va cultiver pour planter des patates qu’on revendrait dans le cadre de VRAC. Des perspectives de cueillette avec des paysans qui livrent l’AMAP. Les personnes impliquées seront « rémunérées » avec la possibilité d’accès à la caisse de solidarité.

–  Appel à constituer un Fond de Solidarité dans les magasins (prix arrondis en caisse, don des points de la carte de fidélité, fruits et légumes suspendus, invendus) Une tentative pour rendre plus accessible le prix coûtant de VRAC, permettre l’accès aux magasins, augmenter le nombre de paniers solidaires et renforcer le travail des Brigades. Les distributeurs constatent une inquiétante baisse de fréquentation de leur magasin. Les producteurs doivent pouvoir développer leurs débouchés. L’augmentation des consommateurs est un enjeu pour chaque partie. Cette caisse de solidarité relève de notre intérêt commun. Un appel à projet, issue de la politique des bio coop va compléter de manière substantielle cette caisse pour financer plus de paniers solidaires, une carte solidaire proposée en magasin ( pour que certains payent le prix coûtant). Ces actions seront lancées dans tous les lieux de distributions à partir de septembre 2022 sur une année.

A terme nous souhaitons construire une réflexion avec les  producteurs, les distributeurs, les consommateurs pour rechercher un mode d’organisation qui nous permette de définir collectivement ce que nous voulons manger, comment on le produit, de façon à ce que ceux qui nous nourrissent puissent vivre dignement et comment en assurer l’accès à tous?

Le nombre de personnes en insécurité alimentaire est bien trop élevé pour faire reposer la réponse politique sur le secteur associatif. C’est d’une vraie politique de protection sociale qui inclut le droit à l’alimentation dont nous avons besoin. Nous commençons à réfléchir aux perspectives de la sécurité sociale de l’alimentation.

 

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Rapport moral et d’activité 202/2021

Rapport moral 2020/2021
Quels enseignements tirons nous de nos 10 années de présence sur le quartier de Tarentaize?
Depuis toute cette période, nous nous adressons en priorité, à ceux qui sont très peu représentés dans les structures du quartier, ni dans les réseaux qui s’efforcent de construire des démarches alternatives pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux. Toutes ces familles dont les difficultés, et les aspirations ne sont pas suffisamment prises en compte.
Notre démarche volontaire d’aller à la rencontre des habitants, de faire toujours le premier pas, nous a permis de construire une relation solide et fiable.
Notre effort permanent pour tenter de comprendre comment le quotidien est vécu par les familles permet de libérer la parole. Pour tenter de comprendre au mieux, nous devons accepter d’être déstabilisé, de sortir de nos cadres de référence, de l’environnement qui nous a construit. C’est de cela qu’il est question quand on décide d’aller à la rencontre des gens.
Chercher et accepter de nous tromper, tirer des enseignements de nos erreurs et chaque fois comprendre de manière plus ajustée ce qui est en jeu, ce que développent les injustices et tous les rapports inégalitaires dans le quotidien des familles.
C’est le sens que nous donnons à la notion « d’éducation populaire ». Nous ne pouvons comprendre que ce sur quoi nous agissons ensemble, avec ceux qui ont une réelle connaissance des rapports inégalitaires parce qu’ils les subissent.
Nous tentons de rendre visible ce qui est caché et de créer une dynamique collective pour régler des problèmes concrets.
La précarité ce n’est pas seulement l’absence de ressource. C’est l’enfermement sur un territoire. La plupart des familles vivent dans des logements surpeuplés: on vit à 4 dans un T2, à 8 dans un T5…
La précarité, c’est souvent le délitement du lien social. Parler de ses problèmes c’est la honte et la peur d’être jugé. On se sent indigne, on s’isole, on se décourage puis on renonce. On renonce à des choses essentielles, comme des démarches pour faire valoir des droits.
La précarité, c’est l’absence de perspective d’avenir et la peur que demain soit pire encore.
Mais nous sommes aussi témoins de tous ceux qui développent une « âme de guerrier » et qui se battent envers et contre tout. Ils construisent des relations d’entraide, ils développent leur talent. Ils s’investissent dans des collectifs.
« Nous les galères c’est tous les jours, on sait faire avec ».
Il est nécessaire de développer des ressources inouïes pour ne pas renoncer, pour tout affronter, assumer tous les coups. Certaines femmes expliquent qu’elles ont pris le parti de rire de leurs galères « pour ne pas devenir folle ».
La dynamique du collectif redonne l’énergie et l’envie à beaucoup.
La dynamique collective se crée à partir du moment où on sait aller à la rencontre des gens, où on assure des temps de présence réguliers et fiables, où on est attentif à ce qui se manifeste, où on fait l’effort de comprendre ce qui se vit au quotidien pour ces familles.
Dans ces conditions là, les gens sortent de chez eux, s’organisent, réalisent des projets.
A force de mieux comprendre ce qui est en jeu, toutes ces questions deviennent nos affaires. A partir de cette implication on arrive à construire des actions qui transforment les relations, et les personnes. Un premier pas vers l’émancipation.
Le travail de toutes ces années se traduit, aujourd’hui, dans l’organisation de notre collectif, par l’implication et la prise de responsabilité des femmes, des enfants et des jeunes du quartier qui prennent les initiatives que nous tenons tous ensemble.
Une expérience micro locale pleine de richesses, émancipatrice, mais qui ne peut pas devenir transformatrice.
Plusieurs vivent des situations de plus en plus difficiles: avec des surendettement conséquents, la manifestation de maladies chroniques, des dépressions, et des jeunes qui partent à la dérive.
Il est indispensable de mettre en évidence que les difficultés que subissent ces familles sont le résultat des orientations de nos politiques depuis de nombreuses décennies. Avec le chômage de masse, la casse des services publics, le non accès aux droits fondamentaux, un échec scolaire important, le cloisonnement des espaces sociaux où on ne se rencontre plus nulle part dans notre diversité.
Les personnes qui traversent des difficultés multiples n’ont pas suffisamment de disponibilité mentale pour participer aux différents projets menés sur ces questions qui sont les leurs, et ne se sentent souvent pas légitimes pour s’investir dans des espaces qu’elles ne fréquentent jamais. Il est indispensable de sortir de nos tendances à l’entre soi parce que c’est la seule façon de mieux appréhender la réalité dans ses aspect les plus divers et d’agir de manière adaptée. Les questions d’environnement, d’alimentation, de santé sont nos affaires à tous. Il est indispensable de prendre en compte le point de vue de ceux qui subissent toutes les précarités. Et qu’ils puissent contribuer à la mise en route d’alternatives. Nous avons besoin de leur expertise.
Il faut sortir de l’isolement, s’engager avec d’autres collectifs pour croiser des centres d’intérêt et des préoccupations. Ces questions de précarité doivent être posées à l’ensemble de la société, en terme d’inégalités des droits, d’injustice.
Notre société est segmentée, alors nous voulons développer des opportunités de rencontre avec tous, de façon à sortir de l’enfermement qui distille de la peur, des préjugés. Sortir de l’idéologie de séparation qui provoque toujours plus de discrimination. Face à la montée de l’individu, la réponse est dans le collectif qui est la seule manière de remettre en question culturellement ces conceptions.
Nous retrouvons cette dynamique d’éducation populaire où nous prenons, ensemble, en main des réalités qui nous concernent tous, pour envisager les questions en terme d’ouverture, d’échanges, de manière à reconstruire le tissu social, des liens d’entraide.
Nous voulons surtout mettre en évidence le profond délitement de notre organisation sociale qui ne sait plus prendre en compte les aspirations de tous ceux qui sont le plus impactés par ce système toujours plus inégalitaire, injuste, violent. Un système qui abandonne tous ceux qui souhaitent par dessus tout faire partie intégrante de la société et y apporter leur contribution.
Rapport d’activité 202/2021
I – L’engagement au sein de collectifs. Terrain d’Entente est à l’initiative de la création de collectifs sur des problèmes de société qui nous semblent essentiels.
1 – L’accès aux vacances pour tous.
Depuis toutes ces années, nous nous confrontons à une difficulté majeure pour les familles, celle de ne pas pouvoir offrir de vacances à leurs enfants.
Ne pas pouvoir partir en vacances constitue une réel préjudice pour les enfants, comme pour les adultes. Cet enfermement sur le quartier provoque des tensions entre les habitants, un ennui considérable pour les enfants. Ils évoquent leur stratégie pour que la journée passe plus vite, ils s’endorment très tard pour se réveiller le plus tard possible dans l’après midi, de façon à ce que la journée passe plus vite. Sur le terrain nos temps de partage deviennent plus difficiles, les enfants perdent peu à peu le ressort de l’envie, à force de vivre cet ennui sur de longues périodes de l’été. Avec certains, nous n’arrivons plus à les entraîner dans nos jeux, la relation devient plus problématique.
Certaines familles n’ont aucun lieu de ressourcement, aucune opportunité de rencontre, de découverte et d’échanges sur d’autres façons de vivre et de comprendre la réalité …
Ce qui contribue d’autant à cet enfermement et cet isolement où on n’ose plus sortir de chez soi.
Nous souhaitons retrouver tous ensemble le sens des départs en vacances: la découverte d’autres espaces qui ressourcent, la rencontre de l’autre, différent de soi. Dans cette société qui se segmente, le temps des vacances peut être l’occasion de construire d’autres relations humaines. Cette aspiration concerne de plus en plus de monde, au delà des familles des milieux populaires.
Nous souhaitons envisager des vacances en terme d’ouverture, d’échanges, de manière à reconstruire le tissu social, des liens d’entraide.
Organisation de l’été 2021.
Malgré un financement pas suffisamment conséquent, la commission vacances (constituée de salariés, de bénévoles et d’adhérents) a décidé de poursuivre la dynamique engagée l’été dernier, considérant l’impact positif pour les familles et pour les relations interpersonnelles.
Les séjours familles: Nous avons partagé deux séjours avec des amis scouts qui ont initié les enfants aux plaisirs de vivre au plus près de la nature et d’y apprécier ses ressources. Ils ont concerné 10 familles dont 26 enfants.
Le premier séjour a été vécu comme une évidence que ces partages de culture, cette rencontre avec l’altérité étaient un vrai bénéfice pour nous tous « c’est le pays que j’ai envie d’habiter! » (sic une amie scout).
Les difficultés traversées pendant le second séjour nous ont permis de réfléchir à nos limites et à la meilleure façon de les dépasser. Ce qui nous vaut la chance d’accueillir dans notre collectif, deux nouveaux membres issus de ces séjours. Les interrogations que nous avons partagées leur ont permis de se sentir investis de cette volonté de rejoindre ces familles très blessées par l’indifférence et les incompréhensions des institutions en place. Des familles qui perdent l’espoir que leur situation puisse trouver un jour une issue favorable. Qui perdent l’espoir et qui perdent pied.
Séjours jeunes. Le domaine de Champoly nous a permis d’assurer 4 séjours. 25 jeunes ont pu sortir du quartier. Certains d’entre eux avaient contribué au nettoyage du lieu durant le
printemps. Une expérience qui a été limitée par les différentes périodes de confinement. Mais malgré ces limites, nous avons constaté cet été, un meilleur respect du lieu. Certains habitants deviennent familiers, ce qui contribue à découvrir d’autres modes de relation, d’autres façons de vivre le quotidien.
Sorties au bord de l’eau. 5 sorties ont été réalisées avec des bus de 60 personnes, soit plus de 100 personnes dont certaines ont pu bénéficier de deux sorties (celles qui ne participaient pas aux séjours familles).
Ces sorties sont particulièrement appréciées par les familles. Nous découvrons chaque fois un nouvel espace de nature. Nous organisons une prise en charge collective des enfants, ce qui permet d’accueillir et d’intégrer les nouvelles familles à notre collectif.
Chaque année, nous observons l’impact positif de ces journées partagées pour la vie du quartier. Certaines familles construisent des liens d’amitié, les adultes qui ont pu vivre des temps de plaisir partagés avec les enfants développent une relation plus positive avec eux, ils sont plus reconnus dans leur posture éducative dans le quotidien, et les enfants ne sont pas uniquement perçus dans leur comportement parfois insolent.
Séjours enfants. Nous avons poursuivi notre partenariat séjours sur le site de la Ronde lierre, à Montmiral. La sortie du quartier vers un site sobre et naturel a des impacts très positifs auprès des enfants. On observe chaque fois plus d’entraide et de bienveillance, une limitation des conflits au sein du groupe. Pour les enfants, sortir de Tarentaize, leur permet de reprendre corps avec leur âge réel. Ils n’ont pas à jouer un rôle, à tenir une image, à vouloir paraître plus grands. Ils s’autorisent à être un peu plus eux mêmes. Dans ce contexte différent, ils deviennent plus respectueux des règles. Les répercussions sur le quartier sont très positives.
Nous avons donc reproduit un schéma assez identique avec deux séjours à Montmiral qui a concerné 35 enfants et collégiens.
2 – La co éducation. Initiation d’un « Labo de co éducation » avec les différents acteurs du champ éducatifs, les parents, les enfants, les jeunes. L’éducation mobilise beaucoup de monde et nous manquons d’espaces de concertation pour assurer notre responsabilité collective dans l’éducation et la protection des enfants.
La proposition de ce « Labo de co éducation » est de rechercher les possibilités de faire ensemble. Mais  » faire ensemble de l’éducation », ça ne va pas de soi, d’où la nécessité d’une recherche, pour faire des expériences, pour essayer de trouver des consensus pour pouvoir agir ensemble. Faire une réflexion et une recherche avec les habitants, et tous les partenaires volontaires. Faire l’expérience d’être différent par les responsabilités et les rôles et de tenter de parler ensemble de la même chose. Construire de bonnes conditions de dialogue pour construire des relations qui donnent une place à chacun, et partager des approches différentes qui peuvent devenir complémentaires. L’objectif de cette co éducation est de mettre en commun nos rôles pour accompagner au mieux chaque enfant et lui permettre de trouver sa place parmi les autres.
Une première rencontre du « Labo » a pu se faire à l’occasion des 10 ans de Terrain d’Entente. en Juin. Une cinquantaine de femmes étaient présentes, et ont pu confronter leur réflexion avec la présence de plusieurs collectifs qui nous avaient rejoint à cette occasion. Nous recherchons les structures partenaires qui pourraient s’investir dans l’avancée de ce projet pour cette rentrée.
Le Labo a démarré sur la commune du Chambon malgré les différentes périodes de confinement. Les élus se sont engagés pour favoriser cette initiative. Plusieurs groupes de paires ont pu réfléchir pour définir les notions d’éducations, de co éducation et envisager des possibilités concrètes pour créer des espaces de concertations avec les différents acteurs concernés.
3 – La Solidarité alimentaire.
La pauvreté s’aggrave, notamment depuis le premier confinement. Pour survivre, beaucoup ont recours aux aides, aux colis alimentaires.
Nous déplorons différentes difficultés concernant ce système d’aide.
Tout d’abord, la situation d’indignité dans laquelle sont plongés les demandeurs:
– Pour faire face aux demandes qui sont croissantes, les associations caritatives ont pris le parti de réduire la période de distribution pour chacun. Certains vont « bénéficier » des colis sur quelques mois, voire une fois par mois!
– Ces colis dépendent de la Banque Alimentaire qui est issue d’excédents de l’agro industrie, et de la grande distribution. 95% de la nourriture distribuée dans le cadre de l’aide alimentaire est industrielle.
Ce Système permet de distribuer aux pauvres des denrées destinées à être jetées.
Se pose aussi le problème de l’impact de cette alimentation polluée sur la santé: avec la question inquiétante des perturbateurs endocriniens. Le diabète, l’hyper tension, l’obésité provoqués par l’alimentation industrielle. Ces questions de co morbidité qui rendent l’impact des virus mortels pour toutes ces personnes aux organismes très affaiblis.
Notre volonté est l’accessibilité à une alimentation de qualité pour nous tous. La première qualité d’un produit étant son accessibilité ! Avec la question de la transformation nécessaire de nos rapports sociaux: sortir de la posture aidant/aidé, distinguer aide alimentaire intégrée au système, et mise en place d’une solidarité renforçant nos liens et la relation paysans/habitants des quartiers.
VRAC St Etienne. Nous avons assuré une première distribution en Septembre. Il a été possible à plusieurs familles de venir découvrir cet espace éphémère où nous avions soigné l’esthétique et l’accueil. Mais le prix coûtant reste encore trop cher pour beaucoup de personnes.
Le collectif de solidarité alimentaire pour tenter d’autres réponses. Il concerne une vingtaine de structures: des associations d’éducation populaire, des producteurs, des distributeurs, des restaurateurs.
Le projet : travailler ensemble, coordonner et mutualiser nos dynamiques.
– accès à des paniers solidaires avec la mise en lien des collectifs: les AMAPS, les Jardins d’Oasis, VRAC, Terrain d’Entente, Les brigades de solidarité….,
– collecte de fonds (prix arrondis, don des points de la carte de fidélité, invendus) dans les lieux de distribution qui développent cette pratique depuis un certain temps.
– Le parrainage à la Fourmilière, pour permettre son accès à d’autres coopérateurs avec un accueil à la manière de ce que développe ATD
– La dynamique de la Cantine Solidaire (portée par la Cantine Participative et les Brigades) avec une dynamique collective horizontale: certains bénéficiaires de repas participent également à leur confection.
– Initier des rencontres paysans/ quartier pour envisager des actions de solidarité.
Tous les acteurs investis dans le groupe solidarité alimentaire tentent depuis plusieurs années des approches en direction d’une alimentation de qualité accessible à tous. Cette visée reste à ce jour très limitée. Il est nécessaire de construire des approches et des actions croisées. Il est indispensable de développer ces mutualisations pour appréhender la réalité dans toute sa complexité.
Se nourrir, c’est un besoin mais aussi un droit. Le nombre de personnes en insécurité alimentaire est bien trop élevé pour faire reposer la réponse politique sur le secteur associatif. C’est d’une vraie politique de protection sociale qui inclut le droit à l’alimentation dont nous avons besoin. La sécurité sociale de l’alimentation.
II – Les réponses du quotidien.
Nous poursuivons nos temps de présence réguliers sur l’espace public, tout au long de l’année, de manière libre, inconditionnelle et gratuite. A partir de ces temps de rencontre, nous développons des actions. A force de tâtonnements, on trouve parfois des issues. Elles restent aujourd’hui extrêmement fragiles et incertaines. Voici les plus emblématiques
Avec les ados: Nous recherchons à diversifier les sources d’épanouissement et des expériences qui font sens pour ces jeunes en « galère »
Malgré les différents confinements et couvre feu, nous avons poursuivi nos temps de présence auprès des jeunes avec « le café des ados ». Environ dix jeunes nous rejoignent chaque semaine. Tout au long de l’année une quarantaine de jeunes sont venus au moins une foix.
Ces rencontres permettent d’élaborer ensemble des projets, d’identifier des difficultés, d’ouvrir d’autres espaces en se saisissant du tissu associatif local, d’assurer des accompagnements individualisés.
Nous avons pu réaliser cette année des démarches qui ont pu aboutir pour répondre à la demande d’une dizaine de jeunes dans leur parcours individuel. Des besoins très divers ont pu être pris en compte: recherche de stage, de formation, réorientation, Mission locale pour l’accès à la Garantie Jeune, lien avec la PJJ….
Des week-end et des vacances à Champoly se sont poursuivis avec les chantiers participatifs pour restaurer ce lieu « la Maison du Peuple » qui appartient à plusieurs collectifs. Des occasions de partager des temps où se croisent des personnes qui ne vivent pas les mêmes réalités. Ils ont concernés une trentaine de jeunes.
Le foot à 7 proposé par la FSGT2 va reprendre cette année 2021/2022. Soit 15 jeunes qui ont réalisé des démarches pour obtenir une licence.
La rencontre avec Rimbaud (Centre d’addictologie): Notre partenariat va pouvoir devenir effectif dès le mois d’Octobre avec les chantiers rémunérés, encadrés par des éducateurs de Rimbaud. 4 jeunes vont être concernés sur la première période. Ces chantiers pourront déboucher sur des suivis individualisés avec les personnes ressources du Centre. La présence d’un éducateur, au café des ados, est prévue d’ici Novembre.
Les enfants qui continuent à manifester leur souffrance d’écoliers. Le sport: reste un puissant vecteur de prise de confiance en soi, en l’autre et une source de compréhension du sens des règles de vivre ensemble.
Travail en partenariat avec Sport Autrement: 4 enfants poursuivent les entraînements; l’Ecole de Rugby du RCSE: 10 enfants ont été inscrits; « Vélo en quartier » avec l’apprentissage du déplacement en ville et les sorties en groupe: 24 enfants ont bénéficié de l’apprentissage, et ont réalisé au moins une sortie en dehors du quartier; Ecole de Hand: après une sensibilisation les Mardis après l’école sur le terrain de jeux, 6 petites filles sont inscrites dans le club depuis la rentrée scolaire.
Le développement des talents créatifs est également une ressource. Nous avons signé une convention avec la Comète qui va permettre aux familles à faible revenu de pouvoir inscrire ses enfants à des ateliers artistiques (musique, chant, danse). Nous comptons à ce jour 6 inscriptions. Un partenariat se développe avec le Centre Explora qui vient d’ouvrir ses portes pour proposer des activités d’éveil aux sciences et à l’expérimentation. Il est prévu des ateliers mensuels gratuits où des groupes de 4 à 6 enfants qui seront accompagnés par des mères de familles adhérentes.
Le soutien scolaire
Depuis le dernier confinement du mois de Novembre 2020, nous avons développer 3 temps pour accueillir les enfants d’âge primaire et les collégiens (une soixantaine d’enfants nous rejoignent tout au long de la semaine, avec un nombre d’adultes conséquent et compétents pour assurer cette présence). Nous n’imposons pas de contrainte d’inscription et d’horaire, un créneau de 2 heures est à disposition des enfants qui restent le temps nécessaire pour terminer et comprendre leur travail.
La répartition des adultes se fait en fonction des difficultés, si nécessaire un adulte pour un enfant. Chaque adulte s’efforce de s’adapter au mieux aux besoins, des temps de régulation d’équipe sont prévus à chaque période de vacances.
En l’espace d’un mois, nous avons noté des évolutions réelles pour plusieurs enfants qui ont repris confiance dans leurs capacités et qui retrouvent du plaisir à apprendre. Ils fréquentent de manière assidue ces différents temps. Leur participation est active, ils développent de l’autonomie dans la gestion du travail scolaire et respectent les règles établies. De nombreux parents et certains enseignants ont fait des retours positifs sur l’évolution de leur comportement.
La demande s’est intensifiée au fil des semaines, de plus en plus d’enfants réclament ces temps d’accueil et nous n’avons pas les moyens matériels et humains pour faire face à toutes ces demandes. Plusieurs mères de familles ont décidé de renforcer l’équipe cette année.
L’accès au numérique. Trop d’enfants scolarisés ne disposent toujours pas du matériel informatique indispensable. Nous sommes en lien avec le collectif Zoomacom pour rechercher à équiper toutes les familles demandeuse de matériel adapté.
Présence après l’école
Certains enfants ont besoin d’activités plus dynamiques quand ils ont terminé leur journée scolaire.
Temps de présence sur l’espace Jean Ferrat le Mardi après l’école, pour assurer un temps d’initiation aux pratiques sportives auxquelles les enfants n’ont pas accès.
Atelier RAP: en partenariat avec la Médiathèque a proposé 10 séances qui ont concernés une douzaine de filles et garçons d’ages différents.
Atelier argile sur les périodes de vacances scolaires avec Les Moyens du Bord, que nous avons pu reproduire 5 fois. 6 familles ont partagé ces séances: soit 6 adultes et 15 enfants.
Les femmes. Le café des femmes se poursuit avec la présence régulière de Latifa, pour l’atelier bien être. Un atelier art thérapie s’est mis en place et va se poursuivre à raison d’une fois par mois. Régulièrement, entre 10 et 25 femmes se rencontrent, soit 60 femmes nous ont rejoint au moins une fois dans l’année.
En préservant tout le plaisir que constitue le fait de se retrouver, et c’est premier dans toutes nos rencontres, des échanges se construisent, des projets s’élaborent, avec des manifestations publiques où nous avons de plus en plus d’opportunités de nous croiser, de nous parler avec d’autres, des femmes et des hommes dans nos diversités.
5 travailleurs sociaux du Conseil Départemental nous ont rendu visite pour entendre les difficultés des familles et expliquer leur rôle, les possibilités d’aide, les lieux spécifiques pour certains recours….16 femmes étaient présentes ce jour là. Nous espérons avec ce nouveau partenariat, pouvoir permettre aux familles d’oser franchir la porte de ces services qui leur sont dédiés, sans crainte de se sentir juger, sans honte d’évoquer les problèmes rencontrés. En se sentant légitimes de faire valoir des droits;
Depuis deux ans, ces femmes aspirent à vivre plus pleinement leur vie d’adultes. Alors qu’auparavant toutes nos conversations étaient centrées sur les enfants et l’intendance du quotidien!
Avec les sorties vélos organisées avec Vélo en quartier où 8 femmes participent régulièrement, des marches sur les voies vertes se sont organisées et vont se poursuivre. Elles concernent parfois des adultes, parfois des familles.
Nous étions 6 femmes à aller visiter le magasin coopératif « La Fourmilière », début Septembre, avec la perspective que des adhérentes puissent s’investir comme coopératrices.
III – Des actions exceptionnelles.
Participation à la journée internationale des droits de femmes.
Malgré les contraintes imposées par le protocole sanitaire, nous avons pris le parti de ne pas renoncer à nous manifester sur l’espace public. En lien avec d’autres collectifs de femmes, et le CREFAD, nous avons assuré deux manifestations: la lecture d’un conte sous forme de marche déambulatoire, dans un quartier voisin avec l’association « les voisines »; la lecture d’extrait de notre livre « La voix-e des femmes », sur l’espace Jean ferrat. Sur ces deux temps, 6 femmes de l’association ont contribué à l’animation, 20 étaient présentes.
Ces évènements ont débouché sur la création du « collectif du 8 Mars » avec la volonté de réaliser des évènements tout au long de l’année pour assurer une plus grande visibilité à la présence des femmes sur l’espace public. Une immense majorité d’associations se développent grâce à la présence massive des femmes. Il est temps qu’elles puissent bénéficier d’une plus grande considération.
Lettre pétition pour l’aménagement de l’espace public.
Nous avons réalisé une lettre pétition avec des pères de familles pour demander la restauration de l’espace Jean Ferrat: le terrain de foot qui est très endommagé, l’installation d’une fontaine, et la sécurisation d’une rue que les enfants traversent tout au long de la journée pour se rendre au parc et à l’école. Nous avons appris récemment que nos demandes allaient être prises en compte.
10 ans terrain d’Entente Nous avons été enthousiasmés ce 9 Juin 2021, de pouvoir accueillir autant de diversités. Beaucoup de représentants associatifs étaient présents (Vélo en Quartier, L’Amicale de Beaubrun, Sport Autrement, Les Moyens du Bord, La Fourmilière, VRAC, l’Amicale de Tardy, le Centre Explora, la Bricoleuse, Grandir en Oralité, la Fabrique de la Transition, des enseignants de la Pédagogie Freinet, le CDAFAL, La Fondation Abbé Pierre) une cinquantaine de familles du quartier ont partagé l’après midi, soit une centaine d’adultes se sont rencontrés tout au long de l’après midi. On a fait ce jour là société tous ensemble. Une dizaine de femmes s’étaient mobilisées pour assurer l’organisation de cette journée.
Un remerciement particulier à Amel qui a apporté une contribution très précieuse dans la réalisation du diaporama, du film où des enfants et des femmes témoignent de ce que représente aujourd’hui, Terrain d’Entente dans leur vie. Elle a filmé tout au long de la journée les différentes interventions. Nous allons tout mettre en oeuvre pour que notre site trouve la capacité à diffuser tous ces précieux documents.
Une partie de l’après midi a été consacrée à l’ouverture du Labo de co éducation. Frédéric Jésu, ancien pédopsychiatre de service public et impliqué en tant que consultant dans le champ des politiques sociales, familiales et éducatives locales, auteur de plusieurs livres entre autre: « Co édu-quer: pour un développement social durable » ; et Catherine Hurtig-Delattre, enseignante et formatrice, autrice du livre: « La coéducation à l’école, c’est possible » qui rapporte une expérience de 30 années d’ouverture de l’école aux familles et aux associations ont apporté leur contribution.
Nous avons fait l’expérience d’un échange en plusieurs groupes pour tenter d’identifier les différents acteurs de l’éducation. Les habitantes du quartier, et tous ceux issus des différents collectifs ont contribué ensemble à ce temps de réflexion. La famille et l’école ne suffisent pas pour prendre en compte les différents besoins des enfants tout au long de la journée, de l’année, il est temps d’imaginer la meilleure façon de construire des liens pour que tous ces acteurs travaillent ensemble.
Des amis nous ont rejoint sur le terrain pour proposer un riche après midi aux enfants. Notre ami Aldérick avec les rollers, l’association Sport Autrement pour un atelier boxe. Simon de la Médiathèque avec les réalisation d’instruments de musique à partir de la récupération de déchets
Une atmosphère joyeuse et festive avec un engagement volontaire de toutes les personnes présentes qui ont expérimenté le lancement de ce Labo de co éducation. Un résultat vraiment encourageant.
Une action est en cours avec un Bailleur public. Des problèmes récurrents de propreté sont à déplorer depuis plusieurs années sur les espaces collectifs: les allées, les escaliers, les étages. Hors les locataires payent des charges importantes, en constante augmentation. Nous sommes en période de crise sanitaire, la désinfection quotidienne des espaces collectifs est indispensable pour assurer la protection des locataires. Cette situation devient intenable pour les locataires. Certains renoncent à inviter des proches parce qu’ils craignent de s’affronter à des jugements en mettant à nue leur condition de vie indigne. Beaucoup cherchent à déménager.
Il y a quelques mois le Toit Forézien a été mis en demeure par le service sanitaire de la ville. Il était dans l’obligation de mettre en place un isolant adapté pour protéger les appartements qui étaient contigus au local à poubelles. Aucun travaux n’ont été réalisés jusqu’à ce jour.
Un dossier se constitue avec la signature d’une lettre pétition de tous les locataires concernés, des prises de photos, l’appui de l’ADILE.
IV- Les perspectives.
Condition de travail des femmes de ménage. Ce travail indispensable à toutes les entreprises, institutions, structures, est de plus en plus externalisé. Les conditions pour l’exercer deviennent d’autant plus précaires. Les préjudices humains, que ce soit sur le plan physique, psychique et social sont considérables.
Un travail en lien avec la LDH depuis quelques années va pouvoir aboutir à différents évènement en Décembre 2021, de manière à dénoncer ces pratiques indignes.
Projection du film « les Quais de Ouistreham » de Florence Aubenas, rencontre débat autour du livre « Deux millions de travailleurs et des poussières » en présence des deux auteurs, une rencontre avec les donneurs d’ordre pour revendiquer des conditions de travail plus dignes.
Atelier cuisine avec Les Moyens du Bord. Nos liens avec cette association se développent au fil des années. Des femmes volontaires vont initier à l’art de la cuisine des adhérents des MDB, à raison d’un Mardi par mois. De façon à ce que la cuisine devienne un plaisir partagé. Le repas réalisé collectivement sera partagé entre tous avec la présence des enfants.
Soutien à l’action du LAPE (lieu d’accueil parents / enfants) ouvert par l’Amicale de Beaubrun. Nous espérons pourvoir renouveler des temps d’accueil à destination des tout petits (2 / 3 ans) afin de pallier les difficultés d’accès au langage de certains enfants.
Comité de pilotage. Nous avons partagé notre première rencontre le 1er octobre. Il a rassemblé les salariés, des bénévoles « permanents » et 6 habitantes du quartier. Il a été l’occasion d’établir ensemble notre feuille de route.
Temps de formation prévus entre l’équipe salariée et les bénévoles, les habitants pour mutualiser nos pratiques et construire une culture commune sur la démarche de la pédagogie sociale; à chaque période de vacances scolaires.
Partenariat avec la Fondation Abbé Pierre, des subventions sous forme de micro projets vont être envisagées. L’objectif est de renforcer la capacitation de tous, les adultes, les jeunes et d’engager notre collectif dans une dynamique de réalisation de projets concrets, à partir de l’initiative des habitants.
La Fabrique de la Transition où nous contribuons, avec plusieurs structures collectives du bassin stéphanois, de façon à mutualiser nos moyens, à mieux diffuser la culture de la coopération, à amplifier nos liens pour mener de nouveaux projets et faciliter l’émergence de nouveaux acteurs. Nous sommes ainsi associés à ces structures porteuses de vitalité, d’ouverture et d’actions transformatrices.
D’autres partenariats se développent au fil des années:
– Nous apportons notre contribution au le Forum de la Précarité organisé par « Changer de Cap »,
– Nous allons participer avec 5 femmes, à la Nouvelle Université Populaire initiée par le collectif « Parlons en » à Grenoble,
– Nous allons participer à un écrit collectif avec le GPAS et d’autres structures sur la question de « l’aller vers ».
Nous espérons une réponse positive à notre demande de financement au Conseil départemental.
Un entretien préalable avec ce service, nous a permis de prendre contact avec la chargée de Mission du Plan Pauvreté, Précarité qui estime que notre démarche est conforme aux attendus de ce plan. Une rencontre est prévue ces prochains jours pour envisager une prise en compte de notre travail.
Nous remercions les membres du CDAFAL qui mettent à disposition leurs locaux, ce qui rend possible la poursuite de tout ce que nous développons. Ils assurent depuis 3 ans une aide substantielle à nos départs en vacances grâce aux chèques vacances.
Nous remercions la Fondation Abbé Pierre dont l’appui précieux nous permet de poursuivre la route.

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Les jeunes en galère et la pédagogie sociale

Depuis bientôt dix ans, Terrain d’Entente est présent sur l’espace public, au pied des immeubles. Nous avons d’abord rencontré des collégiens, puis des familles nous ont rejoint avec des enfants de tous les âges. Depuis trois ans, nous avons construit une relation avec les « jeunes du quartier ». Il nous a fallu tout ce temps pour créer un lien suffisamment solide pour mieux cerner leur comportement et surtout leurs difficultés, autant dire, leurs « galères ». Ce qui va être décrit est issu des réflexions et analyses de Ramzi, un pédagogue social engagé au sein de notre association depuis 4 ans. Dans cette description, nous sommes centrés sur les jeunes les plus en difficulté, notamment les garçons qui ont entre 16 et 20 ans.

Ramzi a su mobiliser énormément d’aptitudes pour savoir ainsi cheminer auprès de ces jeunes en souffrance. Pour gagner leur confiance, il lui a fallu rester impliqué et  loyal, il lui a fallu développer sans cesse sa capacité à s’adapter en faisant toujours le premier pas, à se remettre en question, à ne jamais céder à la tentation de juger. Il est porté par un objectif auquel il reste fidèle: construire un lien suffisamment fiable et solide pour que ces jeunes puissent trouver un appui pour se construire. Il est ainsi profondément ancré dans l’héritage de la pédagogie sociale que Paolo Freire nommait ainsi: « L’éducateur ne doit pas perdre sa capacité à s’indigner, il ne peut pas être neutre face aux injustices. Il doit entretenir l’espoir de pouvoir surmonter cet ordre injuste et d’imaginer des utopies réalisables« .

La posture de  certains membres de la communauté éducative

Grand nombre de sociologues qui étudient les phénomènes de délinquance s’accordent sur le même constat: l’approche préventive, éducative et sociale de la protection de l’enfance est passée sous silence dans les discours dominants au profit de l’accent mis sur son aspect judiciaire et sur la répression.

De façon générale, la relation « éducative » à l’enfant et au jeune de « quartier » est basée sur des rapports de domination. Les responsables d’établissement,  les policiers et bien d’autres adultes auxquels ils sont confrontés au quotidien, adoptent une posture très semblable. Dans la majeure partie des situations, face à ces mineurs l’adulte est celui qui sait! Il tient une posture haute dans cette relation. Il s’adresse à lui en endossant le rôle qu’il estime avoir à jouer. Confondant ainsi son devoir de protection, il s’arroge un droit de correction. Si l’enfant n’agit pas, ne pense pas, n’obtempère pas en fonction des attendus de l’adulte, il reçoit toute sorte de messages dévalorisants, disqualifiants, et bien souvent des sanctions. Il est renvoyé de manière systématique à sa position d’inférieur.

N’ayant pas le même langage que ces adultes, ces enfants restent victimes impuissantes de la façon dont la relation leur est imposée.

Ils sont considérés comme des « merdeux » et on les amène ainsi à se comporter comme tel. Ils se retrouvent emprisonnés dans une spirale où ils ne peuvent plus que réagir et non pas agir. Ces enfants et ces jeunes sont victimes de violences affectives, une violence invisible avec tout son cortège d’expériences de mépris, d’humiliation et d’échecs. Ils deviennent au fil du temps, hyper sensibles et hyper réactifs aux injustices qu’ils subissent.

Ca peut passer pas des petits rien presque insignifiants: un enfant demande des renseignements, et il lui est alors répondu: « comment tu t’exprimes? » « Tu dis d’abord bonjour! »… Avec cette double peine où il lui est reproché d’être dans la réactivité alors qu’il subit lui même, tout au long des journées, la réactivité des adultes.

L’impact de ces attitudes peut être dévastateur

Des petits rien cumulés jusqu’aux injustices avérées et ces enfants et ces jeunes plongent peu à peu dans la résignation. Cette façon de s’abandonner à son  propre sort, quand on n’a plus de fierté d’être soi même. Quand on n’ose plus faire les choses, parce qu’on a honte, et qu’on rentre dans cette spirale, où on « ose » de moins en moins…. C’est tout simplement et cruellement une perte de l’élan de vie. Nous connaissons son échéance ultime et nous là redoutons: la consommation de shit, puis de toutes sortes de stupéfiants.

Nous sommes face à des jeunes avec leur histoire d’abandon, leur vécu d’humiliation.

Nous en connaissons plusieurs qui vivent sous l’emprise des drogues, et sous l’emprise d’adultes encore plus malveillants. Ils deviennent alors victimes d’une forme de prostitution,  ivres d’alcool et de drogues, rémunérés pour leur participation au deal avec des doses de shit. Ils sont peu à peu vidés de leur volonté et de leur conscience. Les narcotiques provoquent des blocages neuro-psychiques qui empêchent  de rester suffisamment conscient de ses actes et de son comportement.

Les lieux où ces drames se perpétuent sont très identifiables. On retrouve ces jeunes dans des espaces où les habitants ne sont pas intégrés sur le territoire, des espaces qui concentrent la misère avec des  adultes qui n’ont aucuns moyens de réagir. Ces jeunes se retrouvent ainsi sans protection. Les actes d’incivilité, les actes de délinquance qui peuvent avoir de graves répercutions s’enchaînent et se multiplient. Les casiers judiciaires sont fréquents. Ces jeunes en viennent à perdre toutes leurs attaches. Parce que c’est trop dur d’être face à ce désastre qui s’enchaîne: ils finissent par capituler.

 

Privilégier l’approche préventive, éducative et sociale

A Terrain d’Entente, nous sommes particulièrement attachés à l’acte d’éduquer. L’éducation est une condition du développement humain, du développement social, du savoir vivre et agir ensemble. Nous nous efforçons de contribuer à la construction de ces enfants et ces jeunes, parce que nous sommes convaincus que tout enfant est censé réussir. La condition pour qu’il puisse y parvenir est qu’il puisse bénéficier d’une présence bienveillante et d’encouragements permanents.

Pour nous, le concept d’éducation rime avec protection et prévention mais aussi avec participation et émancipation.

« C’est parce qu’elle constitue un projet de développement, d’émancipation et de perfectionnement des individus et des groupes, pas seulement d’intégration passive à leur milieu, que l’éducation est un des principaux fondements des sociétés. (….) L’éducation  ne se résume pas à transmettre des connaissances, des normes et à inculquer le sens de leur respect, elle munit aussi les individus des capacités de les critiquer et de contribuer s’il y a lieu à les transformer« . (Frédéric Jésu  » Co éduquer. Pour un développement social durable »)

Nous nous revendiquons de cette éducation qui vise à développer les potentialités intrinsèques à chacun, qui lui ont d’ailleurs été  conférées en premier par son milieu d’origine.

 

« On développe un tel lien qu’ils n’ont pas peur de demander« . (sic )

Nous tentons effectivement de développer du lien, et notre première intention est de faire toujours le premier pas, de rester présent et attentif, de ne pas juger. Nos efforts sont centrés sur la construction de la qualité de ce lien. Avec la volonté de construire une relation de personne à personne, une relation qui soit la plus horizontale possible. Une relation où nous sommes suffisamment proches et impliqués pour considérer chaque enfant comme si c’était notre propre enfant, pour lequel on veut le meilleur, pour lequel on est prêt à aller jusqu’au bout. Prêt à se battre à ses côtés, prêt à ne jamais lâcher sa main pour qu’il puisse avancer, prêt à lui rester toujours fidèle, prêt à croire en lui encore et encore, prêt à tenter l’impossible pour le remettre debout.

Nous estimons que nous sommes collectivement responsables de l’éducation et de la protection de tous les enfants et de tous les jeunes. Nous exerçons ainsi, une démarche de  communauté éducative de manière effective, dans le quotidien.

La posture dans laquelle nous sommes engagés

« Et si au lieu de leur apprendre à parler, nous apprenions à nous taire? » (Fernand Deligny)

Etre adulte face à des enfants et des jeunes en détresse demande beaucoup de rigueur, et des efforts constants. Il est primordial et ceci requiert toute notre attention, de nous extraire de notre égocentrisme. Car dans toute relation que nous investissons dans la durée, ce qui nous mobilise en premier lieu, notre penchant naturel, c’est la satisfaction personnelle que nous en retirons. Nous avons tellement besoin de nous sentir gratifiés et valorisés! Il est très rare en fait que nous soyons  tournés vers une considération d’autrui qui soit désintéressée.

Nous sommes face à des jeunes avec leur histoire d’abandon, leur vécu d’humiliation. Des jeunes hyper sensibles, hyper réactifs. Des jeunes qui sont perdus, des jeunes qui nous échappent, des jeunes en danger. Des jeunes pour lesquels il faut prendre soin de la relation de manière à la rendre la plus sécurisante possible, la plus contenante, au prix d’une attention et d’efforts d’adaptation constants.

Tout ceci nous fait prendre personnellement de grands risques. Les jeunes nous font parfois vivre ce qu’ils n’ont pas été en mesure d’accepter de leur propre histoire. Nous risquons d’être amené à éprouver en miroir leurs insatisfactions, leurs déceptions, leur impuissance. Nous risquons de ressentir culpabilité et incompétence. Nous risquons de souffrir avec eux, en rejoignant ainsi leur détresse.

Mais l’évitement d’une difficulté n’est jamais la meilleure façon de là résoudre de manière durable. Au coeur de la difficulté on trouve souvent l’amorce de la solution. Alors, nous nous risquons.

 

Faire équipe pour rester mobilisé

Notre travail ne doit pas être incarné pas une personne mais par une démarche, une équipe.

Pour établir cette relation particulière, il nous est demandé au quotidien un « travail » sur nous même pour limiter toute réactivité. Nous devons devenir comme témoin de nous même, par une prise de distance indispensable par rapport à nos propres affects, tout en créant une proximité maximale pour rejoindre ces jeunes et essayer de comprendre avec eux leur vécu d’injustice. Une posture très paradoxale, un travail d’équilibriste!.

Pour préserver un certain confort, une sécurité suffisante pour nous même, nous avons besoin d’espaces pour penser notre travail. La qualité de la vie de l’équipe est essentielle, de façon à objectiver au mieux ces relations. La communication est centrale.  Il est indispensable d’échanger beaucoup, de créer un climat de confiance interpersonnelle, et de solidarité, d’apprendre à  coopérer.

L’équipe est un rempart contre nos difficultés personnelles, pour assumer ce qui nous dépasse où nous nous sentons démunis, pour ne pas se laisser envahir par les situations.

Nous faisons donc des apprentissages permanents qui nous permettent de développer entre adultes un discours cohérent et tenir ce qu’on a dit. Un cadre protecteur pour tous ceux qui viennent nous rejoindre.

Notre rôle également est de nommer les difficultés spécifiques de la vie de ces jeunes, pour espérer que les institutions  ne restent pas aveugles et sourdes aux risques de mise en échec. s nous efforçons de contribuer à plus d’égalité en cherchant à corriger les désavantages sociaux résultants des inégalités de ressources.

 

De quelle façon on agit dans la vie de ces jeunes?

Nous savons que les opportunités de rencontre rendent possibles d’autres trajectoires de vie.

Alors, qu’est ce qu’on fait avec ces jeunes?

Pour être suffisamment précis dans ce que nous tentons de décrire, il nous faut être concret.

Dans les expériences les plus emblématiques que nous avons partagées ensemble, on peut évoquer le processus qui nous a permis de constituer une équipe pour le foot à 7, avec l’exemple des certificats médicaux indispensables pour obtenir une licence. Les jeunes volontaires pour constituer une équipe étaient tous particulièrement motivés par cette perspective. Mais avec certains d’entre eux, 3 mois ont été nécessaires pour établir un certificat médical! Il faut préciser que les médecins généralistes refusent aujourd’hui les nouveaux clients et en règle générale, les familles que nous connaissons ont rarement un médecin traitant, un médecin de « famille ».

Pour un rendez vous médical, il faut désormais prendre contact sur  une plateforme téléphonique…. Ces jeunes ont fini par « avouer » qu’ils n’arrivaient pas à réaliser cette formalité!

Nous pouvons mesurer la qualité du lien qui nous unis à ces jeunes dans leur capacité à nous livrer leur vulnérabilité. Beaucoup d’entre eux sont pétris de peurs, de honte, qui les paralyse. Ce n’est pas le fait qu’une démarche administrative est rebutante qui empêche un jeune de la réaliser, mais son manque de confiance en lui, un blocage affectif. Tout risque de s’affronter à un refus, le renvoie à sa peur d’échouer. Certains jeunes souffrent d’un tel déficit de confiance qu’ils ne peuvent pas prendre le risque de se confronter une fois de plus à un échec. Une fois de plus serait une fois de trop! Ces jeunes développent une sentiment d’incompétence. Pour nous la réponse est de les ramener vers la victoire de manière symbolique.

Pour tout un chacun, on accepte de « perdre » parce qu’on a fait l’expérience de « gagner ». Quand on a toujours « perdu », il faut gagner énormément pour corriger l’incompétence apprise.

Il s’agit donc de reconstruire cette confiance, de faire cet apprentissage profond où on sait qu’on est capable, malgré les échecs.

Dans cet exemple précis, Ramzi a pris rendez vous auprès d’un médecin, avec les jeunes concernés, et a assisté à cette rencontre pour soutenir leur demande.

Nous sommes centrés sur les affects de ces jeunes qui vont mal: nous cherchons le plus possible à comprendre, à compatir. Ce cheminement demande une forme d’optimisme de la par des adultes, de savoir nous saisir de toutes les occasions pour leur manifester notre conviction de leurs capacités.

Nous devons proposer des buts clairs, commencer par ce qui est immédiatement accessible, pour reconstruire les choses à partir de petits pas.  Nous recherchons toute forme d’activités qui nourrissent, qui apportent du bien être, où on éprouve du plaisir, de façon à développer d’autres compétences. L’amusement permet de  développer des émotions qui nous nourrissent.

On encourage ainsi toute pratique susceptible de combler ce besoin de reconnaissance.

Le sport reste un puissant vecteur. Chaque pratique sportive est une opportunité pour faire l’expérience profonde de l’expire et de l’inspire. Ressentir ce mouvement de la respiration  qui nous relie à nous même et au reste du monde. Une reliance avec notre commune humanité et au vivant, qui nous sort du sentiment d’isolement,  qui devient une opportunité pour remettre ses problèmes face au monde.

On n’est moins enclin à prendre tout contre soi quand on a à son actif des expériences de réussites pleinement vécues.

Il s’agit ainsi d’investir toutes les forces qui contribuent à nourrir l’élan de vie, l’estime de soi.

On invite ainsi chacun à entrer en résilience, avec cette volonté de surmonter les choses en développant la capacité à demander de l’aide.

Personne ne peut réussir seul ce parcours. Et le problème pour les jeunes, c’est la perte de confiance en l’adulte. Pour reconstruire cette relation, il faut d’abord se sentir aimer, de façon inconditionnelle.

La résilience n’est pas innée, elle se construit avec des opportunités de rencontre. L’ego, la conscience que l’on a de soi-même, qui est au  fondement de notre personnalité, et la résilience, tout est lié. Pour nous,  « apprendre à se battre » permet de développer son intérêt propre et nous faisons le choix d’apprendre ensemble à « boxer avec les mots ».  Il s’agit d’apprendre à rester déterminé et de savoir trouver les mots pour argumenter, défendre la légitimité de la demande ou du positionnement.

Dans cette démarche très centrée sur l’individu nous ouvrons chaque fois que possible à la dimension collective. Nous invitons également à l’altruisme. En s’extirpant d’une problématique exclusivement personnelle, nous ouvrons d’autres possibilités de  surmonter les problèmes. L’ego est nourrit de ce sentiment de compter pour les autres, en développant l’empathie.

 

Nous restons parfois impuissants

Il nous reste malgré tous ces efforts, beaucoup de questions sans réponse.

Comment sortir de l’addiction, du réseau qui rend ultra dépendant ? Quelles priorités nous donner pour un jeune sous emprise de stupéfiants:  trouver des débouchés de formation  pour qu’il échappe à un placement qu’il redoute où bien ce placement lui offrirait-il une chance de sortir de cette dépendance? Parfois on peut juste signifier: « pour toi, il y a encore une main tendue », avec le risque de l’accompagner dans beaucoup d’échecs et peu de réussites, ne sachant comment pouvoir soigner tous les dégâts.

Nous tentons également de construire des partenariats et nous doutons parfois de leur pertinence pour l’intérêt du jeune. Certains éducateurs, dans le cadre de leur mission, doivent se placer du côté de l’ordre public, ils observent l’évolution des jeunes et doivent rendre compte de la dangerosité de leur comportement et envisager, si nécessaires, des mesures répressives. D’autres s’efforcent de préserver des espaces d’accueil inconditionnels en prenant en compte les besoins des jeunes et de leur famille. Nous restons donc extrêmement vigilants tout en souhaitant préserver ces liens parce que nous sommes convaincus des vertus de la communauté éducatives pour assurer à ces jeunes toutes les ouvertures possibles. Il est impossible de travailler de façon isolée.

 

Reconnaître la part de violence humiliante infligée à ces jeunes

Nous restons très préoccupés du comportement souvent discriminant des forces de police. Ils doivent faire appliquer la loi et reprendre les jeunes par rapport à leur conduite illicite. Hors nous sommes témoins de harcèlements arbitraires. Si on ne s’indigne pas, si on ne considère pas ces situations comme injustes,  ne risque-t-on pas de rentrer dans le discours « ferme ta gueule, baisse la tête ». Comment on défend, comment on protège?

Ces comportements discriminants aboutissent à une dangereuse pratique de la part des habitants dont certains prennent systématiquement la défense des jeunes tout en étant inquiets voire consternés des actes de dérive dont ils sont témoins. Un rapport à la loi qui se distord avec certaines familles qui cherchent à sortir leur jeune de la galère en niant le délit, en travestissant la réalité.

Quels enseignements peuvent en tirer ces jeunes, pour eux mêmes, dans leur rapport aux autres, à la place qu’ils n’ont pas dans la société ? Comment permettre à cette colère face à la façon injuste dont ils sont traités de pouvoir devenir un acte de revendication pour plus de justice qui devienne collectif? Comment apprendre à diminuer les impulsions, la réactivité, apprendre à contester?

Il nous faut reconnaître la part de violence humiliante infligée à ces jeunes dans ces attitudes répétées au fil des années. Les adultes, ont un devoir de protection, il est urgent de casser toute possibilité d’établir un rapport de force.

Une autre forme de violence peu reconnue également, celles des inégalités de ressources. C’est une réalité pour beaucoup de jeunes que  leur choix d’orientation scolaire implique des contraintes supplémentaires. Pour beaucoup le nouvel établissement va se trouver à une distance importante du domicile et nécessiter des trajets quotidiens qui peuvent durer deux heures par jours. On peut dire: « c’est pour tout le monde pareil ». Seulement on ne tient pas compte que tous les enfants ne sont pas égaux face à des réalités semblables. On ne peut pas ramener les difficultés que ces enfants traversent à l’expérience de tous les autres jeunes. Souvent ces jeunes ne choisissent pas leur orientation, elle se fait par défaut. Le principe d’égalité des droits ne peut être mis en oeuvre  dans un contexte d’inégalités sociales. Comment rendre compte de ces difficultés spécifiques  pour espérer que les institutions ne restent pas aveugles et sourdes aux risques de mise en échec?

Comment restons-nous fidèles à la démarche de la pédagogie sociale?

A Terrain d’Entente, nous cherchons à prendre en compte la diversité de tous ces jeunes qui nous rejoignent  et à construire des temps qui correspondent aux envies de chacun.

Le collectif est une richesse qui rend possible des actions où chaque personne volontaire peut devenir partie prenante. Il permet ainsi des apprentissages, il met en évidence des aptitudes qui renforcent l’estime de soi, la reconnaissance réciproque, le sentiment d’exister avec les autres et de compter pour les autres. Mais le collectif peut représenter également des expériences difficiles, où chacun ne trouve pas forcement sa place, et peut vivre parfois des expériences disqualifiantes. Il est forcement contraignant, ce qui peut être une lourde difficulté pour des personnes vulnérables, dont le parcours est parsemé d’échecs. Il est essentiel que personne ne soit en risque de « disparaître » dans le groupe, il est indispensable de prendre en compte chacun.

Nous nous efforçons de construire des temps spécifiques avec des groupes restreints, à partir des envies, où il est possible de construire entre chaque membre un climat sécurisé, une relation de confiance et de reconnaissance réciproque. Dans ce que nous entreprenons, nous évitons au maximum le risque de vécu d’échec pour quiconque, nous sommes attachés à la restauration et au bien être de chacun. Nos actions, sont donc centrées sur la construction d’une qualité d’attention à chacun.

C’est à la recherche de nouvelles formes de coopérations et de retissages de liens sociaux autour de l’éducation des enfants et des jeunes qu’il est urgent de s’atteler pour faire face aux menaces d’effritement de la cohésion sociale.

 

Josiane GUNTHER et Ramzi NEZZAR le 21 Janvier 2021

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lorsqu’on a moins de droits que les autres, comment accepter d’avoir les mêmes devoirs?

« Ha ça, c’est sûr, ça serait bien que le goûter devienne un temps de partage! »

C’est un jeune de 14 ans qui parle ainsi. Il a des pépites dans les yeux quand il évoque cette perspective.

C’était au début de nos rencontres aux pieds des immeubles, à l’occasion de nos premiers ateliers de rue les samedis après midis. Notre premier goûter avait été catastrophique, les chocos avaient volés, certains même piétinés dans la précipitation des jeunes  à réclamer leur part!

A l’époque, nous nous adressions essentiellement à des garçons adolescents qui nous ont rapidement encouragés à revenir pour construire ensemble ces temps de « partage ».

Au début de nos rencontres, les coups et les insultes pleuvaient. Mais chaque fois que nous savions nous interposer dans ces rudes bagarres, en y accordant le temps nécessaire, les maux savaient s’exprimer, on apprenait ensemble à trouver les mots justes pour donner du sens à ces colères explosives. Ils nous ont rapidement sollicités pour intervenir dans ces conflits. Ils ont fini par nous demander de venir plus souvent et de rester plus longtemps.

De ces jeunes dont on parle trop souvent avec un discours empreint de crainte, de mépris, d’une multitude de présupposés qui ne sont jamais vérifiés mais toujours affirmés avec conviction. On leur reproche d’être à l’origine de tous ces désordres sociaux, ces incivilités qui nous les font rapidement considérés comme délinquants.

Moins on a de relation, d’expériences partagées, moins on a de connaissance, et de compréhension. S’ouvre à nous alors un champ très libre pour les phantasmes générateurs de peurs et de rejets. Cette tendance facile à penser de façon simplifiée et schématique.

Il faudrait donc les éduquer! Instaurer fermement  des règles pour apprendre « le cadre » à ces jeunes qui ne respectent rien ni personne »! Un « cadre »  posé de façon autoritaire et strict pour leur apprendre les rudiments des règles du vivre ensemble. On voit qu’ils crachent par terre, qu’ils profèrent des insultes, qu’ils narguent les adultes.

Mais qui fait l’effort de connaître un peu la réalité de leur quotidien? Qui s’interroge des conséquences de cette vie de galères?

Un jeune que je rencontrais régulièrement en prison me posait un jour cette question. « Comment on fait quand on est une famille très pauvre, qu’on a été nul à l’école, ,qu’on vit dans un quartier où il y a de la violence, de la délinquance? »….

Qui est capable de répondre ?

Comment on fait quand les collèges excluent des collégiens pendant plusieurs mois et qu’ils précisent qu’ils n’ont plus rien à faire dans un établissement scolaire ? Comment on fait quand on a raté plusieurs semaines d’école suite à une situation familiale explosive et qu’il n’est pas possible d’envisager le redoublement parce qu’il y a trop d’élèves par classe ?! Comment on fait quand on a 11 ans, et qu’il est indispensable de contribuer à l’organisation familiale dès la première heure du jour et qu’on reçoit des sanctions et des menaces d’éviction scolaire parce qu’on arrive en retard à l’école ? Comment on fait quand les structures du quartier organisent un départ en vacances pour 7 alors qu’on est 40 à l’espérer ? Comment on fait quand on démultiplie les démarches de recherche d’emploi et que c’est toujours « non ?

Qui peut répondre ?!

Ils sont pourtant nombreux, les chercheurs, les intellectuels à nous proposer des pistes pour comprendre et tenter de trouver des manières adaptées de répondre. Parce que la responsabilité de toute la communauté éducative est de chercher d’abord et sans relâche, à comprendre ce que manifestent ces jeunes !

Fernand Deligny (1) a été l’un des pionniers pour rechercher sans relâche ce qui dans son propre comportement empêchait que la rencontre se produise, que le lien se construise. C’est d’abord ça le travail éducatif, considérer ses propres limites et défaillances pour mieux cheminer avec l’autre, pour se laisser transformer par ses attitudes qui peuvent nous déconcerter, provoquer un sentiment d’insécurité. Pour rejoindre sa souffrance et tenter de là traverser avec lui.

Christophe Dejours (2) nous invite à nous laisser coloniser par le doute. Parce que « le réel se fait connaître par l’échec« , parce que « la souffrance guide l’intelligence« .

Dans un entretien sur la question de la violence des banlieues, Christophe Dejour répond « la violence du non travail »!

L’accomplissement de soi dans le champs social, passe par le travail. Inscrire notre existence dans la société passe par le travail et la reconnaissance de notre contribution à l’intérêt commun. Pour ces jeunes, il n’y a plus d’espoir d’apporter cette contribution à la société, ce qui pourrait les inscrire dans la communauté des hommes. Ils sont privés de la possibilité d’espérer le travail.

Pour supporter cette situation, résister à cette souffrance de se sentir exclus, certains s’efforcent d’organiser des stratégies de défense. Il s’agit pour eux de renverser le rapport au travail. Ils inversent cette humiliation d’être récusé du rapport au travail dans l’affirmation que rien n’est plus humiliant que d’accepter de travailler.

Cette attitude de défiance se construit dès l’école. Les difficultés d’apprentissage, les efforts très contraignants sont possibles à condition que se profile la promesse d’une émancipation grâce au travail. Pour eux, le travail scolaire devient donc le symbole de ce qu’il faut rejeter. Ne pas se soumettre à la discipline, s’opposer au travail scolaire, à l’enseignant, à tout ce qui représente ce qu’il est interdit d’espérer pour eux même.

Ce rapport d’humiliation du fait de l’exclusion produit des comportements par lesquels ils s’endurcissent pour supporter tout ça: il faut devenir insensible à toute forme de message qui rappel le rejet. Est un homme celui qui est capable d’assumer la souffrance et de l’infliger à autrui. Tout ce qui représente cet ordre qui ne leur laisse aucune place est la cible de leur haine. L’ennemi est tout ce dont on est définitivement privé. C’est une idéologie défensive, une exaltation de la violence comme valeur. Ils ne sont pas victimes du système, ce sont eux désormais qui vont faire peur et qui vont humilier. Etant exclus de toute participation aux règles de la collectivité, ils rentrent dans « un rapport de force » et non plus un rapport de droit. Le « rapport de droit » est d’avance perdu pour eux tout le temps et partout.

Christophe Dejours estime que nos réponses sont inadaptées, inopérantes. Du côté de l’action sociale, l’objectif des éducateurs est d’attaquer ces défenses pour les déconstruire, ce qui amplifie d’autant la radicalisation de ces défenses.  La réponse sécuritaire et répressive ne fait également qu’aggraver les choses. La terrible dérive de ces réponses est de n’avoir bientôt que l’armée comme solution pour aller cogner sur ces gosses afin de les mater.

Il faut retrouver les voies qui permettraient à chacun d’apporter sa contribution à la vie sociale par le travail. »La centralité du travail est vitale pour chacun. »

Ceux qui échouent à l’école sont les exclus de demain. 1,9 millions de jeunes sont ni en emploi, ni en formation, ni en recherche, ni en accompagnement. Comment  peuvent-ils s’insérer? Notre pacte républicain est en danger si on ne réduit pas ces écarts: lorsqu’on a on moins de droits que les autres, comment peut on accepter d’avoir les mêmes devoirs?

« La coopération, l’explication, la compréhension sont une plus grande source de réussite que la compétition, le langage des initiés. Il faut une école inclusive avec un système d’évaluation qui encourage. Promesse d’une élévation du niveau pour tous, ce qui n’est jamais du nivellement par le bas.

Pour le vivre ensemble en société, il faut scolariser ensemble toute la jeunesse. L’école, c’est le temps du commun. » (Jean Paul Delahaye) (3)

Terrain d’Entente est engagé sur cette question de l’école. Les enfants des milieux populaires souffrent à l’école parce qu’il n’y a pas suffisamment de prise en compte et d’effort de compréhension de leur réalité. Le corps enseignant a la responsabilité de l’ouverture de l’école sur le quartier, de l’organisation de la rencontre avec les familles. Mais cette institution ne peut pas réaliser ce travail seule et de manière isolée.
Nous souhaitons engager  un chantier, dans la durée, pour rechercher comment offrir les meilleurs conditions pour construire une communauté éducative qui assure de manière effective notre responsabilité collective dans l’éducation et la protection des enfants et des jeunes, avec les différents acteurs du champ éducatif, les parents. C’est une condition incontournable pour permettre à chaque enfant de faire des liens entre les différents espaces dans lesquels il évolue et de trouver ainsi du sens et de la cohérence dans les apprentissages organisés de manière différente à l’école, en famille, dans le milieu associatif.

Les enfants dont la structure familiale ou sociale a été brisée peuvent devenir créateurs si on leur donne un lieu de parole, autant qu’ils peuvent devenir délinquants quand leur énergie ne trouve aucun lieu d’expression. Terrain d’Entente cherche à offrir une structure affective et sociale autour de ces jeunes. Nous prenons le risque de nous laisser déstabiliser, jusqu’à nous sentir parfois avec eux, à la limite du danger et nous puisons ensemble d’impressionnantes ressources. Il faut pour cela endurer les nombreuses expériences d’échec, et s’obstiner à ne pas lâcher. Il est nécessaire de développer une attitude de bienveillance et de compréhension. Nous mobilisons toute notre énergie pour créer un climat apaisant pour accueillir ces tempéraments tendus, blessés, hyper réactifs. On sanctionne le moins possible, on accueille, on écoute, on s’efforce de comprendre.

Ainsi, ces mêmes jeunes ont su se saisir de l’opportunité que leur offrait un nouveau dispositif, le Fond de Participation des Habitants, qui aide au financement de différentes actions. Ils ont rédigé un projet de départ en vacances, et préparé ensemble la rencontre à la commission d’admission pour expliquer leurs motivations. Ils souhaitaient partager quelques jours entre copains. Ils se sont saisi de la seule opportunité que nous pouvions leur offrir: une semaine à la Ferme des Fromentaux, en Haute Loire.

Pour ces jeunes, ce séjour a été « une première fois » sur de nombreux aspects. La vie dans une ferme, le travail du quotidien, la « rencontre » avec la nature….

Malgré cet aspect déstabilisant, ils ont eu, durant tout le séjour, une attitude coopérative et positive.

Ils se sont intéressés aux activités, (conduite du tracteur, traite des chèvres….). Ils ont participé à toutes les tâches ménagères (repas, vaisselle, rangement) qu’ils avaient eux mêmes organisé en se répartissant le travail à partir d’un tableau qui établissait des tours de rôle.  Ils ont respectés les horaires qu’on avaient décidé avant le séjour. Ils ont eu un très bas niveau d’exigence concernant les activités, s’inquiétant du coût et des possibilités de l’association. Les soirées ont été l’occasion d’échanges authentiques autour de leurs préoccupations.

Aujourd’hui, ces jeunes ont souhaité organiser un « café des ados », un lieu pour se retrouver avec une présence adulte pour les accueillir .

Aujourd’hui les structures sont nombreuses à investir beaucoup d’énergie pour dénoncer le danger des écrans et faire des campagnes de prévention, de sensibilisation pour apprendre les  bonnes pratiques. Sachant que les écrans sont pour beaucoup la seule source de plaisir qui est vécue dans la solitude, sans aucun garde fou, les structures du quartier que nous avons sollicitées pour organiser ensemble cet accueil, nous ont toutes répondus:  « on ne peut pas tout faire! »

Nous avons donc ouvert ce café et une trentaine de jeunes nous rejoignent chaque jeudi. Nous réfléchissons ensemble à différents espaces pour discuter, se divertir. Des projets se pensent. Tout semble possible, mais un problème se profile: nous ne sommes que deux pour les accueillir! Nous risquons rapidement de toucher nos limites pour tenir cet accueil dans la durée.

Notre détresse à nous, c’est d’être trop peu nombreux, et de disposer de moyens insuffisants  pour construire une action à la hauteur des aspirations de ces jeunes qui réclament juste un peu d’espace et d’attention.

Josiane GUNTHER Mai 2019

(1) Fernand Deligny, né en 1913, une des références majeure de l’éducation spécialisée

(2) Christophe Dejours, psychiatre, psychanalyste et professeur de psychologie français, spécialiste en psychodynamique du travail et en psychosomatique

(3) Jean Paul Delahaye, Inspecteur général de l’éducation nationale honoraire. Ancien directeur général de l’enseignement scolaire.

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Se mettre en danger, pour ne pas renoncer à changer sa vie

Nous traversons parfois, avec les adolescentes, des périodes extrêmement éprouvantes. De ces moments qui nous donnent l’opportunité de comprendre de façon plus aiguë, plus intense, les enjeux actuels.

Certaines d’entre elles multiplient les conduites à risque et se mettent véritablement en danger. Elles se laissent brutaliser sans broncher sur l’espace public, elles fument, elles boivent… Elles se « cramen » ! Et nous nous retrouvons face à notre impuissance.

En équipe on consacre de longues heures, à réfléchir, à ne pas comprendre, à tourner en rond… Eh puis, au fil de ces échanges, un peu de sens apparaît, et il s’ouvre à nous, souvent, quelque chose de tellement violent !

Ces filles, elles passent leur énergie à manifester que leur cadre de vie les asphyxient, et elles sont prêtes à y laisser leur vie. Elles y ont déjà un peu perdue leur âme. Elles ne peuvent pas faire autre chose que de manifester qu’elles ne peuvent pas juste obéir à ce qu’on leur impose, de toute façon, de ça aussi elles ne peuvent qu’en mourir, que s’éteindre.

Parfois, on arrive à parler, on trouve un peu les mots. Juste pour dire qu’elles ont raison de ne pas renoncer à ce qu’elles sentent au fond d’elles mêmes, que c’est extrêmement courageux, qu’elles sont vraiment « quelqu’un » de savoir faire ça. Mais le manifester de cette façon, l’issue fatale et inéluctable, c’est de s’exploser dans le mur.

Parfois, certaines répondent : « je ne sens rien ! » Petites filles qui s’asphyxient, qui se coupent d’elles mêmes. Alors on se risque à parler de soin, de prendre soin, de protection, on recherche ensemble des lieux adaptés, des espaces de sécurité et de bienveillance, en s’efforçant d’explorer de façon large toutes les issues possibles.

Le lien est fragile et ténu, le dialogue est vraiment difficile, mais on ne lâche pas ces mains qui prennent le risque de se tendre et de croire à autre chose. On s’efforce de trouver l’issue pour que chacune trouve le sens, l’envie surtout, pour construire son devenir, mais c’est tellement dure. Il faut être auprès de chacune pour lui donner une chance d’y arriver, mais bien souvent, elle nous échappe.

Nous savons que tout commence par un immense effort de compréhension. Aucune n’agit dans le but de faire souffrir qui que ce soit dans leur entourage, mais parce qu’il y a des choses qu’elles ne peuvent pas supporter et il faut qu’on le comprenne avec elles pour qu’elles puissent le comprendre elles mêmes. Il y a des moments très douloureux mais nous restons centrés sur ces enfants et parfois, on peut sentir qu’elles commencent à y croire un peu.

Ces jeunes filles, elles trouvent l’énergie et le courage de faire un pas dans le vide en prenant tous les risques, trop de risques…

Pour nous, pédagogues sociaux, tout ce chemin parcouru ensemble est une opportunité de faire aussi un pas pour notre propre émancipation. Sortir de la domination, c’est toujours un arrachement, c’est violent pour le dominé et le dominant, ça ne peut pas être autrement. Sortir de la domination, c’est ne jamais renoncer à la petite voix intérieure qui dit « non. » Sortir de la domination, c’est prendre tous les risques, même celui de mourir pour préserver ce qui est vivant en nous, ce coeur qui bat d’une manière unique. Ce qui est vivant en nous, c’est ce qui est libre de toutes les obligations, les croyances, les idéologies et qui rend possible un nouvel espace où il peut se créer autre chose qui nous permet à tous un pas de plus et qui peut tout transformer, parfois même radicalement.

Ce que manifestent toutes ces jeunes filles, comme elles le peuvent, c’est la capacité de refuser tout ce qui peut réduire nos vie, la capacité de se révolter, une pulsion de vie. C’est très semblable aux différentes bataillent qui se mènent un peu partout pour refuser l’inacceptable et tenter de construire autrement pour plus de justice et d’égalité. C’est proche par exemple du combat mené par les grévistes, employés dans toutes ces entreprises qui ferment et se délocalisent alors qu’elles font des bénéfices, mettant ainsi en péril des milliers de familles.

Ce que manifestent ces jeunes filles c’est ce que nous avons su inventer en prenant des risques chaque fois que nous savons écouter la petite voix intérieure qui dit « non » et qui nous pousse à nager à contre courent, pour ne pas être mort.

Ce que manifestent ces jeunes filles, c’est très semblable à ce que tous ces grands hommes et femmes qui ont marqué l’histoire ont du faire : un pas dans le vide. Beaucoup ont pris le risque de perdre leur vie pour chaque fois tenter de remettre le monde humain en ordre. Toutes ces actions qui prennent des formes différentes en fonction du contexte et qui sont des occasions pour nous tous de nous émanciper de toutes les dominations et de ne pas renoncer à nos rêves.

 

Josiane GUNTHER Août 2018

 

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LE PROJET VRAC : une alimentation de qualité accessible à tous.

Au vu de l’impact de l’alimentation et de sa production sur notre santé et sur la nature, au vu de l’intérêt manifesté sur cette question par une majorité d’habitants des milieux populaires, au vu de leur impossibilité majeure à y avoir accès, Il est nécessaire de développer un cadre qui rende accessible pour tous une alimentation de qualité, issue d’une production écologique. L’objectif est de construire une dynamique qui engage chacun d’entre nous à en devenir partie prenante.

Le projet VRAC Saint-Etienne (Vers un Réseau d’Achat en Commun) est issu d’une réflexion partagée de différents acteurs et associations d’habitants du territoire stéphanois, posant le constat d’inégalités persistantes d’accès à une alimentation de qualité, malgré le développement de nombreuses initiatives locales en la matière. La situation très précaire de certaines familles est l’explication essentielle de leur absence de participation concrète.

En passant par le groupement d’achat, l’association VRAC Saint-Etienne vise à offrir la possibilité aux habitants des quartiers de se réunir pour commander à prix coûtants, des produits biologiques, écologiques et locaux,  répondant ainsi aux enjeux sociaux et environnementaux actuels.

Cette démarche s’attache à placer au centre l’équitable accessibilité des produits pour les familles et la rémunération des producteurs. Il est indispensable de reconnaître à tous le droit à une alimentation de qualité et la possibilité pour ceux qui nous nourrissent de pouvoir vivre dignement de leur travail.

Cette démarche ne deviendra réellement soutenable et transformatrice, que si nous posons d’emblée la question financière pour les ménages et la rétribution juste des agriculteurs. Pour l’accès de tous à une alimentation saine et locale il est indispensable de sortir des différentes formes d’aides alimentaires humiliantes. Dans différents espaces de réflexion, et de réalisations concrètes de solutions alternatives, on envisage cette question sous l’angle de la sécurité sociale alimentaire.

NOS CONSTATS

Le coût de la nourriture reste une préoccupation permanente des familles aux faibles revenus. Il est très fréquent que les foyers renoncent à une alimentation de qualité par manque de moyens financiers. 

Certaines dynamiques engagées  permettent d’affirmer qu’il est indispensable d’aller à la rencontre des gens, d’être présents sur les territoires pour rendre possible des actions transformatrices. La précarité est un vécu si contraignant que la tendance pour une personne qui la subit est de renoncer à des droits fondamentaux comme l’alimentation de qualité, l’accès à la santé, à la culture…    

 CE QUE NOUS PROPOSONS

– L’association VRAC favorise le développement de groupements d’achats de produits de qualité (biologiques, équitables) *dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville* (à discuter). En partageant des valeurs communes de solidarité, de justice sociale et alimentaire et de valorisation de produits de qualité et de leursproducteurs, l’objectif est d’offrir l’accès du plus grand nombre à des produits de consommation courante de qualité à prix accessible.

Elle se base sur l’implication des adhérent.e.s dans le fonctionnement de leur groupement d’achat : il s’inscrit dans une visée émancipatrice de réappropriation de l’alimentation. L’objectif est de créer des rencontres qui produisent du plaisir partagé et non de l’anxiété autour des questions d’alimentation, de santé et d’environnement.

Au sein des groupements, les prix sont raisonnables grâce à :

– la commande de produits en grande quantité à des producteurs engagés;

– la réduction des coûts intermédiaires en priorisant les circuits courts et en réduisant les emballages superflus;

– la vente à prix coûtant et sans marge.

– Des membres de l’association organiseront chaque mois la prise des commandes dans les lieux de permanence physique avec tous les habitants volontaires, complétées par des commandes passées en ligne sur la plateforme cagette.net. Une douzaine de jours plus tard, ils livreront les produits sur chaque point de distribution sur une demi-journée. Des événements conviviaux « autour de la cuisine », avec les habitants, seront aussi proposés régulièrement.

– Il s’agit de s’appuyer sur les dynamiques de collectifs déjà engagés dans la distribution des produits issus de l’agriculture paysanne locale et sur les structures de proximité impliquées dans la vie des quartiers de façon à mutualiser les ressources et faire converger les enjeux.

– Les produits du groupement d’achat incluront des produits alimentaires en vrac (huile d’olive, farine, chocolat, sucre, fruits secs, riz, pâtes, légumineuses…), des produits d’épicerie transformés (jus de fruits, compotes, café, thé, confitures, miel, purée de tomates…) produits d’hygiène (shampoings et savons, crèmes, dentifrices, lessive…),  et des produits frais locaux (fromages…).

– Les produits seraient vendus à prix coûtant aux habitants des QPV. Une cotisation solidaire peut s’appliquer pour les adhérents habitants hors-QPV, qui doivent pouvoir participer au projet sans devenir majoritaires parmi les adhérents : la priorité d’adhésion au groupement peut être donnée aux habitants des QPV. 

– L’association devra solliciter la participation et l’engagement des collectivités locales et des bailleurs au projet à sa gouvernance et leur financement dans l’objectif de soutenir un poste de départ et des frais de fonctionnement. Les distributions et prises de commandes ayant lieu dans les centres sociaux et structures de proximité souhaitant mettre à disposition des salles, il n’y aurait pas de loyer à payer pour les distributions.

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Pour une alimentation digne pour tous.

Terrain d’Entente a contribué à l’émergence de VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun) sur le quartier de Tarentaize/Beaubrun.

Ce projet est issu d’une réflexion entre différents acteurs de terrain, notamment :

– « De la Ferme au Quartier » qui développe depuis 10 ans la dynamique des AMAP dans les quartiers. Son projet social initial était de rendre accessible cette distribution de paniers aux personnes à faibles revenus.

– « La Fourmilière », supermarché coopératif, qui souhaite que cet espace permette l’implication de tous, sans discrimination. Le coût des aliments, les parts pour devenir coopérateur, sont estimés de façon à limiter au maximum les freins à la participation.

– « Terrain d’Entente » dont un de ses objectifs est de réfléchir aux conséquences sociales de la pauvreté et à la manière de les faire reculer.

Une rencontre entre des membres de la Fourmilière et des adhérentes de Terrain d’Entente a mis en évidence une préoccupation et une volonté partagées de favoriser une alimentation de qualité pour tous, qui contribue à une meilleure santé et à la préservation de l’environnement. Malgré tout, depuis l’ouverture du magasin, et différentes tentatives pour organiser la découverte de cet espace, aucun.e habitant.e n’est devenu.e coopérateur.rice.

La situation très précaire de ces familles est l’explication essentielle de leur absence de participation concrète. Les dynamiques engagées par Terrain d’Entente sur le quartier permettent d’affirmer qu’il est indispensable d’aller à la rencontre des gens, d’être présents sur les territoires pour rendre possible des actions transformatrices.

La précarité est un vécu si contraignant que la tendance pour une personne qui la subit est de renoncer à des besoins fondamentaux comme l’alimentation de qualité, l’accès à la santé, à la culture…

D’autres structures ont rejoint VRAC pour s’y investir concrètement: L’Amicale Beaubrun, le centre social le Babet, l’AMAP de Beaubrun,

Nous sommes d’accord sur ces constats: Le coût de la nourriture reste une préoccupation permanente des familles des milieux populaires. Il est très fréquent que les foyers renoncent à une alimentation de qualité par manque de moyens financiers.

Or les prix « coûtants » affichés sur le catalogue VRAC restent pour beaucoup de familles inaccessibles. Les familles les plus pauvres ont été gravement impactées par les conséquences des confinements successifs, elles se retrouvent pour beaucoup surendettées. De plus en plus de personnes sont contraintes de faire appel à l’aide alimentaire.  La volonté de Terrain d’Entente est de rendre accessible à tous ce qui est indispensable à une existence digne. La possibilité de pouvoir subvenir aux besoins élémentaires, et également de choisir une alimentation de son choix nous semble être des objectifs à ne jamais perdre de vue.

Nous recherchons sans relâche, des solutions pour assurer à tous cette possibilité.

Terrain d’Entente a donc initié une rencontre pour engager différents acteurs avec VRAC 42, pour se questionner ensemble sur cette réalité très prégnante à St Etienne de situations de grandes précarité qui ne cessent d’augmenter. Les Brigades de solidarité, La Fourmilière, le réseau des AMAPS, la Fabrique de la Transition, De la Ferme au Quartier se sont rencontrés  fin décembre 2020.

Tous ces collectifs sont investis sur la question de l’alimentation et s’engagent dans des actions qui se déclinent de manière très différente.

Les Brigades de Solidarité ont pris le parti de s’adresser à tous ceux qui ne sont pas pris en compte dans les différents dispositifs d’aide alimentaire. Ils se sont organisés depuis le premier confinement pour repérer les personnes en demande d’aide, récolter des dons et les distribuer régulièrement.

La Fourmilière assure, auprès des coopérateurs, une collecte de denrées qui sont destinées à plusieurs lieux de solidarité dont  les Brigades.

Depuis sa fondation, ce marché coopératif à la volonté de rendre son accès possible pour tous. Son mode de fonctionnement particulier avec ses contraintes sont un élément d’explication de l’absence de coopérateurs issus des quartiers populaires.

Terrain d’Entente depuis plusieurs années s’interroge sur les meilleurs conditions possibles pour rendre une alimentation de qualité accessible à tous. Des liens se sont construits avec la Fourmilière, nous avons contribué à l’émergence de VRAC. Nous poursuivons nos recherches.

Les AMAPS, depuis plusieurs années s’interrogent sur les questions d’accessibilité alimentaire. Différentes tentatives pour constituer des paniers solidaires ont été réalisées, en lien avec d’autres structures comme le Secours Populaire, les producteurs (concernant les invendus).

De la Ferme au Quartier recherche un mode d’organisation financière pour rendre accessible ses produits. Un lien se construit avec les Brigades pour tenter un fonctionnement en réseaux avec les producteurs.

VRAC 42  se trouve à la croisée de tous ces chemins, de ces différents constats de l’immense difficulté à pouvoir rejoindre ceux qui sont aujourd’hui condamnés à consommer des produits que nous pouvons estimer dangereux, pour la santé, pour l’environnement, et dont le mode de  production met en péril l’agriculture paysanne.

La Fabrique de la Transition s’est constituée pour générer de la coopération sur les projets. Elle a contribué à la constitution de VRAC 42

Ce qui  est commun à tous ces collectifs, c’est essentiellement la question de la justice sociale, de l’accès à l’alimentation pour tous. Notre volonté est de s’adresser à ceux pour lesquels rien n’est accessible, qui ne sont pas partie prenante de tous ces réseaux. Nous sommes confrontés  à l’urgence sociale pour tous ceux qui n’ont pas de quoi se nourrir au quotidien, à l’urgence sanitaire pour tous ceux qui sont contraints à une alimentation polluée et à l’urgence environnementale, avec l’enjeu de la production alimentaire (comment sortir de la logique de l’agro-industrie et de tout son cortège d’aides, avec la  banque alimentaire comme variable d’ajustement, comment soutenir une agriculture paysanne viable pour les producteurs?)

L’urgence sociale est une question immédiate avec une organisation en réseau qui est déjà effective et qu’il faut amplifier : donner accès à de la nourriture pour tous ceux qui n’en n’ont pas les moyens d’une manière digne (l’accès aux colis alimentaires impose aux « bénéficiaires » des justifications humiliantes).

Le problème essentiel des différents « dispositifs d’aide alimentaire » est qu’ils maintiennent ceux qui y ont accès dans un statut de demandeurs de manière souvent définitive et construit un système de dépendance, de sélection et d’exclusion.

Le recours aux aides d’urgence devrait être un moment exceptionnel dans  l’existence, pour qu’ensuite chacun puisse avoir accès à des ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins vitaux.

Tout en poursuivant les actions de solidarité et d’entraide, nous sommes confrontés à la question de notre contribution à ce que chacun puisse se nourrir  correctement et de manière digne, puisse choisir sa nourriture en fonction de ses goûts et habitudes pour une démocratie alimentaire.

Il y a nécessité de construire une réflexion et des démarches transformatrices qui prennent en compte les besoins vitaux en tant que droits universels et apportent des réponses pour pallier  aux catastrophes environnementales.  Un travail est en cours et que nous pouvons rejoindre sur la construction d’une sécurité sociale de l’alimentation, les engagements des communes sur le maraîchage…..

L’objectif est de prendre en considération les besoins sur toute la commune de St Etienne, l’organisation de l’alimentation sur tout le territoire, et de permettre une connexion entre les différents énergies pour tenter de  coordonner les dynamiques.

Nous aimerions construire une réflexion avec les  producteurs, les distributeurs pour rechercher un mode d’organisation qui nous permette de définir collectivement ce que nous voulons manger, comment on le produit, de façon à ce que ceux qui nous nourrissent puissent vivre dignement et comment en assurer l’accès à tous. Dans un premier temps, nous envisageons de tenter de construire une caisse de solidarité qui permette à chaque stéphanois de consommer le plus possible de la qualité.

Le lien avec la Fourmilière et la Ferme au Quartier vont nous permettre de mettre en synergie producteurs, distributeurs, transformateurs, clients, et faire des propositions de solidarité (prix arrondis, points de la carte de fidélité à destination des collectifs, systèmes de « prix cassés »)

Nous souhaitons engager d’autres collectifs à nous rejoindre.

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Appel à constituer un Fond de Solidarité pour une alimentation de qualité pour tous.

Terrain d’Entente, VRAC 42 (vers un réseau d’achat en commun), Les Brigades de solidarité, La Fourmilière, le réseau des AMAPS, la Fabrique de la Transition, De la Ferme au Quartier ont décidé d’interpeller tous les acteurs potentiellement concernés par l’alimentation et sa qualité.

Au vu de l’impact de l’alimentation et de sa production sur notre santé et sur la nature, de l’ impossibilité majeure à y avoir accès pour un nombre toujours croissant de nos concitoyens, il est nécessaire de développer un cadre qui rende accessible une alimentation issue d’une production écologique et équitable pour tous , avec la possibilité pour ceux qui nous nourrissent de pouvoir vivre dignement de leur travail.

Notre système alimentaire est principalement basé sur la loi du marché. Ses impacts sur l’environnement, la cohésion sociale et la santé de tous sont considérables. Ce système souffre d’un sérieux déficit démocratique.

L’alimentation de qualité, la préservation de l’environnement, la reconnaissance des travailleurs de la terre, la relocalisation de la production alimentaire, doivent être considérées comme une question de santé publique.

A St Etienne, de nombreux collectifs sont investis sur la question de l’alimentation et s’engagent dans des actions qui se déclinent de manière très différente.

Nous sommes confrontés  à l’urgence sociale pour tous ceux qui n’ont pas de quoi se nourrir au quotidien, à l’urgence sanitaire pour tous ceux qui sont soumis à l’aide alimentaire ou aux produits issus de la grande distribution, et à l’urgence environnementale, avec l’enjeu de la production alimentaire (comment sortir de la logique de l’agro-industrie et de tout son cortège d’aides, avec la  banque alimentaire comme variable d’ajustement, comment soutenir une agriculture paysanne viable pour les producteurs?)

Il s’agit également de s’adresser à ceux pour lesquels rien n’est accessible, et qui ne sont pas partie prenante de tous ces réseaux, pour justement les inclure.

Tout en poursuivant les actions de solidarité et d’entraide, nous sommes confrontés à la question de notre contribution à ce que chacun puisse se nourrir  correctement et de manière digne, qu’il puisse choisir sa nourriture en fonction de ses goûts et habitudes,  pour une démocratie alimentaire.

Il y a nécessité de construire une réflexion et des démarches transformatrices qui prennent en compte les besoins vitaux en tant que droits universels et apportent des réponses pour pallier  aux catastrophes environnementales.

L’enjeu est de pouvoir définir collectivement ce que nous voulons manger, comment le produire et comment en assurer l’accès à tous.

Pour envisager un changement résolu du modèle agricole qui ferait la part belle à l’agriculture paysanne, durable sur les plans sociaux et environnementaux, pour rendre possible la souveraineté alimentaire, et casser les dépendances avec les secteurs transnationaux agro-alimentaires, des étapes sont incontournables.

Un travail de réflexion est en cours sur la construction d’une sécurité sociale de l’alimentation. Des communes s’engagent pour augmenter les possibilités  de maraîchage à destination des collectivités. Le réseau des AMAPS, des coopératives envisagent le développement de systèmes solidaires qui concernent de manière équitable les producteurs, les distributeurs, les consommateurs.

A ce jour, il semble possible de nous engager ensemble pour constituer un fond de solidarité pour que tous les stéphanois puissent avoir accès au mode d’alimentation de leur choix.

Vous êtes différents interlocuteurs concernés: les différents espaces de distribution, les producteurs… C’est ensemble que nous pourrons faire pression sur les pouvoirs publics de façon à prendre en considération les besoins de tous pour assurer l’organisation des circuits alimentaires respectueux de chacun, sur tout le territoire.

« Le droit fondamental à la nourriture suffisante est d’une importance cruciale pour la jouissance de tous les droits »   (Hilva Elver, rapporteuse spéciale du droit à l’alimentation)

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