Nous sommes en accord avec les principes de précaution qu’imposent la crise sanitaire que nous traversons mais nous tenons à préserver nos temps de rencontre et notre présence sur l’espace public. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’organiser cette Assemblée Générale sur l’espace Jean Ferrat pour pouvoir accueillir tous ceux qui souhaitaient nous rejoindre. Nous nous félicitons de cette décision, beaucoup de nouvelles familles étaient présentes ainsi que différents collectifs avec lesquels nous cheminons tout au long de l’année.
Après leurs présentations, le rapport d’activité et le rapport financier ont été approuvés à l’unanimité.
Nous avons pu ensuite nous retrouver dans différents ateliers
Un pour parler du déroulement de la semaine avec Fyala et Bertrand, nous sommes présents du Lundi au samedi
Un atelier pour parler du café des femmes, et du CA avec Amel et Albana, deux lieux essentiels pour nous rencontrer, décider, nous organiser
Un atelier pour parler de l’importance de sortir du quartier, avec Fathia et Karima: pour se ressourcer et rencontrer les autres: les club sportifs, les marches dans les parcs, les sorties vélo, les associations qui nous accueillent, les séjours, les sorties à la journée
Un atelier financement avec Claire et Georges: nous pouvons encore cette année embaucher 2 salariés, Ramzi et Bertrand qui réalisent un énorme travail
Dans les différents ateliers proposés, des partages sur le bilan de l’été et les perspectives de l’année ont permis à chacun de s’exprimer librement. L’été a été pour beaucoup un temps de respiration salutaire: » Pendant les 3 mois de confinement, on était mort. Seul le cœur battait. Nous avons pu vivre des premières sorties après toutes ces choses. On a oublié le Covid pour la première fois. La sortie permet de prendre beaucoup d’énergie dans la nature, sa force. Bien respirer l’air pur, l’oxygène des arbres, et on a la force de continuer pour la rentrée, on est prêt. » (sic)
Et nous avons pu également tirer des enseignements des déceptions pour prévoir un mode d’organisation très collectif et plus participatif. Plusieurs adultes souhaitent désormais s’associer aux chantiers réguliers de Champoly pour que cet espace devienne plus adapté à l’accueil des familles. Des weekends sont envisagés pour le printemps prochain.
Nous avons pu également répertorier les aspirations et les préoccupations. La question de l’école, du soutien scolaire est prégnante pour de nombreuses familles. Les préconisations sanitaires limitent toutes les structures du quartier à réduire le nombre d’enfants accueillis. Si bien que les besoins s’accroissent. Nous espérons pouvoir répondre aux besoins en assurant une présence le mardi après l’école, le samedi matin et tout au long de la semaine, de façon individuelle, en fonction des demandes. Nous allons poursuivre nos découvertes de livre à la
Librairie Les Croquelinottes, et la médiathèque, pour apprendre le plaisir de la lecture
Une grande aspiration au sport s’est manifestée par tous. Une dizaine d’enfants vont pouvoir intégrer l’école de Rugby animée par Bertrand les Mercredis, le foot à 7 pour les jeunes va s’organiser pour la deuxième année, les sorties vélos pour les adultes vont pouvoir s’organiser avec « vélo en quartier », des marches entre adultes sur les voies vertes vont être prise en charge par les habitantes, une initiation au rugby pour les femmes est en cours de réalisation, des tournois (foot, volley , basket…) sont prévus tout au long de l’année pour toutes les générations.
Dans les perspectives, le projet VRAC, avec la possibilité d’un groupement d’achat pour des produits de qualité est une attente pour un grand nombre de familles mais avec un grand doute sur l’accessibilité des prix. En effet la longue période du confinement a mis à mal de nombreux budgets déjà très fragiles. Ce projet a l’intérêt également de renforcer notre partenariat avec les structures du quartier pour que nous soyons tous bien en adéquation avec la réalité du quotidien des familles.
La biennalle de TRACES: va nous permettre pour la seconde fois de nous associer à cette réflexion autour de l’accueil des migrants. Nous allons contribuer à ces rencontre en proposant une animation à partir de lectures de notre livre « La voix-e des femmes »
Nous sommes une association de lutte contre l’exclusion, l’injustice, l’inégalité.
Notre société est cloisonnée, alors nous cherchons à faire le plus de rencontres possibles et sortir de l’enfermement qui distille la peur, et les préjugés.
Ce qui peut caractériser au mieux Terrain d’Entente c’est notre volonté de ne pas renoncer face à une situation difficile, et de chercher sans relâche des solutions.
Ce qui peut aussi nous caractériser c’est la chance de pouvoir nous appuyer sur les ressources immenses que nous découvrons années après années sur ce quartier, ses grandes solidarités face au deuil et aux galères du quotidien.
A force de tâtonnements, on trouve parfois des issues. Elles restent aujourd’hui extrêmement fragiles et incertaines. (cf. notre rapport d’activité 2019/2020)
Ce bel après midi de partage s’est terminé par un somptueux goûter, grâce à la contribution de toutes les familles présentes.
« L’annonce du confinement a été un choc, on ne s’y attendait pas. On a traversé des catastrophes mais pas sur notre période actuelle ». (Fathia)
Le temps a été suspendu. Une expérience inédite s’est imposée à nous tous. Face à une menace mortelle, nous avons du renoncer à tout ce qui construit notre quotidien qui nous a alors échappé. Nous avons du arrêter des activités qui assurent le maintient de notre existence, lui donnent du sens. Si cette remise en question radicale a concerné toute l’humanité, elle n’a pas été vécue de la même façon en fonction de la situation sociale de chacun.
Terrain d’Entente s’est efforcé de rester intègre par rapport à ses principes. Aujourd’hui, il nous semble indispensable de donner la parole à ses différents acteurs pour évoquer cette période. Il s’agit des différents membres de l’équipe et d’habitantes du quartier de Tarentaize-Beaubrun.Nous espérons que ce partage nous donne la possibilité de tirer des enseignements de ce que nous avons subi pour envisager autrement notre avenir.
Fathia: Le décès de la maman de Nabila, c’était horrible. C’est ce qui m’a marqué le plus. Elle s’est retrouvée seule pour faire son deuil. C’était inhumain de là voir pleurer de son balcon et de ne pas pouvoir là tenir dans nos bras. Sinon je sens que ça a rapproché les familles. Ca a crée des liens plus forts entre les parents et les enfants. Tu te découvres. J’ai retrouvé également des souvenirs en triant mes affaires. J’avais le temps. J’ai senti un élan de solidarité. Pour une fois, on était tous dans la même situation, tous pareils. Avec l’humain qui avait vraiment sa place d’humain. Des relations où ce n’est pas l’hypocrisie qui domine. De ne pas pouvoir être en lien avec les personnes ça permet de comprendre à quel point on y tient. Les gens te manquent, tu mesures plus ce qui a de la valeur dans la vie. La famille, l’amitié. Des relations qui sont précieuses. J’ai senti beaucoup d’émotions autour de moi la première fois qu’on s’est retrouvées. On a été mis face à la réalité. La vie, et la mort…. On le sait mais ça a permis une plus grande prise de conscience. Dans le quartier, un petit collectif s’est organisé pour que personne ne soit oublié. Le mari de Nabila y a participé. Une somme d’argent a été récoltée entre les habitants, durant toute la période du confinement, pour proposer des colis alimentaires à ceux qui n’avaient plus rien. Cette solidarité s’est prolongée durant toute la période du ramadhan. Des familles préparaient chaque jour des repas que des bénévoles de la mosquée distribuaient. Le regard des gens a changé. On est tous pareils avec les masques. Le port du voile qui était choquant auparavant a trouvé sa place comme une mesure de protection nécessaire aujourd’hui. Ca fait du bien la fin de ce racisme! Ce que je retiens surtout du Covid c’est le développement des solidarités ».
Une annonce que nous n’avons pas su anticiper: le coronavirus s’est propagé partout dans le monde! De l’épidémie annoncée en Chine, nous découvrons que la pandémie va immobiliser toute l’activité humaine! La veille du discours présidentiel qui annonçait l’injonction à l’auto enfermement, nous étions sur le terrain avec les familles, c’était un Samedi. Nous avions prévu des petites mesures d’hygiène: de l’eau, du savon pour encourager les enfants à se laver les mains. Les verres et le goûter étaient restés au garage. Le lundi tout le monde devait rester confiné chez soi!
Zahia: « Je vais vous exposer mon ressenti sur la situation actuelle qui est inédite et déroutante à la fois. CONFINEMENT. Un mot que beaucoup de gens ne connaissaient pas , mais qui allait mettre tout le monde, oui le monde entier dans une situation de retrait social , physique et économique pour cause de crise sanitaire mondiale. Ce virus a fait des millions de morts dans le monde sans distinction de lieu,de race, de couleur, de richesse ou de pauvreté. Tous les continents ont été touché, toutes les populations ont vécu cette situation inédite et particulière. Confinement, un mot que je ne connaissais pas . On a tous été obligés de nous confiner, tout s’est arrêté! On aurait cru être dans un film américain d’apocalypse! On a pu remarquer que même les grandes puissances mondiales, les pays dotés des dernières et meilleures technologies n’ ont pas pu échapper à la contamination de ce nouveau virus . Un virus venu de Chine et qui a provoqué une pandémie mondiale, une contamination à laquelle personne ne s’attendait et n’était préparé. J’ai été choquée d’entendre tous les soirs vers 20h00 , le Professeur SALOMON qui venait nous annoncer , nous énumérer le nombre de morts par jour. L’ image de l’alignement des cercueils dans une longue fosse aux Etats -Unis à été impressionnante. Tout le monde : riche comme pauvre, adulte comme enfant, patron comme chômeur, toutes les nationalités , toutes les cultures et toutes les religions du monde ont été touchés. L’Humanité sans aucune distinction et cela doit nous amener à réfléchir sur notre façon de penser, sur notre rapport à l’ autre , sur nos dirigeants etsur notre avenir surtout. Rien n’ est acquis , l’ Homme restera toujours vulnérable sa connaissance, son intelligence, malgré le progrès . Il faut réfléchir sur le sens même de la vie et sur notre rapport aux autres. Une chose positive , c’ est que cette expérience nous a permis de réfléchir et de nous recentrer sur l’essentiel, et non sur des choses éphémères. BON COURAGE A TOUS ».
Devant la bonne volonté manifestée par le plus grand nombre, d’utiliser ce « temps libre » imposé pour apprécier les petits plaisirs de la vie familiale, nous avons vécu la première semaine comme une opportunité. Pour notre vie d’équipe, comme pour l’ensemble de notre collectif, nous avions enfin du temps! Ce temps qui nous manque toujours pour enrichir notre site de témoignages; pour finaliser des projets tous ensemble, en réfléchissant aux enjeux, en prenant en compte l’avis de chacun; pour s’astreindre à rédiger les bilans exigés par chaque financeur; pour organiser des vacances dignes de ce nom…. Nous avons mis en place des temps de réunion plus fréquents pour tenter de répondre à la complexité de ce nouveau contexte. Car pour construire des actions qui répondent aux besoins réels, et qui deviennent transformatrices, les temps consacrés à la discussion sont essentiels, déterminants. Nous avons besoin de la capacité de chacun à comprendre, analyser, proposer. Nous avons pris également le temps de téléphoner à chacun et à chacune. Nous avons partagé ainsi des moments d’intense intimité, à parler de nos conceptions de l’existence, de ce qui avait du prix à nos yeux, et de ce qui était ressenti comme une difficulté… Des échanges en vérité qui renforcent les relations. Très paradoxalement, malgré la conscience d’avoir à traverser un moment difficile, inédit et plein d’incertitudes, les premiers jours ont été vécus comme un souffle un peu nouveau. Nous avions le sentiment, en acceptant de bonne grâce cette lourde réduction de nos libertés, cette limitation volontaire de nos déplacements et de nos relations, de participer à cet effort collectif pour vaincre cette maladie inconnue. Nous trouvions notre place dans cette épreuve qui nous concernait tous. Nous étions comme tous les autres. La question des lieux de prières fermés à tous concernaient les citoyens de toutes les confessions. Il n’y avait plus ce discours sur les musulmans qui, par leur pratique, semblaient pour certains, contrevenir aux valeurs de la République. Nous devenions un peu égaux.
Bertrand: « Guerre », « confinement », « Gestes barrières » et « mesures de distanciation sociale »… Autant, à titre personnel, le confinement m’a permis de vivre un temps unique de repli familial tourné vers des choses plus essentielles, avec un rythme de vie beaucoup moins épuisant. Autant en ce qui concerne mon engagement à Terrain d’Entente, au fil des jours, je m’épuisais à ne rien faire et trouvais de plus en plus difficile le fait de ne plus faire vivre les projets de l’association, les actions qui faisaient mon engagement. Les termes utilisés par notre système gouvernant pour justifier la gestion de la crise, étaient aux antipodes de ce que peut / veut proposer l’association : • « Confinement » alors que nous faisons le choix d’être dehors de manière inconditionnelle. • « gestes barrières » et « Mesures de distanciation sociale » alors que l’association lutte depuis 9 ans pour casser ces barrières et processus de distanciation déjà existant et enclavant socialement les habitant-e-s des quartiers. • « Guerre » alors que nous appliquons des principes de non-violence et sommes convaincus que la guerre ou l’affrontement visant la destruction ne sont en rien précurseurs de paix ou retour au calme. Ceci, cumulé aux nouvelles lois en vigueur interdisant ou limitant drastiquement nos déplacements sur l’espace public, la mise en place de nos actions devenait impossible. Cependant, les difficultés sociales que vivent des personnes fréquentant l’association étaient toujours d’actualité et le manque de services proposés sur le quartier devenait inquiétant. Ainsi, les premières semaines, nous avons essayé de concevoir nos missions à distance par le biais d’appels et conférences téléphoniques. C’était loin d’être suffisant, on captait les difficultés rencontrées par chacun mais restions impuissants à pouvoir y apporter des réponses collectives. Seules les projections sur des périodes futures soulageaient mon implication au sein de l’association : organisation de l’été et de l’année prochaine. On pouvait alors imaginer des jours plus libres. Finalement, juillet et août seront bien plus compliqués à projeter puisque à priori les voyages à l’étranger seront annulés. Il faudra revoir nos prévisions de fréquentation à la hausse, sans être sûr d’avoir des moyens supplémentaires…
Claire: Les trois premières semaines du confinement, la commission vacances a continué de se réunir. Nous avons eu trois réunions téléphoniques, grâce à Ramzi qui organisait ce temps : Bertrand, Ramzi, Fatiha, Stéphanie et Claire. Nous avons bien travaillé durant ces réunions, prévisions des séjours, du nombre de personnes, établissement des budgets : locations, transports, loisirs, nourriture… bref, tout comme l’an dernier, sauf que nous n’étions pas dans la même pièce mais chacun chez soi !ça nous faisait du bien de se retrouver au téléphone, et aussi de mettre en forme des projets pour l’été 2020, même si nous n’étions pas du tout certains que tous seraient possible avec ce satané virus. Une grande occupation a été aussi de chercher des idées de sites où l’on trouvait des activités pour les enfants qui puissent être réalisées avec ce que l’on a à la maison, des sites d’activités sportives à la maison pour les adultes, les enfants.
Au cours de nos longs entretiens téléphoniques, nous avons entendu aussi d’autres témoignages. Plusieurs de ces pères et de ces mères allaient devoir poursuivre leur travail: vider nos poubelles, remplir les rayons des super marchés, assurer le ménage et la désinfection des locaux, se rendre auprès de nos aînés pour en prendre soin. Les « premiers de corvée » n’ont pas eu de répit, bien au contraire. Les annonces en boucle des morts qui augmentaient, des hôpitaux saturés, des malades qui ne pouvaient pas tous être accueillis en réanimation, ont eu raison de notre premier élan de bonne volonté.
Amel: « Les deux premiers jours de confinement ont été très difficiles. J’étais malade, j’avais besoin de me reposer. Les enfants n’avaient pas l’habitude de rester enfermés à la maison. Quand ils voulaient sortir je leur disais « si vous sortez, vous allez m’apporter la mort! ». J’ai eu mal de les retenir, surtout les adolescents pour lesquels c’était le plus difficile. Les deux plus grands avaient envie de faire des jeux sur la play en même temps, ils étaient beaucoup en conflit. Peu à peu, on a trouvé un mode d’organisation. Dans notre appartement, nous n’avons pas de balcon. Il y a une petite cour pour tous les habitants de l’immeuble, mais nos enfants n’y allaient pas. Ils ont passé un mois, sans voir le soleil! Puis leur père les a sortis un par un, pour qu’ils prennent un peu l’air. Le sport à la maison, c’était difficile, on avait peur de déranger les voisins. Durant deux mois, je n’ai pas vu mes voisins. J’ai fini par leur envoyer un mail pour prendre de leur nouvelle. Les réseaux sociaux m’ont aidée. Il y a plein de choses à partager. J’ai apprécié tous les liens que j’ai eu avec les autres grâce à face book, « whatsapp » , le partage de vidéo avec les femmes de terrain d’entente. On se passait le « bonjour » avec l’association « vélo en quartier ». J’ai beaucoup écouté les informations pour savoir ce qu’il se passait dans le monde. Entendre que peu à peu, il y avait moins de morts, ça m’a rassurée. Je ne me suis pas sentie en difficulté pour aider mes enfants dans leurs devoirs, mais il y en avait trop, avec des limites de temps imposées pour réaliser certains exercices. On me demandait de chronométrer ma fille qui est en CE1!. On n’arrivait pas à tenir les temps. J’étais inquiète. Ca remplissait toute la journée, j’étais pas préparé à faire tout ça. Et j’avais autre chose à faire: le ménage, la préparation des repas pour 6 personnes. Je me suis organisée. J’imprimais tout le travail scolaire le matin. Mais nous nous sommes retrouvés en panne de cartouche. Mon mari a parcouru toute la ville, dans plusieurs grandes surfaces, il est allé jusqu’à Andrézieux et finalement il a trouvé la dernière cartouche, mais elle était en couleur, ce qui nous a coûté plus de 40 euros!. Il l’a achetée, on n’avait pas le choix. Le matin je faisais le travail de la maison pour toute la famille, et l’après midi , le travail de l’école qui nous prenait 6 heures par jours. C’était très dur de devoir sortir avec un virus qui circule. Les rares fois que je suis sortie, c’était très calme. Il y avait très peu de personnes dehors. L’air était lourd. Je sentais que beaucoup de morts circulaient. J’arrivais pas à marcher. Je suis sortie avec un masque, des gants, j’avais peur de toucher quoi que ce soit. Je ne savais pas vraiment comment ce virus se transmettait. J’avais trop de questions sans réponse. J’avais peur d’ouvrir les fenêtres avec le virus qui circulait, c’était étouffant. Mon mari sortait une fois par jour. L’enfermement était très dur pour lui. Au début il s’est occupé de faire des réparations dans l’appartement. Il aime beaucoup bricoler, mais on n’a pas de place pour ça. Tous les examens que je devais passer pour mes problèmes de santé ont été annulés. J’ai été rappelée au bout de plusieurs semaines. Mais certains examens n’ont pas pu être encore réalisés, il faut attendre encore, après le déconfinement. Je n’ai toujours pas eu de rendez vous. Ce qui m’aurait aidé, c’est d’avoir une maison avec un jardin pour que les enfants puissent profiter de l’extérieur. Le confinement nous a donné le temps de réfléchir. A tout ce à quoi on tenait, de ce qu’on avait « avant ». Notre liberté de sortir. On n’en tenait pas compte avant: le plaisir de partager le trajet de l’école avec les enfants, de voir les gens….Tout ça nous a manqué. Le confinement m’a donné le temps de réfléchir sur ce qu’il y a de mieux à faire. Nos réunions au café des femmes, c’étaient des moments ensemble. Des moments de partage, d’échanges pour savoir ce qu’il se passe. Il faut changer notre vie après le confinement. Je voudrais faire beaucoup de sport pour prendre soin de ma santé. Je voudrais avoir la liberté de sortir pour faire des choses pour moi même et pour les autres. Pour aider. Donner de mon mieux. Laisser de bonnes traces. Est-ce que j’ai fait du mal? Est-ce que j’ai demandé pardon? Est-ce que j’ai fait du bien? Quel est le sens de ma vie? On réfléchit pour mieux donner. Le virus est venu comme ça, il attrape des innocents qui n’ont rien fait. On réfléchit chaque jour à la mort, on se dit qu’on va mourir dans son lit. Mais mourir comme ça c’est trop difficile. Chaque jour je priais pour ne pas mourir dans le corona. J’ai vu comment ils traitaient les morts avec du désinfectant. Ils les mettaient ensuite dans un sac en plastique. Pas de famille pour entourer le défunt. Pas d’amis. C’était l’armée qui s’occupait d’emporter les corps et qui circulait la nuit. Personne ne savait qui était dans les camions. Si c’était mon père, je ne sais pas dans quel camion il est! C’est comme s’ils jetaient les morts. Les morts, ils ne méritent pas ça! Dans ma religion, il faut les traiter au mieux, les honorer. Aujourd’hui, c’est le déconfinement et je ne me sens pas libre. L’état nous dit « vous allez sortir 3 semaines en test » Qu’est ce que ça veut dire « en test »? C’est pas normal de faire prendre des risques aux gens! Le virus il est toujours là! C’est pas logique de « tester » les gens! Allez, sortez! Tout le monde va dehors! Et le virus, il est où? Est ce qu’il y a des médicaments? Est ce que c’est sûr que toute la France est désinfectée? Tester les gens? Ils attrapent le virus et ils meurent. Certains n’ont plus de symptômes. Qui peut savoir que telle personne est porteuse du virus? On ne doit plus s’embrasser, plus se serrer la main. On sait que les chinois ne se serrent pas la main. Mais le virus il vient de là! Au début, ils disaient que les enfants sont porteurs du virus. C’est pour ça qu’ils ont arrêté l’école. Mais aujourd’hui ils ouvrent les écoles. Moi, je suis une personne malade. C’est sur qu’ils vont se toucher les enfants! Un porteur de virus touche une table, et c’est bon! Le virus vit 3 heures sur un meuble. Le masque est une protection. Le lendemain ils disent que non! C’est juste les personnes malades qui doivent se protéger d’un masque. Je ne comprends pas: le masque, c’est une protection pour moi ou pour les autres? Est ce que le masque suffit? Ils disent: « il faut porter des gants ». Quand je suis allée à l’hôpital pour faire soigner mon fils qui s’était blessé, les soignants m’ont interpellée en m’expliquant que les gants c’étaient des conducteurs du virus! Il fallait prendre du gel. mais il y avait des ruptures de stock! J’ai donc touché des portes, sans pouvoir me nettoyer avec du gel, et je suis rentrée chez moi le virus à la main! J’ai finalement pu acheter du gel en pharmacie qui coûtait 4 fois plus cher! Les gens de la STAS, les soignants, ils ont une protection transparente sur le visage. Pourquoi eux et pas nous? Pourquoi l’Etat n’a rien fait? Les masques qui sont distribués dans la rue ne sont pas protégés d’une enveloppe en plastique, et les gens mettent ces masques exposés à l’air libre, directement, sur leur visage! Est ce que c’est vraiment une protection? J’ai peur.
Nous avons été également témoin d’un drame. Une grand mère que nous connaissions tous et qui nous a quittés, suite à un arrêt cardiaque. Les règles du confinement ont interdit toute manifestation d’empathie pour sa famille, aucune visite, aucune présence n’ont été possible. Un enterrement provisoire a été assuré, sans savoir à quel moment cette dame pourra retrouver sa place parmi les siens en Algérie. Un deuil qui n’a pas pu se faire. L’une de ses filles en a subit un très lourd préjudice. Le souffle s’est transformé en sentiment d’oppression, la peur s’est installée dans de nombreux foyers. Sortir de chez soi devenait un vrai supplice. Alors nous avons continué à faire ce qui nous mobilise depuis toujours: rester « présent », accorder beaucoup d’attention à ce qui se manifeste, pour tenter d’y apporter des réponses.
Aïda : Durant cette période de confinement j’ai été en contact avec les pré-ados via les réseaux sociaux, nous avons créer un groupe afin de pouvoir partager des informations aux jeunes ou bien parler tous ensemble des difficultés qu’ils pouvaient rencontrer pendant le confinement. Il y a eu pour eux deux gros problèmes : le premier est le fait de ne pas pouvoir sortir. Eux qui étaient très souvent dehors ont mal vécu le fait d’être « enfermé » (Cilia : « chui comme une folle chez moi en plus il fait beau sa mère dehors »). Le deuxième problème: l’école à la maison, suivre les cours à distance, les multiples devoirs donnés par les professeurs à rendre rapidement même pendant les vacances! et les difficultés qu’ils ont rencontrées pour les faire (Asma : « J’en ai marre, je te jure je suis fatiguée, j’ai fait beaucoup de travail en plus taleur j’ai eu cours, en plus j’ai fait des exercices, j’ai trop fait pour aujourd’hui! ») (Mehdi : « c’est trop les devoirs même pendant les vacances ils nous en donnent plein ») . Grâce à ce contact que nous avons gardé via les réseaux, certains jeunes ont demandé de l’aide pour pouvoir faire leurs devoirs que nous avons tenté à distance, nous avons pu tous ensemble faire des jeux pour se divertir et pendant un moment oublier la situation dans laquelle nous étions.
Marion : Au fur et à mesure que les semaines passaient je tenais à proposer aux familles des activités pour les jeunes enfants. Ayant une connaissance plus particulière des tout-petits je me suis lancée dans une chasse aux activités. J’ai alors recueilli un grand nombre d’activités, que je mettais « en forme » pour qu’elles soient simples à réaliser. L’équipe transmettait ensuite ces activités aux familles. J’ai eu quelques retours « Il en faudrait pour les plus grands » «C’est génial je peux faire des activités avec mon enfant je n’en fais jamais, il est petit ». Ces remarques intelligentes m’ont poussé à élargir mon éventail de propositions ! Plus tard, avec les écoles qui donnaient toujours plus de devoirs, les activités que j’envoyais n’avaient plus trop de sens, à part surcharger les familles encore plus dans leur culpabilité de ne pas trouver le temps pour faire des activités. Du coup mes recherches ont été réalisées pour pouvoir porter des activités simples pendant les « terrains » !
Fyala: « Le 16 mars la France est confinée, les enfants doivent rester à la maison mais restent en contact avec l’école grâce à Internet pour suivre le contenu des leçons et devoirs. Chaque jour, les devoirs tombent comme de la grêle! Chaque enseignant exige des élèves ( mes enfants : PS-CM1-6eme- seconde, terminale) un travail fait et rendu pour chaque matière. Les deux grands travaillent seuls dans leur chambre. Ce n’est qu’après quelques jours que je me rends compte que je ne vois presque plus ma fille, qui est en terminale, sortir de sa chambre. Je lui pose la question, elle me répond quelle est débordée, le travail demandé est plus lourd que d’habitude, et qu’elle doit toujours être à jour dans son travail et présente quand il y a classe virtuelle. Pour les deux plus jeunes je m’ appuye sur mon mari . Il est chargé de télécharger leur travail scolaire. L’imprimante n’arrête pas: elle imprime les leçons et les exercices chaque jour et pour tous les enfants! Au bout de quelques jours l’imprimante n’a plus d’encre. Nous ne trouvons plus de cartouche sur le marché, il faudra attendre une semaine pour en trouver à nouveau. A la maison les enfants se bagarrent entre eux pour avoir le PC ou l’ordinateur pour le travail de l’école mais aussi pour tuer le temps en regardant des séries , des films ou jouer. L’ordinateur ne supporte pas, il surchauffe et s’arrête. Les jours passent, ils se ressemblent , enfermés entre quatre murs les enfants se lèvent tard ils dorment jusqu’à midi mangent et font leurs travail en traînant les pied , le soir tombé je remarque qu’ils ne dorment plus au heures habituelles. Ils veillent jusqu’à l’aube. Je n’arrive pas à coucher la plus petite avant minuit. Le matin je trouve la cuisine en désordre se sont les enfants qui se mettent à cuisiner à trois heures du matin quand ils ont un petit creux ou pour se faire plaisir . De mon côté j’essaye du mieux que je peux de suivre la scolarité de mes enfants qui sont en CM1 et 6eme. Je trouve que c’est dur, ça me stresse et me fatigue. La maîtresse de mon fils a mis peu à peu en place une classe virtuelle une fois par semaine. Je compte sur ma fille pour mettre le code de la réunion sur l’ordinateur tandis que moi je me transforme en policier pour faire régner l’ordre lors de la conversation : interdit de déranger, de parler et surtout ne pas se bagarrer! C’était vraiment un moment de tension chez nous pendant une heure . Pour le travail de ma fille qui est en petite section de maternelle, j’ai baissé les bras. Bien sûr je travaillais avec elle mais à ma façon. Son maître m’a téléphoné pour m’encourager à suivre le travail numérique. Alors j’ai fais de mon mieux je l’ai inscrit a « educartable » et depuis nous travaillons ensemble. Aujourd’hui le confinement est terminé les enfants vont reprendre le chemin de l’école. J’espère que tout ira pour le mieux pour eux, pour moi et pour le monde entier. AMEN. »
Ramzi : Il était évident que le télétravail pour lutter contre l’exclusion et la misère des uns et des autres allait être un coup « d’épée dans l’eau ». C’est pourquoi en discutant en équipe et avec les familles, nous avons pu identifier diverses besoins pour lesquels les jeunes pouvaient contribuer en donnant un coup de main en ces temps difficiles. Ainsi après sondage auprès des jeunes via les réseaux sociaux, je leur ai proposé d’aider des personnes vulnérables et plus particulièrement sur la tache des courses alimentaires pour éviter aux plus fragiles de se mettre en danger. De manière très spontanée la stricte majorité m’ont répondu : «Ramzi on est chaud ( partant) ». Adem ajouta « mais on va pas faire ça gratuit ». D’autres étaient un peu plus direct Mehdi :« je gagne quoi moi je suis pas un pigeon» Certains étaient sur d’autres réflexion du type « c’est sûr ces gens font zerhma (exprès) d’être dans la merde, ils ont pas besoin nous ». Ou plus simplement Fares « je veux bien aider si tu me fais un tour de vago (voiture )». Après discussion j’ai donc invité les uns et les autres à tenter l’expérience dans la mesure où ils avaient plus de temps que d’habitude en cette absence d’Ecole. Face à cette sollicitation la stricte unanimité des jeunes que j’avais contactés étaient près à être solidaires. Dès lors il nous fallait juste trouver les modalités d’organisation collective afin de créer une sorte de communauté d’entraide. Le leitmotiv était « frère y a rien à faire faut bien servir à quelque chose ». Malek D’autant plus que dès la première semaine et l’entrée en vigueur rapide de l’interdiction de tout déplacement non justifié, plusieurs jeunes du quartier avaient déjà subit des amendes de 135€ pour non respect du confinement car ils étaient dehors seulement au quartier. A ce moment-là avec les jeunes, nous étions d’abord beaucoup en contact via les réseaux sociaux. Je leur envoyais régulièrement des petites vidéos de sport à faire chez soi, des clips de musique véhiculant des messages éducatifs ou simplement marrants. Certains se plaignaient en effet des amendes. Malek me dit « les keufs s’ils auraient notre âge c’est sûr ils auraient pris des amendes comme nous » Adem lui répondait : « frère de toute façon on les paiera jamais ». Un autre jeune a profité du confinement pour construire avec des potes un projet musique. Il s’est donc mis à faire lui-même du rap. Younes m’envoyait ces petit extraits en me disant « regarde ma musique est mieux que tout le monde mais je suis pas connu». Une phrase de résilience! Cela me faisait penser à cette urgence de valoriser ces jeunes et en même temps de les encourager à persévérer dans leurs efforts. Nous avons donc demandé à ces jeunes de nous aider à aider les autres afin qu’on puisse nous mêmes les aider en retour durant les vacances d’été. Bon nombre d’entre eux ne vont en effet pas pouvoir sortir du quartier. Cette entre aide a donc commencé dès la deuxième semaine du confinement et perdure encore à l’heure actuelle. Concrètement et dans le respect des normes sanitaires ( masque, gel hydro alcoolique, distanciation sociale, attestation de déplacement), deux fois par semaine, je prenais avec moi un à deux jeunes pour faire les courses à des personnes très vulnérables que nous avions identifiées en amont ( assez âgées ou malades voir sans moyen de locomotions) sur le quartier de Tarentaize. Avec les familles je préparais une liste de course et je la partageais entre jeunes qui étaient en autonomie, même s’ils pouvaient compter sur moi en cas de difficulté. Grâce à ces petites expériences j’ai pu voir à quels points ces jeunes étaient compétents et qu’ils pouvaient réellement aider. Youcef savait où était placés la plus part des produits en grande surface, chose que seul j’aurais mit 4 fois plus de temps à trouver. Il me disait même : « t’inquiète quand il faut être op je suis op ( opérationnels) ». Ichem qui était réticent au départ à l’idée d’aider « gratuitement » m’a fait cette remarque dès sa première intervention « Ramzi c’est pas normal dans cette vie on laisse des grands mères porter des bouteilles de gaz toutes seules ». Dans ce cadre au service de l’intérêt général, les familles étaient ravies de laisser sortir leurs adolescents qui en avaient cruellement besoin. C’est ainsi à travers ces petites solidarités que plusieurs adolescents ont pu trouver une place certes ponctuelle, mais qui avait du sens pour eux. En retour les personnes vulnérables ont pu ouvrir leurs portes à ces jeunes avec une confiance qui augmentait au fil du temps. J’ai encore cette image de cette dame qui donne de l’argent liquide à un jeune qu’elle ne connaît pas. Cela est à mon sens porteur pour l’avenir.
Notre volonté tout au long de ces semaines, a été « d’ouvrir des fenêtres », tenter de sortir du malaise de plus en plus envahissant. Les « vacances de printemps » approchaient, on venait d’apprendre que le confinement se prolongeait jusqu’au 11 Mai! Une perspective très inquiétante pour les enfants, beaucoup ne sortaient plus de leur appartement. Comment allaient-ils supporter cet enfermement dans la durée? Nous avons alors décidé de proposer des distributions de jeux, livres, coloriages pour apporter un peu de nouveau dans ce quotidien où les repères dans le temps devenaient plus diffus. Notre premier rendez vous au coeur du quartier a nécessité une semaine d’organisation! Dans cette fameuse »Attestation de Déplacement Dérogatoire », personne n’avait envisagé que les enfants pourraient avoir d’autres besoins que de manger, dormir et faire leurs devoirs. Nos échanges téléphoniques avec des agents de la Mairie, du Commissariat, et de la Préfecture, ont permis de faire reconnaître cette initiative comme nécessaire.
Bertrand: Las de ne pouvoir rien faire, nous avons adapté notre position à cette période, en passant du « faire avec » au « faire pour ». En effet, après avoir identifié des besoins prioritaires, nous avons imaginé quelques actions qui pourraient y répondre et nous permettre d’être présents sur le quartier : • accompagner certaines personnes dans l’incapacité d’effectuer leurs achats de premières nécessité • organiser des temps de distribution et d’échange quasi hebdomadaire de jeux de société, livres, puzzles, coloriages, attestation de sortie et matériel scolaire,… • transmis 22 ordinateurs sur le quartier à des familles dont les enfants n’arrivaient plus à suivre le travail demandé par leurs établissements scolaires. Je fus agréablement surpris par l’implication de nombreuses personnes et organisations qui ont accompagné de manière sincère et désintéressée nos différentes actions : • les brigades de solidarité de Saint-Etienne pour les récoltes de dons et la mise à disposition de militants qui nous accompagnaient à préparer et mener les distributions; • la fondation Abbé Pierre pour les fonds exceptionnels attribués à l’achat d’ordinateurs, de jeux de société et aide vitale; •une partie du personnel de la médiathèque pour avoir transmis des livres de très bonne qualité, en quantité; •la présidente de l’amicale Laïque de Beaubrun qui a effectué près de 3 000 copies; •ENVIE pour leur réactivité sur cette période de vie pourtant au ralenti, qui nous ont mis à disposition les ordinateurs.
Claire: La recherche de masques a mis à contribution des gens qui ne se connaissaient pas, certains ne connaissaient pas Terrain d’Entente et cela nous a donné l’occasion de nous présenter ! La solidarité a joué à fond, ceux qui ne pouvaient pas en faire car n’avaient plus de tissu, ou d’élastiques, nous donnaient un autre contact. Avant le 11 mai, nous avions 170 masques, donnés par : Philippe Léonard (110) le collectif Masquesaintetienne (50), et des couturières voisines qui ont trouvé tout naturel de donner de leur temps et de leur talent pour en confectionner aussi : UN GRAND MERCI à tous !!
Marion : La distribution commence avant tout par une réflexion, une installation, une organisation. J’ai pu aider à installer plus précisément trier encore et encore, les jeux, les livres dans une cohérence d’équipe jamais au complet pendant ces temps-là. Pour la dernière distribution toute l’équipe était présente et nous avons pu apporter du sourire sur des visages, des rires d’enfants, des discussions, des retrouvailles ! Je suis contente d’avoir participé à ce renouveau du quartier Tarentaise ! Malgré le fait que mon visage ne soit pas très connu, les gens me parlaient, me demandaient des conseils, me souriaient ! Je voyais comme une libération dans les visages, une libération de pouvoir sortir chercher des jeux, croiser les voisins !
Martin: Je n’ai participé qu’à la dernière distribution donc je ne peux pas m’exprimer sur celles d’avant. J’ai quand même ressenti une grande joie qui cachait une grande peur, il y avait la joie de se retrouver, de revoir ses amies, de pouvoir échanger des nouvelles mais il n’y avait qu’un seul sujet de discussion “Le confinement” et toutes les douleurs qui en ont découlé. Certaines des familles ont été “démolies” mais ces distributions ont peut être été le début d’une longue rémission qui soignera les cicatrices de cette crise.
Sur les trois temps de distributions réalisés, nous avons senti une belle évolution. Les rares enfants qui nous ont rejoins la première fois sont arrivés avec des manteaux d’hiver! Ils n’avaient pas remarqué qu’on avait changé de saison! Ils ne manifestaient que peu d’enthousiasme face à nos propositions. Cet appétit de vivre, tous ces élans qui les caractérisent s’étaient peut être un peu émoussés? Par contre les pères étaient beaucoup plus présents que durant nos rendez vous habituels. Ils sortaient pour laisser leur famille à l’abri! La deuxième semaine, nous avons retrouvé des mères, et des enfants plus demandeurs! Plusieurs avaient rapporté des jeux à échanger avec d’autres. Ils savaient que ce partage permettrait de vivre des journées plus lumineuses. Des dons ont ainsi circulé entre nous. Notre dernière rencontre nous situait déjà dans « l’après confinement ». Nous étions tous plus détendus. Plusieurs familles se sont un peu attardées pour discuter entre elles, et pour rire aussi!. Certaines ne s’étaient jamais croisées dans le quartier depuis toutes ces semaines.
Bertrand: Bien que ces actions aient été très bien vécues par tout le monde, j’étais mal à l’aise dans ce rapport de faire pour et ce manque de concertation avec la communauté que forme habituellement l’association. J’ai hâte de retrouver nos relations antérieures et ces rapports collectifs et démocratiques entrepris depuis toutes ces années.
Ramzi : Concernant les ordinateurs cela s’est fait à travers les nombreux appels téléphoniques. Mon coup fil se résumait à un simple « comment ça va en ce moment? ». Le plus frappant chez ces familles c’est qu’elles ne demandaient rien à personne et, malgré leurs précarités, elles étaient toujours prêtes à donner un coup de main. Zahia une maman de 5 enfants aidait une femme âgée et très malade depuis plus de 2 ans. Je lui ai donc proposé de l’épauler en ajoutant : « prends soin de toi » et là elle ma répondu « oui mais dieu compte le khir ( bien ) qu’on fait au autres pas à nous mêmes ». Pour d’autres comme Karima qui m’expliquait « smehli ( désolée) j’étais pas joignable car mes enfants font leurs devoir sur mon téléphone ». Safia:« ma formation pôle emploi d’habitude je la fais sur l’ordinateur là-bas maintenant je peux pas parce que ça marche pas sur le téléphone ». Ou encore Yakoub un lycéen en filière scientifique qui me dit « c’est chaud de faire mes devoirs vu que tout le monde chez moi utilise l’ordi ». Cela était valable pour l’ensemble des familles nombreuses qu’on connaissait. Collectivement, nous avons pu trouver des solutions. Yakoub me demanda s’il était possible d’imprimer des feuilles pour pouvoir réaliser son travail. Et des partenaires sur le quartier nous ont permis cela. Yakoub a pu récupérer l’ensemble de ses impressions et celles de ses potes. « Ahchum (c’est rien), c’est normal » Dans cette dynamique solidaire un autre jeune qui m’avait accompagné pour les courses a appris que la fondation Abbé Pierre allait nous permettre de financer des ordinateurs. « non, saha ( merci) Ramzi, propose aux autres, ils ont plus besoin pour moi c’est fini pour moi l’école de toute façon. ». Face à cette difficulté qu’a présenté le confinement pour l’ensemble de la population, ces quelques jeunes ont pu faire preuve de résilience au service de tous.
Bertrand: Durant mes interventions sur le quartier, j’ai perçu une évolution des visages d’enfants qui sur la fin du premier mois m’apparaissaient vidés et inertes, alors qu’au fil du deuxième mois et surtout après le début du ramadan ceux-ci me semblaient reprendre vie. Cela correspondait avec une pratique du confinement moins tendue, perceptible par le nombre de personnes dans l’espace public de plus en plus conséquent. Ce qui rassure sur les aptitudes à sortir d’une telle expérience, mais nourrit mon inquiétude profonde concernant les impacts de ces méthodes inadaptées à nos besoins sociaux pour celles et ceux qui ne sortent pas encore ou très peu. Quels seront demain les réactions des enfants d’aujourd’hui suite à cette expérience ? N’est-ce pas plus dangereux que les risques de contracter le COVID-19 ? De plus, le dé confinement est loin d’être ce que j’imaginais et notre retour « à la normale » est loin d’être clair pour notre association. L’évidence est que Terrain d’Entente doit continuer d’être présent malgré les mesures sanitaires, mais comment allons-nous pouvoir effectuer des gestes de protection? Comment être « collectivement responsable » à 1 mètre de distance ? Avec un masque et à moins de dix regroupés au même endroit ? Nous devons revoir notre organisation afin d’adapter nos problématiques sociales à la protection sanitaire des personnes les plus vulnérables. Et pour le coup, il ne faudra pas faire pour, mais bien refaire avec.
Les prix des produits de première nécessité ont doublé tout au long de cette période. Les familles ont du s’affronter à une nouvelle difficulté. Le manque d’argent pour subvenir aux besoins élémentaires. Dans ce territoire, comme dans bien d’autres, le quotidien est devenu difficilement supportable. Les discours des représentants de l’état se sont contredits à plusieurs reprises. Toutes les contraintes subies ont mis à mal l’équilibre de vie familial. Un sacrifice qui a coûté trop cher. Les discours présidentiels et de ses représentants ont perdu toute crédibilité. Dans ce contexte d’urgence sanitaire, il nous faut réinventer d’autres façon de faire et de se retrouver collectivement. Nous souhaitons maintenir ce qui fait sens pour nous dans l’acte d’éduquer: la co construction collective de notre environnement, de la vie du groupe. Et créer ensemble un espace sécurisant où les interactions sont possibles, où il est possible de vivre du collectif. Tout ceci ne peut se réaliser que dans la relation, le dialogue, et les ajustements permanents. Nous devons être des personnes ressources et organiser un espace où les enfants puissent s’échapper, rire, et être en sécurité. Nous ne voulons pas oublier les besoins et les droits des enfants. Le droit de jouer, de parler entre eux, d’exprimer leurs émotions, de manipuler des objets. Leur bien être psychique est aujourd’hui, notre principale préoccupation. Notre responsabilité d’adultes est de rendre la situation la moins anxiogène possible. Les protocoles sanitaires sont drastiques, ils nous semblent incompatibles avec le bien- être des enfants. Il nous faut prendre ce risque d’être présents avec eux, sur le terrain. Etre vigilants avec eux. Nous nous devons d’accompagner la dynamique de groupe dans le sens de la protection de tous. Nous souhaitons donc donner aux enfants les moyens d’apprendre des réflexes de protection et de bienveillance sanitaire vis à vis de soi même et des autres, qu’ils puissent s’approprier en dehors de notre présence. Plutôt que d’imposer des « gestes barrières », nous souhaitons leur transmettre des attitudes de précautions respectueuses des personnes les plus vulnérables. Les enfants doivent comprendre leur responsabilité dans la possibilité de transmission du virus. Plutôt que d’inspirer de la peur et de la culpabilité, nous souhaitons nous engager ensemble dans l’apprentissage de « prendre soin les uns des autres ». Les enfants doivent pouvoir reprendre prise sur un réel qu’on ne leur a pas suffisamment expliqué, et mettre des mots sur cette période de confinement qu’ils ont subi. On ne sait pas à ce jour ce qu’ils ont compris du virus et de cette obligation au confinement prolongé. Il est indispensable de parler, d’écouter et de partager notre position: notre prise en compte de leur besoin de jouer avec les autres, d’être dehors, notre envie de construire avec eux des temps de rencontre et s’interroger sur ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire. Sur l’espace Jean Ferrat, qui est un espace public, ouvert à tous, nous avons organisé un conseil des enfants pour se poser ensemble certaines questions déterminantes: Comment on peut se dire bonjour? Rechercher des activités où on ne se touche pas. Comment s’organiser pour éviter de se retrouver à plus de 8, 10, sur le même périmètre? Comment éviter que tout le quartier soit malade? Nous en avons également discuté avec l’ensemble des familles. Ce temps a été également l’occasion de partager nos analyses avec ceux avec lesquels nous avions engagés des chantiers et d’envisager « l’après ».
La communauté éducative:
Des militants de la pédagogie Freinet, des acteurs de l’éducation populaire, ont organisé différents échanges sous forme de conférence téléphonique. Nous avons pu mettre en évidence que le projet affiché de la « continuité pédagogique » dans cette période de confinement mettait en difficulté trop de familles et d’enseignants. L’école s’est retrouvée isolée, à devoir construire quelque chose d’impossible. Alors que la « continuité éducative » aurait permis d’engager de nombreuses institutions. L’absence de coordination entre les différents secteurs de l’éducation, leur cloisonnement ont paralysé les initiatives. Les tentatives pour briser cet isolement sont restées marginales, alors qu’il était indispensable d’inventer des modes de « présence » auprès de ceux pour lesquels la situation est devenue rapidement anxiogène. Les injonctions institutionnelles ont concerné seulement l’école, laissant une fois de plus à penser qu’on n’apprend que dans ce lieu… Certaines mères de familles consacraient plus de 6 heures par jour aux devoirs. D’autres ne pouvaient matériellement pas faire travailler les enfants. Les enseignants avaient le sentiment de faire intrusion dans les familles et d’imposer une manière de faire, irrespectueuse du cadre de vie familial. Les incompréhensions se sont multipliées. La connaissance et le lien avec les familles par les différents acteurs de chaque territoire, aurait pu donner des indicateurs pour apporter un soutien adapté à tous ceux que cet enfermement dans le temps long oppressait.
Nos différentes places – enseignants ICEM, professionnels de collectivité, et militants de la pédagogie sociale- nous ont permis de comprendre certains besoins. Des actions de solidarité se sont organisées sur le terrain, en réponse aux problèmes matériels. Mais elles sont restées très marginales au sein d’une école, d’une association.
Tous ces constats confirment le caractère indispensable de la mise en place de centres de communauté éducative pour assurer la continuité éducative, notamment en direction des familles les plus impactées par la précarité. Nous engager pour faire alliance et trouver nos complémentarités dans une même conception de l’apprentissage. Tous les espaces de vie de l’enfant peuvent contribuer à construire des espaces d’apprentissage, de coopération, de mutualisation et d’entraide. Des espaces qui dynamisent chacun, enrichissent le collectif et construisent des savoirs susceptibles de nous permettre à tous de percevoir, qu’en dépit de nos différences, nous sommes tous appelés à participer à la construction du commun. Il nous faut donner à tous un environnement culturel de qualité, des situations plus riches et stimulantes. Nous souhaitons prévoir pour la rentrée de septembre l’ouverture d’un chantier pour construire les modalités d’un travail collectif avec les différents acteurs du champs éducatif.
Projet d’une alimentation de qualité accessible à tous.
Une rencontre entre des membres de la Fourmilière et des adhérentes de Terrain d’Entente avait mis en évidence une préoccupation et une volonté partagées pour favoriser une alimentation de qualité pour tous, qui contribue à la préservation de l’environnement. Malgré tout, depuis l’ouverture de ce magasin coopératif, et différentes tentatives pour organiser la découverte de cet espace, aucune habitante n’est devenue coopératrice. La situation très précaire de ces familles est l’explication essentielle de leur absence de participation concrète. La dynamique que Terrain d’Entente a initié depuis 9 ans permet d’affirmer qu’il est indispensable d’aller à la rencontre des gens, d’être présents sur les territoires pour rendre possible des actions transformatrices. La précarité est un vécu si contraignant que la tendance pour toute personne qui là subit est de renoncer à des besoins fondamentaux comme l’alimentation de qualité, l’accès à la santé, à la culture… Le projet VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun) est présent dans différentes régions du territoire, il favorise le développement de groupements d’achats de produits de qualité dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville. Il permet l’implication des adhérent.e.s dans le fonctionnement. L’objectif est de créer des rencontres qui produisent du plaisir partagé et non de l’anxiété autour des questions d’alimentation, de santé et d’environnement. Plusieurs acteurs impliqués dans d’autres collectifs sont partie prenante pour rendre possible ce projet qui pourrait se développer dans différents quartiers de la ville. Cette démarche ne deviendra réellement soutenable que si nous posons d’emblée la question financière pour les ménages et la rétribution juste des agriculteurs. L’alimentation de qualité, la préservation de l’environnement, la reconnaissance des travailleurs de la terre, la relocalisation de la production alimentaire, doivent être considérées comme une question de santé publique.
Ce temps long du confinement a contribué à aggraver beaucoup de situations familiales, pour toutes celles qui subissent depuis des décennies toutes les violences sociales. Cette période a mis en évidence l’inégalité d’accès face aux apprentissages de manière si catastrophique que certains pédagogues ont lancé des cris d’alarme en évoquant des situation d’enfants « morts scolairement »! La satisfaction des besoins alimentaires du quotidien est devenue une question centrale dans trop de foyers.
Terrain d’Entente s’indigne de ce maintien d’une vie à minima, pour tous les « bénéficiaires des minima sociaux » et poursuit son engagement auprès des familles, avec différents collectifs, pour refuser que ces inégalités continuent de se renforcer. Un engagement parmi beaucoup d’autres pour contribuer à construire notre avenir commun sur une planète habitable pour tous.
Une première sur le quartier Beaubrun/Tarentaize ! Les femmes ont occupé l’espace public
Plusieurs adhérentes de Terrain d’Entente ont souhaité répondre à l’invitation du centre social du Babet, à nous manifester ensemble dehors. Elles se sont donc investies durant plusieurs semaines, à la préparation de cette journée qui rassemblait une vingtaine d’associations du quartier. Ces femmes qui participent depuis plusieurs années à notre collectif ont souhaité que notre manifestation publique soit caractéristique de ce que nous savons développer toutes ensemble : l’attention que nous accordons collectivement aux enfants et les rendez vous hebdomadaires qui rassemblent les femmes du quartier.
Pour cette journée, plusieurs associations se sont regroupées Place Roannelle. Chacune avait un stand, organisé et animé à leurs souhaits.
L’association Terrain d’Entente était représentée par un barnum blanc accompagné d’une frise de photos qui rappelaient des temps forts de ce que nous développons tout au long de l’année. La fête des voisins, la fête de fin d’année, les sorties à Retournac, la galettes sur le terrain, les animations organisés par les enfants (atelier paperolles, fête d’Halloween)…….
Le « café des femmes » qui a lieu tous les vendredis après midis au Babet a été ouvert à tous, sur l’espace public
Nous avons également proposé des ateliers :
-Kapla et activité manuelle pour les enfants
-Tatouages au henné et tresses pour tous, à prix libre !
Notre livre « la voix-e des femmes » était en vente !
A l’heure du goûter nous avons en collaboration avec « les mères » du quartier, proposé des crêpes.
Le temps de préparation du matin a été un peu rude : avec le froid et le manque de passage dans l’atelier, mais personne ne s’est découragé !
L’après-midi a été d’une grande richesse. Entre les rires des enfants, la voix portante de ces femmes mobilisées, la solidarité du stand, les passants intrigués et l’odeur du thé, du café et des crêpes. Pour tenir cet espace, toutes les femmes présentes ont eu une source d’énergie merveilleuse, ce qui a permis un instant de partage et de convivialité unique ! L’occasion également d’échanger à plusieurs, sur la question des droits de femmes…
Les femmes ont su manifester une fois de plus leur immense ressource et force de mobilisation. Comme chaque fois, nous avons réussi à faire sortir les gens de chez eux. Ces rencontres, source de bien être pour nous tous, sont chaque fois l’opportunité de manifester d’autres envies, de construire d’autres projets. Des occasions pour enrichir encore et encore nos savoirs faire, nos savoirs être et développer ce qui nous est utile pour vivre mieux. C’est ça la puissance des femmes !
« C’est une fête extrêmement ancienne. Elle annonçait le début de l’hiver et représentait le moment où le monde surnaturel et le monde rationnel se rejoignaient…. »
Peu nous importe en fait, le sens précis de cette fête. L’objectif n’est pas d’être fidèle à une tradition qui nous reste somme toute très lointaine.
Quelle qu’en soit l’origine exacte, la fête d’Halloween est devenue une coutume pour notre collectif!
Elle n’est pas seulement un prétexte pour réaliser un évènement qui rassemble le plus grand nombre. De ces moments privilégiés qui sont l’occasion d’inviter très largement à Tarentaize: les familles que nous connaissons, les amies des familles, les amies des amies…..
Elle est devenue une opportunité de construire quelque chose qui fait grandir notre capacité à nous organiser collectivement. Chaque fête d’halloween est bien meilleure que la précédente et le bilan qu’on ne peut que se féliciter de faire, promet encore des améliorations pour la prochaine!
A quoi doit-on un tel succès?
A l’enthousiasme et à la participation active des enfants bien sûr!
Années après années, ils deviennent les promoteurs de cette journée, ils en donnent le tempo. Cette ambiance féerique, surnaturelle est très propice à laisser libre cours à l’imagination, la créativité, et les enfants sur ce terrain là, nous devance de plusieurs longueurs!
Et c’est un réel plaisir pour nous adultes, de nous laisser guider, de nous laisser porter par tous ces élans, par toutes ces audaces, par cette légèreté et cette joie.
Une occasion à ne pas manquer de lâcher prise, de sortir des rôles, des places où l’on est assigné. On se retrouve tous à la même hauteur. On reprend des idées antérieures pour les améliorer, et d’autres envies nous viennent tout au long des semaines qui précédent cette journée particulièrement magique.
La fête d’Halloween nous donne un projet en commun. Et toutes les idées sont les bienvenues pour enrichir cette fête, là rendre encore plus folle, dépasser les limites du convenable.
Les semaines de préparation, tout ce temps où on se projette dans cette perspective sont bien aussi riches, festives que le jour en lui même.
De plus en plus de mères de familles rejoignent ce temps d’organisation. Nous vivons des heures de préparations tellement joyeuses qu’on peut affirmer que le travail est une fête!!!
Dans cette époque où le travail est pour beaucoup un vécu de souffrance, soit parce qu’il manque soit parce qu’il est réalisé dans des conditions indignes, nous goûtons, pour quelques jours, aux bénéfices d’un travail librement consenti et libéré des contraintes.
Les enfants nous précèdent et ils nous encouragent à oser, à dépasser les bornes. Des moment de jubilation partagés qui nous rendent plus entreprenants, plus audacieux pour tenter des situations qui paraissent impossibles. On va se faire très peur, on va être le plus hideux possible…
Nous subissons une époque où les modes de relations sont toujours plus policés, où toute manifestation un peu trop bruyante, un peu trop exubérante est perçue de manière négative et devient de plus en plus proscrite. Toutes ces convenances sociales imposées nous réduisent, nous cantonnent dans des comportements « acceptables », autorisés.
Pour cette occasion, nous nous offrons tous ensemble, un petit espace de liberté. Un peu dérisoire certes, mais nous l’éprouvons ensemble, et il nous donne l’énergie et l’envie de renouveler cette dynamique pour vivre d’autres expériences . Un petit goût de liberté, une petite promesse de relations qui peuvent se construire différemment.
Toutes ces semaines d’organisation et de projection nous promettent un temps où on va s’autoriser tout et n’importe quoi! L’organisation est bien réelle et très pensée, mais pour cette occasion là, c’est notre collectif et lui seul qui décide de ce qui est possible, de ce qui est permis….Un petit plus d’émancipation très modeste certes, mais éprouvée et partagée!
Et, à l’occasion de la fête du 31 Octobre 2019, nous avons pu mesurer ce que produit un espace organisé à partir de ce que le collectif lui même estime acceptable, adapté…. Avec la volonté commune de réaliser un évènement ouvert à tous.
Une douzaine d’enfants se sont portés volontaires pour être durant tout l’après midi, les animateurs des différents stands qu’ils avaient prévus et installés. Ces douze enfants ont fait le choix de ne pas « profiter » eux mêmes de toutes ces animations. Ils ont consenti à ne pas déguster la grande diversité des friandises que chaque famille avait apporté, s’ingéniant à transformer un gâteau en araignée, des biscuits en os de squelette……
Ils étaient présents le matin pour la préparation matérielle, ils sont restés le soir pour tout ranger! Et nous étions tous tellement fiers du contenu de cette journée!
Qui peut dire que les enfants sont réticents au travail?
La condition pour qu’ils s’y prêtent avec la meilleure volonté, et en donnant le meilleur d’eux mêmes, c’est qu’ils se sentent auteurs!
Quel cadeau de pouvoir être un adulte aux côtés des enfants et de pouvoir ainsi puiser dans cet élan de vie.
Au cours d’une réunion mensuelle du CA de notre association, plusieurs femmes nous annoncent leur décision d’organiser une fête du quartier pour le dernier jour de l’année.
Tout a déjà été élaboré par ces adultes, elles demandent simplement de recevoir l’adhésion de notre commission pour s’employer à rendre possible ce projet….
Quel extraordinaire chemin parcouru ensemble.
Des voisins dont certains ne se parlaient que très peu, se sentent aujourd’hui légitimes pour inviter tout un quartier à participer à une fête.
Ce n’est pas certain que ce soit une possibilité qu’on puisse envisager là où on vit, avec nos propres voisins!
« On a dépassé le stade de l’association avec des membres responsables et des adhérents. On est tous au même niveau et on organise les choses ensemble! »
C’est un membre très actif de notre collectif qui avait fait cette remarque quelques temps auparavant.
Ce ne sont pas que des mots.
A Terrain d’Entente, des femmes, des enfants, des jeunes participent très concrètement à tout ce que nous construisons depuis toutes ces années.
Pour rendre possible cet évènement, il a été nécessaire de présenter un projet très argumenté devant une commission, le Fond de participation des habitants, pour pouvoir prétendre à un financement. Tout un travail s’est auparavant réalisé à plusieurs pour évaluer les dépenses: celles qui concernaient le menu, la décoration, l’animation. Rien n’a été laissé au hasard, certaines ont même pensé à rétribuer la participation des employés de Terrain d’Entente.
Sur cet évènement précis nous avons été « les petites mains » qui assuraient certains trajets pour les courses, la réception de matériel, l’acheminement des plats cuisinés dans la salle où se déroulait notre fête.
Il nous avait été demandé également d’organiser l’après midi avec les enfants. Les conditions météo ont permis après le repas, et le spectacle, de réaliser un tournoi de foot préparé avec enfants où tous ont pu participer, quelque soit leur âge.
De la conception de la fête à sa réalisation concrète, tout a été pris en charge par plusieurs habitantes du quartier!
L’organisation a été décidée au café des femmes. Des volontaires ont prévu de participer au nettoyage de la salle, la décoration a été réalisée par un groupe d’enfants accompagnés par des ados, le repas a été préparé par quelques unes, le service était assuré par d’autres, le nettoyage et le rangement de la salle ont été également anticipés.
Il ne faut jamais oublier de préciser qu’il s’agit de femmes, mères de familles qui doivent donc prévoir la garde des enfants quand elles réalisent toutes ces tâches. Les pères sont alors mis à contribution!
Une très belle fête!
Nous avons été accueilli dans une salle transformée en restaurant. Chapeau pour la déco!
Il était prévu une grande diversité d’entrées, une paella, des gâteaux commandés chez un excellent pâtissier et tout une série de friandises offertes aux petits comme aux grands!
Plusieurs adultes se sont improvisés en Monsieur, Madame Barba papa
Aldérik, un ami artiste de l’association, a fait une magnifique prestation à coup d’accordéon, de chants, de rollers. Wafid, Kacem et Lohan nous ont offert une très belle démonstration d’acrobatie, hip hop.
Eh puis bien évidement nous avons dansé!
Nous avons su faire le bilan de cette journée au café des femmes. Nous avons pu remercier celles qui avaient donné tellement de temps pour rendre possible ce beau moment.
Mais tout n’a pas été parfait, comme d’ailleurs tout ce qu’on réalise au sein d’un collectif!
Et nous avons su nous dire ce qui n’a pas marché, nos déceptions, nos agacements. De ces moments où on sait prendre le risque de blesser, de ne pas être compris. Où on trouve le courage de dire en vérité.
Là aussi, on peut apprécier le chemin parcouru ensemble.
Dans combien de collectifs il est possible de faire le bilan d’une action et malgré les amertumes, les déceptions, savoir reprendre le fil des relations? Combien savent continuer à entreprendre d’autres projets, fort des erreurs reconnues et des enseignements qu’on a su en retirer ensemble? C’est le challenge de tout collectif, le plus difficile à affronter et en même temps l’incontournable pour continuer nos avancées. Nous développons ensemble des savoirs nouveaux qui permettent de réelles évolutions.
Terrain d’Entente c’est ça. C’est cette volonté chevillée au corps de continuer à chercher des solutions pour réaliser des actions indispensables pour que la vie devienne meilleure. Sachant qu’on prend le risque que tout ne soit pas parfait, en partant de la dureté du réel. Et le rêve peut devenir réalité. Le rêve d’arriver à construire un collectif où chacun trouve sa place, où chacun trouve la force de s’affronter aux autres parce que chacun a retrouvé sa légitimité.
A Terrain d’Entente, depuis plus de 8 ans, avec les familles de Tarentaize, nous ne nous contentons pas de dénoncer ce qui est inacceptable. Nous cherchons collectivement des réponses à toutes ces situations d’injustice et d’inégalité pour qu’elles ne nous écrasent plus, pour ne plus les subir.
Pour tenter de sortir de ces impasses, nous devons faire face ensemble aux problèmes qui nous accablent et nous efforcer de mieux comprendre ce qui est en jeu. Nous savons qu’il ne faut pas renoncer, il faut chercher encore et encore. C’est un long chemin, douloureux, incertain. Parfois il devient possible de régler un problème.
Il est indispensable de rendre visible ce qui est caché.
Il y a toujours un grand sentiment de honte à vivre des difficultés face auxquelles ont se sent impuissant. Le danger est de garder en soi ce qui nous fait souffrir et de s’isoler pour ne pas prendre le risque d’être mis à nu dans cette détresse là. L’impuissance nous condamne au silence et nous enferme. Ce sentiment d’être impuissant, d’être condamné à subir, nous amène à projeter les problèmes qui nous envahissent, ailleurs, sur d’autres qu’on imagine responsables, sans discernement. L’impuissance brouille notre vision, notre compréhension. Ce sentiment d’être impuissant nourrit les amertumes, les rancoeurs, et parfois nous fait ressentir de la haine. L’impuissance est un danger qui menace nos relations, nos liens.
La meilleure façon de tenter de sortir de ces impasses, c’est de donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais, et d’inventer des formes de manifestations qui rassemblent. A Terrain d’Entente, nous cherchons aujourd’hui à rejoindre d’autres collectifs qui trouvent d’autres formes de constructions collectives et d’expression.
Et nous avons fait tout récemment une belle rencontre avec une troupe de théâtre les « Fées Rosses ». Des femmes et des enfants, des comédiennes et des amateurs qui proposent des animations avec la technique du « Théâtre Forum ».
La troupe « les Fées Rosses »
Le théâtre forum est un moyen puissant pour exprimer, extérioriser, donner à voir et à comprendre, partager ce qui nous accable et ce qui nous fait espérer. Il propose un spectacle inter actif qui invite le public à participer. Il met en scène des situations vécues comme injustes, discriminantes, des petites tranches de vie qui font écho en nous, qu’on se reconnaisse dans ce qui manifesté ou bien qu’on s’en indigne. Ce qui est mis en scène mobilise très fortement les affects et permet ainsi de comprendre de quoi il est vraiment question pour celui qui se sent victime. L’objectif est de réfléchir à la meilleure façon de transformer ces situations injustes. Les spectateurs peuvent donc se porter volontaires pour devenir acteurs, monter sur scène et contribuer à un changement dans les rapports humains tels qu’ils étaient instaurés. En jouant un rôle dans la saynète, chacun s’essaye à trouver des issues à cette injustice.
des spectateurs interviennentun spectateur intervient
Le théâtre forum est une invitation pour chacun d’entre nous justement de ne plus rester un spectateur impuissant face à ce qui nous accable, de se sentir victime, mais de prendre conscience qu’il peut être possible de ne plus subir. En créant un cadre, un espace de réflexion, un petit laboratoire d’expérimentation, nous pouvons nous essayer à participer, rechercher le rôle que nous avons à jouer, et réaliser qu’il nous reste une partie de responsabilité donc une possibilité d’agir pour résoudre les problèmes.
Ce mode d’expression qui interpelle et qui invite à devenir acteur, nous vient du Théâtre des Opprimés de Paolo Freire. L’objectif essentiel est de résoudre les problèmes qui se posent à certains et mettre en évidence qu’ils nous impactent tous, que l’on en soi victime ou pas. Ils impactent notre devenir d’humains, nos aspirations à vivre selon les principes fondamentaux d’égale dignité de chacun. Des principes de relations humaines respectueuses de chacun, qui nous protègent tous.
Troupe et intervenants, tous sur scène pour saluer!
Ce Dimanche 20 Octobre, nous avons vibré au rythme des expériences évoquées par la troupe les Fées Rosses qui ont fait le chemin depuis Grenoble pour nous rejoindre. Une poignée de femmes, accompagnées de deux enfants nous ont offert le spectacle « Gens d’Ici et d’en Face ». Voici la démarche essentielle de cette troupe:
« Pour tenter de prendre le temps de se regarder autrement, de déconstruire les préjugés qui nous enferment et de créer ensemble afin de nous comprendre, pour que chacun-e puisse interroger sa relation à son identité et à sa communauté, à son espace de vie, à ce monde complexe en perpétuel mouvement… »
« Gens d’ici et d’en face » nous a tous, petits et grands, parlé au coeur. Ce spectacle était joué par des comédiens rayonnants. Rayonnants parce que debout à prendre à bras le corps leurs problèmes pour ne plus rester victimes.
Ils ont su nous livrer des épisodes de leur vie dans lesquels beaucoup se sont reconnus, beaucoup se sont indignés. Parce que ce sont chaque fois des expériences d’humiliation qui laissent des traces et qui risquent une mise à mal durable de notre devenir collectif.
Un spectacle qui manifeste d’une émancipation aboutie où l’on refuse d’être enfermé dans une identité.
Nous avons fait ce jour là, un grand voyage dans les méandres de ce qui nous déshumanise. Il a été question de discrimination face à l’emploi, de la fermeture brutale, violente, destructrice des frontières de l’Europe, du contrôle au faciès, du voile à l’école, du voile dans nos espaces publics, du voile qui alimente jusqu’à la nausée tous nos phantasmes d’invasion.
Il a été question de tout ce qui verrouille, enferme et isole. Il a été question de tout ce qui interdit la différence, la rencontre de l’altérité, et l’infinie richesse qu’elle nous promet de découvrir et de partager.
Nous étions une centaine à partager les questions évoquées. Des familles du quartier de Tarentaize avec tous leurs enfants, des amis militants qui s’inquiètent de toutes ces questions de société qui se manifestent de plus en plus durement autour de nous. Des questions représentées systématiquement comme des menaces alors que l’on sait que ce sont pour nous tous des ressources pour apprendre à mieux vivre tous ensemble, à ouvrir nos horizons et à mieux comprendre le monde qui nous entoure.
Nous nous sommes donc retrouvés dans un côte à côte, et nous avons tenté, petits et grands, de prendre notre place pour tenter d’agir et transformer ce que nous n’acceptons pas.
Le Théâtre Forum est un outil qui redonne de l’espoir parce qu’il permet à chacun de prendre sa place et d’être encouragé à mobiliser ses ressources: sa réflexion, son inventivité, son courage, au service de notre intérêt commun, pour tenter de régler des problèmes qui nous concernent tous.
Il nous faut donc chercher tous les moyens possibles pour que, face aux injustices, nous choisissions l’engagement, face aux différences, nous choisissions la rencontre, face au combat du quotidien, nous puisions notre énergie dans nos identités plurielles.
Terrain d’Entente a été invité a cette rencontre animée par
Marie Aleth GRARD, vice présidente d’ATD Quart Monde.
Depuis plusieurs années nous sommes préoccupés des
difficultés grandissantes que les enfants manifestent à l’école. Nous nous
sommes engagés dans l’action « 1001 territoires » sur le quartier de
Tarentaize. Plusieurs parents avaient contribués à ces temps de réflexion.
Depuis deux ans, nous cheminons avec des enseignants membres de l’ICEM
pédagogie Freinet, pour engager un
travail sur les possibilités d’ouvrir les écoles aux parents pour favoriser un
accueil respectueux du milieu de vie des
enfants scolarisés.
Marie Aleth GRARD est membre du conseil supérieur des Programmes,
elle siège au CESE à la section de l’éducation, de la culture et de la
communication. Elle a travaillé en lien avec JP Delahaye, directeur général de
l’enseignement. Elle nous a présenté la réflexion du CESE sur la réduction des
inégalités à l’école dues aux origines sociales.
Le rapport du CESE de septembre 2011 sur les « inégalités à l’école »
dénonçait déjà le fait que l’école n’arrive pas à atténuer les inégalités dues
à l’origine social et culturelle. La loi de Refondation de l’école du 8 Juillet
2013 insiste sur le caractère inclusif de l’école, et qu’il est essentiel de se
préoccuper de la réussite de tous. Les conditions d’une école inclusive:
garantir une place en maternelle dès deux ans, éviter les fermetures d’école
dans les petites communes, renforcer les RASED. Tous les parents doivent être
accueillis à l’école à égale dignité. Tous les enseignants doivent être formés
pour mieux comprendre le milieu d’origine des enfants scolarisés. Ils doivent
être également formés à la pédagogie de la coopération qui permet d’avantage la
réussite de tous.
Permettre à tous les enfants et les jeunes de devenir
citoyens dans une démocratie, pleinement insérés dans la société, tel est le
défi que l’école doit relever.
La réussite à l’école signifie que les élèves doivent ont
tous acquis le socle commun de connaissances et de culture, et qu’ils
choisissent leur orientation.
Chaque année, depuis 15 ans, plus de 100 000 jeunes sortent
du système scolaire sans aucun diplôme.
Pour aborder cette question des inégalités dues aux origines
sociales et culturelles, il est nécessaire d’entendre la parole des parents
socialement les plus exclus. C’est à partir des progrès des enfants des
familles les plus défavorisées que nous pourrons mesurer la capacité de l’école
à les faire réussir tous. Dans le cadre de cette recherche à l’initiative du
CESE, un groupe « croisement » s’est réunit sur 7 journées: 5
chercheurs, 5 enseignants, 5 acteurs de quartier, 5 parents solidaires, 10
parents qui vivent dans la grande pauvreté
Ces journées d’échange ont permis de conclure que la
réussite de tous est possible si:
– les enseignants travaillent en équipe, plus
de maîtres que de classe. Favoriser les échanges pédagogiques entre zones
prioritaires et les autres territoires
– tous les parents sont accueillis à l’école
– une recherche permanente d’une pédagogie
adaptée (respecter le découpage par cycle de 3 ans, développer la pédagogie de
la coopération, développer l’apprentissage de la démocratie par la prise de
parole donner à tous les élèves les moyens de faire leur travail personnel sur
le temps éducatif)
– une gouvernance bienveillante et exigeante.
(former les personnels d’encadrement à l’animation de l’équipe et au travail
collectif, mettre en place une réflexion sur l’évaluation des enseignants,
développer des programmes de recherche action en établissements)
Il est proposé d’expérimenter dans des écoles volontaires
pendant 5 ans, ce cahier des charges
L’éducation prioritaire ne pas être la seule réponse, elle
ne garantit pas une école ouverte et compréhensible pour tous.
L’école porte en elle ses propres forces. Les équipes
pédagogiques cherchent, créent, innovent dans le but de ne laisser aucun élève
au bord de la route. Elles ouvrent des voies qui devraient permettre de
surmonter cet obstacle du déterminisme social auquel se heurte l’école.
L’école n’est pas le seul lieu d’éducation, des projets en
partenariat avec les quartiers peuvent naître avec tous ces collectifs qui
construisent un tissu de relations où les parents ont une place
privilégiée.
Jean Zay, ministre de l’éducation à l’époque du Front
populaire, estimait que l’école et les collectifs d’éducation populaire étaient
les deux jambes de l’éducation et devaient oeuvrer ensemble.
9 Millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté,
dont certains vivent dans la grande pauvreté (cumul de précarités qui
concernent le non accès à l’emploi, au logement, à la santé)
35% des personnes ne font pas la demande de RSA (12 pages à
remplir)
Un enfant pauvre, quand il arrive à l’école maternelle a
bénéficié de 1000 heures de moins d’histoires racontées.
Il se retrouve
souvent dans une posture de conflit de loyauté qui bloque les
apprentissages de manière inconsciente. Il se retrouve dans une double
solitude, à l’école il ne peut pas parler de son environnement social, en
famille il ne peut pas partager ses expériences scolaires. Les parents ne
peuvent pas s’intéresser à ce qui se vit à l’école parce qu’ils n’ont aucune
connaissance de cette réalité. (On pose des questions sur l’école en fonction
de ce qu’on en connaît: les codes, les langages)
L’accueil des parents à l’école facilite la découverte et la
connaissance du milieu. (accueillir tous
les parents sur des temps formels et informels, multiplier les espaces parents
avec un animateur, former les parents délégués en réfléchissant à un statut
pour ces parents). Ouvrir l’école au partenariat qui a une connaissance du
territoire sur lequel intervient l’école..
Les inégalités scolaires sont inhérentes aux dispositifs.
84% des enfants qui se retrouvent en SEGPA sont issus de
milieux défavorisés (l’école estime qu’elle ne sait pas faire avec ces enfants
là!). 1% obtiennent le brevet
37% réalisent un CAP
qu’ils n’ont pas choisi.
58% sortent du système scolaire sans aucun diplôme.
Pour réduire ces inégalités: meilleure inclusion des SEGPA
dans les collèges, supprimer le volet social pour les affectations, redonner à
ces affectations un caractère réversible, multiplier les dispositifs permettant
aux enfants de grandir ensemble.
Comment dépasser les
frontières érigées entre les membres de l’éducation nationale et les différents
membres de la communauté éducative, les associations d’éducation populaire, les
parents….pour rendre légitime leur parole, leur volonté de devenir partie
prenante et soutenir la lourde mission de l’école ? Dans les différents
textes il est de plus en plus question de l’importance de la construction de
ces liens et les verrous restent toujours aussi tenaces un peu partout.
Les parents peuvent
trouver une place réelle dans l’école à partir d’un cadre scolaire, d’un projet
éducatif bien défini par l’équipe enseignante qui en est responsable. C’est la
seule façon d’apporter des repères sur les possibilités et les limites de la
relation entre les membres de cette communauté éducative. C’est ce qui donne la
possibilité à chacun d’avoir une grande liberté pour s’investir et devenir
force de proposition en respectant cet espace particulier de l’école qui a un
mode de fonctionnement propre et des contraintes qui sont importantes à bien
identifier.
Les enseignants peuvent investir et apprécier ce travail de
« collaboration » si le temps nécessaire est pris en compte dans leur
charge de travail. on ne peut pas demander dans la durée à des enseignants de
participer à ce type de projet qui nécessite beaucoup d’énergie uniquement sur
leur temps personnel, de manière militante.
Les constats: Si les parents se sentent rejetés de
l’école, les enfants ne sont pas dans de bonnes conditions d’apprentissage. On
souhaite tous favoriser des conditions de bien être à l’école. L’école ne fait
plus référence pour des enfants de plus en plus nombreux qui vivent ce qui s’y
passe comme sans rapport avec leur réalité, leur identité, leur culture, leur
famille, leur condition de vie, leur avenir.
L’école ne
peut assumer son rôle que si elle considère l’enfant dans toutes ses
dimensions, elle se construit avec la participation des parents. Parents
inquiets, qui cherchent à encourager les enfants dans leur parcours scolaire,
mais impuissants à pouvoir être partie prenante d’un système qu’ils ne
comprennent pas.
Nombreux
sont les parents prêts à s’impliquer si un espace leur est ouvert. Ils savent
expliquer les freins à la relation avec les enseignants, et faire des
propositions concrètes. Ils sont volontaires pour s’impliquer dans des
rencontres pour favoriser la meilleure scolarité possible des enfants. Nous
pouvons identifier, grâce à leur contribution, les besoins et les possibilités
de transformation dans l’enceinte de l’école.
Les préalables à la réussite:
Une bonne compréhension mutuelle
Le postulat de la co éducation (parents, enseignants,
structures) Nous sommes collectivement responsables de l’éducation des enfants.
Nécessité de créer
des espaces de rencontre:
Pour comprendre les préoccupations de chacun, mettre en question des
dysfonctionnements, réfléchir à nos conceptions de l’éducation, créer une
communauté éducative d’entre aide.
Comment rendre
possible ces espaces?
Importance du lieu où se déroule les échanges: pas le hall
d’entrée, sous le regard de tous
Il faut beaucoup de temps pour se reconnaître: des poses
café (répétition de choses simples)
Des temps d’école ouverts aux familles (un accueil le matin
sur un créneau horaire).
Des samedis matins pour parler des réussites, des projets,
des réalisations.
Des ouvertures pour des ateliers à partir de compétences
particulières, d’envies des enfants (parents, associations)
Certaines classes accueillent les parents sur des temps
scolaire.
Des temps ponctuels pour des sujets d’actualité dans
l’enceinte de l’école, les questions internes au fonctionnement de l’école.
(que faire face à la déscolarisations; problème lié au temps péri scolaire; les
devoirs à la maison: qui permet un lien quotidien entre l’école et la famille,
quoi proposer d’autres pour maintenir ce lien régulier? ; problèmes liés à la
restauration scolaire….)
Etre associé à ce qui peut être dit en classe face à des
évènements particuliers qui traversent la société.
Prendre appui sur la communauté éducative: les différentes
asso assurent la garde des enfants pendant des temps de rencontre
parents/enseignants. Elles peuvent être
présentes à l’occasion de repas partagés ….
Cloisonnement entre
les différentes structures (Marie, écoles, centres sociaux…) Que tous les
acteurs se rencontrent qu’on n’entende plus « ça ne me concerne pas, c’est la Mairie… »
Un enfant qui relève
de soins, représente un long processus d’acceptation. Les enseignants
s’inquiètent parfois un peu vite, faire confiance au diagnostic des parents qui
connaissent l’enfant dans un autre contexte, les autres structures. Les
orientations interprétées comme un échec « qu’est ce qui va le mieux pour
cet enfant là? » Le DRE peut jouer un rôle
Problème des délais d’attente pour les prises en charge
spécifiques… Le RASED doit retrouver
les moyens nécessaires
Créer un réseau
d’entre aide avec des parents ayant traversés les mêmes difficultés « boite
à outil des expériences de chacun ».
Trouver la bonne manière de se parler pour rétablir un
niveau d’égalité dans les échanges
» si vous êtes en retard, votre enfant peut être confié
à la police »
Les parents expriment beaucoup leur difficulté à prendre la
parole. « Ca ne sert à rien de parler, on n’est pas entendu ».
Peur de l’institution, manque de compréhension de son
fonctionnement, les horaires, incompréhension face au système scolaire, cigles,
vocabulaire, lisibilité des intervenants. Les parents se sentent dévalorisés.
Les leviers: discussion devant l’école, mobilisation autour
d’évènements, trombinoscope des intervenants, diffusion des comptes rendus qui
ciblent les réponses aux préoccupations des parents.
Les parents dont la communication est plus facile, un poste
de psycho, d’IDE, une personne extérieure à l’équipe enseignante peuvent
assurer la médiation en cas de litige.
C’est possible de prendre des initiatives pour accueillir
les parents dans l’école, à l’échelle d’une seule classe, même si toute
l’équipe n’est pas enthousiaste face à cette perspective.
Des comportements peuvent se transformer. A l’exemple des
enfants qui réclament à leur nouvel enseignant, les « quoi de neuf »,
les « conseils » suite à cette expérience positive de leur année
scolaire précédente.
C’est indispensable que l’école ne se retrouve pas seule sur
son territoire, qu’elle puisse s’appuyer sur les autres structures pour
construire une communauté éducative et chercher des solutions aux problèmes des
familles.
C’est dans la simplicité et la diversité des propositions
d’ouverture de l’école aux parents qu’on se donne le plus de chance de rendre
accessible cet espace à toutes les familles.
Nous souhaitons ouvrir ces temps de réflexion aux écoles de
la ville. Nous pouvons faire une proposition de démarche de co éducation que
nous pouvons transmettre à toutes les structures concernées.
Rencontre avec la LDH, ( Ligue des Droits de l’Homme).
La LDH a réalisé il y a deux ans, un travail de recherche sur la lutte contre les discriminations et l’accès aux droits pour tous. Ce travail s’intéresse particulièrement aux personnes qui sont le plus victimes des discriminations, les militants souhaitent aller à la rencontre des gens qui vivent des difficultés importantes pour faire valoir des droits et faire reconnaître les situations de discrimination.
Agir avec les institutions est toujours compliqué. Le but du projet est de transmettre des connaissances pour équiper et accompagner les individus, rendre accessible les outils pour que les personnes concernées puissent les utiliser pour se défendre.
Les amis de la LDH qui nous rejoignent se réjouissent de pouvoir travailler avec les membres de Terrain d’Entente sachant qu’on s’efforce collectivement de redresser ce qui ne va pas dans notre société, ils souhaitent « entreprendre un travail pour faire valoir les droits avec ceux qui savent prendre en main leur réalité »
La LDH est une institution très ancienne qui a une réelle influence sur la défense des droits. Il s’agit bien de la défense des droits de l’Homme, avec un grand H!. 51% de l’humanité étant constituée de femmes!
L’origine de ce mouvement s’est au départ centré sur le respect du droit du travail. Actuellement ils sont sollicités sur de nombreuses questions de société , les conditions d’existence de ceux qui sont régulièrement expulsés des squats, qui sont en situation irrégulière sur le territoire, étant une grande préoccupation.
Tout au long de l’après midi, nous avons pu échanger sur de nombreux sujets de préoccupation.
La libre circulation des personnes.
Comment est-il possible de venir s’installer et travailler en France? Où est l’égalité de citoyenneté pour tous? Comment les autorités politiques assurent l’exercice des principes de la République? Comment est-il possible rassembler les conditions pour obtenir une autorisation à travailler?
L’image de la France pour les pays extérieurs reste toujours « le pays des droits de l’Homme ». Nous traversons une période où on accepte de moins en moins les étrangers.
En Albanie, l’état n’était pas suffisamment protecteur par rapport aux personnes discriminées. En France, quand on vient de l’étranger, quand on se retrouve « sans papier », on a peur de l’état et de la police.
Les textes de loi, les recours, être conseiller sur le plan juridique, rencontrer des avocats spécialisés, c’est long. Il faut de plus en plus être vigilent sur le délais que les nouvelles lois ont limité. Pour toute décision administrative, on peut en demander la modification, mais en respectant les délais. A condition de bien connaître les lois, les dispositifs, les accords. L’administration applique la loi qui est en vigueur.
La carte de séjour périmée.
Une carte qui n’est pas renouvelée dans les délais, et le contrat de travail est remis en question, les prestations de la CAF sont supprimées…. Le traitement du renouvellement de cette carte est informatisé, ce qui augmente les difficultés dans les démarches pour tous ceux pour lesquels l’informatique est inaccessible.
Il existe également des traitement d’exceptions qui sont défavorables. A l’exemple des accords d’Evian de 62, de la France avec l’Algérie.
Nous sommes ignorants de certains de ces accords, des textes qui sont modifiés. Ce qui complexifie notre capacité à faire valoir des droits.
Comment faire évoluer la loi? Elle doit s’adapter à l’actualité qui se transforme. Que faire par rapport aux lois qu’on estime injustes?
La question du travail et du voile.
Pour les fonctionnaires, les signes religieux sont interdits, pas dans le secteur privé. Hormis ce qui peut être spécifié dans le règlement intérieur d’une entreprise, l’interdiction du port du voile dans le secteur privé, dans le cadre d’une formation, relève de l’intimidation, ce qui est interdit. les règles sur l’interdiction du port du voile à l’école ne concernent les élèves seulement jusqu’à la terminale. Au delà, il n’y a pas de règle;
La loi est parfois appliquée de façon arbitraire. Chaque département peut décider d’un règlement intérieur différent. les principes de certains relèvent d’ irrégularités. Ce qui peut faire jurisprudence.
Un exemple de licenciement abusif, suite à un congé parental.
Au retour du congé, le poste était occupé par quelqu’un d’autre, une autre proposition très désavantageuse a été faite avec des horaires fractionnés sur toute la journée, un secteur de travail très éloigné du domicile. Ce qui était incompatible pour une vie de famille avec des enfants très jeunes. Pour faire appel au prud’homme, il a nécessité des mois de rendez vous avec différentes structures qui orientaient chaque fois les démarches vers d’autres structures. Une énorme perte de temps, beaucoup de stress, des problèmes de santé dont de l’hyper tension, des difficultés familiales dues à cette importante tension dans la durée.
La difficulté à trouver un logement de son choix. Parfois besoin de déménager pour trouver un logement plus accessible financièrement. L’une d’entre nous a refusé un appartement qui n’avait aucune ouverture dans la cuisine. On lui a répondu qu’il n’y aurait plus de recherche de logement puisqu’elle refusait ce qu’on lui proposait. Alors que c’est au bout de 3 refus qu’il n’y a plus de recherche. La LDH intervient parfois auprès d’un bailleur.
Des impasses dans la prise en charge de jeunes adultes handicapés. Les établissements d’accueil sont de moins en moins en capacité d’offrir un cadre d’accueil stable (réduction des coûts, des effectifs….). l’une d’entre nous a son fils qui doit changé régulièrement d’établissement durant les week end et les périodes de vacances, les frais de déplacements sont assurés par la famille de ce jeune qui subit cette contrainte. Elle déplore d’ailleurs ces changements imposés pour ce jeune qui est extrêmement perturbé.
Les associations de handicapés peuvent se saisir de ce problème. L’Etat reste responsable de la prise en charge des majeurs handicapés.
Proposition d’une synthèse de toutes les ressources juridiques, avec les spécificités de chacun, les conditions d’accès.
Nous énumérons les lieux qui peuvent recevoir nos demandes:
– le CIDFF (Maison de l’emploi, 04/77/01/33/55, sauf le mardi)
– la Maison du Droit (mais beaucoup d’attente pour obtenir un premier rendez vous)
– la Maison des Avocats qui proposent des permanences spécialisées; On prend rendez vous le Lundi (04/77/33/16/22, 36 rue de la Résistance)
– Laure Marie THILLON, permanences au Babet le Jeudi matin
Les sorties à Retournac sont devenues une tradition depuis plusieurs années. Ces journées représentent une respiration considérable pour les habitants de notre quartier qui n’ont que trop peu d’occasions de bénéficier d’espaces de ressourcement. Nos amis paysans de la Ferme des Fromentaux sont ravis de nous faire partager cette magnifique nature qui nous offre si généreusement ses charmes.
Nous étions 28 personnes à profiter de cette belle journée ensoleillée. Des petits, des plus grands, des mères de famille. Nous avons voyagé en train. Le trajet a été calme et joyeux. Nous avons pu à loisir admirer le beau défilé de la Loire scintillante, nous enthousiasmer des troupeaux de vaches et de moutons qui broutaient dans les près. Ce sont pour nous, gens de la ville, des spectacles plutôt inédits et que nous savons apprécier à leur juste valeur.
Tout a contribué à ce que cette journée soit joyeuse et paisible pour chacun d’entre nous. Tout d’abord l’accueil simple et amicale de nos hôtes qui nous signifient à chacune de nos visites que nous sommes ici chez nous.
Eh puis aussi toutes les découvertes que nous avons fait ensemble. Nous avons pu nous réjouir face au cheval et à l’âne qui nous ont accordé leur confiance en acceptant de manger dans nos mains l’herbe qui nous leur offrions; des lapins un peu craintifs mais que nous sommes parvenus à caresser un peu; des canards qui barbotaient langoureusement dans la Loire qui scintillait de mille feus. J’ai laissé le meilleur pour la fin!
Nous sommes arrivés en pleine période de mise à bas des chèvres, de nombreux chevreaux étaient encore sous la mamelle de leurs mères et une jeune chèvre à mis son chevreau au monde sous nos yeux! Une expérience complètement nouvelle pour nous tous, impressionnante. Les questions ont fusé, Teddy Lou a pris le temps d’expliquer, de commenter l’évolution de la sortie du chevreau du ventre de sa mère. Les enfants ont réalisé que nous avions un peu la même façon de venir au monde. Nous sommes de la famille des mammifères. Dans les heures qui ont suivies, le chevreau tentait de faire ses premières pas. C’est ce qui nous distingue le plus de cette famille de mammifères, notre lente évolution vers l’autonomie. De belles questions, de belles prises de conscience sur la magie de la vie….
Une émotion aussi forte nous a ouvert considérablement l’appétit. Heureusement parce que chaque famille avait prévu des plats exceptionnels en quantité impressionnante!
Nos amis paysans sont venus à notre table. Nous étions près de 40 à partager ce repas. Une occasion très conviviale de faire un peu plus connaissance, de créer des liens, de mieux comprendre la réalité de nos modes de vie tellement différents. Sachant que ces amis sont pour la plupart bénéficiaires du RSA comme de nombreuses familles qui font partie de notre collectif. Nous pouvons mesurer ensemble les contraintes de chacun, le travail considérable que nécessite l’activité d’une ferme et la joie aussi de se sentir en accord avec la nature, d’en prendre soin, d’y contribuer collectivement ce qui rend soutenable toute cette charge de travail. Tout comme notre collectif qui organise des évènements qui peuvent aboutir parce que nous sommes ensemble pour les réaliser.
Pour le retour nous avons décidé de faire le trajet à pied jusqu’à la gare pour profiter de cette belle nature. Aucun enfant ne s’est plaint de la fatigue, trop occupé à grimper sur les rochers qui bordaient le sentier forestier, à se remémorer ensemble tout ce que nous avions découvert, à se passionner sur la vie des animaux.
Des journées qui permettent d’approfondir nos liens qui se tissent depuis toutes ces années, entre enfants et adultes, de rêver à d’autres sorties en familles, à d’autres projets plus ambitieux, d’éprouver le bénéfice d’appartenir et de construire ensemble ce collectif. De percevoir que les autres sont notre force et notre ressource pour développer ce qui est nécessaire pour que le quotidien devienne meilleur pour chacun d’entre nous.
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