Vacances pour tous

Le journal de l’été 2020

 Josiane : Les vacances ont été considérées un droit pour tous au moment du Front Populaire, avec les premiers congés payés, entre autres conquêtes sociales de cette période de soulèvement des classes populaires et ses extraordinaires mobilisations collectives. Dans cette ambiance de libération sociale, l’accès pour tous aux loisirs et à la culture sont considérés d’intérêt général. Pour rendre cette pratique possible pour tous, une participation financière conséquente de la collectivité est d’emblée organisée. Il ne peut en effet y avoir de départ en vacances possible pour tous, sans une prise en charge collective des coût. Mais ce droit pour tous a été remis en question durant les dernières décennies, si bien que la moitié de nos concitoyens n’y ont à ce jour plus accès, essentiellement pour des raisons financières. La question du départ en vacances reste donc un enjeu pour notre société. Depuis plusieurs années Terrain d’Entente considère cette question comme essentielle et mobilise beaucoup d’énergie pour assurer cette possibilité pour le plus grand nombre.

Nous voulons défendre des vacances qui ont du sens. Partir, c’est l’occasion de rencontrer d’autres personnes, de découvrir d’autres façons de vivre et de mieux comprendre la réalité. Dans cette société qui se segmente, le temps des vacances peut être l’occasion de construire d’autres relations humaines. Cette aspiration concerne de plus en plus de monde, au delà des familles des milieux populaires. Nous voulons retrouver une dynamique d’éducation populaire où nous prenons, ensemble, en main des réalités qui nous concernent tous, et envisager les vacances en termes d’ouverture, d’échanges, de manière à reconstruire le tissu social, des liens d’entraide. Nous voulons construire du dépaysement, ré-enchanter la banalité du quotidien, rendre possible des « premières fois ». 

Nous organisons des départs pour nous retrouver « ailleurs », dans un autre espace de vie, un lieu qui nous appartient ensemble et qui nous aide à déconstruire des peurs, pour construire ensemble des compétences sociales. Ce qui s’est passé durant un séjour influe sur toute la vie du quartier dans le temps long.

N’oublions pas cet élan d’enthousiasme aux premiers jours du confinement. Très paradoxalement, malgré la conscience d’avoir à traverser une « catastrophe », à Terrain d’Entente, nous avions le sentiment, en acceptant de bonne grâce cette lourde réduction de nos libertés, de participer à cet effort collectif commun. Nous trouvions enfin notre place dans cette épreuve qui nous concernait tous. Nous étions « comme tout le monde » (sic). Nous devenions un peu égaux !

Cet été 2020 a été particulièrement prolifique en sorties, et le nombre des personnes qui ont participé a triplé. Nous le devons au soutien très conséquent de la Fondation Abbé Pierre qui a reconnu avec nous la nécessité de rendre possible des espaces de ressourcement à toutes ces familles qui ont été les premières impactées par la longue période de confinement. Il était indispensable que chacun puisse se restaurer. Nous le devons grâce à la participation du CDAFAL qui soutient efficacement ces départs en vacances depuis plusieurs années. Nous le devons au dynamisme et à la créativité de chaque membre de l’équipe. Nous le devons à la participation très efficace d’un nombre d’adhérents qui augmente d’années en années. Notre « commission vacances » s’est poursuivit pendant le confinement sous forme de réunion téléphonique, avec la présence constante de membres du CA. Cette commission a permis d’établir un budget à partir des projets qui partaient des aspirations manifestées et de ce contexte particulier où il ne serait pas possible de sortir du territoire. Les inscriptions aux différentes sorties se sont déroulées chaque fois en présence de membres du CA. L’une d’entre elle a permis à plusieurs familles, particulièrement démunies de rejoindre et d’intégrer notre collectif. « Il faut vivre des choses ensemble si on veut apprendre à se connaître » (sic). Une autre a pris la fonction d’animatrice durant certains séjours, elle fait aujourd’hui partie intégrante de l’équipe.

En plus de nos temps de présence sur le terrain tout au long de ces deux mois d’été, avec l’organisation de moments exceptionnels : des jeux Olympiques (organisés par des adolescents avec le soutien de l’équipe), un grand pic nique en familles, différents barbecues avec les jeunes, nous avons pu partager :

3 Séjours familles à Retournac qui ont concernés10 familles, soit 12 adultes, 4 Ado, 20 enfants

1 séjour familles à Champoly Qui a concerné 5 familles, soit 5 adultes, 2 ados, 14 enfants

2 séjours enfants/collégiens à Montmiral Qui ont concerné 28 enfants et collégiens

5 séjours jeunes à Champoly Qui ont concernés18 jeunes

5 sorties natures jeunes Qui ont concerné 30 jeunes

5 sorties natures familles Qui ont concerné 50 familles

Des sorties vélo à partir du mois de Mai Qui ont concerné 30 enfants

Une initiation de 3 jours au théâtre forum Qui a concerné 13 femmes et une petite fille

Pour que ces différents engagements puissent aboutir nous avons du employer 6 personnes pour compléter notre équipe.

Tout ne va pas pouvoir être retranscrit dans ce journal, nous souhaitons juste témoigner de l’impact profond de l’organisation des vacances pour chacun d’ente nous et à l’échelle d’un quartier.

Fathia On a tenu tout ce qu’on avait décidé à la commission vacances. Les projets ont tous aboutis. Cette commission avait commencé en février et elle s’est poursuivit pendant le confinement sous forme de conférences téléphoniques. Nous avions décidé de reprendre ce qui avait bien fonctionné l’été dernier et de répondre aux nombreuses demandes pour les séjours enfants/ados de Montmiral. Suite à l’annonce de la reprise de l’école obligatoire pour tous, nous avons pu nous organiser en fonction de cette nouvelle contrainte, en modifiant le séjour sans le remettre en question. Nous avons également tenu compte du manque de sorties à la journée l’été dernier. Tout ceci grâce au budget disponible pour l’été avec le financement de la FAP. Ces différentes décisions ont été validées au café des femmes.

La commission a permis d’anticiper un mode d’organisation. Nous voulions surtout éviter des désistements de dernière minute qui pénalisaient d’autres familles en demande de séjours et de sorties.

Nous avons transmis un texto à toute la liste des adhérents pour proposer des jours d’inscriptions et demander une participation financière qui confirmait l’inscription. Nous avons adapté ces contraintes en fonction de la connaissance que nous avons de certaines personnes. Nous n’avons pas hésité à inscrire certaines familles, enfants ou jeunes, qui nous en faisaient la demande, sachant qu’ils ne pourraient pas venir à ce rendez vous. Nous prenons toujours en compte la réalité. Nous avons eu le plaisir de rencontrer de nouvelles familles pour certains séjours et sorties à la journée. En espérant qu’on puisse les intégrer à notre association. La question que je me pose : est-ce que c’est à nous de les relancer, de leur donner envie ? Ou bien devons -nous laisser à chacun la possibilité de nous rejoindre quand il le souhaite ?

La recherche d’un mode d’organisation a nécessité un grand nombre d’heures de travail. Ce qui n’a pas permis d’éviter tous les imprévus. Nous souhaitions intégrer quelques adolescentes qui n’avaient aucun projet de vacances, au 2ème séjour de Montmiral. Elles se sont désengagées au dernier moment, alors que pendant plusieurs jours nous « leur avons couru après ». De même pour certaines sorties à la journée, des évènements douloureux ont empêché certaines familles de participer. La difficulté pour d’autres est de ne pas avoir su s’engager de manière claire et avec chaque fois le risque de priver d’autres personnes intéressées. La satisfaction de cet été c’est que tous ceux qui en ont fait la demande ont pu au moins faire une sortie ou un séjour. Personne n’a été mis de côté.

Pour les sorties à la journée nous n’avons pas hésité à proposer des activités exceptionnelles autant pour les familles que pour les ados. « du grand luxe ! » des « premières fois ». Globalement je ne reçois que des bons retours. C’est super important de faire des activités exceptionnelles, de sortir de ses habitudes, de son environnement habituel. C a apporte de la détente, du bien être.

J’ai participé aux deux séjours à Montmiral en tant que membre de l’équipe. Montmiral, c’est mon truc ! Je ne dors pas dans les cabanes, là j’avoue que je ne vais pas jusqu’au bout de ma responsabilité. Durant ces deux séjours, j’ai pu retrouver mon âme d’enfant. C’est moi qui réclamais certains jeux ! J’ai appris aussi un peu à nager ! Durant le séjour, je suis devenue le « totem », j’étais au centre pour partager, jouer avec eux, les consoler, j’étais la tata de tout le monde. J’ai tendance à avoir peur des chiens mais auprès des enfants j’étais obligée de surmonter ma peur. On se dépasse un peu. J’ai appris à connaitre les enfants, je les ai découvert autrement, leur vulnérabilité…On a pu établir une relation différente. Certains confient leur peine. Ça ne peut pas se produire sur le quartier. Les craintes, les a priori vis à vis de certains que j’avais en partant, ce sont tous révélés faux. Ce sont ceux qui ont été le plus attentifs, certains ont même pris soin de moi. De sortir de Tarentaize, ça les apaise. Ils n’ont pas à jouer un rôle, à tenir une image, à vouloir paraître plus grand.  Ils peuvent réaliser tranquillement leur âge réel, et jouer comme des enfants qu’ils sont. On est plus dans des rapports où on s’autorise à être soi même.

Dans ce contexte différent, ils deviennent plus respectueux des règles. Durant le séjour, il suffisait de rappeler régulièrement les consignes et elles étaient respectées. Ils étaient à l’écoute. Nous nous retrouvons tous au même niveau. J’ai trouvé facilement ma place au sein d’une belle équipe. Nous avons su nous soutenir, nous répartir le travail de façon égalitaire. Les enfants ont également beaucoup participé, à la cuisine, à la vaisselle, filles et garçons confondus. Beaucoup de mères au départ souhaitaient éviter le mélange. Mais ça n’a pas été nécessaire, les relations étaient plutôt fraternelles entre eux. J’ai réussi à partir sans mon fils. Ça ne m’était jamais arrivé de le laisser 4 jours de suite. Ça lui a permis d’avoir un peu plus d’autonomie. Il était avec moi pour le deuxième séjour. Je lui avais expliqué que j’allais m’occuper de tous les enfants. Je n’ai pas eu besoin de m’en occuper plus que les autres. Des séjours qu’il faut poursuivre.

Josiane : Le Théâtre Forum L’été a démarré par une formation au théâtre Forum avec les fées Rosses.

Le théâtre forum est une invitation pour chacun d’entre nous à ne plus rester impuissant face à ce qui nous accable, et prendre conscience qu’il peut être possible de ne plus subir. Il propose de mettre en scène des situations vécues comme injustes, discriminantes, des petites tranches de vie qui font écho en nous, qu’on s’y reconnaisse ou bien qu’on s’en indigne. L’objectif est de réfléchir à la meilleure façon de transformer ces situations injustes. En créant un cadre, un espace de réflexion, un petit laboratoire d’expérimentation, nous pouvons rechercher le rôle que nous avons à jouer, et réaliser qu’il nous reste une partie de responsabilité donc une possibilité d’agir pour résoudre les problèmes.

A Terrain d’Entente, nous cherchons collectivement des réponses à toutes ces situations d’injustice et d’inégalité pour qu’elles ne nous écrasent plus, pour ne plus les subir. La meilleure façon de tenter de sortir de ces impasses, c’est dedonner la parole à ceux qui ne l’ont jamais, et d’inventer des formes de manifestations qui rassemblent. Notre rencontre avec les « FéesRosses » nous a permis début Juillet de bénéficier d’un petit temps de formation durant trois jours, et l’Amicale de Tardy nous a, une fois de plus, ouvert chaleureusement sa porte et son théâtre! Aïda était présente à ces rendez vous pour assurer la prise en charge des enfants, de façon à donner à ces femmes un peu de temps libéré. Ce qui est chaque fois une gageure… !

Ces femmes restent en permanence envahies de préoccupations multiples pour tenter de préserver un cadre de vie qui réponde aux besoins de tous les membres de la famille. Plusieurs d’entre elles ont dû renoncer à s’investir sur les trois journées complètes. Certaines n’ont pas pu y participer. Par contre, celles qui nous ont rejoint en cour ont su investir ce temps et l’enrichir de leur expérience.

Fyala : J’ai connu le théâtre forum en octobre 2019 grâce à Terrain d’Entente. Nous avions invité « Les Fées Rosses », ce groupe de femmes venues de Grenoble, pour jouer quelques pièces de théâtre de la vie du quotidien. Moi personnellement après avoir vu ces Dames jouer, et la façon dont elles avaient passé le message à travers la pièce m’avait beaucoup émue moi qui d’habitude ne comprenait pas bien le théâtre. Et surtout ce qui m’avait impressionné c’est que la pièce ne se termine pas à la fin du dernier mot joué mais qu’après avoir discuté de ce qu’on avait compris et ressenti, pour trouver ensemble des solutions à tous ces problèmes du quotidien, sur le racisme et la discrimination.

Nous avons ensuite décidé d’organiser une sorte de petite formation sur le théâtre du forum et j’étais parmi les Dames partantes pour y participer.

Le jour venu j’étais un petit peu stressé, mais tout se passait bien. D’abord il fallait trouver le sujet de la pièce que nous allions jouer, ensuite trouver les comédiens et le comment faire. Tout se déroule très bien, étapes par étapes puis on change de rôle le méchant devient le gentil et ainsi de suite.

Tout en écoutant les sujets proposés pour jouer la pièce sur le racisme ou la discrimination d’une personne fragile ou surtout les problèmes que rencontrent les adolescents au collège puis raconter une histoire qui nous est arrivé sur l’un de ces thèmes je remarque que les Dames présentes prennent goût à raconter leur petit malheur et de dégager ce poids qui est sur leur cœur.

Je n’en revenais pas et je parlais à moi-même en me disant : à elle aussi ça lui est arrivé et à elle et elle !!! Alors il n’y a pas que moi et que la méchanceté gratuite est permise à beaucoup de gens.

Grâce à quelques histoires, nous jouons ensemble différentes pièces en deux parties, la première celle où la personne se fait écraser ensuite, une deuxième partie pour trouver des solutions de remède et rejouer la pièce mais cette fois en tenant tête à la personne par soi-même ou être aider par une autre personne qui refuse toute discrimination.

Le dernier jour de la petite formation et toute a la fin nous nous sommes installés sur les chaises en forme de cercle pour donner notre avis sur ce qu’on a fait et réalisé et ce que nous apporté cette formation.

Personnellement j’ai approuvé ce travail j’ai dit même que je me sentais mieux dans ma peau de savoir que ça n’arrive pas qu’à nous et surtout de pas baisser les bras et de se battre pour ce que nous trouvons juste et que vraiment l’union fait la force.

Merci au théâtre forum !

Amel : J’aime découvrir des choses nouvelles, et pour moi le Théâtre Forum c’était une belle expérience. J’avais jamais pensé que je pouvais faire du théâtre ! J’aime voir le théâtre, comme spectatrice. J’ai assisté dans toute ma vie à deux séances de théâtre.

C’était fort par rapport à ce qu’on a partagé, plein de choses, pleins d’émotions. J’ai compris ce que c’est le théâtre, des messages qu’il faut faire passer aux gens. Et il y a eu pleins de messages entre nous. La rencontre aussi avec les personnes de Grenoble qui nous ont emmenées loin. J’étais dans un autre monde. Par rapport à mon histoire, je suis repartie en 2013, dans la ville où j’habitais alors. Pour chacune qui partageait un peu de son histoire, c’était comme dans un film dans lequel on rentre, on rentrait dans l’histoire de chacune. Je ne jouais pas un rôle, c’était avec ma personne, on était dans le rôle, dans l’univers de la personne. Je me sentais comme une artiste sur scène, qui aurait fait du théâtre toute sa vie. Je ne me sentais pas être une maman qui a plein de soucis. C’était un moment différent de ma vie quotidienne.   J’ai compris que le théâtre ce n’est pas qu’un métier, c’est beaucoup plus profond. C’est un message à faire passer, même simplement avec des gestes, des mimiques. C’est fort. J’ai senti aussi que les spectateurs, que tout le monde a réagi, tout le monde a vécu quelque chose de ces scènes. On vit tous un peu les mêmes expériences, mais tout le monde se tait. Avec le théâtre, les gens parlent et on comprend qu’on est tous pareils.

Il y avait une force sur cette estrade, avec les lumières, les rideaux. Une force qui donne envie de continuer, de faire mieux, plus. La scène de théâtre donne une force qui sort de partout pour que je bouge mieux malgré ma fatigue et le poids du quotidien, que j’ai réussi à oublier ! Dans la vie déjà on cherche des solutions, on cherche celle qui va être la bonne. C’est pareil dans le théâtre, on cherche des solutions. Chacune a donné son avis, chacune a des solutions dans la tête.

Pour l’exemple de l’expérience de Latifa, je suis comme Latifa, dans la même situation, je me tais. Une autre personne ne va pas réagir comme ça : une autre va partir, une autre va mal parler, d’autres vont réclamer à parler au responsable…Il y a plusieurs solutions. Le théâtre montre que chacun a son avis, sa solution, qui est différente des autres. Comme Latifa, lorsque l’administratrice de la sécu jette mes papiers de CMU, je préfère me taire plutôt que d’appeler le responsable, faire la bagarre. C’est une solution qui permet aussi de régler le problème. Le risque de s’énerver c’est de ne pas régler le problème. Le message, c’est qu’il y a d’autres manières de faire.

J’aimerai que beaucoup de femmes de terrain d’Entente puissent vivre cette expérience. Quand j’ai commencé, j’avais peur, après j’ai senti que j’étais en direct avec beaucoup de force. Pour moi, j’étais une actrice. le rêve de l’enfance: être une actrice à la télévision! J’ai vécu ça! J’avais jamais oser parler de mon problème devant tout le monde. Mais le moment était fort, c’était possible, là.

Josiane : Les sorties à la journée, les séjours familles :

Depuis plusieurs étés nous sommes accueillis en amis à la Ferme des Fromentaux. Ce lieu est habité par des travailleurs qui depuis toujours prennent soin du vivant, de la terre, des animaux, des hommes. Ils sont très sensibles à la question du droit aux vacances pour tous. Les enfants ont une place très privilégiée dans cet espace. Ils peuvent faire différents apprentissages en toute sérénité, les encouragements accueillent chaque fois leurs efforts pour s’exercer à la traite des chèvres, les accompagner dans les bois. Un adulte se rendra toujours disponible pour accompagner un groupe à la piscine, en rechercher un autre à la plage quand l’orage menace….

Amel : J’avais réservé la sortie au Lac des Sapins. Mais j’ai dû annuler suite au décès de ma tante. je suis restée plus de dix jours à la maison sans sortir. J’ai finalement croisé Bertrand et je lui ai demandé de faire une autre sortie, juste pour mes enfants qui étaient à nouveau confinés. J’ai pu participer à la sortie du lac de Devesset. Pour moi c’était juste pour prendre un peu l’air, mais c’était surtout pour mes enfants. Pour eux c’était génial. Dans le bus ils ont pu regarder la nature, c’était mieux que les écrans! Mes enfants ne sont pas sortis de l’eau! Ils ont joué toute la journée. Ma rencontre avec les femmes de Terrain d’Entente m’a aidée à sortir de ma tristesse, de sentir que la vie continue, a produit un changement. Je suis toujours en deuil, je pleure ma tante chaque jour. C’est la première fois que je vais au bord d’un lac. Merci de me faire découvrir de beaux endroits. L’après midi, j’ai fait du pédalo avec mes enfants. C’est aussi la première fois de ma vie! Mes enfants sautaient du pédalo, nageaient.

A la fin de la journée, on a été surpris par un orage. C’était rigolo de voir tout le monde qui tentait de se protéger avec une serviette éponge sur la tête. Une fois dans le bus, je n’avais plus d’inquiétude et j’ai pu rassurer tout le monde. On est rentrés chez nous, mes enfants avaient beaucoup pris le soleil. C’était magnifique. Une journée pour oublier ce qui était difficile, le deuil, le confinement.

La journée à la ferme, c’était le top ! Une nouvelle découverte. Marcher pieds nus ! Mes enfants ont tout raconté à leur père. J’ai vu la joie dans leurs yeux. Ils lui ont proposé de vivre cette expérience tous ensemble. Ce qui m’a marqué le plus c’est l’histoire des chiens de berger. J’ai jamais imaginé comment ça se passe entre le berger et son chien. Le jour même j’ai envoyé des photos de la nature sur face book. C’est comme des tableaux. C’était top du top. Je remercie Terrain d’Entente de vivre ces moments joyeux, heureux.

Avec le démarrage de la rentrée, on sent qu’on est prêt. La sortie permet de prendre beaucoup d’énergie dans la nature, sa force. Le chien qui court qui court après les moutons… c’est un animal mais il fait son métier. C’est ça la force, chacun a sa place. Le chemin pieds nus, on était au milieu des arbres, on a respiré l’oxygène pur. C’était difficile, mais cette difficulté nous a donné la chance de vider nos poumons. On avait peur, il fallait monter, descendre, c’était une vraie oxygénation du corps tout entier. La marche pieds nus c’est une thérapie pour tous les organes. Bien respirer l’air pur, l’oxygène des arbres, et on a la force de continuer pour la rentrée, on est prêt.

Je n’ose pas aller au lac, à la ferme, au théâtre sans Terrain d’Entente !

Karima J’ai vécu deux sorties au bord d’un lac et un séjour à Retournac. C’était magnifique. Pour la première sortie au lac des sapins, c’est moi qui avais inscrit les familles. J’étais inquiète d’avoir inscrit des personnes qu’on ne connaissait pas. C’était des familles qui ne pouvaient pas s’inscrire au Babet, pour elles, c’était trop cher. Je trouvais injuste qu’elles ne puissent pas profiter d’une belle journée parce qu’elles ne pouvaient pas payer. Eh puis, si on n’a jamais l’occasion de partager un moment on ne peut pas apprendre à se connaître. Parmi celles qui sont partis, une n’avait pas vu sa famille depuis 5 ans. Elle nous a remercié « Pour la première fois mes enfants se sont sentis pris en compte comme tout le monde ». Ce départ a été gratuit pour ceux qui ne pouvaient pas payer. Ces familles ont partagé tout ce qu’elles avaient apporté avec tous. Le moment du pic nique a été partagé avec tout le monde. Tout a été déposé sur la nappe, personne ne savait qui avait apporté telle ou telle chose. On ramène toujours plus. Nous sommes pour des rapports d’égalité, il n’y a pas quelqu’un de mieux que l’autre. Et comme ça, on peut dire « merci » à tout le monde. Ce partage-là, on ne le retrouve pas dans les palaces ! On pouvait dire aux enfants « tu n’as pas besoin de demander à ta mère, il n’y a autour de toi que des « tatas » qui sont prêtes à t’écouter » Pendant que certains s’occupaient d’organiser le pic nique, les autres étaient avec les enfants. On aurait dit un village. On se retrouve comme au bled ! Un moment de paradis ! Il y avait du bonheur, si bien qu’on a oublier ce qui se passait autour de nous. C’est comme ça que les enfants apprennent à partager.

La bonne organisation sur le déroulement de la journée rendait chaque moment confortable. Pas besoin de s’inquiéter de risquer d’être oublié, les activités étaient prévues pour tous. Avec Terrain d’Entente c’est plus léger. Je suis responsable de rien et ça me soulage ; Et je peux prendre du plaisir pour moi même.

Pendant les 3 mois de confinement, on était mort. Seul le cœur battait. Nous avons pu vivre des premières sorties après toutes ces choses. On a oublié le Covid pour la première fois. Malgré le temps frais pour la première sortie, c’est nous qui avons allumé le feu !

A Retournac, j’ai l’impression d’être partie chez mes parents ! J’ai pas senti que quelque chose me manquait. J’étais avec ma mère, mes sœurs, mes cousines. J’avais des appréhensions de partir avec des personnes que je ne connaissais pas. Je suis très sensible et j’avais peur de me sentir blessée et que ça se répercute sur mes enfants. J’ai peur des histoires. C’est pas facile de rentrer dans un groupe. On ne se sent pas accueilli dès le premier pas. Certaines s’étaient découragées de nous rejoindre. Mon mari m’a encouragé à partir pour le bien des enfants.

Pendant ce séjour, on a pu parler de nos difficultés, on a pu se confier sur nos problèmes familiaux comme à de sœurs. On a pu parler de tout, les 3 mois de confinement, on a pu se donner des conseils…. Au début B. était très fermée, elle a peur des gens, elle ne connaissait personne ; elle s’est détendue au fil des jours, elle a pris confiance en elle. Aujourd’hui sa mère qui est au bled ne s’inquiète plus pour elle. Tout ce que je dis, c’est pas seulement mes paroles, c’est le retour de toutes les familles. N. est sortie des histoires familiales tristes, des disputes. René Jo elle est toujours accueillante, elle ne change pas. Retournac, ça ressemble à la nature du Bled, on retrouve des souvenirs. Pas de stress

On n’a pas eu besoin de regarder l’heure, on se lève quand on veut. Avec l’équipe, c’était bien organisé. Un temps que pour moi. J’ai jamais entendu « maman ». J’ai pu être moi aussi un peu enfant, pour rigoler, pour penser seulement à moi. Même s’il restait seulement deux enfants qui ne partaient pas avec vous, l’une d’entre vous restait pour s’en occuper. On trouve un temps de relais pour nos enfants comme au bled avec nos parents. Même si je réserve dans un palace je trouve pas ça ! Une grande attention. Une organisation pour soulager les mères, c’est parfait. On est parti juste à côté, pas besoin de chercher le bonheur loin. Pas de tension, donc pas de fatigue.

Au retour j’en ai parlé pendant deux semaines. Il y a toujours quelque chose à raconter ; Plein de détails qui apportent du bien être. Etre assis à l’ombre d’un arbre pour partager le repas. Se retrouver au bord de la Loire, le chemin pour s’y rendre où on s’arrête à chaque instant pour prendre des photos. Danser ensemble en faisant le repas. Regarder les enfants jouer dans la piscine… On a partagé toutes nos photos. Nous les avons envoyées chaque jour à Tarentaize et les pères des enfants se réjouissaient ensemble, parce qu’ils ne peuvent pas offrir ce genre de sortie à leurs enfants. J’ai même donné envie à mon mari d’y aller. Nous n’avions à nous inquiéter de rien, même le wagon de train était réservé pour Terrain d’Entente. On n’a rien eu à payer ! La porte est ouverte à tout le monde. J’avais prévu des repas de fête, et toutes les femmes ont travaillé pour apporter des plats à partager pour toutes la durée du séjour. Je me suis excusée de les avoir trop fait travailler ! On n’est pas des professionnelles, on fait des apprentissages en participant à l’organisation. Je n’ai pas l’habitude de faire les courses !

A notre retour, on a donné envie à tout le monde de partir à Retournac ! Après le confinement de 3 mois, et l’impossibilité de partir retrouver nos familles, comment on allait être prêt à assumer une autre année qui allait démarrer ? Ces séjours nous ont permis de passer à autre chose sans avoir rien à payer. Nous avions besoin de tout lâcher. Trois jours que pour moi, c’est dur de tout traduire. Il y a eu tellement d’émotions, de pleures…

Aujourd’hui je me demande : c’est où chez moi ? C’est pas le bled où j’ai vécu pendant 20 ans, ce sont les gens avec lesquels je vis mon quotidien. Alors que ça fait seulement 4 ans que je vis à Tarentaize, je peux dire que c’est ici chez moi. Quand je pars d’ici, j’ai toujours un appel, j’ai besoin d’avoir des nouvelles du quartier. J’appelle pas aussi souvent ma tante qui habite à Lyon !

Josiane : Champoly baptisé  » la Maison du peuple »! Un lieu qui souhaite rassembler le plus largement possible les collectifs d’individus qui s’efforcent de créer entre tous des rapports d’égalité et de solidarité. Un magnifique espace de vie construit pour accueillir jusqu’à 50 personne. Le lieu central est construit dans un cercle qui rassemble, qui permet la circulation de la parole….

Marion :  Ce séjour a permis de faire partir à la campagne 5 familles dont les mamans étaient des sœurs ou belle-sœur. Ainsi tous les enfants étaient des cousins-cousines et cela m’a permis de découvrir à la fois les mères de ces enfants que je vois très régulièrement au terrain et de comprendre leurs histoires, leurs situations, leurs liens du sang si particuliers. Enchaînant galères sur galères : lieu pas suffisamment nettoyé, problème d’eau chaude, de bactérie dans le lac, de batterie à changer sur une voiture, la route et le stress que cela a engendré … Nous avons tout de même passé des moments incroyables, barbecue géant, baignades, repas, rires, histoires, nuits tous ensemble etc… Au final les enfants (les plus grands) seraient bien restés plus longtemps.

Sortie à vélo, de mai à Aout 2020 :  Bertrand : Ce projet est issu de la demande d’enfants, coordonnée par le soutien des associations de réparation participatif de vélo du territoire (vélo en quartier et Occivélo), et des aménagements de la ville, (avec la mise en place de 30 km de pistes cyclables sécurisées et une indemnisation de 50 € de l’état pour l’achat ou la réparation de vélo).

Notre opportunisme légendaire a ensuite fait le reste. Le vélo paraissait adapté aux gestes de protection en cette période de limitation drastique des activités accessibles à tous, pour raison sanitaire.

Dès les premières semaines de déconfinement, nous avons essayé d’équiper le plus d’enfants et d’adultes possible. Nous avons alors été confrontés à des problèmes récurrents de place de stockage dans les appartements, de durée de vie d’un vélo sur le quartier, puis de rupture de stock de ces 2 associations. Le processus de remboursement étant très efficace.

Cependant, nous avons réussi durant ces trois mois à distribuer près de 15 vélos en bon état de fonctionnement aux habitants du quartier. Nous avons d’ailleurs encore une liste similaire d’enfants souhaitant s’équiper et nous nous inquiétons désormais de nos capacités à accompagner à l’entretien de ces vélos.

Nous avons pu lancer des sorties à vélo au départ de la médiathèque de Tarentaize. À partir de fin Mai. Pour la première sortie, 6 enfants étaient présents et équipés : vélos, casques et autorisations nous permettant de s’assurer que les familles étaient bien informées et d’accord.

Nous sommes sortis du quartier par une rue à faible circulation avant d’accéder à « la voie verte ». La première partie était difficile avec beaucoup de montée, mais le respect des consignes et l’envie des enfants n’ont pas faibli face à l’effort et nous avons ensuite pu bénéficier d’un décor champêtre dépaysant, alors que nous étions à moins d’un kilomètre de Tarentaize.

Lors des quelques inévitables chutes, l’ensemble des participants ont fait preuve de solidarité et de bienveillance à l’égard des accidentés. La promenade dura près de 2 heures, à la suite de laquelle nous avons fait un petit bilan entre néo cyclistes : l’ensemble des enfants souhaitaient repartir et ce dès la semaine suivante !

La motivation s’est largement propagée à notre retour sur le terrain et nous étions bien plus nombreux pour la deuxième sortie. Pas de chance, cette journée correspondait à l’enlèvement surprise des barrières de sécurisation installées par la mairie trois semaines plus tôt… Ce qui a rendu notre parcours bien plus périlleux !

A chacune des sorties, nous étions toujours plus nombreux, jusqu’à 17 enfants âgés de 6 à 14 ans. Le bouche à oreille faisant son effet, certainement aussi l’abandon des activités extrascolaire en ce mois de juin si particulier.

Puis, un groupe de femmes s’est organisé autour de bénévoles et services civiques de l’association pour se retrouver chaque mardi AM au parc Jean Marc afin de s’initier au vélo ; plus d’une dizaine de femmes du quartier était présente sur certains de ces après-midis !

Cette « activité » s’est peu à peu organisée : les mardis, en fonction de la météo, à 14h au parc de Villars avec un groupe de femmes, puis à 19h devant la médiathèque, pour les enfants. Des pères nous ont rejoint pour accompagner ces sorties, ce qui nous a permis de nous retrouver à 7 adultes pour sécuriser les parcours.

La réussite de ces sorties nous a rendu plus ambitieux, depuis quelque temps nous évoquions l’envie de nous rendre à St Victor en vélo… Avec une bonne organisation de la présence de bénévoles en lien avec « vélo en quartier », pour assurer le retour des vélos, nous avons validé la date du jeudi 30 Juillet pour effectuer ce projet un peu fou.

15 enfants âgés de 7 à 13 ans ont participé à cette expédition, encadrés par 6 accompagnateurs et deux mères qui nous suivaient en voiture, de façon à faire face aux imprévus. Rendez-vous à 15h30, avec un long temps de briefing, vérification des vélos et d’hydratation des enfants et adultes…

Et c’est parti !

3h30 plus tard l’ensemble des enfants sont parvenu à destination et ont ainsi pu profiter d’une bonne heure de baignade largement méritée avant de rentrer à Tarentaize en voiture. Les vélos sont rentrés en camion par le biais de Vélo en quartier.

Il est évident que les souvenirs de ces journées sont encore très présents chez les 32 participants et l’attitude des enfants vis-à-vis des dangers de ce type d’activité n’a cessé d’évoluer durant l’été. L’envie de renouveler de manière régulière ces sorties est fortement manifestée, mais les réalités financières prendront une nouvelle fois le dessus et ne nous permettront peut-être pas de reconduire ces belles découvertes à l’avenir.

Un grand merci aux associations d’OCCIVELO et de Vélo en quartier qui ont rendu cela possible par leur investissement bien souvent au-delà de leur mandat de fonctionnement, juste parce qu’ils en éprouvent le sens.

Un grand merci également aux 7 bénévoles qui sont régulièrement venus nous accompagner et sans qui nous aurions dû largement diminuer le nombre d’enfants présents.

Les sorties jeunes : Ramzi : Tout a commencé pendant le confinement lorsque des jeunes m’ont fait part de leur envie de sortir de chez eux, de quitter le quartier pour un temps. Le mot d’ordre est « on galère »

Au fil de nos rencontres, des discussions émergeaient sur des projets autour des vacances. Cette construction de projets a commencé pendant la période du confinement : lors des trajets « courses alimentaires » avec les adolescents, pour les personnes vulnérables, ou via les réseaux sociaux. Sur toute cette période nous sommes restés actifs et à l’écoute des jeunes, filles comme garçons. Certains ados comme Salima me répétait « Heichek (stp) est ce qu’on peu faire une sortie avec les filles cet été. ». Ou Ichem qui me disait « kho ( frere) on fait le projet que tu veux tant que moi je suis avec mon équipe ». Puis Malek précisait « ouais les frères tant qu’il y’a un peu d’eau pour nager, on va n’importe ou ». C’est là que Younes leurs a répondu « Y a Saint Victor (lac)» Mais Fares lui rétorqua « Frère c’est interdit là-bas ».

Toutefois, malgré ces obstacles, , j’ai pu remarquer que ces jeunes n’étaient pas du tout résignés mais bien au contraire, ils avaient une force de proposition assez étonnante. Ces jeunes ne se contentaient pas de demander et d’attendre que cela arrive. A titre d’exemple via son smartphone, Banfa nous as montré qu’il y avait de super points d’eau comme la cascade à Saint pierre de bœuf. J’ai alors proposé au groupe l’activité Rafting mais Yakoub était perplexe : « c’est pas pour nous ça » mais Wissem a expliqué qu’il avait déjà essayer avec des potes (Français) et c’était top. Youcef, via l’application Waze a fait une simulation de trajet afin qu’on s’organise sur les horaires. . Enfin Adem a pris le soin de regarder la météo afin qu’on puisse avoir une date optimale. En parallèle avec l’association et les jeunes nous avons réfléchit à un mode de financement afin de rendre ces micro projets possibles. D’ailleurs concernant le financement le leitmotiv côté jeunes était toujours le suivant « s’il faut cotiser, on cotise y’a pas de soucis »

Ainsi à travers ces activités aquatiques comme le rafting nous avons permis à plus de 40 adolescents de vivre des expériences d’aventure au combien enrichissantes pour leur vie d’adulte. J’ai en effet pu observer des valeurs en parfaite adéquation avec celle de l’association comme, la solidarité, le travail d’équipe car oui si l’équipe n’est pas coordonnée le rafting se renverse, ou sans aide il est difficile de pouvoir remonter sur le pédalo ou le bateau !

Marion : J’ai pu participer à deux sorties avec les jeunes : rafting et piscine. Au rafting il n’y avait que des garçons, au début je me suis sentie toute petite, sans trop savoir dans quoi je m’étais embarqué. Puis, j’ai créé des liens et rien que dans la voiture lorsqu’un camion a osé me faire une queue de poisson j’ai senti toute la rage des ados « Qu’est-ce tu fais là, t’es crus chez ta mère ? » « Klaxonne Marion il n’a pas à te faire ça » « On lui fait tous des doigts quand elle double » ! Egalement dans la voiture la découverte des play-liste musicale qui défilaient à plein régime m’ont permis d’instaurer un dialogue, parfois moquée car je ne connaissais pas tel ou tel rappeur ! Au-delà de l’activité que nous avons tous aimés, les discussions du midi ont été bien plus importantes pour moi, parce que parler de la religion, des vies de chacun, des similitudes malgré nos grandes différences dans nos modes de vie est pour moi une façon de s’ouvrir au monde, autant moi comme adulte, qu’eux en tant qu’adolescents !

Ramzi : D’autres envies ont émergé durant l’été notamment pour un groupe de 8 jeunes âgés de de 15 à 19 ans qui nous expriment trop souvent leurs désirs de conduire. Là aussi et après discussion nous avons pu aboutir à un projet karting.

Le point important à mon sens est que ces jeunes comprennent qu’on ne peut pas conduire sur la route comme sur un circuit car cela engendre des risques qui sont malheureusement et trop souvent dramatiques.

D’ailleurs ce jour-là la piste était glissante et la plupart des jeunes ont pu expérimenter le fait de perdre le contrôle de leurs véhicules (karting) si on n’anticipe pas la vitesse. Quelques minutes auparavant deux jeunes, Mekine et Djalil me disaient « on est des pilotes, nous on ne glisse pas »

Dans ce cadre très sécurisé cela ne pose pas de problème mais après discussion avec eux cela a en effet poussé la réflexion sur ce qui se passe avec un vrai véhicule sur la route avec toutes les conséquences qui en découlent : humaines, matériels etc.

Ainsi et malgré le coût financier, à mon sens cette démarche fut constructive pour ces jeunes notamment sur le fait de faire attention aux autres (en cas d’accrochage les pilotes étaient pénalisés) L’enjeu était d’anticiper (pour ne pas glisser certes), mais surtout apprendre à anticiper en général pour ne pas subir leur avenir sur la route comme dans leurs vies professionnelles.

En plus de ces sorties à la journée, d’autres projets plus conséquents ont pu voir le jour durant cet été. En effet la demande la plus récurrente était « c’est quant je pars à Champoly avec mon équipe ? ». A partir de cette revendication, nous avons pu construire ensemble plusieurs séjours pour pratiquement 30 jeunes. Nous étions accueillit dans une grande maison de campagne appelée « maison du peuple » car elle favorise à la fois une certaine liberté avec énormément d’espace mais aussi plein de rencontres notamment autour du cercle de barbecue.

Encore une fois la construction de ces séjours n’allait pas de soi, et les jeunes étaient mobilisés pour concrétiser le projet. Par exemple dès la programmation Ilyesse a créé un groupe sur Snapchat qu’il a nommé « séjours Champoly ». De plus, il a pris le soin d’ajouter chaque personne pour que toutes les informations concernant les séjours soient partagées par l’ensemble du groupe. Kais me dit « pour les courses je suis op (opérationnel), avec ma mère je les fais tout le temps ». Ce même jeune nous as montré une application pour scanner chaque produit alimentaire et ainsi respecter le budget qu’on avait établit en équipe en amont.

Par la contribution de chacun à la construction du séjour, les jeunes devenaient de plus en plus autonomes. Cette construction de l’autonomie de chacun se faisait dans un premier temps collectivement. En effet une fois sur place chacun pouvait choisir la tâche qu’il souhaitait réaliser. Sofiane me disait « moi je suis trop fort au barbeuc donc je le fais ». Il a même accepté de prendre avec lui une personne un peu moins expérimentée afin que chacun puisse partager sa compétence. Cette démarche était appliquée sur l’ensemble de la vie de groupe que ce soit pour les tâches ménagères, les repas et la planification des activités de loisirs.

Enfin ces séjours étaient aussi l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes en dehors du quartier notamment à la campagne. Au lac de Villerest st Slimane me disais « pourquoi ici les gens sont gentils ? ». D’où la grande richesse des ces sorties hors du quartier. Chose que l’association Terrain D’entente et ses partenaires ont permis malgré une situation de grande crise sanitaire.

Marion : Les terrains du mois d’Août ont été plus légers que d’habitude. Par les fortes chaleurs qui se sont succédé nous avons adaptés nos terrains en venant plus tardivement (16h-18h). Les enfants « habitués » ne venaient pas plus que ça, et préféraient rester entre amis, ou en famille. Cela à permis à d’autres enfants et adolescents ne venant pas souvent, se sentant parfois « exclus » « n’ayant pas le droit d’être là » de s’investir et de comprendre que pour nous, en tant que Terrain d’entente ils ont toute la place qu’ils veulent occuper. Ce qui a pu se confirmer auprès des uns et des autres lors du retour des « habitués » ! Nous avons également pu répondre à des attentes bien particulières. Par exemple Rania qui avait un besoin immense d’escalader, de grimper a pu expérimenter en sécurité, avec un baudrier de corde et deux adultes pour elle, ce qu’était l’escalade ! Apprendre le vocabulaire, comprendre la manière de trouver des prises etc. Un projet qui pourrait voir le jour dans le cours de l’année.

Les dernières semaines ont été plus « sombres », la « déprime » se faisait un peu ressentir ; et pour cause : fin de l’été, fin des vacances, retour de l’école, appréhension scolaire, partie de l’équipe qui ne reviendra pas aussi régulièrement à partir de septembre. Ce qui ne nous a pas empêchés de continuer de jouer, de rire et de discuter.

Vincent : Parmi toutes les activités, les sorties, les séjours et les terrains cet été, on a eu l’occasion de faire pas mal de barbecues. 

Un vendredi soir pour clôturer une belle semaine d’olympiades, avec un gros tournoi de foot arbitré par Ramzi, ou l’on a pu voir énormément de nouvelles têtes, qui m’étaient inconnues pour ma part, et beaucoup de familles, des habitués et quelques personnes sûrement attirées par cette ambiance très chaleureuse. Une très belle soirée ou l’on a pu voir de l’entraide, du partage et beaucoup de sourires. Deux ou trois adolescents nous ont rejoint à cette occasion, ils étaient demandeurs de ce genre de soirée. Quelque temps après, avec quelques uns d’entre eux, nous nous sommes reparti les tâches de préparations.  J’étais en accompagnement du groupe parti faire les courses et étonnamment surpris par l organisation, l’efficacité ainsi que le pragmatisme de ces jeunes. Encore une bonne soirée, certains jouent aux cartes, d’autre discutent, certains s’occupent de Rex le chien de Fares qui nous a accompagnés tout l’été. Les plus aguerris s’occupent du barbecue avec un professionnalisme incroyable.  On a pu aborder pleins de sujets dans une ambiance très apaisée, jouer à des jeux dont ils étaient les investigateurs et les animateurs.  Ces ados ont découvert et adopté le camembert cuit sur le feu, et les légumes aussi ! 

Une soirée que l’ont a pu revivre deux fois pendant les séjours à Champoly avec d’autres groupes. Toujours aussi agréables et efficaces dans la gestion et le partage des tâches. 

J’en déduis que le barbecue est la recette d’un été réussie, ou peut-être est ce l’inverse ?

Josiane : Cet été nous a permis d’apprécier une très notable évolution de nos relations inter personnelles. Tous les séjours ont été rendus possibles grâce à notre capacité de plus en plus développée à nous organiser, entre voisins et avec les membres de l’équipe, tant sur les questions logistiques que sur le contenu des journées. La responsabilité de la qualité des journées a été partagée entre tous. Chacun à sa mesure a su réaliser l’effort nécessaire pour prendre soin les uns des autres, pour comprendre les difficultés qui ont pu se manifester et chercher la possibilité de les traverser.

Si globalement nous récoltons surtout des retours positifs, nous avons évidemment vécu des déceptions. L’évolution des relations qui se construisent au sein de notre collectif, à l’occasion de ces sorties, nous permet de tirer ensemble des enseignements de toutes ces expériences partagées, de nous projeter dans l’avenir pour envisager une meilleure façon de réaliser nos projets. La question n’est pas de vivre des expériences pour qu’elles soient toujours gratifiantes, mais de permettre à chacun de trouver sa place et d’apporter une contribution.

Ces différents témoignages nous permettent d’affirmer que le temps des vacances est bien une opportunité d’émancipation individuelle et collective.

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La Ferme des Fromentaux nous est toujours ouverte!

C’est devenu une tradition, au mois de Février, nous partons à plusieurs familles pour aller saluer nos amis de la ferme des Fromentaux qui nous accueillent chaque été. 

A la fin de l’hiver, les chevreaux viennent au monde. Nous avons eu la chance unique l’an passé, que l’un d’entre eux naisse sous nos yeux. Un très fort moment d’émotion.

Ce 22 Février, nous nous sommes retrouvés à 35 personnes dont 22 enfants de 2 à 12 ans. Notre voyage s’est effectué par le train. Un magnifique trajet à travers la campagne  » on ne voit pas le temps passer! » le reste du parcours pour rejoindre la ferme s’est fait à pied pour les enfants. L’occasion d’admirer le vol des canards et leur façon singulière de se glisser sur l’eau pour atterrir; de se demander « qui a pu mettre toute cette eau? » pour permettre à cet immense fleuve de circuler sur une telle distance!; de saluer ce grand père que nous avons croisé sur notre chemin et qui a su tirer de son jardin de quoi attirer les chevaux pour qu’ils viennent nous manger dans la main et acceptent de bonne grâces toutes nos caresses. 

L’occasion enfin, de se sentir fier d’avoir su parcourir une telle distance à pied, et de reconnaître le toit de la ferme de nos amis.    

Nos amis qui nous attendaient avec leur chaleur habituelle, et qui nous ont offert un cadeau inoubliable.

Cette année les chevreaux nous ont fait de la place dans leur box! Un moment magique et très impressionnant. Nous avons pu prendre tout le temps nécessaire pour oser nous assoir auprès d’eux, pour arriver peu à peu à garder le silence, à être moins agités, moins inquiets, moins apeurés face à cet évènement inédit ….et petit  à petit, plusieurs chevreaux sont venus nous saluer, nous faire des calins!!! Le temps s’est suspendu…. L’apaisement était palpable!

La journée était particulièrement chaude, il a été possible de faire un barbecue qui nous a rappelé les plaisirs de nos dernières vacances d’été.

Nous avions une longue journée à notre disposition, la cabane qui avait un peu souffert de l’hiver a pu être réparée avec la contribution de tous les enfants, les plus grands soutenant l’effort des plus petits.

On a même eu le temps d’aller saluer à nouveau nos amis les chevreaux.

Renée Jo et Dédé ont bénéficié d’un véritable banquet qui avait été réalisé par toutes ces femmes qui s’était levées dès l’aube pour faire ainsi honneur à nos hôtes.

Une de ces journées qui nous ressource, une fantastique opportunité pour se retrouver en symbiose avec cette nature qui nous porte, qui nous nourrit, et qui nous donne envie d’en prendre soin. Durant ces journées « nature » c’est évident pour chacun qu’aucun papier, aucun  détritus ne doit venir souiller cet environnement magnifique.

Voici les impressions de Mirela, qui effectue son service civique parmi nous et qui découvrait cet espace.

« Nous avons  pu effectuer une journée sympa et formidable à Retournac en train avec les enfants ainsi que leur mamans. À l’arrivée une femme ainsi que son mari nous attendait pour pouvoir aller à la ferme. 

Une  fois arrivés à la ferme  c’était l’heure de prendre le déjeuner avec les enfants et les mamans qui mangeaient à part afin de pouvoir profiter entre elles  sans leurs enfants.
L’après-midi nous nous sommes rendus à la ferme pour voir les nombreux bébés chèvres ainsi que les chevaux. Ensuite avec les enfants nous  nous sommes rendus à la cabane qui avait déjà était construite afin de rajouter des éléments. Ce jour là les enfants apportaient le bois  et tous ensemble on essayait de participer à différentes tâches. 
Ensuite on a pu jouer au petit lu et à différentes activités   telles que jeux de cartes, au ballon, faire de la balançoire.
Il faisait beau et toutes les conditions étaient là afin de passer un moment formidable .

Avant de prendre le chemin et de rentrer à la maison les enfants ont pris le goûter.
C’était une journée joyeuse pour tout le monde. Beaucoup d’enfants n’ont pas la possibilité de sortir de leur quartier et cela était une première pour certains d’entre eux .
Ils découvraient en quelque sorte le monde et tout ce qu’il les entoure. »

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SEJOURS A MONTMIRAL – ETE 2019

A l’initiative de quelques familles et enfants fréquentant régulièrement l’association, nous avons construit ces deux séjours dès le mois de janvier 2019, avec comme finalité de proposer un cadre de « vacances » aux familles qui n’ont aucune – ou peu de – perspective de départ durant l’été. L’objectif restant toujours pour Terrain d’Entente que les projets s’adressent à tous, de manière inconditionnelle.

Nous avons tout d’abord appréhendé les besoins et attentes de chacun et les avons adaptés à nos opportunités et moyens à disposition : c’est ainsi que ce sont dessinés ces deux séjours sur le site de la Ronde lierre, à Montmiral (26) – les propriétaires étant sensibles à notre démarche.

La commission chargée de cette organisation s’est réunie très régulièrement durant plusieurs mois. Elle a choisi de séparer les deux séjours. 

-Le premier concernait  un groupe d’enfants, moteur de l’initiative, du 01 au 05 juillet

-un second groupe, du 05 au 09 août, composé autour de familles très investies dans la construction de ce projet et qui avaient bénéficié de vacances collectives avec l’association à la ferme des Fromentaux l’année précédente.

Afin d’accompagner leur bon déroulement, une équipe pédagogique s’est organisée pour partager  ces deux semaines : Kaoutar, Ramzi et Bertrand. Lors du premier camp, Lyina, volontaire en service civique est venue compléter cette équipe.

A l’exception de Bertrand, qui connaissait déjà le lieu, l’ensemble des participants sont partis à l’aventure dans ce site qui nous propose un type d’accueil assez particulier : dormir dans des cabanes – sans électricité ni connexion – pratiquer l’équitation, cuisiner dans une ancienne grange, cohabiter avec les nombreux animaux et insectes présents. Ceci, avec une vue imprenable sur la Drôme des collines…

Une fois passé les difficultés administratives imposées par nos partenaires financiers (CAF pour le séjour enfant et ANCV pour le séjour famille), nous avons limité notre présence à 19 personnes sur chaque période. Ceci nous semblait être la limite maximale pour un accueil digne de ce nom. Nous avons eu connaissance seulement le matin même du départ pour le premier séjour (et la veille pour le second), de la liste définitive des participants et encadrants.

Ensuite, nous avons été accueillis par Brith et Olivier, propriétaires du site, qui nous ont réservé l’accès exclusif de tout l’espace dès notre arrivée et durant les 10 jours de notre présence.

Tout s’est très vite enchaîné !

Bien qu’ayant collectivement étudié et programmé nos départs respectifs, le déroulement du séjour s’est improvisé de manière assez spontanée, magique et bienveillante. Notamment, lors du séjour « famille » ou l’implication de chacun est progressivement devenue égalitaire.

La sortie du quartier par ce voyage vers un site aussi sobre et naturel a eu des impacts rapidement évaluables, auprès des enfants notamment, par de l’entraide et de la bienveillance permanente, une restriction des conflits exponentielle (3 accrochages en tout) et une utilisation des insultes quasi réduite à néant durant ces 10 journées… ce qui n’est pas rien!

Les sourires, temps de partage et envie de rester et/ou d’y retourner sont clairement des indicateurs positifs de ces actions.

Très loin des sorties dites « de consommation » – à l’exception d’une journée au lac, avec une activité pédalo – nous avons pris beaucoup de plaisir à :

  • La réalisation de taches de la vie quotidienne, vaisselle, courses, cuisine, nettoyage, avec un planning pour le premier séjour et à l’instinct pour le second.
  • Au partage de temps de jeu de société, jeux collectifs nocturnes et parties de foot endiablées sur la carrière du centre équestre.
  • Boire de l’eau et limiter la consommation de produits sucrés après épuisement rapide des importantes réserves.
  • Combattre nos peurs de l’équitation, des insectes, souris, chiens, du noir, de l’eau et de la collectivité.
  • Passer 5 jours et 4 nuits en extérieur – parfois en période de canicule.
  • Progressivement oublier certaines contraintes vestimentaires et esthétiques que nous nous imposons dans nos quotidiens respectifs à Saint-Etienne

Nous avons basculé vers ce que Pierre Rabhi nomme : la « sobriété heureuse ».

Reprendre l’ensemble de ce qui s’est passé sur ces deux semaines serait impossible et/ou irrespectueux pour ces temps individuels et collectifs qui seront à jamais gravés dans nos mémoires et tellement importants pour nos vies futurs et réciproques. 

Néanmoins les échanges que nous entretenons entre participants depuis notre retour sur Tarentaize parlent d’eux-mêmes et nous souhaitons provoquer de nouveau ce type d’action pour l’été prochain, Inch Allah !

L’équipe et les parents des enfants présents sont unanimes sur l’impression d’émancipation et l’ambiance qui s’est très largement améliorée lors des terrains depuis le déroulement de l’ensemble des actions que nous avons établies durant cet été.

Mais, la question demeure : aurons-nous suffisamment de force humaine, partenariales et financières pour perpétuer cette expérience durant l’été 2020 ???….

A suivre…

Bertrand.

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Pour retrouver notre légitimité et sortir ensemble de l’impasse.

          

Notre cheminement à Terrain d’Entente nous a permis, au fil des années, de faire des rencontres improbables. Nous pouvons envisager aujourd’hui d’initier des évènements, pour tenter de construire des espaces différents avec d’autres collectifs et répondre à  des questions de société qui dépassent les préoccupations quotidiennes de notre territoire et qui font tomber certaines frontières.                                                                                                                                Nous sommes sollicités sur des questions diverses, avec comme postulat de tenter de construire collectivement une démarche qui soit transformatrice, qui apporte un changement, qui recherche des alternatives.                                                                                                 Pour citer celles qui nous portent particulièrement aujourd’hui.

Le super marché coopératif, la « Fourmilière » vient d’ouvrir ses portes à St Etienne.  Un nouvel espace pour promouvoir l’agriculture paysanne, respectueuse de l’environnement, qui privilégie les circuits courts. Les coopérateurs construisent un mode d’organisation où chacun prend part aux décisions et se sent responsable des principes déclarés.  Les fondateurs de cette démarche sont venus solliciter les adhérentes de Terrain d’Entente et nous ont invité à prendre part à leur réflexion. Ils souhaitent poursuivre l’organisation de ce travail en comptant sur notre contribution, afin que ce magasin corresponde à la grande diversité des habitants de notre ville en y intégrant, en tant que coopérateurs, des habitant-e-s de Beaubrun – Tarentaize.

Nous participons au bal populaire du 14 Juillet que le collectif « les cris du quartier » propose depuis quelques années. Une journée de fête ouverte à tous, où chacun apporte sa contribution. Nous avons été sensibles à cette invitation qui rassemble plusieurs associations qui interviennent dans différents quartiers. Toutes développent des démarches d’éducation populaire et réalisent des actions culturelles, sportives, citoyennes qui s’adressent à tous.

Nous avons initié un chantier avec les acteurs de la pédagogie Freinet sur la co éducation depuis 2 ans.

Trop de jeunes sont ni en emploi, ni en formation, ni en recherche, ni en accompagnement. Notre pacte républicain est en danger si on ne réduit pas ces écarts: lorsqu’on a on moins de droits que les autres, comment peut on accepter d’avoir les mêmes devoirs?

La première démarche pour assurer les conditions du bien être à l’école est de l’ouvrir aux parents, de favoriser la co éducation, pour une meilleure connaissance réciproque.

Construire une communauté éducative qui assure de manière effective notre responsabilité collective dans l’éducation et la protection des enfants, et leur permettre ainsi de trouver du sens et de la cohérence dans les apprentissages organisés de manière différente à l’école, en famille, dans le milieu associatif….

Une toute dernière rencontre a eu lieu avec des militants de la LDH. Ils ont réalisé un travail de recherche sur la lutte contre les discriminations et l’accès aux droits pour tous. Ces militants souhaitent aller à la rencontre de ceux qui vivent des difficultés importantes pour faire valoir des droits et faire reconnaître les situations de discrimination.

Les amis de la LDH qui nous rejoignent se réjouissent de pouvoir travailler avec les membres de Terrain d’Entente sachant qu’on s’efforce collectivement de redresser ce qui ne va pas dans notre société. Ils souhaitent « entreprendre un  travail pour faire valoir les droits avec ceux qui savent prendre en main leur réalité« . (sic)

Quand on imagine la réalité quotidienne de toutes ces familles qui subissent un empilement de contraintes pour espérer assurer seulement des moyens de subsistance jour après jour, on peut se demander comment il devient possible de s’inscrire ensemble dans des démarches militantes. Comment il est possible de s’extirper de cette inquiétude permanente, de cette peur du lendemain? Comment on arrête de subir et de se méfier de ceux qui nous entoure?

Nous avons évoqué à plusieurs reprises, ce qui est préliminaire à la construction d’une relation de confiance, pour arriver à être moins centrés sur les problèmes à régler et s’engager peu à peu, avec d’autres, pour construire des projets qui répondent à des envies.                                    Mais là, nous avons franchi une autre étape. Nous ressentons aujourd’hui un peu de légitimité pour nous inscrire avec d’autres collectifs dans des actions qui espèrent avoir une portée transformatrice pour la société toute entière. Un engagement qui reste un pari, celui de pouvoir mobiliser l’énergie nécessaire qui est souvent absorbée par les « galères » du quotidien.

Pour ce qui concerne Terrain d’Entente, tout a commencé par la préoccupation du non départ en vacances et de la reconnaissance de ses lourdes conséquences pour les enfants et les familles. De plus en plus de familles ne partent pas en vacances. Il était temps de reconsidérer le droit aux vacances comme un enjeu social.

Nous avons beaucoup investi, avec nos moyens dérisoires, pour rendre possible des départs. Nous avons sollicité l’an passé différents réseaux pour créer un collectif sur l’accès aux vacances pour tous. Nous nous sommes engagés dans une réflexion pour penser ce problème dans sa dimension politique: comment on organise une réappropriation des vacances par les gens eux mêmes, qui ne soit pas du tourisme, en les construisant collectivement, de manière à reconstruire le tissus social, les liens d’entraide?                                                                                 La question du départ en vacances permet d’aborder les questions de l’environnement, de l’alimentation,  du respect de la terre et des populations. L’environnement et les inégalités sociales sont liées.

Partir s’est s’ouvrir à d’autres réalités,  aller à la rencontre de ceux qu’on ne connaît pas, sortir de nos cloisonnements et peu à peu, refaire société tous ensemble. Nous avons rechercher des hébergements amis, sensibles à nos questions, volontaires pour construire des collectifs qui se mobilisent sur des questions politiques pour sortir des cases où on nous a assigné. Pour identifier le temps des vacances comme lieu de fabrication de la société.

Ca à l’air de rien, les départs en vacances. Nous partons depuis quelques années rejoindre des amis paysans boulangers, éleveurs de chèvres en Haute Loire. Ces familles du quartier de Tarentaize, qui connaissent la peur du lendemain, la honte de leur condition, ont pris ce risque d’aller dans l’inconnu.                                                                                                                                         Notre point d’appui pour faire ensemble ce pas, a été les expériences positives que nous avons réalisées ensemble, à partir de nos discussions au café des femmes, de ce que nous avons pu mettre en commun, de cette communauté de vie qui est devenue peu à peu réalité pour certaines.                                                                                                                                                  C’est parce qu’on côtoie les gens dans le quotidien, qu’on côtoie l’intime de leur existence, qu’on peut construire des choses ensemble. Il s’agit toujours pour nous, de tenter de modifier les conditions politiques de l’existence, en partant du quotidien. Nous nous efforçons d’observer les micro évènements qui se manifestent et nous tentons de  les intégrer à nos analyses, à nos efforts de compréhension. Nous sommes très soucieux également, d’identifier la charge mentale de la vie quotidienne vécue par les familles, et nous avons le soucis de là partager en prenant en charge certains temps de la semaine avec les enfants, en réalisant ensemble les démarches incontournables.     

Les différentes actions que nous avons menées à bien, en affrontant ce qui est difficile, ont permis d’ introduire de la solidarité entre nous et avec les autres.

Et nos séjours à Retournac nous ont aidé à sortir de la peur et de la honte:                                                              « Ici on n’a pas besoin d’avoir peur, on ne ferme même pas la porte à clé, on se sent respecté tel qu’on est…. ».  

L’accueil chaleureux et inconditionnel de nos hôtes nous ont rendu le sens de notre respectabilité.                                                                                                                                Quand nous partons collectivement en vacances, nous construisons du dépaysement, nous ré enchantons la banalité du quotidien. Produire quelque chose ensemble reste fondamental pour avoir le sentiment de vacances, de dépaysement. Durant ces journées nous nous intéressons à toutes les opportunités de partage, parce que nous savons qu’elles sont créatrices de construction de liens. Quand nous essuyons tous ensemble la vaisselle, nous partageons un moment de convivialité singulière qui prend une part dans la dynamique globale du séjour. Les repas peuvent devenir des moments de fête, de construction de savoirs faire communs, et des moments de conscientisation. Des occasions de faire apparaître des valeurs en partageant une pratique, en l’éprouvant.

A Retournac, nous avons pu faire ainsi l’expérience de ce qui nous lie, nos préoccupations communes, nos budgets très précaires (beaucoup de ces amis habitants de la ferme survivent aussi avec le RSA!) et de l’enrichissement de partager nos différentes façons de construire le quotidien, nos manières d’appréhender le réel à partir de nos valeurs, de nos croyances, de ce qui nous a construit. Nous avons réalisé ainsi un creuset, à la manière de ce récipient qui permet le mélange et qui  transforme les métaux en quelque chose de plus complet, de plus abouti, de plus précieux.

En passant par un lieu qui nous appartient ensemble, ailleurs que chez nous, il devient possible de se rencontrer et de faire du mélange. Il forme un point de rencontre, d’influence des cultures différentes. On déconstruit alors des peurs, et on construit des compétences sociales. Nous fabriquons ainsi des communautés qui peuvent s’étendre.

Ces séjours ont permis pour les membres de notre collectif, de vivre des expériences positives autour de l’organisation concrètes du quotidien où chacun arrive à contribuer à son bon déroulement. Ces réussites collectives sont devenues un appui considérable pour retrouver confiance et assurance. Aujourd’hui nous arrivons à nous saisir d’opportunités d’auto financement pour nous donner les moyens de poursuivre ces projets de départ en vacances. Le mode d’organisation pour faire des gâteaux, servir dans un salon de thé, vendre des crêpes devant la médiathèque…. devient  plus efficace et respectueux des forces et des possibilités des unes et des autres. La relation s’intensifie entre certaines et certains, les personnalités s’affirment d’avantage. Ce cercle vertueux favorise des partages de réflexions plus élaborés et ouverts aux enjeux de notre société.

Ces expériences de projection, de construction et de départs concrets en vacances ont été  renouvelées régulièrement, également dans d’autres espaces, avec d’autres collectifs. Elles nous permettent aujourd’hui de nous sentir plus légitimes pour renforcer les rangs de tous ces amis qui cherchent à construire autrement. Nous  espérons ainsi contribuer à bâtir un horizon d’égalité et d’intérêt commun, de façon à améliorer les conditions de vie de tous et à retrouver notre dignité.                                                                                                                               Tout reste extrêmement fragile, dans tout ce que nous entreprenons, et risque de basculer à tout instant.  Cet un exercice périlleux qui demande attention, constance, vigilance, mais c’est la seule manière de rester debout et de se sentir vivant. Nous nous donnons les moyens de pouvoir encore espérer.

                                                                                        Josiane GUNTHER Avril 2019

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Lorsqu’un collectif organise des départs en vacances

« Le barbecue qu’on a fait sur la plage, c’est inoubliable » me confie une maman alors que nous partons de notre lieu de vacances pour rentrer à Saint Etienne. « ces vacances, c’était vraiment bien » lâche une autre.
Cet été, à Terrain d’Entente, nous avons organisé 4 séjours auxquels ont pu participer des adolescentes, des enfants et des familles, répartis sur deux différents lieux : une grosse bâtisse aux milles recoins, située à Champoly (vers Noirétable) et prêtée par Intercosmos, une association stéphanoise , et la Ferme pédagogique des Fromentaux, à Retournac, que nous avons la chance de compter parmi nos amis !
Après une année de devoirs, courses, organisations toujours serrées d’une routine accélérée et efforts divers, grands et petits étaient ravis de partir une semaine ou un week-end (en fonction du séjour) dans de grands espaces ruraux dans lesquels ils allaient pouvoir se détendre.
Lors des deux différentes semaines à Retournac, nous avons donc alterné les jeux (chasse au trésor, molki, jeux de cartes, time’s up…), les temps créatifs (pâte à modeler, coloriages) les activités avec une association d’animations (confection de pain et de pizza, balade contée avec des ânes, course d’orientation dans la ferme, construction de cabanes dans la forêt, éveil musical…) les temps de sorties (roller, plage de la Loire, piscine, piscine nocturne) et les temps avec les animaux de la ferme (nourrir les lapins, traire les chèvres, les accompagner paître, caresser le cheval et l’âne, donner à manger aux cochons, se familiariser avec les gros chiens…). Le soir, une fois les enfants couchés, les adultes se retrouvent autour d’un thé à la menthe et les conversations, les débats et surtout les rires occupent tout l’espace.
A Champoly, on marche jusqu’à une cascade au fond d’une forêt, on observe le panorama des alentours depuis la tour d’un château en ruine, on profite du plan d’eau de Noirétable et du temps passé ensemble pour faire des jeux (petit bac, loups garous, keum’s, time’s up), on regarde les étoiles, on se promène dans les rues du vieux village, on écoute de la musique et on danse, là encore, on rit très fort.
Ces excursions hédonistes nous raccrochent au plaisir de partager collectivement des moments simples et agréables. Ils nous rapprochent les uns des autres (« c’est la première fois qu’on va dormir tous ensemble ! » me diront beaucoup d’enfants en découvrant le dortoir qui va être notre chambre pour une semaine) créent des souvenirs impérissables dans lesquels il existe un lieu de confort où l’on s’est senti en sécurité, chez soi (« on a une maison pour nous tous seuls ! » c’est exclamée une jeune fille en arrivant à Retournac – avant de parler, comme les autres enfants, de « notre maison »).
Décrocher du quotidien, recharger ses batteries, prendre du repos, lâcher la pression, ralentir le rythme, profiter de la vie : tant de termes qui rendent évident le fait que les vacances sont une nécessité, pour les adultes comme pour les enfants. Etre en vacances, ce n’est pas simplement ne pas aller à l’école ou au travail, ce n’est pas simplement une étiquette pour les mois de juillet et août, ce n’est pas réservé à qui que ce soit, cela ne découle en aucun cas d’une forme de méritocratie : c’est un besoin vital, pour tout un chacun, de changer d’horizon ; c’est puiser dans une source d’énergie nécessaire pour redémarrer dans nos vies dont le rythme est souvent étourdissant.

Camille Ballon 24/09/2018

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Séjour à Retournac !

Les vacances à Retournac avec les ados au printemps 2018

Forts de toutes nos expériences très positives où nous sommes accueillis en amis à la Ferme des Fromentaux, nous avons senti possible d’ouvrir cet espace à un groupe de jeunes, à l’occasion des vacances de printemps.

Plusieurs éléments positifs sont à mettre en évidence: l’implications des jeunes dans la conception du projet, leur attitude positive durant tout le séjour
Les jeunes qui ont participé au séjour ont écrit le projet, ils ont su se saisir de l’opportunité que leur offrait un nouveau dispositif, le Fond de Participation des Habitants, qui aide au financement de différentes actions dans la mesure où elles peuvent contribuer à l’enrichissement des relations au sein d’un quartier populaire. Ils ont préparé ensemble la rencontre à la commission d’admission, et ont su expliquer leurs motivations. L’un d’entre eux s’est même proposé pour être membre des prochaines commission du FPH!.
Nous nous sommes rencontrés à trois reprises pour préparer ce séjour pour expliquer ce lieu particulier où nous serions accueillis. Chacun de ces échanges a permis un ajustement entre les attentes et les possibilités réelles que le séjour à la ferme pouvait offrir.
7 jeunes ont donc bénéficié de cette semaine. L’un d’entre eux a du interrompre la semaine pour raison de santé, un autre à rejoint le groupe dans la semaine pour les mêmes raisons.
Ils ont été accompagnés par Heddy, employé de l’association qui terminait sa formation de moniteur éducateur, Yohan, un jeune bénévole qui a travaillé deux ans à Terrain d’Entente. Ils avaient tous deux une très bonne connaissance de ces adolescents.
Pour ces jeunes, ce séjour a été « une première fois » sur de nombreux aspects. La vie dans une ferme, le travail du quotidien, la « rencontre » avec la nature….Pour chacun il y a très peu d’occasions de sortir du quartier, durant la période des vacances.
Malgré cet aspect déstabilisant, ils ont eu, durant tout le séjour, une attitude coopérative et positive.
Ils se sont intéressés aux activités, (conduite du tracteur, traite des chèvres….). Ils ont participé à toutes les tâches ménagères (repas, vaisselle, rangement) qu’ils avaient eux mêmes organiser en se répartissant le travail à partir d’un tableau qui établissait des tours de rôle. Chacun a participé au rangement et nettoyage du gîte à la fin du séjour, pour certains, de façon spontanée. Ils ont respectés les horaires qu’on avaient décidé avant le séjour. Les soirées ont été l’occasion d’échanges authentiques autour de leurs préoccupations.
Ils ont eu un très bas niveau d’exigence concernant les activités, s’inquiétant du coût et des possibilités de l’association.
C’est le fruit d’une belle relation que Hedi et Yohan ont su construire avec les ados depuis deux ans.
Nous avons eu un accueil chaleureux de la part de tous les résidents de la Ferme des Fromentaux.

Voici les commentaires Teddy Lou, l’amie qui nous accueille dans chacun des séjours:
« Nous avons beaucoup apprécié le séjour du groupe terrain d’entente. Merci à Yohan et Hedi pour leur implication et leur motivation avec les jeunes. Merci aux animatrices pour leur énergie et connaissances partagés.

Il nous semble que le séjour s’est très bien passé. En effet, nous avons pu voir les jeunes évoluer de manière positive sur la ferme et motivés dans les différentes activités qu’ils ont pu faire. De plus au cours du séjour nous n’avons eu que des bons retours de leur part.
Les animatrices qui les ont accompagnés dans certaines activités sont également très satisfaites de ces temps passés ensemble.

Concernant notre participation bénévole qui avaient été envisagée autour des activités de la ferme nous avons senti que les jeunes étaient déjà bien occupés et qu’ils se sentaient bien dans des espaces de temps libre sur la ferme. De plus ils étaient crevés par leur journée d’activité qui leur demandait beaucoup d’énergie. Il nous semble qu’ils ont vécus beaucoup de « première fois » qui resterons gravés dans leur souvenirs. C’est ce que nous cherchons à faire à la ferme des Fromentaux!

Nous avons pu être présents à chaque moment où ils nous ont sollicité. Nous étions là pour répondre à leur demande : un tour de tracteur, des outils pour réparer les vélos, traite des chèvres, questions diverses sur le fonctionnement de la ferme… »

Il était prévu que ce séjour trouve une suite sur le quartier, pour assurer la prise en charge des bacs de jardinage sur le terrain de jeux. Le contrat de travail du salarié qui avait réalisé ce projet s’est terminé. Personne dans l’équipe n’a pu reprendre ce travail. Nous sommes bousculés tout au long de l’année, par de nombreux projets que nous nous efforçons de mener à bien en fonction des besoins et des envies manifestés. Les membres de l’équipe ne participent à nos activités que sur des temps très limités, de 10 mois à un an, nous sommes parfois contraints de renoncer à certains projets.
Par contre, à l’occasion de notre Assemblée Générale du 5 Mai, nous avons pu projeter un diaporama qui présentait le déroulement du séjour.
Nous ne pouvons que nous féliciter de ce temps partagé dans ce lieu avec ces 7 garçons. C’est une histoire qui a impacté très positivement notre collectif.

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Sortir de la marchandisation et redonner du sens aux vacances pour tous.

Terrain d’entente, Inter Cosmos, Les moyens du Bord, des membres de l’accueil paysan, de JPA, de la France insoumise, ont initiés des rencontres pour discuter de la question des départs en vacances pour tous, avec comme préalable que les gens concernés puissent participer à cette construction. De plus en plus de familles ne partent pas en vacance.

Nous faisons ensemble d’autres constats.

Au milieu de difficultés de plus en plus importantes, les familles populaires produisent un énorme travail quotidien pour tenir, pour faire vivre ou survivre la famille, élever les enfants, pour éviter plus de dégradation de la vie sociale du quartier. Sans ce travail, le tissus social serait bien plus dégradé. Mais ce travail est nié et les familles sont ainsi dépossédées de leur moyens de vivre.

La négation de ce que produisent les familles, est une inacceptable violence sociale. Nous souhaitons nous engager dans un combat pour une réappropriation, et non quémander des aides. Agir ensemble pour obtenir la reconnaissance de ce travail des familles.

Pour aider à cette réappropriation nous voulons construire des solidarités et faire évoluer l’action sociale, avec comme préalable que les gens concernés puissent participer à cette construction.

Les actions à l’échelle d’un quartier ne permettent pas de construire des solutions qui transforment cette réalité. Les structures, les collectifs, par leur isolement, touchent des limites pour agir et transformer les choses. Il est nécessaire de sortir des approches micro locales pour penser et articuler le diagnostic  et les actions à l’échelle de la ville, où des décisions politiques peuvent se prendre.

Décider de travailler au départ en vacances est un moyen d’agir. De plus en plus de familles ne partent pas en vacances. Il se développe pour beaucoup un sentiment d’enfermement sur le quartier générateur de tensions. L’ennui prend toute la place, certains enfants n’arrivent plus à remobiliser leurs envies quand on leur propose des temps de jeu.

Cette question d’impossibilité de départ en vacances vient faire écho à tout ce qui est inégalitaire dans notre société, où de plus en plus de personnes sont condamnées à ne plus pouvoir envisager l’avenir.

Les expériences de départ à la campagne, durant l’été, permettent d’en mesurer l’impact pour les familles concernées. Elles parlent de sentiment de liberté, de sécurité, de ressourcement. Elles parlent de l’intérêt de découvrir d’autres façons de vivre qui remobilise l’énergie pour reprendre le combat quotidien.

Il nous faut défendre des vacances qui ont du sens. Partir, c’est l’occasion de rencontrer d’autres personnes, de découvrir d’autres façon de vivre et de comprendre la réalité. Dans cette société qui se segmente, le temps des vacances peut être l’occasion de construire d’autres relations humaines. Cette aspiration concerne de plus en plus de monde, au delà des familles des milieux populaires.

Il nous faut développer des opportunité de rencontre avec tous. De façon à sortir de l’enfermement qui distille de la peur, des préjugés. Sortir de l’idéologie de séparation qui provoque toujours plus de discrimination.

Il nous faut retrouver une dynamique d’éducation populaire où nous prenons ensemble, en main, des réalités qui nous concernent tous: envisager des vacances en terme d’ouverture, d’échanges, de manière à reconstruire le tissu social, des liens d’entraide.

Ceci va permettre de considérer les choses dans leur ensemble, sur tous les axes. On va aborder les questions de l’environnement, de l’alimentation, du respect de la terre et des populations. Ces deux questions sont liées, l’environnement et les inégalités sociales.

Dans les années 70, des colos se sont ouvertes grâce à la participation active des parents, qui assuraient notamment les repas, qui étaient impliqués, partie prenante dans le projet.

4 Millions d’enfants, de toutes les origines sociales partaient en colos, dans cette perspective d’échange, de rencontre, et de formation citoyenne. Les lieux de brassage social c’étaient les colos.

Aujourd’hui, les départs en vacances des enfants répondent à une logique commerciale. La question n’est plus sur l’intérêt des départs en vacances pour tous mais sur la rentabilité des centres. En 2016, 800 000 enfants seulement sont partis dans des centres où les activités sélectionnées concernent essentiellement les enfants de milieux argentés.

L’évolution se poursuit. Une circulaire européenne va être transcrite dans la législation française. Elle fait passer les colonies et centres de vacance dans la catégorie tourisme. Cela va notamment les obliger à provisionner l’argent nécessaire au rapatriement des personnes en cas de nécessité.

A terme, ce sont les grosses organisations qui vont tenir tout l’espace. A l’exemple de l’UNAT; Union Nationale du Tourisme qui va devenir le donneur d’ordre.

La logique du tourisme, pour protéger les marchés et faire des profits, a permis d’imposer des normes de plus en plus contraignantes, qui rendent désormais impossible d’accueillir dans les petites structures.

Qui se préoccupe des conséquences de la fermeture des lieux? Entre 1995 et 2005 la moitié des lieux ont fermé. Aujourd’hui soit on bascule dans la logique du tourisme commercial soit on repose la question du pourquoi des vacances: partir pour se ressourcer et construire des relations humaines, créer des solidarités.

Il faut sortir de la relation marchande, de la prestation de service qui concerne de moins en moins de familles et de structures. Il semble d’ailleurs que les journées toutes programmées, toutes pensées, des centres de vacances actuels, ne soient plus du goût des enfants. Les FRANCAS, ont interpellés récemment le mouvement de la pédagogie Freinet pour transmettre dans les formations BAFA d’autres manières d’animer. La volonté est de proposer une présence adulte aux enfants de façon à ce qu’ils fassent eux même leur programme,gèrent eux même leur temps de vacances, et apprennent en réalisant des choses ancrées dans la vie concrète. Ce qui est essentiel dans la vie des enfants. Nous devons reconstruire cet espace pour tous.

L’accueil paysan, qui développe un accueil pédagogique et social, est une ressource pour organiser les départs en vacances. Ceux qui vivent en ville aspirent à un espace de nature. On peut se rencontrer pour construire quelque chose. Depuis cette année, la CAF a pris le parti de labelliser les accueils paysans qui en font la demande, ce qui ouvre pour les familles, aux bons VACAF.

Des espaces existent déjà: la Ferme des fromentaux à Retournac. D’autres se développent: l’habitat léger, les yourtes… où on peut proposer des vacances sur des bases minimales avec les normes scouts. L’association Inter cosmos à Champoly propose de mettre un grand domaine à disposition des associations adhérentes, de manière à rendre cet espace accessible et à disposition de tous. Un autre lieu de vacances au lieu dit Le Foin chez un paysan, peut être envisageable rapidement.

L’objectif est de remettre en cause l’ensemble de la règlementation, et penser le problème politique: comment on organise une réappropriation des vacances par les gens eux mêmes, qui ne soit pas du tourisme, en les construisant collectivement? Comment on sort du rapport prestataires/clients? Nous devons inventer un modèle où la responsabilité appartient aux gens eux mêmes et pas à ceux qui les hébergent…

L’argent publique doit être utiliser à des choses qui correspondent à l’intérêt général, à la cohésion sociale. Mais l’argent publique se raréfie. Il devient de plus en plus difficile d’accès et est attribué sur des critères très sélectifs. Il y a une bataille de réappropriation de ces subventions. Et aussi pour se redonner du pouvoir, nous devons envisager d’organiser le droit aux vacances par une caisse collective, une cotisation où chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Forts de nos expériences de vacances à la Ferme des fromentaux, on peut déjà décliner un invariant: La communauté éducative qui assure une présence adulte auprès des enfants, pendant le temps des vacances est importante pour que les parents puissent avoir du temps préservé entre adultes. Il y a eu ainsi des échanges très riches autour de la cuisine, entre les habitants de la ferme des fromentaux et les familles accueillies. Ce qui a facilité la rencontre et la compréhension des réalités de vie de chacun.

D’autres axes se profilent déjà:

La question des repas se pose aussi dans la ville par exemple pour les enfants qui vont à l’école ou bien pour les anciens. Nous avons évoqué l’idée de trouver un bout de terrain pour cultiver des légumes qui pourraient ensuite venir alimenter en produits la cuisine d’une cantine solidaire-populaire.

Dans la perspective de notre partenariat avec l’accueil paysan, on peut envisager que les paysans qui produisent la nourriture nous permettre de pouvoir fabriquer des repas.

Nous avons solliciter le master alter ville, pour une étude universitaire sur la possibilité d’envisager des vacances qui s’émancipent de ces normes pesantes imposées. Un travail de recherche est envisageable dès l’année scolaire 2018/2019.

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