Les jeunes en galère et la pédagogie sociale

Depuis bientôt dix ans, Terrain d’Entente est présent sur l’espace public, au pied des immeubles. Nous avons d’abord rencontré des collégiens, puis des familles nous ont rejoint avec des enfants de tous les âges. Depuis trois ans, nous avons construit une relation avec les « jeunes du quartier ». Il nous a fallu tout ce temps pour créer un lien suffisamment solide pour mieux cerner leur comportement et surtout leurs difficultés, autant dire, leurs « galères ». Ce qui va être décrit est issu des réflexions et analyses de Ramzi, un pédagogue social engagé au sein de notre association depuis 4 ans. Dans cette description, nous sommes centrés sur les jeunes les plus en difficulté, notamment les garçons qui ont entre 16 et 20 ans.

Ramzi a su mobiliser énormément d’aptitudes pour savoir ainsi cheminer auprès de ces jeunes en souffrance. Pour gagner leur confiance, il lui a fallu rester impliqué et  loyal, il lui a fallu développer sans cesse sa capacité à s’adapter en faisant toujours le premier pas, à se remettre en question, à ne jamais céder à la tentation de juger. Il est porté par un objectif auquel il reste fidèle: construire un lien suffisamment fiable et solide pour que ces jeunes puissent trouver un appui pour se construire. Il est ainsi profondément ancré dans l’héritage de la pédagogie sociale que Paolo Freire nommait ainsi: « L’éducateur ne doit pas perdre sa capacité à s’indigner, il ne peut pas être neutre face aux injustices. Il doit entretenir l’espoir de pouvoir surmonter cet ordre injuste et d’imaginer des utopies réalisables« .

La posture de  certains membres de la communauté éducative

Grand nombre de sociologues qui étudient les phénomènes de délinquance s’accordent sur le même constat: l’approche préventive, éducative et sociale de la protection de l’enfance est passée sous silence dans les discours dominants au profit de l’accent mis sur son aspect judiciaire et sur la répression.

De façon générale, la relation « éducative » à l’enfant et au jeune de « quartier » est basée sur des rapports de domination. Les responsables d’établissement,  les policiers et bien d’autres adultes auxquels ils sont confrontés au quotidien, adoptent une posture très semblable. Dans la majeure partie des situations, face à ces mineurs l’adulte est celui qui sait! Il tient une posture haute dans cette relation. Il s’adresse à lui en endossant le rôle qu’il estime avoir à jouer. Confondant ainsi son devoir de protection, il s’arroge un droit de correction. Si l’enfant n’agit pas, ne pense pas, n’obtempère pas en fonction des attendus de l’adulte, il reçoit toute sorte de messages dévalorisants, disqualifiants, et bien souvent des sanctions. Il est renvoyé de manière systématique à sa position d’inférieur.

N’ayant pas le même langage que ces adultes, ces enfants restent victimes impuissantes de la façon dont la relation leur est imposée.

Ils sont considérés comme des « merdeux » et on les amène ainsi à se comporter comme tel. Ils se retrouvent emprisonnés dans une spirale où ils ne peuvent plus que réagir et non pas agir. Ces enfants et ces jeunes sont victimes de violences affectives, une violence invisible avec tout son cortège d’expériences de mépris, d’humiliation et d’échecs. Ils deviennent au fil du temps, hyper sensibles et hyper réactifs aux injustices qu’ils subissent.

Ca peut passer pas des petits rien presque insignifiants: un enfant demande des renseignements, et il lui est alors répondu: « comment tu t’exprimes? » « Tu dis d’abord bonjour! »… Avec cette double peine où il lui est reproché d’être dans la réactivité alors qu’il subit lui même, tout au long des journées, la réactivité des adultes.

L’impact de ces attitudes peut être dévastateur

Des petits rien cumulés jusqu’aux injustices avérées et ces enfants et ces jeunes plongent peu à peu dans la résignation. Cette façon de s’abandonner à son  propre sort, quand on n’a plus de fierté d’être soi même. Quand on n’ose plus faire les choses, parce qu’on a honte, et qu’on rentre dans cette spirale, où on « ose » de moins en moins…. C’est tout simplement et cruellement une perte de l’élan de vie. Nous connaissons son échéance ultime et nous là redoutons: la consommation de shit, puis de toutes sortes de stupéfiants.

Nous sommes face à des jeunes avec leur histoire d’abandon, leur vécu d’humiliation.

Nous en connaissons plusieurs qui vivent sous l’emprise des drogues, et sous l’emprise d’adultes encore plus malveillants. Ils deviennent alors victimes d’une forme de prostitution,  ivres d’alcool et de drogues, rémunérés pour leur participation au deal avec des doses de shit. Ils sont peu à peu vidés de leur volonté et de leur conscience. Les narcotiques provoquent des blocages neuro-psychiques qui empêchent  de rester suffisamment conscient de ses actes et de son comportement.

Les lieux où ces drames se perpétuent sont très identifiables. On retrouve ces jeunes dans des espaces où les habitants ne sont pas intégrés sur le territoire, des espaces qui concentrent la misère avec des  adultes qui n’ont aucuns moyens de réagir. Ces jeunes se retrouvent ainsi sans protection. Les actes d’incivilité, les actes de délinquance qui peuvent avoir de graves répercutions s’enchaînent et se multiplient. Les casiers judiciaires sont fréquents. Ces jeunes en viennent à perdre toutes leurs attaches. Parce que c’est trop dur d’être face à ce désastre qui s’enchaîne: ils finissent par capituler.

 

Privilégier l’approche préventive, éducative et sociale

A Terrain d’Entente, nous sommes particulièrement attachés à l’acte d’éduquer. L’éducation est une condition du développement humain, du développement social, du savoir vivre et agir ensemble. Nous nous efforçons de contribuer à la construction de ces enfants et ces jeunes, parce que nous sommes convaincus que tout enfant est censé réussir. La condition pour qu’il puisse y parvenir est qu’il puisse bénéficier d’une présence bienveillante et d’encouragements permanents.

Pour nous, le concept d’éducation rime avec protection et prévention mais aussi avec participation et émancipation.

« C’est parce qu’elle constitue un projet de développement, d’émancipation et de perfectionnement des individus et des groupes, pas seulement d’intégration passive à leur milieu, que l’éducation est un des principaux fondements des sociétés. (….) L’éducation  ne se résume pas à transmettre des connaissances, des normes et à inculquer le sens de leur respect, elle munit aussi les individus des capacités de les critiquer et de contribuer s’il y a lieu à les transformer« . (Frédéric Jésu  » Co éduquer. Pour un développement social durable »)

Nous nous revendiquons de cette éducation qui vise à développer les potentialités intrinsèques à chacun, qui lui ont d’ailleurs été  conférées en premier par son milieu d’origine.

 

« On développe un tel lien qu’ils n’ont pas peur de demander« . (sic )

Nous tentons effectivement de développer du lien, et notre première intention est de faire toujours le premier pas, de rester présent et attentif, de ne pas juger. Nos efforts sont centrés sur la construction de la qualité de ce lien. Avec la volonté de construire une relation de personne à personne, une relation qui soit la plus horizontale possible. Une relation où nous sommes suffisamment proches et impliqués pour considérer chaque enfant comme si c’était notre propre enfant, pour lequel on veut le meilleur, pour lequel on est prêt à aller jusqu’au bout. Prêt à se battre à ses côtés, prêt à ne jamais lâcher sa main pour qu’il puisse avancer, prêt à lui rester toujours fidèle, prêt à croire en lui encore et encore, prêt à tenter l’impossible pour le remettre debout.

Nous estimons que nous sommes collectivement responsables de l’éducation et de la protection de tous les enfants et de tous les jeunes. Nous exerçons ainsi, une démarche de  communauté éducative de manière effective, dans le quotidien.

La posture dans laquelle nous sommes engagés

« Et si au lieu de leur apprendre à parler, nous apprenions à nous taire? » (Fernand Deligny)

Etre adulte face à des enfants et des jeunes en détresse demande beaucoup de rigueur, et des efforts constants. Il est primordial et ceci requiert toute notre attention, de nous extraire de notre égocentrisme. Car dans toute relation que nous investissons dans la durée, ce qui nous mobilise en premier lieu, notre penchant naturel, c’est la satisfaction personnelle que nous en retirons. Nous avons tellement besoin de nous sentir gratifiés et valorisés! Il est très rare en fait que nous soyons  tournés vers une considération d’autrui qui soit désintéressée.

Nous sommes face à des jeunes avec leur histoire d’abandon, leur vécu d’humiliation. Des jeunes hyper sensibles, hyper réactifs. Des jeunes qui sont perdus, des jeunes qui nous échappent, des jeunes en danger. Des jeunes pour lesquels il faut prendre soin de la relation de manière à la rendre la plus sécurisante possible, la plus contenante, au prix d’une attention et d’efforts d’adaptation constants.

Tout ceci nous fait prendre personnellement de grands risques. Les jeunes nous font parfois vivre ce qu’ils n’ont pas été en mesure d’accepter de leur propre histoire. Nous risquons d’être amené à éprouver en miroir leurs insatisfactions, leurs déceptions, leur impuissance. Nous risquons de ressentir culpabilité et incompétence. Nous risquons de souffrir avec eux, en rejoignant ainsi leur détresse.

Mais l’évitement d’une difficulté n’est jamais la meilleure façon de là résoudre de manière durable. Au coeur de la difficulté on trouve souvent l’amorce de la solution. Alors, nous nous risquons.

 

Faire équipe pour rester mobilisé

Notre travail ne doit pas être incarné pas une personne mais par une démarche, une équipe.

Pour établir cette relation particulière, il nous est demandé au quotidien un « travail » sur nous même pour limiter toute réactivité. Nous devons devenir comme témoin de nous même, par une prise de distance indispensable par rapport à nos propres affects, tout en créant une proximité maximale pour rejoindre ces jeunes et essayer de comprendre avec eux leur vécu d’injustice. Une posture très paradoxale, un travail d’équilibriste!.

Pour préserver un certain confort, une sécurité suffisante pour nous même, nous avons besoin d’espaces pour penser notre travail. La qualité de la vie de l’équipe est essentielle, de façon à objectiver au mieux ces relations. La communication est centrale.  Il est indispensable d’échanger beaucoup, de créer un climat de confiance interpersonnelle, et de solidarité, d’apprendre à  coopérer.

L’équipe est un rempart contre nos difficultés personnelles, pour assumer ce qui nous dépasse où nous nous sentons démunis, pour ne pas se laisser envahir par les situations.

Nous faisons donc des apprentissages permanents qui nous permettent de développer entre adultes un discours cohérent et tenir ce qu’on a dit. Un cadre protecteur pour tous ceux qui viennent nous rejoindre.

Notre rôle également est de nommer les difficultés spécifiques de la vie de ces jeunes, pour espérer que les institutions  ne restent pas aveugles et sourdes aux risques de mise en échec. s nous efforçons de contribuer à plus d’égalité en cherchant à corriger les désavantages sociaux résultants des inégalités de ressources.

 

De quelle façon on agit dans la vie de ces jeunes?

Nous savons que les opportunités de rencontre rendent possibles d’autres trajectoires de vie.

Alors, qu’est ce qu’on fait avec ces jeunes?

Pour être suffisamment précis dans ce que nous tentons de décrire, il nous faut être concret.

Dans les expériences les plus emblématiques que nous avons partagées ensemble, on peut évoquer le processus qui nous a permis de constituer une équipe pour le foot à 7, avec l’exemple des certificats médicaux indispensables pour obtenir une licence. Les jeunes volontaires pour constituer une équipe étaient tous particulièrement motivés par cette perspective. Mais avec certains d’entre eux, 3 mois ont été nécessaires pour établir un certificat médical! Il faut préciser que les médecins généralistes refusent aujourd’hui les nouveaux clients et en règle générale, les familles que nous connaissons ont rarement un médecin traitant, un médecin de « famille ».

Pour un rendez vous médical, il faut désormais prendre contact sur  une plateforme téléphonique…. Ces jeunes ont fini par « avouer » qu’ils n’arrivaient pas à réaliser cette formalité!

Nous pouvons mesurer la qualité du lien qui nous unis à ces jeunes dans leur capacité à nous livrer leur vulnérabilité. Beaucoup d’entre eux sont pétris de peurs, de honte, qui les paralyse. Ce n’est pas le fait qu’une démarche administrative est rebutante qui empêche un jeune de la réaliser, mais son manque de confiance en lui, un blocage affectif. Tout risque de s’affronter à un refus, le renvoie à sa peur d’échouer. Certains jeunes souffrent d’un tel déficit de confiance qu’ils ne peuvent pas prendre le risque de se confronter une fois de plus à un échec. Une fois de plus serait une fois de trop! Ces jeunes développent une sentiment d’incompétence. Pour nous la réponse est de les ramener vers la victoire de manière symbolique.

Pour tout un chacun, on accepte de « perdre » parce qu’on a fait l’expérience de « gagner ». Quand on a toujours « perdu », il faut gagner énormément pour corriger l’incompétence apprise.

Il s’agit donc de reconstruire cette confiance, de faire cet apprentissage profond où on sait qu’on est capable, malgré les échecs.

Dans cet exemple précis, Ramzi a pris rendez vous auprès d’un médecin, avec les jeunes concernés, et a assisté à cette rencontre pour soutenir leur demande.

Nous sommes centrés sur les affects de ces jeunes qui vont mal: nous cherchons le plus possible à comprendre, à compatir. Ce cheminement demande une forme d’optimisme de la par des adultes, de savoir nous saisir de toutes les occasions pour leur manifester notre conviction de leurs capacités.

Nous devons proposer des buts clairs, commencer par ce qui est immédiatement accessible, pour reconstruire les choses à partir de petits pas.  Nous recherchons toute forme d’activités qui nourrissent, qui apportent du bien être, où on éprouve du plaisir, de façon à développer d’autres compétences. L’amusement permet de  développer des émotions qui nous nourrissent.

On encourage ainsi toute pratique susceptible de combler ce besoin de reconnaissance.

Le sport reste un puissant vecteur. Chaque pratique sportive est une opportunité pour faire l’expérience profonde de l’expire et de l’inspire. Ressentir ce mouvement de la respiration  qui nous relie à nous même et au reste du monde. Une reliance avec notre commune humanité et au vivant, qui nous sort du sentiment d’isolement,  qui devient une opportunité pour remettre ses problèmes face au monde.

On n’est moins enclin à prendre tout contre soi quand on a à son actif des expériences de réussites pleinement vécues.

Il s’agit ainsi d’investir toutes les forces qui contribuent à nourrir l’élan de vie, l’estime de soi.

On invite ainsi chacun à entrer en résilience, avec cette volonté de surmonter les choses en développant la capacité à demander de l’aide.

Personne ne peut réussir seul ce parcours. Et le problème pour les jeunes, c’est la perte de confiance en l’adulte. Pour reconstruire cette relation, il faut d’abord se sentir aimer, de façon inconditionnelle.

La résilience n’est pas innée, elle se construit avec des opportunités de rencontre. L’ego, la conscience que l’on a de soi-même, qui est au  fondement de notre personnalité, et la résilience, tout est lié. Pour nous,  « apprendre à se battre » permet de développer son intérêt propre et nous faisons le choix d’apprendre ensemble à « boxer avec les mots ».  Il s’agit d’apprendre à rester déterminé et de savoir trouver les mots pour argumenter, défendre la légitimité de la demande ou du positionnement.

Dans cette démarche très centrée sur l’individu nous ouvrons chaque fois que possible à la dimension collective. Nous invitons également à l’altruisme. En s’extirpant d’une problématique exclusivement personnelle, nous ouvrons d’autres possibilités de  surmonter les problèmes. L’ego est nourrit de ce sentiment de compter pour les autres, en développant l’empathie.

 

Nous restons parfois impuissants

Il nous reste malgré tous ces efforts, beaucoup de questions sans réponse.

Comment sortir de l’addiction, du réseau qui rend ultra dépendant ? Quelles priorités nous donner pour un jeune sous emprise de stupéfiants:  trouver des débouchés de formation  pour qu’il échappe à un placement qu’il redoute où bien ce placement lui offrirait-il une chance de sortir de cette dépendance? Parfois on peut juste signifier: « pour toi, il y a encore une main tendue », avec le risque de l’accompagner dans beaucoup d’échecs et peu de réussites, ne sachant comment pouvoir soigner tous les dégâts.

Nous tentons également de construire des partenariats et nous doutons parfois de leur pertinence pour l’intérêt du jeune. Certains éducateurs, dans le cadre de leur mission, doivent se placer du côté de l’ordre public, ils observent l’évolution des jeunes et doivent rendre compte de la dangerosité de leur comportement et envisager, si nécessaires, des mesures répressives. D’autres s’efforcent de préserver des espaces d’accueil inconditionnels en prenant en compte les besoins des jeunes et de leur famille. Nous restons donc extrêmement vigilants tout en souhaitant préserver ces liens parce que nous sommes convaincus des vertus de la communauté éducatives pour assurer à ces jeunes toutes les ouvertures possibles. Il est impossible de travailler de façon isolée.

 

Reconnaître la part de violence humiliante infligée à ces jeunes

Nous restons très préoccupés du comportement souvent discriminant des forces de police. Ils doivent faire appliquer la loi et reprendre les jeunes par rapport à leur conduite illicite. Hors nous sommes témoins de harcèlements arbitraires. Si on ne s’indigne pas, si on ne considère pas ces situations comme injustes,  ne risque-t-on pas de rentrer dans le discours « ferme ta gueule, baisse la tête ». Comment on défend, comment on protège?

Ces comportements discriminants aboutissent à une dangereuse pratique de la part des habitants dont certains prennent systématiquement la défense des jeunes tout en étant inquiets voire consternés des actes de dérive dont ils sont témoins. Un rapport à la loi qui se distord avec certaines familles qui cherchent à sortir leur jeune de la galère en niant le délit, en travestissant la réalité.

Quels enseignements peuvent en tirer ces jeunes, pour eux mêmes, dans leur rapport aux autres, à la place qu’ils n’ont pas dans la société ? Comment permettre à cette colère face à la façon injuste dont ils sont traités de pouvoir devenir un acte de revendication pour plus de justice qui devienne collectif? Comment apprendre à diminuer les impulsions, la réactivité, apprendre à contester?

Il nous faut reconnaître la part de violence humiliante infligée à ces jeunes dans ces attitudes répétées au fil des années. Les adultes, ont un devoir de protection, il est urgent de casser toute possibilité d’établir un rapport de force.

Une autre forme de violence peu reconnue également, celles des inégalités de ressources. C’est une réalité pour beaucoup de jeunes que  leur choix d’orientation scolaire implique des contraintes supplémentaires. Pour beaucoup le nouvel établissement va se trouver à une distance importante du domicile et nécessiter des trajets quotidiens qui peuvent durer deux heures par jours. On peut dire: « c’est pour tout le monde pareil ». Seulement on ne tient pas compte que tous les enfants ne sont pas égaux face à des réalités semblables. On ne peut pas ramener les difficultés que ces enfants traversent à l’expérience de tous les autres jeunes. Souvent ces jeunes ne choisissent pas leur orientation, elle se fait par défaut. Le principe d’égalité des droits ne peut être mis en oeuvre  dans un contexte d’inégalités sociales. Comment rendre compte de ces difficultés spécifiques  pour espérer que les institutions ne restent pas aveugles et sourdes aux risques de mise en échec?

Comment restons-nous fidèles à la démarche de la pédagogie sociale?

A Terrain d’Entente, nous cherchons à prendre en compte la diversité de tous ces jeunes qui nous rejoignent  et à construire des temps qui correspondent aux envies de chacun.

Le collectif est une richesse qui rend possible des actions où chaque personne volontaire peut devenir partie prenante. Il permet ainsi des apprentissages, il met en évidence des aptitudes qui renforcent l’estime de soi, la reconnaissance réciproque, le sentiment d’exister avec les autres et de compter pour les autres. Mais le collectif peut représenter également des expériences difficiles, où chacun ne trouve pas forcement sa place, et peut vivre parfois des expériences disqualifiantes. Il est forcement contraignant, ce qui peut être une lourde difficulté pour des personnes vulnérables, dont le parcours est parsemé d’échecs. Il est essentiel que personne ne soit en risque de « disparaître » dans le groupe, il est indispensable de prendre en compte chacun.

Nous nous efforçons de construire des temps spécifiques avec des groupes restreints, à partir des envies, où il est possible de construire entre chaque membre un climat sécurisé, une relation de confiance et de reconnaissance réciproque. Dans ce que nous entreprenons, nous évitons au maximum le risque de vécu d’échec pour quiconque, nous sommes attachés à la restauration et au bien être de chacun. Nos actions, sont donc centrées sur la construction d’une qualité d’attention à chacun.

C’est à la recherche de nouvelles formes de coopérations et de retissages de liens sociaux autour de l’éducation des enfants et des jeunes qu’il est urgent de s’atteler pour faire face aux menaces d’effritement de la cohésion sociale.

 

Josiane GUNTHER et Ramzi NEZZAR le 21 Janvier 2021

 

 

 

 

 

 

 

 

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