La réussite à l’école signifie que les élèves ont tous acquis le socle commun de connaissances et de culture, et qu’ils choisissent leur orientation. Si l’école reconnaît que tous les enfants partagent les mêmes capacités d’apprendre et de progresser, qu’elle est un service public pour tous les publics, elle reste cependant très inégalitaire.
Dans les groupes scolaires classés en REP, on note chaque année 20% d’enfants en grande difficulté d’apprentissage. C’est à dire, un enfant sur cinq qui arrive au collège avec de lourdes carences. L’école n’arrive pas à atténuer les inégalités dues à l’origine sociale et culturelle, elle a même tendance à les amplifier. Chaque année, depuis 15 ans, plus de 100 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucun diplôme. Et ceux qui échouent à l’école sont les exclus de demain. Des milliers de jeunes se retrouvent sans emploi, sans formation, sans accompagnement.
L’école ne fait plus référence pour ces enfants qui vivent ce qui s’y passe comme sans rapport avec leur réalité, leur identité, leur culture, leur famille, leur condition de vie, leur avenir. Ces enfants se retrouvent souvent dans une posture de conflit de loyauté qui bloque les apprentissages.
Les enfants qui n’ont pas été préparés à cette connaissance des codes et des attentes du système scolaire arrivent à l’école avec leur différence. Le projet scolaire les sélectionne sur des compétences formelles et abstraites et organise un enseignement qui valorise l’écrit et le fait de pouvoir se projeter dans l’école et la société telles qu’elles sont. Ce projet privilégie certains domaines au détriment des autres.
Ce n’est pas la capacité de l’enfant à comprendre qui est en jeu mais la nécessité de connaître les normes spécifiques. Il peut réussir à l’école s’il sait faire des liens entre ce qu’il apprend dans les différentes sphères de sa vie, tant dans les principes éducatifs que dans les savoirs eux mêmes.
Il est peut être possible aujourd’hui de s’interroger sur le fait que cette école n’offre pas, à certains enfants, matière à y trouver du sens. L’enjeu est de réussir à former un citoyen qui soit capable de vivre en société en intégrant la culture scolaire tout en étant loyal vis à vis de l’héritage de sa culture familiale. Il est donc nécessaire de considérer l’enfant dans toutes ses dimensions. Or, nous vivons dans une société cloisonnée. Beaucoup d’enseignants ne connaissent pas le tissu social dans lequel vivent leurs élèves et les différentes institutions sont trop souvent sans lien les unes avec les autres.
Bon nombre d’enseignants souhaitent sortir du simple constat que l’école publique est inégalitaire et s’engager dans la lutte contre l’échec scolaire.
Pour identifier les besoins et adapter au mieux les pratiques, la parole des parents est indispensable. Il s’agit donc de construire une relation de confiance et de reconnaissance réciproque entre l’école et les familles.
Les écoles du Chambon Feugerolles ont investi depuis quelques années cette question de la nécessité d’engager des moyens concrets pour construire une meilleure communication avec les familles. Plusieurs actions ont été initiées et se poursuivent
En Septembre 2019, pour prolonger ce travail, il a été identifié la nécessité de construire une démarche de communauté éducative. Tous les acteurs du champ éducatif doivent être invités à apporter leur contribution.
Terrain d’Entente a été sollicité pour engager ce travail avec les écoles, les familles, les structures responsables du champ éducatif sur la commune.
Dans le collectif de Terrain d’Entente beaucoup d’inquiétudes émergeaient des discussions concernant l’école et les difficultés d’apprentissage. En Avril 2016, avec le centre social du Babet Terrain d’Entente s’est saisi de l’action « 1001 territoires pour la réussite de tous les enfants à l’école ». Cette initiative est le fruit d’une réflexion engagée par le mouvement ATD Quart Monde, autour du constat que les enfants des milieux populaires sont majoritairement en difficultés d’apprentissage à l’école, ils subissent des orientations précoces qui les excluent de possibilités de réaliser des études en fonction de leurs aspirations
Le travail engagé durant deux ans, avec une quinzaine de parents d’élèves volontaires, la responsable du REP et du DRE a été très encourageant. Ces adultes savaient évoquer les freins, les difficultés de communication, les incompréhensions face au cadre de l’école, et apportaient des propositions concrètes pour enrayer ces différents problèmes.
Ce travail s’est prolongé depuis deux ans avec des enseignants militants de l’ICEM Freinet de différents groupes scolaires de St Etienne, de Lyon, des parents, des associations, en présence de Catherine Hurtig Delattre. Elle relate dans son livre « la co éducation à l’école, c’est possible » une expérience de 30 années d’ouverture de l’école aux familles et aux associations.
Déroulement de l’action sur le dernier trimestre 2019 avec les groupes scolaires du Chambon Feugerolles
Suite à différents échanges avec des directeurs d’écoles, le centre social Cré’actif, nous avons pu identifier des besoins pour assurer les conditions d’une meilleure communication entre tous les acteurs:
Faire un travail de repérage et de dépassement des représentations qui constituent un filtre et un frein préjudiciable à l’instauration de relations basées sur le respect et le reconnaissance réciproque.
Que chaque pôle concerné (parents, enseignants, périscolaire) exprime ce qu’il estime apporter et pense que les autres apportent pour encourager chaque enfant dans ses apprentissages.
Nous avons établi différents temps de rencontre entre pairs, tout au long de ce premier trimestre, pour permettre au final, une rencontre avec des membres de cette communauté éducative et envisager ensemble des actions concrètes.
Suite aux différentes rencontres nous avons pu identifier des ressources et des besoins :
Pour les parents:
Ce qui assure un climat de confiance et de sérénité: ce sont les relations quotidiennes avec les enseignants. La présence d’enseignants depuis plusieurs années dans l’école aide à la construction de relations de confiance.
Pouvoir connaître et comprendre le déroulement d’une journée à l’école.
En règle générale les parents aiment être invités à l’école et apporter leur contribution.
Des situations particulières, source d’inquiétude: des enfants porteurs de handicap, des familles nouvellement arrivées en France et/ou isolées, des différences de conceptions éducatives assez tranchées…. Ces inquiétudes sont aggravées par un manque de compréhensions de la façon dont on apprend à l’école.
Dans ces situations, les parents ne se sentent pas légitimes pour donner leur avis. Ils ressentent que l’école étant un lieu de savoir, et c’est l’enseignant qui sait. Ils ne s’autorisent pas toujours à poser des questions sur ce qu’ils ne comprennent pas du fonctionnement de l’école.
Pour les enseignants:
Les familles avec lesquelles la communication est plus difficile sont des gens isolés. Les incompréhensions difficiles à dépasser relèvent des différences de valeurs, de conceptions éducatives. Le problème de la légitimité du rôle de chacun est chaque fois présent. Les inquiétudes, les réticences des parents peuvent freiner des projets d’ouverture, des expériences nouvelles pour leurs enfants. Comment on reste intègre par rapport à ses missions d’enseignant, tout en étant à l’écoute des inquiétudes voire même des refus de certaines familles ?
Les difficultés de communication sont essentiellement dues à une mauvaise compréhension et difficulté d’identification des contraintes des uns et des autres. (logistique de l’école / difficultés intra familiales) qui provoquent un sentiment de décalage.
Pour décider des objectifs du partenariat, il est nécessaire de définir la co éducation avec les parents.
Pour les responsables « périscolaire » des services de la commune
Décalage entre les rencontres à thème proposées sur la commune en direction des familles, et les attentes réelles des parents. A l’exemple de la prévention sur les dangers des écrans, qui sont parfois une solution pour les parents de pouvoir souffler.
Le « temps des familles / le « temps des administrations. Les appels à projets assurent le financement des actions avec une grande limite dans le temps, un an, deux ans. Ces contraintes obligent à agir non pas dans la globalité mais sur des actions ponctuelles et morcelées qui n’ont pas toujours de lien les unes avec les autres.
Le temps administratif où tout est fermé après 17h, durant le week-end… qui limite les possibilités de rencontres. Or, c’est dans le temps long, parfois informel, qu’on peut contribuer à transformer les choses et à agir de manière adaptée à la réalité.
Le décalage peut s’expliquer également par la tendance à accorder de l’intérêt aux personnes sur la base de leurs problèmes et peu sur les ressources, ce qu’elles peuvent apporter.
Le concept « parentalité » induit une relation où on ne s’intéresse aux adultes qu’en regard de leur rôle de parents.
Intervention de Catherine Hurtig Delattre.
Formatrice, coordonnatrice REP, enseignante et chercheuse à l’IFE. Elle est membre du mouvement de la pédagogie Freinet.
Un constat : on relie souvent l’incompréhension qui naît dans une relation, aux personnes, alors qu’elle est plus souvent liée à une divergence d’objectifs ou de projets. Les désaccords doivent rester des débats d’idées, et non de personnes.
Un principe associé : l’éducabilité des enfants (tous les enfants, n’importe quel enfant, dans n’importe quelle situation de vie). Les autres éducateurs, les parents, doivent être considérés comme différents, et compétents.
Une posture importante : aider l’enfant à vivre dans des modèles éducatifs différents (être conscients de l’asymétrie qui existe dans la relation école/famille) Nous ne gagnons jamais à essayer de convaincre que notre posture est la bonne. Par contre, nous gagnons toujours à expliciter ce qu’on fait
Selon Catherine, en s’inspirant des principes de la pédagogie Freinet, comme l’expression, les prises d’initiatives, l’explicitation…. on peut trouver un chemin pour aller à la rencontre des familles.
Historiquement l’école s’est construite contre l’éducation de la famille « obscurantiste ». Ce modèle est abandonné officiellement avec l’instauration de l’intérêt centré sur l’enfant et ses conditions d’apprentissage. Le dispositif actuel dans le modèle de co éducation met en évidence la responsabilité éducative partagée. Sachant que les parents ne vont pas choisir le projet pédagogique, et qu’ils sont libres de l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants.
La coéducation est une relation de mutualisation sans hiérarchie, entre les parents et les éducateurs pro ou non (famille élargie, voisinage, associations…) La communauté éducative ce sont des adultes estimés compétents et différents les uns des autres. Il s’agit de construire une relation de réciprocité et non persister sur un modèle de supériorité.
L’enfant vit un conflit de loyauté s’il entend des choses trop différentes et s’il constate que les adultes ne se parlent pas, voire sont en conflit. La co éducation aide l’enfant à construire du lien.
Cette valeur de la co éducation où les familles et l’école sont complémentaires, n’est pas partagée par tous les enseignants. Malgré tout, ils peuvent trouver de l’intérêt à s’engager dans un dialogue serein et constructif avec les familles et estimer ce dialogue possible.
La première étape est de pouvoir faire le lien entre cette conviction partagée de l’éducabilité de tous les enfants, et la reconnaissance de la capacité des parents à pouvoir dialoguer avec les enseignants.
La deuxième étape: pour s’entraîner à cette estime de l’autre, il faut faire le deuil de l’acquiescement systématique. Le but ce n’est pas que les parents soient toujours contents mais qu’ils puissent dire quand ils ne sont pas d’accord.
Nous sommes parfois confrontés à des chocs culturels. Face aux comportement adultes qu’on estime inacceptable, il est indispensable savoir juger les actes et non juger les personnes. On sait le faire avec les enfants. Cette attitude du parent qui me choque, je peux chercher à là comprendre, et éviter le piège d’essayer de convaincre que ma façon de voir est la bonne. Cette posture est le gage d’une relation qui se construit sur une parité d’estime et la confiance. Que le professionnel et le parent puissent se sentir enrichis par cette relation.
L’enseignant doit accepter que les parents se mettent à distance de l’école. Leurs obligations essentielles par rapport à l’école est de s’intéresser à la journée d’école, signer le cahier de liaison. On ne peut pas décider qu’elle serait la bonne place pour les parents. Le parent idéal est différent d’un enseignant à l’autre.
Nous savons que pour les enfants, une relation qui se construit entre l’enseignant et ses parents, est favorable à leurs apprentissages. C’est la condition de la sécurité psychique dont ils ont besoin. Les conditions de son émancipation repose d’abord sur le fait que son éducation familiale est estimée, que les savoirs de sa famille sont reconnus par l’école.
Il existe des décalages préjudiciables entre les savoir-faire que l’enfant est amené à développer dans la sphère familiale et ceux qui sont demandés par l’école. Par exemple, l’autonomie scolaire (se débrouiller seul pour faire ses exercices, se documenter…) n’est pas la même chose que l’autonomie à la maison. L’autonomie que développe l’enfant lorsqu’il contribue concrètement au maintien de l’équilibre de la vie familiale, sa capacité à faire preuve de compassion envers les membres de sa famille, sa contribution concrète à l’entraide au quotidien….n’est pas valorisée à l’école. Les enseignants n’en n’ont pas toujours conscience et d’un autre côté les parents n’imaginent pas ce que l’école demande car pour eux être un bon élève c’est se taire et obéir. Le dialogue entre l’école et la famille pourrait permettre de reconnaître et valoriser tous ces savoir-faire et ses savoirs être que l’enfant est amené à développer, et les rendre complémentaires.
Nos propositions
Les familles ne sont pas moins compétentes qu’auparavant mais beaucoup plus isolées. Comment cette question de l’isolement de certaines familles peut devenir l’affaire de tous les membres de la communauté éducative?
Pour construire cette communauté éducative et exercer de manière effective notre responsabilité collective dans l’éducation des enfants, un travail préalable est nécessaire entre tous ses membres, avec comme principes:
– 1 Construire un climat favorable à la communication lorsqu’on est d’horizons très différents. avec une reconnaissance et un respect des préoccupations des uns et des autres
– 2 Se défaire de nos certitudes sur la bonne manière d’éduquer les enfants. C’est une ouverture qui transforme nos manières de voir le monde.
– 3 Construire une cohérence entre les différents temps éducatifs (école, maison, périscolaire…) qui favorise de meilleures conditions d’apprentissage
Pour mobiliser davantage tous les membres de la communauté éducative et définir le rôle de chacun: il nous faut répondre ensemble à différentes questions
– Connaître la réalité de la journée d’un enfant et réfléchir à son aménagement concret, pour favoriser ses apprentissages. Que chaque jour offre un climat suffisant de sécurité et de bien être aux enfants et à leur famille: cantine, accueil périscolaire, présence d’adultes auprès des familles …..
– La place de chaque acteur. Lien entre école/famille/commune. Pour favoriser de bonnes conditions d’apprentissage, quel est le rôle de chacun auprès des enfants pour qu’ils apprennent? Avec quels outils et sur quels modes de communication?
– Importance de récolter la parole des enfants. Comment tenir compte des différents besoins manifestés par les enfants dans le cadre scolaire et périscolaire?
Voici ce qui semble nécessaire à interroger pour mettre en place des actions adaptées
– La journée de l’enfant. En plus des périodes d’apprentissage en classe, des « activités d’éveil » sont proposées chaque jour à l’enfant qui se retrouve en permanence stimulé, sur des temps fractionnés qui n’ont pas de liens les uns avec les autres. Pour tenir compte de la fatigue engendrée par la vie en collectivité, comment on peut répondre au besoin de rêverie, de solitude, de tranquillité, dans un espace sécurisé?
Les trajets école-maison sont parfois démultipliés et souvent irréalisables:(revenir à l’école après la sieste, instauré dans de nombreuses écoles maternelles).
A quel âge un enfant peut aller à l’école seul, ou accompagner sa petite sœur ? A quel âge on peut aller dans les structures de façon autonome?
– La place de chaque acteur.
La réforme des rythmes scolaires, de nouveaux temps de périscolaire, vécus parfois comme des intrusions, dans les locaux scolaires.
Quelle est la formation des éducateurs? Que leur demande-t-on en terme de qualité: activités non-stop ou dispositifs permettant un choix de l’enfant ?
Des éléments de réponses :
Aménager des espaces au sein des écoles, les bibliothèques sur les périodes de récréation, d’accueil en début de journée
Nécessité d’espaces d’accueil libre et inconditionnel, de créer des occasions de se rencontrer : réunions de parents avec garderie, faire entrer les parents dans la cour à la fin des heures de classe….
Nécessité d’une coordination entre tous les acteurs. Faire du lien entre les équipes pour favoriser les apprentissages. Temps pour se concerter et réfléchir à ce partage de lieux, de temps éducatifs… du sens aux apprentissages : un projet, qui permet de travailler des compétences dans de nombreux domaines pour une meilleure compréhension de chaque situation familiale
Importance d’une même ligne de conduite ? D’un même discours ? Oui, dans les grands principes (valeurs de la République), et pour les situations de crise, mais les enfants peuvent entendre que les règles varient, si les adultes qui les portent sont en communication les uns avec les autres. Les avis peuvent diverger, être complémentaires.
Une technique pour comprendre l’environnement éducatif d’un enfant. Un dessin où sont notés tous les partenaires et les liens, ceux qui fonctionnent et ceux qui pêchent. (voir ce qui existe déjà, ce qu’on peut améliorer ou ajouter).
– La parole des enfants. Le conseil des enfants, les débats philo peuvent être l’occasion d’inviter les enfants à donner leur avis sur le déroulement de leur journée. En proposant des questions ciblées: Qui m’aide à apprendre? Où j’apprends? Que faire quand les adultes autour de moi ne sont pas d’accord? « Il faut tout un quartier pour élever un enfant » Comment les enfants comprennent cette formule?
Conclusion
On peut se demander pourquoi aujourd’hui, on parle autant de co éducation, de l’ouverture de l’école aux familles. Pourquoi on estime que, pour être dans de bonnes conditions d’apprentissage, l’enfant a besoin qu’il se construise autour de lui une communauté éducative, avec la participation des parents?
Alors qu’historiquement l’école a été conçue pour sortir l’enfant du cadre familial, et lui assurer le droit à l’apprentissage, au savoir, dans une visée émancipatrice, en opposition à l’influence de la famille.
Nous sommes traversés par une crise des modèles éducatifs qu’ils soient familiaux, sociaux ou scolaires. Une crise aggravée par le recul des solidarités familiales et de proximité, par la baisse des moyens dont disposent les acteurs de l’éducation.
L’école ne se suffit plus à elle même, il lui faut prendre en considération tous les acteurs qui tentent d’oeuvrer tant pour la socialisation que pour l’égalisation des chances. Un recours aux familles semble nécessaire aujourd’hui, devant l’inadaptation croissante de l’école au monde d’aujourd’hui
La question de la communauté éducative, de la place des parents reste très complexe à construire. Face à ce qui met en cause le fonctionnement institutionnel, face au sentiment d’impuissance que les enseignants peuvent ressentir par rapport aux enjeux de « la réussite de tous les enfants », le risque de reporter la responsabilité à l’extérieur est permanent. Quand l’école répond à cette injonction de l’ouverture de l’école aux parents, de quoi est-il question? Depuis de nombreuses années, des dispositifs fleurissent dans chaque commune, portés par différentes institutions, pour organiser le « soutien à la parentalité », avec comme objectif essentiel de « responsabiliser » les parents face à leur fonction éducative, selon des modèles et des postures normés imposés.
La violence de cette injonction: « Responsabiliser les parents », met en évidence le postulat de leur irresponsabilité. Ce climat de suspicion quant à la mauvaise tenue de la famille par les adultes, peut très facilement faire glisser sur ces parents la responsabilité de l’échec d’une « école de la réussite pour tous ». Ces parents qui ne répondent pas aux convocations, ces parents qui laissent les enfants sans surveillance, dans la rue, après l’école, ces parents qui utilisent sans discernement les écrans comme mode de garde pour leurs enfants, ces parents qui…..
Mais cette invitation de l’ouverture de l’école aux parents peut nous permettre d’envisager une école différente, plus humaine, et plus respectueuse de nos différences. Une école capable de se laisser interpeller par ce qui se vit autour d’elle, par ce que manifestent les enfants lorsqu’ils arrivent en classe. Une école qui sait écouter les difficultés réelles des familles et qui les prend en compte dans la façon de construire la journée à l’école, qui sait se saisir des ressources et en faire un appui dans les apprentissages.
C’est ce qui nous est proposé dans le travail de Catherine Hurtig Delattre qui évoque la relation école/famille en terme de parité d’estime.
Il s’agit non seulement de trouver des moyens de communication face à une population dont certaines familles sont grande difficulté sociale, mais d’adapter des pratiques éducatives face à des enfants inquiets, malmenés, préoccupés par un quotidien instable et incertain. Ces enfants vivent dans un climat familial empreint de préoccupations quotidiennes multiples et parfois insolubles. Cette nécessité d’une approche globale de l’enfant dans son environnement familial et social ne peut pas être de la seule responsabilité de l’école, tous les acteurs du champ éducatif doivent s’engager dans ce travail si on veut espérer de réels changements. Il faut tout un quartier pour élever un enfant!