Principes élémentaires de la pédagogie sociale

 

Principes élémentaires de la pédagogie sociale

Avant propos

Ce document est le fruit d’un travail de réflexion réalisé en 2015 par des membres du chantier « pédagogie sociale » de l’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM) – Pédagogie Freinet.

Cette réflexion se voulait être une synthèse de différentes expériences menées par des éducateurs, au sens large (animateurs, éducateurs spécialisés, enseignants, parents, etc.), dans diverses régions de France et dans des milieux différents. Pour autant, il est important de souligner que cette pédagogie à la particularité de ne pas avoir de méthodes spécifiques reproductibles partout : elle est globale, se construisant à partir des réalités territoriales, de la situation sociale des personnes, de leur histoire, des contextes économiques et culturels singuliers.

La pédagogie sociale en 6 questions :

Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?

1/ Qui sont les pédagogues sociaux ?

« Pédagogue social » et « éducateur », au sens large tel que le définissait Célestin Freinet, sont deux dénominations similaires, à ceci près que le terme « pédagogue » fait référence à l’esclave chargé de conduire les enfants de son maître à l’école. Le pédagogue est celui qui, tout en étant opprimé, conduit une personne sur la voie de l’émancipation. « Pédagogue » fait donc également référence à la pédagogie des opprimés de Paulo Freire : notre combat est votre émancipation et la notre !

Premier principe : le pédagogue social lutte contre sa propre oppression

En pédagogie sociale, il faut nommer de façon égalitaire les personnels investis au quotidien, qu’ils soient salariés, stagiaires, bénévoles… (« Permanent », par ex.) Il est nécessaire de donner une place et une confiance à chacun, d’être dans la co-construction et la co-formation. Éviter de mettre en place une hiérarchie pyramidale. Avec les intervenants extérieurs, les rapports doivent se négocier, nous ne pouvons pas imposer quoi que ce soit, nous devons composer avec la réalité des intervenants. Il faut faire comprendre à ces derniers la réalité du terrain face à leurs projections.

La légitimité du pédagogue est à construire. Il nous arrive d’intervenir sur un territoire qui n’est pas le notre. Nous apportons des tapis, des jeux, nous offrons un temps de présence, de façon régulière et constante, aux familles qui viennent nous rejoindre, nous contribuons à enrichir cet espace. Nous pourrions avoir le sentiment d’être des colons, de représenter une domination…

Mais nous faisons le choix d’adopter la posture du visiteur, nous n’arrivons pas en conquérant. Nous nous comportons comme on le fait lorsqu’on est invité quelque part. Nous nous efforçons de bien repérer les us et coutumes, les façons d’être, les façons de se rencontrer. Nous saisissons cette opportunité à pouvoir observer ce qui se passe autour de nous, et essayer de bien l’appréhender, de bien le comprendre. C’est l’occasion de découvrir une réalité particulière, ses points forts, ses zones d’ombre, et ainsi de nous engager auprès des personnes que nous rencontrons. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.

Notre légitimité provient de cette façon particulière d’aller à la rencontre des gens. C’est également d’assurer une présence, sur un territoire précis, de façon régulière et constante et de savoir nous impliquer avec les habitants de ce lieu. Des liens de confiance et d’estime deviennent alors possibles.

Deuxième principe : la pédagogie sociale nécessite une constance sur le lieu et la durée de l’accueil

2/ La pédagogie sociale c’est quoi ?

La pédagogie sociale c’est une pédagogie globale, une pédagogie de la réalité qui s’affranchit des murs, que ceux-ci soient du domaine physique (extérieurs, hors institutions, etc.) ou métaphorique (décloisonnement des disciplines…). C’est une pédagogie qui invite le pédagogue à agir « pour », « avec » et « à travers » le milieu dans lequel il intervient (H. Radlinska). C’est agir ensemble, la pédagogie sociale c’est la création d’espace démocratique.

Troisième principe : le pédagogue social créé des zones libérées à des fins de transformation locale

3/ Où intervenir ?

Pourquoi intervenir dans un lieu plutôt qu’un autre ? Est-ce que la pédagogie sociale est une pédagogie pour quartiers sensibles, ou peut-elle aussi être également nécessaire dans des quartiers bourgeois où il y a aussi des carences ?

La réponse est clairement non, elle n’est pas à seule destination des quartiers populaires, cités, ou bidonville. Elle n’est pas directement associé à la précarité financière mais aux besoins de l’enfant et à ses détresses où qu’ils se trouvent.

Elle est aussi initié par le devoir et la responsabilité des adultes à se sentir concerné par l’éducation des enfants où que ce soit. Elle s’avère particulièrement utile quand elle vient combattre la précarité et la détresse mais elle l’est également quand il s’agit simplement d’apporter l’éducation et la rencontre avec des savoirs et savoir-faire nouveaux. Elle permet à l’enfant d’appréhender le monde dans des rencontres qui le rende plus conscient et à l’aise avec la diversité des savoirs, des cultures et des modes de vies. Elle permet un décloisonnement en lui apportant l’expérience de modèles nouveaux et/ou différents.

Que ce soit pour des raisons affectives (attachement à un lieu de par son histoire, à ses habitants), d’indignation face à une situation inacceptable (familles isolées, adultes et enfants avec peu d’estimes d’eux-mêmes, exploités et vivant dans des situations de précarités importantes telles que les bidonvilles, des enfants avec des carences affective, des quartiers culturellement précaires, absence des institutions…), d’envie de développer des espaces démocratiques et de capacitation (empowerment) pour les adultes et les enfants (les mineurs ont aussi le droit de s’associer, comme le précise l’article 15.1 de la Convention internationale relative aux Droits de l’enfant de 1989), l’envie de découvrir ce qui nous est étranger, le point commun est toujours la rencontre – avec des personnes, un territoire… – et une envie de transformer une situation inacceptable pour l’améliorer, l’enrichir. On peux faire devant chez soi où « chez l’autre », que ce soit par désir, indignation ou devoir. La pédagogie sociale fait une différence, la situation en est modifié. Cette différence sera légitimé par la communauté qui, si elle se l’approprie, justifiera le Où. Cette légitimité est essentielle pour qu’elle se perpétue, Où que ce soit elle se fait en symbiose avec le milieu ou elle disparait.

Quatrième principe : le choix d’intervenir sur un territoire repose sur un constat de manque.

Cinquième principe : La rencontre constitue le point de départ

4/ Quand intervenir ?

Le moment de l’intervention est fonction du lieu choisi et de la pertinence du moment (présence des enfants, des familles…). Ce qui importe, c’est de ne pas oublier le deuxième principe de la pédagogie sociale : la présence constante.

Gardons à l’esprit qu’une présence demande du temps et des moyens (personnes, argent). Nous pouvons donc commencer par une petite durée, qui s’intensifiera car la relation se construira et nous aurons davantage de choses à nous dire et de plus en plus de choses à faire ensemble.

La régularité et la longévité sont les clefs essentielles pour construire la légitimité d’intervention. Nous sommes là, nous sommes prêts à vivre ce qui va se passer même si nous n’avons pas forcément de projet déterminé. Nous ne voulons pas tout prévoir, nous voulons juste être là.

Il s’agit de prendre acte de la réalité, telle qu’elle se présente sans décider de ce qu’il faut changer, ou améliorer. Les pédagogues sociaux considèrent les personnes rencontrées comme les principaux experts de la situation dont elles souffrent. Dans ces rencontres, rien n’est décidé à priori, programmé, nous accueillons tous ceux qui souhaitent nous rejoindre de manière inconditionnelle.

Nous n’avons pas d’intention particulière sur la manière dont ces temps collectifs doivent se dérouler, nous donnons par contre beaucoup d’attention à chacun. Quand on travaille dans la rue, on travaille dans la libre initiative des enfants, des parents. On travaille avec tous les âges en même temps et le travail qu’on produit est en phase avec l’environnement.

Et ainsi, au fil du temps, la parole se libère, des envies se manifestent, on réfléchit ensemble à d’autres possibles. On s’attache à transformer notre environnement tel qu’il est, en prenant conscience de nos chaînes de nos contraintes, ici et maintenant, ensemble.

Ainsi nous nous inscrivons tous ensemble dans un mouvement d’émancipation, de reprise en main de notre avenir commun.

Nous sommes d’abord en « visitation » (J. Derrida), disponible et, progressivement, nous sommes aussi chez nous, nous habitons le lieu. L’espace public, la rue, tout ça nous appartient aussi.

Sixième principe : la disponibilité à ce qui arrive

5/ Comment mener une action en pédagogie sociale ?

La pédagogie sociale n’a pas, comme cela a été précisé précédemment, de méthodes spécifiques reproductibles partout. On ne peux pas tout prévoir et de par ce fait la pédagogie sociale ne cesse de se réinventer elle même. Toutefois, il faut d’abord se sentir légitime et puis se voir légitimé par les habitants du territoire. Elle est un rendez-vous stable et ritualisé c’est pourquoi il faut être régulier. La question d’habiter le lieu est essentiel. Bien que l’on puisse être en « visitation » on est amené à s’approprier les lieux et faire en sorte que le enfants s’en sentent également propriétaire, c’est pourquoi le matériel va nous y aider. En déployant tapis, jeux et accessoires nous sommes dans une forme d’appropriation du territoire par et pour l’enfants qui peut de la sorte se mettre à l’habiter. Progressivement les adultes en suivent l’exemple. Il y a la dedans une certaine visé politique à ne pas traverser les espaces mais à se les approprier et donc les modifier.

Il faut préciser qu’il y a deux erreurs à ne pas commettre. La première est d’avoir une attitude de colons charitable, nous sommes là pour faire ensemble, il ne faut pas se mettre dans une position où l’on viendrait déverser du bonheur ou de la science. Le don fait partie de la pédagogie sociale (donner son temps, des jouets, habits, …), mais en aucun cas ile ne faut se mettre en position supérieur. Nous ne sommes ni des colons, ni des évangélistes et même si nous donnons, le terme de charité est à proscrire. Nous faisons ensemble, avec nos semblables, les dons sont plus proches d’une redistribution ou d’un partage que d’une grâce qui serait faite. La deuxième erreur à ne pas commettre, très proche de la première et d’être au service de l’enfant et des habitants du territoire. Il ne faut être ni supérieur ni inférieur mais égales pour parfois donner, parfois recevoir.
Dans ce comment il n’y aucun sacerdoce mais une évidence à faire ensemble.

Néanmoins, c’est une pédagogie matérialiste, s’appuyant sur des installations et sur certains rituels communs dont le principal d’entre eux est l’assembléisme ou conseil démocratique. C’est précisément ce dernier qui fait converger les actions hors et dans les murs.

Dans la pédagogie sociale, nous appréhendons le collectif pour ce qu’il permet à la personne comme pouvoir émancipateur. Chacun avance avec et par les autres, et le groupe est porté par les aptitudes de chacun. Il y a sans cesse ces allées et retours de l’individu au groupe et du groupe à l’individu

Nous attachons une grande importance à la parole. Nous nous organisons de façon à ce que la parole de chacun se libère et qu’on fasse ensemble l’expérience de son pouvoir.

Nous avons recours, très régulièrement, au conseil démocratique (une assemblée et non un système de vote et de délégation) qui est au cœur de notre pédagogie. C’est un outil indispensable pour instaurer un cadre coopératif et un fonctionnement autogéré nécessaire à l’émancipation.

Pour ce qui concerne les enfants, nous souhaitons à cette occasion, pouvoir entendre leurs préoccupations et chercher avec eux des solutions pour améliorer les situations qu’ils peuvent évoquer. Les enfants y participent de façon libre et volontaire. C’est un temps de parole construit avec des règles, la circulation du bâton de parole, de façon à respecter le temps de parole de chacun, à s’écouter. Les enfants sont invités à dire ce qui leur plait, leur déplait, dans ce que nous construisons ensemble semaine après semaine. Ils font des propositions, des suggestions pour améliorer nos temps de rencontre. Ils parlent des envies de jeux, d’activité, de sorties. Nous réfléchissons tous ensemble à la possibilité de réaliser les différents projets. Ainsi nous nous efforçons de construire les rencontres en sollicitant la participation des enfants, leur prise d’initiative.

Les enfants éprouvent d’eux-mêmes l’intérêt de ces temps où la parole de chacun est prise en compte et enrichit le collectif. C’est un apprentissage à hauteur d’hommes de la citoyenneté.

Il est important de créer un espace ou chacun à de la place, sans qu’une d’entre elle soit dominante, ou tout le monde se voit,… le choix se porte donc généralement sur une disposition en cercle (en extérieur : un endroit visible, depuis leurs fenêtres, par le plus de parents possible).

Les rôles sont répartis : secrétaire, gardien du temps, distributeur de paroles. Les éducateurs sont garants de l’écoute (tout le monde a le droit à la parole) et de la bienveillance.

Les notes prises sur le cahier vont servir aux groupes et notamment aux éducateurs qui vont pouvoir se souvenir de ce qui a été décidé pour la semaine suivante. C’est le cahier mémoire d’un groupe vivant.

Le matériel indispensable est composé d’un cahier, de stylos, voire d’un bâton de paroles.

Le déroulement du conseil est spontané, il n’y a pas d’ordre du jour préalablement établi. Néanmoins, des « étapes » peuvent être proposées : bilan du temps passé ensemble, envies pour la semaine d’après, suivi des projets en cours (quand une envie dépasse le stade du désir et s’est transformée en projet), point sur un problème spécifique (sur le quartier, dans l’actualité…), présentation des œuvres réalisés (les choses produites peuvent être archivées sous format photos et il est possible de garder les productions pour en faire une exposition)…

Intégrer les enfants, les bénéficiaires de ces ateliers dans les instances de décision est important. Ainsi, pour les enfants, les effets de ce qu’ils vivent aujourd’hui avec nous se verront peut-être dans quelques années.

Parmi les rituels communs, il y a également :

  • Le cortège ou transhumance, grossie par l’arrivée des enfants (effet boule de neige) : bonjour collectif et individuel, échange de nouvelles…

  • L’installation, organisation de l’espace de façon collective : pour visualiser les ateliers (un repérage par un tapis, de l’affichage, etc. doit primer sur un repérage par des personnes), sécuriser le lieu… L’installation doit être pensée pour qu’il y ait un maximum d’adultes qui voient les enfants. Une vision globale doit être envisagée. Du mobilier urbain, ou des espaces municipaux (stade, banc, etc.) peuvent servir à cet effet. Un point central est défini et matérialisé. Il y a un espace convivial fixe ou mobile pour accueillir les familles. C’est un espace papote avec café et thé. Il peut aussi y avoir des espaces « calmes » (petite enfance, jeu de construction, livre, coloriage, etc.), « dynamiques » (jeu de société et jeu d’extérieur), « Art et création » (les activités peuvent changer d’une semaine sur l’autre), « cuisine » et des espaces plus ponctuels selon les intervenants qui viennent. Il est nécessaire de penser à des espaces plus autonomes favorisant l’improvisation : c’est de là que naissent les activités spontanées. Ces activités génèrent de l’émulation, des arrivées d‘enfants, etc.

  • Le regroupement : présentation des ateliers ;

  • Le déroulement des ateliers* : pendant les activités, il est important de favoriser la coopération, la « créativité tactique » et l’autogestion. En pédagogie sociale, nous visons à rendre l’enfant, l’adulte, auteur. L’idée est donc de faire ensemble. Il peut aussi arriver qu’ils commencent par être acteur (pédagogie nouvelle) mais l’objectif est de leurs permettre de s’approprier les outils, les techniques, afin d’aller plus loin. Nous pouvons être un exemple mais nous ne devons pas nous poser en modèle. Nous montrons une direction en veillant à ne pas être directif : le cheminement se dessine ensemble. Montrer « un bon » geste et transmettre, éviter l’hyper présence, créer une autonomie, donner l’envie d’apprendre, de transmettre font parties des fondamentaux. Le transmettre c’est aussi une activité : nous formons, mais ils se forment aussi entre eux et nous forment. Ils peuvent aussi faire autorité : « T’es responsable ! », « Tu peux apprendre et apprendre aux autres. » Fin des ateliers : rangement tous ensemble ;

  • Le goûter : il est préparé le plus souvent sur place (pendant l’atelier cuisine, par ex. – penser, au cas où, à un goûter de remplacement). Une importance est accordée à l’équilibre nutritionnel et à l’origine des produits. Le goûter est distribué par les enfants (pouvant être repérable par des colliers, par ex.) et pris collectivement.

  • Le conseil démocratique : cf. début du 4/ Celui-ci peut durer environ une trentaine de minutes.

  • Le « Au revoir » : c’est souvent dur de partir… Il est important de rappeler que nous reviendrons la semaine d’après. Il faut savoir dire aux enfants qui nous suivent de s’arrêter…Quand nous arrivons au bout du « territoire » il faut que les enfants retournent vers chez eux. Retour au local et point sur l’accueil réalisé.

Un résumé possible

  1. Cortège
  2. Rituel « bonjour à tout le monde »,
  3. Certains arrivent,
  4. On se rassemble,
  5. On s’installe (ensemble on installe, technique de l’énigme, rituel de l’énigme),
  6. On se déploie,
  7. On mène les ateliers,
  8. Goûter,
  9. Moment de parole, conseil,
  10. bisous-bisous, au revoir et surtout à la semaine prochaine :o)

*Pendant le déroulement des ateliers, il y a une relation entre le public premier et ceux qui gravitent autour de nos activités. Il y a une circulation, une relation entre le noyau de l’atelier et ceux qui nous regardent à la périphérie. C’est surtout visible sur les actions hors-les-murs. À l’intérieur des institutions, il y a un phénomène à la fois différent et semblable. Le bénéficiaire est captif mais n’est pas forcément réceptif. L’enseignant ou l’animateur voit que les enfants ne reçoivent pas ce qu’il leur propose de la même façon. Il y a aussi une évolution dans le temps, une circulation : attention et réceptivité, proximité et éloignement. L’éducateur va raccourcir les distances par l’attention qu’il porte à ce qui se passe autour de lui. Une proximité peut aussi se créer par l’utilisation d’un nouveau langage créé avec les enfants : « Arrête de clavarder! », par exemple.

Notons, qu’un temps de préparation (vérification du matériel, rappel de la semaine précédente…), d’échanges sur les situations de certaines familles, est nécessaire en amont. Ce temps peut se faire autour d’un repas coopératif, favorisant la convivialité.

Concernant le matériel, en pédagogie sociale, nous essayons de montrer aux gens que nous pouvons faire beaucoup de choses, sans forcément avoir besoin d’un local (dehors) et sans dépenser trop d’argent (récupération ou achat de matériaux de bases accessibles à tou-te-s). Il est important d’impliquer les parents dans la création de la réserve de matériel (ramener une bouteille de cola pour faire des fusées, de bouchons pour faire des roues de voitures, etc.).

Attention, cependant, travailler à partir de récupération ou de matériaux de base ne signifie pas faire des choses bâclées. L’esthétique est indispensable : le travail réalisé doit être valorisant. Nous devons nous donner les moyens de produire comme si nous étions des professionnels (maraicher, boulanger et même scientifique), de la même façon que lorsque nous faisons du ludique. Le matériel doit être préparé, nous devons fournir l’outil, les outils… Le résultat est important, nous avons le droit à l’erreur mais nous devons vouloir réussir car nous pouvons faire aussi bien, voir bien mieux que l’industrie agro-alimentaire, par exemple.

Nous sommes des pédagogues sociaux, et c’est étrange d’avoir à se qualifier de cette manière car la pédagogie sociale c’est presque autre chose que de la pédagogie., nous produisons quelque chose qui a un sens, une valeur sociale et politique, qui répond à des problèmes. On ne doit pas détacher notre sens de l’envie de production, d’une production de qualité accessible à tou-te-s, sans conditions.

Septième principe : pédagogie matérialiste ancrée dans l’éducation populaire par la réappropriation des savoirs et savoir-faire grâce au partage des connaissances et l’utilisation de matériel accessible à tou-te-s.

La gestion du conflit

Il existe différents types de conflits et il y a ceux qui doivent se résoudre sur le moment (nous constatons un acte grave, nous verbalisons – ne pas donner le sentiment d’impunité) et ceux qui peuvent être reportés pour résolution lors du conseil démocratique.

Pendant les ateliers, nous cherchons à créer une situation apaisée : nous prenons le temps qu’il faut pour nous asseoir, se saluer, se parler…

Nous pouvons aussi faire des exercices de relaxation (« des ohmmmmms »). Nous ne sommes pas là pour leur brailler dessus. Certes, parfois nous braillons car nous sommes humains mais nous savons que ce n’est pas idéal et c’est frustrant : sentiment d’échec même si ce n’est pas forcément rédhibitoire de marquer le coup, de dire « stop ! » (Différent de râler quand nous sommes débordés). Mais, souvent, les enfants s’autorégulent, ou « s’auto-punissent » (parole d’enfant face aux conflits « Arrêter de commencer ! »). Il y a aussi la parole, l’humour, le fait de chercher à initier autre chose que le processus violent.

Ce qui importe surtout, c’est que lorsque ça se passe mal nous ne devons pas partir. Nous faisons partis de la communauté. Parfois les enfants nous bousculent mais c’est peut-être par ce qu’ils souffrent aussi, ils portent souvent de la gravité et vivent des violences diverses. Nous pouvons faire appel aux parents – en dernière option – mais ça ne marche pas toujours. Le risque, si nous nous plaignons aux parents, c’est de peut être leur donner un nouveau problème alors que s’ils nous confient leurs enfants c’est aussi pour pouvoir se libérer un instant, dans une vie souvent compliquée. Les moments que nous vivons avec les enfants, quels qu’ils soient, nous concernent. D’autant que, parfois, les parents n’auront pas d’autres meilleures réponses qu’une nouvelle violence. Les parents ne sont pas, en outre, une béquille de nos actions. Il faut viser une relation de valorisation de ce que nous faisons, de ce que l’enfant a fait.

Autre réponse pouvant être apportée : arrêter l’activité si les conflits sont trop importants et qu’il y a des risques pour le groupe.

Néanmoins, si nous décidons d’arrêter ce ne doit pas être pour punir. Nous nous devons de réagir autrement que les institutions qui face à l’adversité se disent « On arrête tout ! » Si le social est en difficulté, il faut plus de social : nous devons éviter la suppression et l’exclusion. Ne pas enfermer l’enfant dans son rôle de fauteur de trouble : utiliser le « je », « Ce que moi je ressens face à ton attitude », sortir du « toi, ta faute ». Il faut impérativement faire la différence entre le comportent (l’acte) et la personne, ne pas créer le sentiment de rejet de la personne (« Toi je t’aime, c’est ce que tu fais que je n’aime pas. »). Et, même si c’est difficile, il faut essayer de remettre le compteur à zéro.

Pour sortir des émotions il faut les exprimer. On a le droit d’être en colère. Il y a une différence entre sentiments et émotions (Y. Rosenberg). Derrière une émotion il y a un besoin et donc il y a là un besoin à écouter. Nous n’avons pas à le remettre en question. Les émotions sont un langage universel. On n’est ni pour ni contre, ce n’est pas bien ou mal, c’est là et on se doit de travailler avec. L’expression physique des sentiments violents, négatifs, nous ne sommes pas là pour l’interdire mais pour l’identifier, la reconnaître et la transformer.

Parfois nous pouvons être nous même source de conflits, par nos volontés, nos objectifs, nos richesses exposées. C’est essentiel d’assumer ses erreurs d’adulte dans la relation avec l’enfant.

Plus globalement, il faut surtout ne pas moraliser. Le problème est aussi une forme de solution. Par exemple : ce que font les biffins n’est pas un problème mais la solution que ces derniers trouvent à leur problème. Le problème est donc ailleurs. De même, Le vol est parfois une nécessité Ne pas nier que notre vie est un combat, que nous ne vivons pas un idéal mais une société violente, qu’il faut se battre pour s’en sortir. Nous devons leur donner un éventail de réponses, surtout celles dont on les prive. Notre travail en tant que pédagogue social est de les armer, d’en faire des guerriers avec des armes différentes que la violence.

Huitième principe : nous acceptons et supportons le conflit

6/ Pourquoi la pédagogie sociale ?

Agir en pédagogie sociale ce n’est pas seulement pallier les manques des institutions. L’objectif c’est de travailler ensemble à la transformation du milieu, de la société. Nous ne devons jamais renoncer ! Le système actuel – pyramidale – ne fonctionne pas ou plus. Le système horizontal a montré aussi ses limites. Nous souhaitons privilégier un fonctionnement en relief ou chacun peut à tout moment faire autorité (capacitation, réappropriation des mots, etc.)

Neuvième principe : la Pédagogie sociale est une pratique sans modèle, chacun-e peut faire autorité !

La transformation du milieu passe par sa réappropriation. Quand on est propriétaire de rien on n’est chez soi nulle part et il importe souvent d’affirmer fortement une possession qui est refusé. Il vaut ainsi parfois mieux demander pardon que la permission.

Dixième principe : Bien que soyons toujours dans le cadre de la loi nous ne demandons pas d’autorisation. Dans certain cas pour améliorer une situation il vaut mieux prendre le risque d’avoir à demander pardon que la permission (plus un zest de piraterie ;))

Bibliographie

Laurent Ott, « Pédagogie sociale : Une pédagogie pour tous les éducateurs », édition Chronique sociale, collection Comprendre la société, novembre 2011.

Site du GPAS : http://www.gpas.infini.fr/v2/page.php?fichier=pedsoc.html

N’autre école, n°33, automne 2012.

Cette bibliographie doit continuer à vivre car la pédagogie sociale est une pédagogie vivante, que ce soit par d’autres références, des textes de pédagogues sociaux actuels (Kroniks, articles, etc.), des productions d’enfants (journaux, par ex.), etc.

16/09/2015 18:13