Terrain d’entente, Inter Cosmos, Les moyens du Bord, des membres de l’accueil paysan, de JPA, de la France insoumise, ont initiés des rencontres pour discuter de la question des départs en vacances pour tous, avec comme préalable que les gens concernés puissent participer à cette construction. De plus en plus de familles ne partent pas en vacance.
Nous faisons ensemble d’autres constats.
Au milieu de difficultés de plus en plus importantes, les familles populaires produisent un énorme travail quotidien pour tenir, pour faire vivre ou survivre la famille, élever les enfants, pour éviter plus de dégradation de la vie sociale du quartier. Sans ce travail, le tissus social serait bien plus dégradé. Mais ce travail est nié et les familles sont ainsi dépossédées de leur moyens de vivre.
La négation de ce que produisent les familles, est une inacceptable violence sociale. Nous souhaitons nous engager dans un combat pour une réappropriation, et non quémander des aides. Agir ensemble pour obtenir la reconnaissance de ce travail des familles.
Pour aider à cette réappropriation nous voulons construire des solidarités et faire évoluer l’action sociale, avec comme préalable que les gens concernés puissent participer à cette construction.
Les actions à l’échelle d’un quartier ne permettent pas de construire des solutions qui transforment cette réalité. Les structures, les collectifs, par leur isolement, touchent des limites pour agir et transformer les choses. Il est nécessaire de sortir des approches micro locales pour penser et articuler le diagnostic et les actions à l’échelle de la ville, où des décisions politiques peuvent se prendre.
Décider de travailler au départ en vacances est un moyen d’agir. De plus en plus de familles ne partent pas en vacances. Il se développe pour beaucoup un sentiment d’enfermement sur le quartier générateur de tensions. L’ennui prend toute la place, certains enfants n’arrivent plus à remobiliser leurs envies quand on leur propose des temps de jeu.
Cette question d’impossibilité de départ en vacances vient faire écho à tout ce qui est inégalitaire dans notre société, où de plus en plus de personnes sont condamnées à ne plus pouvoir envisager l’avenir.
Les expériences de départ à la campagne, durant l’été, permettent d’en mesurer l’impact pour les familles concernées. Elles parlent de sentiment de liberté, de sécurité, de ressourcement. Elles parlent de l’intérêt de découvrir d’autres façons de vivre qui remobilise l’énergie pour reprendre le combat quotidien.
Il nous faut défendre des vacances qui ont du sens. Partir, c’est l’occasion de rencontrer d’autres personnes, de découvrir d’autres façon de vivre et de comprendre la réalité. Dans cette société qui se segmente, le temps des vacances peut être l’occasion de construire d’autres relations humaines. Cette aspiration concerne de plus en plus de monde, au delà des familles des milieux populaires.
Il nous faut développer des opportunité de rencontre avec tous. De façon à sortir de l’enfermement qui distille de la peur, des préjugés. Sortir de l’idéologie de séparation qui provoque toujours plus de discrimination.
Il nous faut retrouver une dynamique d’éducation populaire où nous prenons ensemble, en main, des réalités qui nous concernent tous: envisager des vacances en terme d’ouverture, d’échanges, de manière à reconstruire le tissu social, des liens d’entraide.
Ceci va permettre de considérer les choses dans leur ensemble, sur tous les axes. On va aborder les questions de l’environnement, de l’alimentation, du respect de la terre et des populations. Ces deux questions sont liées, l’environnement et les inégalités sociales.
Dans les années 70, des colos se sont ouvertes grâce à la participation active des parents, qui assuraient notamment les repas, qui étaient impliqués, partie prenante dans le projet.
4 Millions d’enfants, de toutes les origines sociales partaient en colos, dans cette perspective d’échange, de rencontre, et de formation citoyenne. Les lieux de brassage social c’étaient les colos.
Aujourd’hui, les départs en vacances des enfants répondent à une logique commerciale. La question n’est plus sur l’intérêt des départs en vacances pour tous mais sur la rentabilité des centres. En 2016, 800 000 enfants seulement sont partis dans des centres où les activités sélectionnées concernent essentiellement les enfants de milieux argentés.
L’évolution se poursuit. Une circulaire européenne va être transcrite dans la législation française. Elle fait passer les colonies et centres de vacance dans la catégorie tourisme. Cela va notamment les obliger à provisionner l’argent nécessaire au rapatriement des personnes en cas de nécessité.
A terme, ce sont les grosses organisations qui vont tenir tout l’espace. A l’exemple de l’UNAT; Union Nationale du Tourisme qui va devenir le donneur d’ordre.
La logique du tourisme, pour protéger les marchés et faire des profits, a permis d’imposer des normes de plus en plus contraignantes, qui rendent désormais impossible d’accueillir dans les petites structures.
Qui se préoccupe des conséquences de la fermeture des lieux? Entre 1995 et 2005 la moitié des lieux ont fermé. Aujourd’hui soit on bascule dans la logique du tourisme commercial soit on repose la question du pourquoi des vacances: partir pour se ressourcer et construire des relations humaines, créer des solidarités.
Il faut sortir de la relation marchande, de la prestation de service qui concerne de moins en moins de familles et de structures. Il semble d’ailleurs que les journées toutes programmées, toutes pensées, des centres de vacances actuels, ne soient plus du goût des enfants. Les FRANCAS, ont interpellés récemment le mouvement de la pédagogie Freinet pour transmettre dans les formations BAFA d’autres manières d’animer. La volonté est de proposer une présence adulte aux enfants de façon à ce qu’ils fassent eux même leur programme,gèrent eux même leur temps de vacances, et apprennent en réalisant des choses ancrées dans la vie concrète. Ce qui est essentiel dans la vie des enfants. Nous devons reconstruire cet espace pour tous.
L’accueil paysan, qui développe un accueil pédagogique et social, est une ressource pour organiser les départs en vacances. Ceux qui vivent en ville aspirent à un espace de nature. On peut se rencontrer pour construire quelque chose. Depuis cette année, la CAF a pris le parti de labelliser les accueils paysans qui en font la demande, ce qui ouvre pour les familles, aux bons VACAF.
Des espaces existent déjà: la Ferme des fromentaux à Retournac. D’autres se développent: l’habitat léger, les yourtes… où on peut proposer des vacances sur des bases minimales avec les normes scouts. L’association Inter cosmos à Champoly propose de mettre un grand domaine à disposition des associations adhérentes, de manière à rendre cet espace accessible et à disposition de tous. Un autre lieu de vacances au lieu dit Le Foin chez un paysan, peut être envisageable rapidement.
L’objectif est de remettre en cause l’ensemble de la règlementation, et penser le problème politique: comment on organise une réappropriation des vacances par les gens eux mêmes, qui ne soit pas du tourisme, en les construisant collectivement? Comment on sort du rapport prestataires/clients? Nous devons inventer un modèle où la responsabilité appartient aux gens eux mêmes et pas à ceux qui les hébergent…
L’argent publique doit être utiliser à des choses qui correspondent à l’intérêt général, à la cohésion sociale. Mais l’argent publique se raréfie. Il devient de plus en plus difficile d’accès et est attribué sur des critères très sélectifs. Il y a une bataille de réappropriation de ces subventions. Et aussi pour se redonner du pouvoir, nous devons envisager d’organiser le droit aux vacances par une caisse collective, une cotisation où chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.
Forts de nos expériences de vacances à la Ferme des fromentaux, on peut déjà décliner un invariant: La communauté éducative qui assure une présence adulte auprès des enfants, pendant le temps des vacances est importante pour que les parents puissent avoir du temps préservé entre adultes. Il y a eu ainsi des échanges très riches autour de la cuisine, entre les habitants de la ferme des fromentaux et les familles accueillies. Ce qui a facilité la rencontre et la compréhension des réalités de vie de chacun.
D’autres axes se profilent déjà:
La question des repas se pose aussi dans la ville par exemple pour les enfants qui vont à l’école ou bien pour les anciens. Nous avons évoqué l’idée de trouver un bout de terrain pour cultiver des légumes qui pourraient ensuite venir alimenter en produits la cuisine d’une cantine solidaire-populaire.
Dans la perspective de notre partenariat avec l’accueil paysan, on peut envisager que les paysans qui produisent la nourriture nous permettre de pouvoir fabriquer des repas.
Nous avons solliciter le master alter ville, pour une étude universitaire sur la possibilité d’envisager des vacances qui s’émancipent de ces normes pesantes imposées. Un travail de recherche est envisageable dès l’année scolaire 2018/2019.