Au début de mon intervention, il y avait beaucoup conflits, différents groupes sur le terrain mais aucune cohésion et communication entre eux. Les matchs se terminaient souvent par une bagarre car ils s’insultaient entre coéquipiers mais aussi avec les adversaires, le public. A cette époque, il n’y avait pas d’arbitre, ni de mise en place du système de gagne. Chacune des équipes jouait dans son coin sans se soucier des autres occupant le terrain à sa manière. D’un point du vue technique, le jeu n’était pas organisé, il n’y avait aucun échange entre eux. Le jeu était développé de manière individualiste, il ne se faisait aucune passe, aucun encouragement ou conseil de jeu. Il y avait des insultes qui fusaient pour un oui ou un non. Ils n’étaient pas organisés, tout le monde courrait pour attraper le ballon.
Au fur et à mesure de mes interventions, je me suis tout d’abord positionné en tant qu’arbitre afin de poser un cadre avec une certaine organisation. Je mélangeais les casquettes d’arbitre et de coach. A travers ce travail, je les encourageais pour les valoriser et permettais aux enfants les plus timides de prendre plus d’assurance.
La position d’arbitre était souvent demandée mais en même temps difficile à accepter pour eux dans le sens ou je recadrais. J’ai constaté qu’il avait du mal avec un cadre trop rigide comme le demande le foot. Cependant à force de répétions, de fermeté et d’impartialité envers les équipes, ils se sont mis à respecter de plus en plus le cadre, je m’arrangeais pour que mes décisions soit toujours cohérentes envers eux. Toutefois, j’adaptais mon attitude en fonction de l’enfant que j’avais en face de moi. Comme par exemple si je vois que c’est un enfant qui a des soucis avec le cadre, je faisais en sorte de l’assouplir un peu afin qu’il trouve sa place. Une fois qu’il a bien évolué et prit confiance à ce moment- là je resserrais un peu.
A l’inverse si l’enfant rentre directement dans le cadre, je le mets souvent en valeur mais s’il fait une erreur, je serai plus pointilleux qu’avec les autres car je suis conscient de son potentiel. Si l’enfant était timide, je le poussais en accentuant ses qualités. Pour un enfant qui est trop prétentieux, je le remettais à sa place en lui rappelant qu’il faisait certes des choses bien mais que tout son jeu n’était pas parfait non plus. Je pense qu’il est essentiel de le remettre face à sa réalité.
J’ai remarqué un réel sentiment d’implication de la part des enfants car ils sentent que l’adulte se donne entièrement dans l’activité et est partie prenante avec eux. Je leur ai montré que j’étais aussi passionné qu’eux et cela m’a permis de m’inclure dans le groupe et de gagner leur confiance.
Aujourd’hui je constate que sur le terrain bon nombre de règles que je leur ai transmises sont devenues un automatisme. Les insultes sont moins virulentes même si elles restent malgré tout un peu présentes. Ils ont intégré le système de la gagne et savent s’organiser entre eux. Je me positionne en tant que joueur et non plus arbitre-coach. D’un point de vue technique, ils jouent de manière collective en enchaînant un maximum de passes entre eux. Le groupe se régule de lui-même. L’état d’esprit collectif a pris le pouvoir sur l’esprit individualiste. Ils ont acquis qu’à travers l’intérêt du collectif, ils assouvissaient leur propre intérêt. (Comme par exemple, si 2 enfants se battent, les autres peuvent faire pression pour que l’histoire s’arrête et que le match reprenne donc en satisfaisant l’intérêt du groupe ils satisfont leur propre intérêt.)
Nous sommes même arrivés à mettre en place deux tournois de foot qui ont réuni en moyenne une bonne quarantaine de joueurs et qui se sont toujours bien déroulés, les enfants ont créés les règles de leur tournoi. Nous avons eu la surprise d’avoir une équipe de fille qui a participé. Plusieurs pères étaient présents pour encourager les petits et certains ados nous ont aidés à arbitrer quelques matchs.
A l’heure actuelle, un groupe de mère a suggéré de faire une équipe.
Le sport est un véritable vecteur éducatif afin de construire des savoirs faire et surtout des savoirs êtres, des règles de vie collectives essentielles pour le bien vivre ensemble, pour construire sa personnalité, se confronter et établir son rapport aux autres.
Sylvain et Jenny