Les conditions de la reprise de notre présence sur l’espace Jean Ferrat
Les enfants ont souffert de cet enfermement très prolongé. Qu’est ce qui devient le plus dangereux? Les empêcher de sortir? Les laisser livrés à eux mêmes? Ils ont besoins de se retrouver à l’extérieur, avec les autres, et d’être accompagner dans cette étape de dé confinement.
Dans ce contexte d’urgence sanitaire, il nous faut réinventer d’autres façon de faire et de se retrouver collectivement. Nous souhaitons maintenir ce qui fait sens pour nous dans l’acte d’éduquer: la co construction collective de notre environnement, de la vie du groupe. Et créer ensemble un espace sécurisant où les interactions sont possibles, où il est possible de vivre du collectif.
Tout ceci ne peut se réaliser que dans la relation, le dialogue, et les ajustements permanents. Nous devons être des personnes ressources et organiser un espace où les enfants puissent s’échapper, rire, et être en sécurité.
Nous ne voulons pas oublier les besoins et les droits des enfants. Le droit de jouer, de parler entre eux, d’exprimer leurs émotions, de manipuler des objets. Leur bien être psychique est aujourd’hui, notre principale préoccupation. Notre responsabilité d’adultes est de rendre la situation la moins anxiogène possible.
Les protocoles sanitaires sont drastiques, ils nous semblent incompatibles avec le bien être des enfants. Nous ne pouvons pas en être garants. Mais refuser d’être présents serait envisager le pire. Il nous faut prendre ce risque d’être présents avec eux, sur le terrain. Le comportement des enfants est lié à la dynamique de groupe, nous nous devons d’accompagner cette dynamique dans le sens de la protection de tous.
Notre présence fait aussi sortir les enfants de chez eux. Nous souhaitons donc leur donner les moyens d’apprendre des réflexes de protection et de bienveillance sanitaire vis à vis de soi même et des autres, qu’ils puissent s’approprier en dehors de notre présence.
Il nous semble impossible d’imposer des « gestes barrières », tels qu’ils sont préconisés. Mais il est nécessaire de leur transmettre des attitudes de précaution respectueuses des personnes les plus vulnérables. Les enfants ne semblent pas être eux même en situation de danger, face à la contamination, mais ils doivent comprendre leur responsabilité dans la possibilité de transmission du virus. Plutôt que d’inspirer de la peur et de la culpabilité, nous souhaitons nous engager ensemble dans l’apprentissage de « prendre soin les uns des autres ». Nous allons réfléchir en terme de « gestes de protection ».
Les enfants doivent pouvoir reprendre prise sur un réel qu’on ne leur a pas suffisamment expliqué, et mettre des mots sur cette période de confinement qu’ils ont subi. On ne sait pas à ce jour ce qu’ils ont compris du virus et de cette obligation au confinement prolongé. Il est indispensable de parler , d’écouter et de partager notre position: notre prise en compte de leur besoin de jouer avec les autres, d’être dehors, notre envie de construire avec eux des temps de rencontre et s’interroger sur ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire.
Sur l’espace Jean Ferrat, qui est un espace public, ouvert à tous, nous avons organisé un conseil des enfants Mercredi 20 Mai, pour nous poser ensemble certaines questions déterminantes. Faire les choses que eux mêmes auront construit.
Comment être responsables tous ensemble, s’il y a beaucoup de monde en même temps? Comment on peut se dire bonjour? Rechercher des activités où on ne se touche pas. Comment s’organiser pour éviter de se retrouver à plus de 8, 10 sur le même périmètre? Comment éviter que tout le quartier soit malade? (Proposition: rituel du gel en début et à la fin pour éviter les risque de propagation, désinfection systématique du matériel utilisé). Nous avons également pris l’avis des familles..
Nous veillerons à ce que chaque adulte possède un masque, un flacon de gel hydro alcoolique dans sa poche et puisse proposer aux enfants de se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon.
La cour de récréation de l’école de Tarentaize nous permettrait d’organiser les espaces de jeux et de répartir au mieux les groupes d’enfants sur le terrain. Une fontaine sur le terrain devient indispensable pour assurer le lavage fréquent des mains.
D’autres besoins sont à prendre en compte: Le café des femmes, les sorties familles
Certaines familles ont été particulièrement éprouvées par cette période de confinement. Le retour sur l’extérieur les inquiète. Nous avons proposé des masques à celles qui manifestent le plus de difficulté. Il nous parait important d’organiser des rencontres collectives pour parler de ces deux mois et envisager plus sereinement le retour à une vie plus « normale ». Nous allons reprendre notre rituel du café des femmes sur l’espace Jean Ferrat. Nous allons proposer des randonnées en familles en utilisant les « voies vertes ».
Le soutien scolaire
De manière générale, les enfants, les jeunes et leur famille se sont investis dans le travail scolaire tout au long de cette période. Nous avons tenté de leur apporter une aide par téléphone, mais ce travail s’est très vite soldé par un échec. Il était impossible pour ceux qui avaient des problèmes de compréhension de pouvoir expliquer leur difficultés à distance.
Certains parents ne pouvaient pas aider les enfants qui étaient le plus en difficulté scolaires. Certains enfants n’accordaient pas de légitimité à leurs parents dans ce rôle de « tuteur ». Ils refusaient parfois de réaliser leur travail scolaire sans la présence de leur maîtresse. Le manque d’écran dans la plupart des familles est devenu au fil du temps une contrainte insurmontable. D’autres ont rencontré des difficultés pour imprimer les documents. Certains enfants et jeunes n’ont pas tenu cet engagement durant toute la durée du confinement et le vivent mal.
Ces différents échecs ont provoqué une grande inquiétude dans beaucoup de familles, concernant le parcours scolaire de leurs enfants. Les conditions de reprise de l’école inquiètent un grand nombre de familles.
Il nous semble nécessaire aujourd’hui, de nous engager auprès d’elles pour assurer du soutien scolaire. Certains adultes et jeunes du quartier sont prêts à s’impliquer dans cet effort collectif.
Il est donc indispensable de pouvoir avoir accès à des locaux municipaux pour assurer un accueil le plus sécurisé possible. Il nous semble également indispensable que les différentes structures du quartier puissent définir les règles nécessaires à ces rencontres et réaliser ce travail toutes ensemble.
Face au constat de manque d’équipement numérique, nous avons sollicité la Fondation Abbé Pierre ce qui nous a permis d’équiper 21 familles en ordinateurs avec tour. Nous avons privilégié les familles nombreuses avec des enfants scolarisés au collège et au lycée. Nous avons repéré également des besoins qui concernent également les adultes pour des questions notamment de formation. Nous n’avons pas la possibilité de satisfaire tous ces besoins. Où peuvent-elles s’adresser pour acquérir ce matériel indispensable? Le numérique aujourd’hui est devenu un produit de première nécessité.
La présence auprès des adolescents.
Certains jeunes ont particulièrement mal vécu cette période et surtout mal compris les règles de confinement. Ils ont cumulés des amendes et risquent donc de plus lourdes peines. Ces expériences les laissent plein d’amertume. Ils ont également besoin de présence adultes pour exprimer leurs difficultés, réfléchir à la situation sanitaire actuelle pour mieux comprendre le sens de toutes les contraintes imposées.
Nous souhaitons pouvoir engager ce travail auprès d’eux avec les différents acteurs du champ éducatif du territoire.
Des personnes vulnérables et seules
Durant les deux mois de confinement, nous avons pu organiser de l’aide pour assurer les courses de 3 familles qui étaient repérées en difficulté par des adhérents de Terrain d’Entente. Quelques jeunes du quartier se sont engagés avec nous dans ce travail. Ces personnes sont toujours demandeuses à ce jour. Elles n’ont pas ou très peu de soutien familial. Nous n’allons pas pouvoir poursuivre ce soutien dans la durée. A quoi peuvent-elles avoir recours?
Josiane GUNTHER le 18 Mai 2020