Terrain d’Entente fête ses 10 ans!!!


Détails de l'événement

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Fresque réalisée par les enfants sur le « terrain »

 

 » On est des galériens, y’a rien pour nous! »

 

Voici l’appel d’une poignée d’enfants auquel nous avons tenté de répondre en venant rejoindre les familles dans ce parc au pied des immeubles en Avril 2011.

Que ces enfants soient remerciés de nous avoir ainsi interpellés.

Tout ce que nous avons vécu durant ces 10 années de présence, sur ce qui est devenu désormais « le Terrain », nous ont profondément transformé. Nous avons été transformés par ces liens d’amitié, et de proximité.

En construisant ensemble des liens de confiance, nous avons appris à  partager de grandes joies et de lourdes peines.

Chaque semaine nous partageons des moments de vie avec des enfants, des jeunes, des familles. Et nous nous retrouvons avec eux au coeur de ce que la société produit de plus violent.  Nous somme animés de la volonté de transformer tout ça!

Nous voulons mettre en évidence que les difficultés qui sont subies au quotidien sont le résultat des orientations de nos politiques depuis quelques décennies. Avec le chômage de masse, la casse des services publics, le non accès à des formations qualifiantes, le non accès aux droits fondamentaux, le cloisonnement de tous les espaces sociaux où on ne se  rencontre plus nulle part dans notre diversité.

 

Les enfants sont notre moteur, les liens d’amitié  sont notre force, celle qui permet de ne jamais renoncer.

Ne jamais renoncer à chercher à offrir à nos enfants et à nos jeunes un avenir digne de ce nom. Que chacun puisse choisir comment il souhaite construire sa vie. Que chacun puisse se sentir exister avec les autres.

Nous nous battons ensemble pour ça.

Nous nous battons pour sortir de tout ce qui enferme, cloisonne, sépare, pour sortir de tout ce qui distille de l’incompréhension et de la peur.

Depuis 10 ans, nous tentons semaine après semaine, de construire des espaces de rencontre, des ponts  entre nous tous. Que ce soit au travers du sport, de la créativité artistique, de la culture, du bien être et de la santé, avec le plus possible de partenaires dont certains sont devenus des amis.

Nous tentons sans relâche de réorganiser nos liens de manière à ce que nous apprenions à partager nos aspirations et à réaliser nos rêves avec tous!

 

Ce qui nous porte c’est d’être témoin tous les jours de cette immense volonté des enfants, d’apprendre et de progresser. Ce qui nous porte ce sont tous ces jeunes qui nous rejoignent et qui nous manifestent leur confiance. Ce qui nous porte ce sont ces adultes qui trouvent l’énergie pour tenir au quotidien face à ce fonctionnement social qui écrase leurs familles, qui trouve l’énergie pour se mobiliser pour construire avec nous tout ce que nous sentons nécessaire de réaliser. Ce qui nous porte c’est que malgré les difficultés croissantes des familles nous construisons ensemble de l’entraide et de la solidarité, des moments de bien être et de joie, des liens de confiance et d’amitié.

 

J’ai parlé de joie au début, elle se manifeste tous les jours entre nous. Cette journée va donc démarrer dans la joie grâce à un spectacle mis en scène, interprété et offert par notre ami Aldérick

Ensuite les enfants pourront participer à différents ateliers, tous les adultes sont invités à nous rejoindre à salle des fêtes de l’Amicale.

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires diaporama

2 –  Nous avons sélectionné des photos qui caractérisaient  ce que nous avons vécu sur le terrain. Nous n’avons pas tout montré, il faudrait toute une journée!

Nous sommes présents tout au long de l’année sur le terrain, des enfants, des jeunes, des adultes viennent nous rejoindre quand ils veulent

4 –  On vient par tous les temps

7 –  Romain nous a fabriqué une carriole qui nous permet de faire les goûters.

13 – Nous avons obtenu des bacs de jardinage, nous avons réalisé des petites plantations pendant quelques années

15 –  Parfois on cultive dans un vrai jardin chez nos amis LMDB

17 – Autant que possible nous organisons des fêtes: certains  21 Juin des fêtes de la musique, avec des amis artistes.

24 –  Une expérience d’art éphémère avec une artiste

29 – De la peinture pour célébrer des évènements comme la fête de l’Aïd, ou juste pour le plaisir

35 – Des repas partagés au parc Courriot

37 – Et surtout, surtout, partager le plus possible des moments de bien être. C’est le sens même de notre présence sur le terrain.

46 – On a souvent fêter des anniversaires, chaque mois, et organiser des spectacles.

50 – Les galettes cuites au feu de bois qui, comme tout le monde le sait, sont bien meilleures quand elles sont cuisinées dehors! Encore des occasions de faire la fête.

54 – Le foot, un élément central de nos RDV sur le terrain. Nous avons appris ensemble a accepter que tout le monde puisse jouer, les filles, les garçons, tous les âges, les bons et les moins bons. Certains enfants ont pu témoigner des bien faits de cette expérience:

« On apprend à découvrir des copains », « on apprend à nous aimer tous ensemble »

55 –  créer des évènements avec les enfants. on a perdu une photo du conseil des enfants! Certains samedis, après avoir passer l’après midi ensemble, les enfants qui le souhaitent nous rejoignent sur les tapis, pour un temps de parole, où on prend des décisions pour construire des projets. Nous avons établit un mode d’organisation ritualisé: un bâton de parole, un compte rendu.

58 – Des Barbecues, pour se donner un petit air de vacances au pied des immeubles!

61 – Les Ftour. Notre agenda est calé chaque année sur le temps du ramadhan.

65 – La fête des voisins. Une décision du café des femmes. Une demande du FPH. 200 personnes nous avaient rejoint.

66 – Hommage à Yassine. Un jeune qui a grandit dans le quartier qui a été assassiné à l’age de 20 ans. Il commençait à s’en sortir, il venait de trouver du travail.

67 – Les AG annuelles. Le terrain c’est le coeur de toutes les décisions.

71 – On part à la recherche de salles disponibles sur le quartier. On ne peut pas tout réaliser dehors. Nous sommes SDF depuis le début!

72 – A Canticum Novum, une association de professionnels de la musique.

Des après midi jeux, louer aux Francas. Des ateliers musiques, des anniversaires.

75 – Gymnase du Babet: des ateliers créatifs, montage de spectacle pour les anniversaires.

78 – Annexe du Babet: ateliers créatifs. Café des femmes. Garde des bébés pendant plusieurs années. Le café des femmes migre: CDAFAL, salle descours, salle des fête de l’Amicale

82 – A la salle Descours: café des ados ouvert à leur demande. Ca devient un point central de notre présence sur le quartier. Certains jeunes sont en grande difficulté. Soutien scolaire 3 fois par semaine. Il a permis beaucoup de reprise de confiance pour de nombreux enfants.

86 –                                  « Rencontre pays d’origine »: Beaucoup de familles arrivent de différentes régions du monde et c’est une richesse pour nous tous. Un diaporama, des plats traditionnels, des danses.

Ne jamais perdre d’occasion pour faire la fête! Construire des moments de bien être partagé, retrouver ensemble la joie et l’enthousiasme.

92 –                                 Des gratiférias avec défilé de mode. Type vide grenier: Chacun apporte et prend ce qu’il souhaite

93 –                                Halloween. Les enfants en sont devenus les animateurs. Une fête qui a pris peu à peu de la place dans notre collectif

96 –                               Fête de fin d’année pris entièrement en charge par les femmes, financé par le FPH

99 –                                Des opportunités d’animations: théâtre d’impro

101 –  Les sorties du quartier On s’efforce de les développer de plus en plus. Sortir pour faire des rencontres, sortir de ce qui nous enferme, vivre « des premières fois » qui ressourcent.

102 – Une autre opportunité de visite à la ferme chez une amie d’une stagiaire

104  – Vacances à retournac pendant plusieurs années

119 –  Sorties vélo depuis le premier long confinement. L’état assumait une grande partie des frais pour l’achat d’un vélo

Montmiral séjour enfants, ados pour la troisième année.

Nous développons des vacances qui concernent l’ensemble des membres de la familles.

Certains textes qui seront lus traduisent la richesse de ces séjours.

127 –  Champoly. Un domaine partagé entre plusieurs collectifs. Des chantiers sont organisés chaque printemps avec des jeunes du quartier et des étudiants.

138 – Des sorties à la journée.

144  – Nos manifestations: Expositions des oeuvres des enfants dans un salon de thé pendant un mois (certains clients souhaitaient acheter des tableaux: les enfants de Tarentaize, ceux qui font de si beaux dessins!), Pour décorer la vitrine d’une librairie pour enfants (on peut y aller régulièrement pour lire de livres) Manifestation dans une amicale avec LMDB.

146  – La soupe de l’amitié suite au massacre dans les locaux de Charlie Hebdo. Nous étions très inquiètes par rapport aux amalgames, terrorisme/musulmans. Une soupe pour affirmer que nous savons construire avec tous ceux qui vivent sur ce territoire. Des amis musiciens nous avaient rejoint.

149  – Barrière de sécurité construite avec l’aide de plusieurs collectifs pour protéger les petits qui venaient de plus en plus nombreux nous rejoindre sur le terrain. Des amis musiciens nous avaient rejoint.

150 – Depuis plusieurs années nous réclamons un local pour la reconnaissance de ce que nous réalisons tous ensemble, pour développer nos actions dans de meilleures conditions. Beaucoup d’amis nous avaient rejoint. Nous n’avons à ce jour aucune proposition.

153 – Salon de thé pendant la biennale du Design

– Spectacle de théâtre avec des pro. Plusieurs ateliers théâtre proposés aux enfants, durant deux ans avec une comédienne. Ils avaient aboutis à une représentation avec des comédiens professionnels.

154  – Atelier paperolles animés par les enfants en plein centre ville.

155  – Participation à la biennale de TRACES avec des extraits du livre la voie des femmes, en partenariat avec les MDB.

157 – Participation à la journée internationale des droits des femmes en lien avec plusieurs collectifs.

160  – Théâtre Forum avec la compagnie « les Fées Rosses ». Des femmes d’un quartier de Grenoble qui évoquent des situations très semblables à notre quotidien. Formation au théâtre Forum. Expérience dans un vrai théâtre à l’amicale de Tardy.

Un très beau texte sera lu sur cette expérience.

166 –  Plusieurs tournois de foot en soutien au peuple palestinien en partenariat avec BDS.

167  – Vernissage de notre livre « la voie des femmes »

 

Plusieurs témoignages vont être lus. Ils sont extraits de différents écrits collectifs : le Livre: « la voie-x des femmes », « le long temps du confinement », le journal de l’été 2020. Ils évoquent des parcours de vie  et des  évènements qui ont des conséquences dans nos vies. Des évènements qui nous impactent tous et que nous tentons de traverser ensemble.

La conclusion de notre livre peut être considéré comme notre plaidoyer.

 

Nous traversons une période très difficile. La société s’est détériorée. Certains ont tout, trop, et volent  les populations pauvres qui n’ont plus les moyens de vivre.

Grâce aux liens que nous avons construit, à la solidarité qui se développe entre nous toutes, on a fait renaître l’espoir, on a inventé ensemble des possibilités pour que la vie devienne meilleure.

A Terrain d’Entente, on ne se contente pas de dénoncer les problèmes d’injustice,  on réalise des actions, on développe des projets pour tenter de trouver une issue qui assure la dignité de tous.

Terrain d’Entente accueille tout le monde, que tu sois avec ou sans papier, que tu portes le foulard ou pas, que tu habites le quartier ou pas…. chacun trouve sa place. Il n’y a pas de problème avec l’âge, avec la religion, avec les conditions de vie, c’est pour tout le monde.

Dans tout ce que nous vivons, le respect est premier. Chacun arrive, est accueilli, est accepté avec ce qu’il est complètement, entièrement.

Terrain d’Entente, c’est un « petit monde », notre deuxième « habitation », parce que nous pouvons prendre la liberté d’être ce que nous sommes, à chacune de nos rencontres. Les expériences vécues, partagées dans ce « petit monde » nous permettent de construire des liens avec le « grand monde », avec tout ce qui nous entoure. Nous organisons des évènements avec toujours plus d’associations dont des membres deviennent nos amis.

Dans tout ce que nous construisons,  il y a plein de domaines dans lesquels nous ne sommes pas « professionnelles ». Ce n’est pas facile de nous organiser toutes ensembles pour mener à bien un projet. On se heurte à des difficultés de communication entre les unes et les autres, ces journées là sont très chargées, l’organisation familiale est bousculée,  mais notre force est de ne jamais renoncer.

A force de discussions entre nous, de rencontres avec d’autres, on  finit toujours par trouver des issues pour continuer à développer des actions. On sait regarder les problèmes en face, et on cherche des solutions jusqu’à ce qu’on trouve le moyen de résoudre le problème qu’on a identifié ensemble. On n’abandonne pas un projet, même s’il représente des difficultés pour le réaliser, même si on a parfois l’impression de nous retrouver dans une impasse. On n’abandonne pas un projet quand on estime qu’il va répondre à des besoins, des envies.

Nous aspirons à un changement, à l’égalité sociale. Nous aspirons à vivre une vie décente dans une France plus juste. Nous savons qu’une société pacifiée, qui crée un climat de sécurité entre tous ses membres,  est une société où chacun a suffisamment pour vivre dignement.

Nous avons ressenti dans le mouvement des gilets jaunes une même volonté de changement. On se bat sur des questions très semblables : la justice sociale, un revenu décent pour que chacun puisse assumer les besoins de tous les membres de sa famille, une reconnaissance de tout ce que nous savons créer ensemble, la possibilité que notre parole soit entendue, la prise en compte des besoins de tous les membres de nos familles, la possibilité de prendre  notre place dans cette société, qu’on ne nous oublie pas.

La violence est partout. La violence elle s’adresse en premier à nos enfants et à nos jeunes. La violence pour eux, c’est de ne pas pouvoir profiter de loisirs enrichissants, de ne pas pouvoir partir régulièrement en vacances. Beaucoup d’entre eux vivent l’école comme une souffrance, comme un échec,  ils  ne peuvent pas choisir une formation, un métier qui leur plaise vraiment, et ne peuvent pas avoir un revenu suffisant pour vivre bien.

Nous voulons offrir à nos enfants un avenir digne de ce nom. Que chacun puisse choisir comment il souhaite construire sa vie.

Nous voulons nous battre ensemble pour ça.

 

Extrait du journal du confinement.

Le 16 mars la France est confinée, les enfants doivent rester à la maison mais restent en contact avec l’école grâce à Internet pour suivre le contenus des leçons et devoirs. Chaque jour, les devoirs tombent comme de la grêle!

Chaque enseignant exige des élèves ( mes enfants : PS-CM1-6eme- seconde- terminal) un travail fait et rendu pour chaque matière.

Les deux grands travaillent seuls dans leur chambre.  Ce n’est qu’après quelques jours que je me rends compte que je ne vois presque plus ma fille, qui est en terminal, sortir de sa chambre. Je lui pause la question, elle me répond quelle est débordée, le travail demandé est plus lourd que d’habitude, et quelle doit toujours être à jours dans son travail et présente quand il y a classe virtuelle.

Pour les deux plus jeunes je m’ appuis sur mon mari . Il est chargé de télécharger leur travail scolaire.                                                                                                                                     L’imprimante n’arrête pas: elle imprime les leçons et les exercices chaque jour et pour tous les enfants! Au bout de quelques jours l’imprimante n’a plus d’encre. Nous ne trouvons plus de cartouche sur le marché, il faudra attendre une semaine pour en trouver à nouveau.

A la maison les enfants se bagarrent entre eux pour avoir le PC ou l’ordinateur pour le travail de l’école mais aussi pour tuer le temps en regardant des séries , des films ou jouer.

L’ordinateur ne supporte pas, il surchauffe et s’arrête.

Les jours passent, ils se ressemblent , enfermés entre quatre murs les enfants se lèvent tard ils dorment jusqu’à midi mangent et font leurs travails en traînant les pied , le soir tombé je remarque qu’ils ne dorment plus au heures habituelles. Ils veillent jusqu’à l’aube. Je n’arrive pas à coucher la plus petite avant minuit.

Le matin je trouve la cuisine en désordre se sont les enfants qui se mettent à cuisiner à trois heures du matin quand ils ont un petit creux ou pour se faire plaisir .

De mon côté j’essaye du mieux que je peux de suivre la scolarité de mes enfants qui sont en CM1 et 6eme. Je trouve que c’est dur, ça me stress et me fatigue. La maîtresse de mon fils a mis peu à peu en place une classe virtuelle une fois par semaine. Je compte sur ma fille pour mettre le code de la réunion sur l’ordinateur tandis que moi je me transforme en policier pour faire régner l’ordre lors de la conversation : interdit de déranger, de parler et surtout ne pas se bagarrer! C’était vraiment un moment de tension chez nous pendant une heure .

Pour le travail de ma fille qui est en petite section de maternelle, j’ai baissé les bras. Bien sûr je travaillais avec elle mais à ma façon. Son maître m’a téléphoné pour m’encourager à suivre le travail numérique. Alors j’ai fais de mon mieux je l’ai inscrit a « educartable » et depuis nous travaillons ensemble.

Aujourd’hui le confinement est terminé les enfants vont reprendre le chemin de l’école.

J’espère que tout ira pour le mieux pour eux, pour moi et pour le monde entier. AMEN.

 

 

Extrait du Livre la voie des femmes

Avant que je connaisse Terrain d’Entente, je n’habitais pas le quartier de Tarentaize. Après mon divorce, je me suis retrouvée dans une situation très difficile financièrement et moralement avec mes deux enfants. Avec mon premier mari, qui était propriétaire, je suis partie sans rien de matériel, juste avec mes deux enfants, vivre dans un foyer familial.

Le foyer m’a trouvé cet appartement de Tarentaize où j’habite maintenant

Je me suis remariée, et j’ai eu un autre enfant.

En 2011, j’ai rencontré Terrain d’Entente, ma voisine m’avait parlé des jeux pour les enfants. Au début c’était les enfants qui participaient aux jeux, à des activités . Après j’ai moi-même adhéré à l’association .

Ça m’a fait très plaisir de les avoir dans ma vie. Ça m’a aidée à oublier mes soucis, ça m’a aidé pour occuper mes enfants. Ça m’a aussi aidée à connaître beaucoup de familles du quartier.

Dès 2010, j’ai été parent d’élève élue à l’école de Tarentaize .

Je suis quelqu’un qui insiste beaucoup sur les demandes à la mairie en ce qui concerne l’Ecole et aussi en ce qui concerne le quartier. J’ai participé à la demande avec Terrain d’Entente de bacs de jardinage, d’une barrière de sécurité le long du boulevard, et davantage de jeux au Parc

J’ai fait une formation à la chambre de commerce « salon de thé oriental » et j’aimerais vraiment ouvrir un salon de thé mais pour le moment je suis bloquée financièrement. Dès que ça a été possible, j’ai participé au salon de thé éphémère en mars-avril 2017 pendant la biennale du design. Il a très bien marché et depuis avec Terrain d’Entente, nous cherchons un local pour continuer cette activité et d’autres.

En Algérie j’ai fait une formation de coiffure et c’est pour cela que j’aime proposer des ateliers coiffures au café des femmes pour satisfaire les femmes qui n’ont pas l’occasion et les moyens d’être coiffées.

Je propose ces moments coiffure, ce salon de thé, je propose les sorties hammam car être en groupe ça nous fait oublier des pensées négatives, et nous passons de bons moments toutes ensembles.

Ça m’a fait beaucoup de bonheur de rencontrer Terrain d’Entente pour partager tout ce que je n’ai pas partagé avant. Avant j’étais plus solitaire, plus enfermée.

J’ai des hésitations à déménager de ce quartier, car j’ai trouvé tout ce que je n’avais pas eu avant.

 

Extrait du journal de l’été

Cet été, J’ai vécu deux sorties au bord d’un lac et un séjour à Retournac. C’était magnifique.

Pour la sortie au lac des sapins, c’est moi qui avait inscrit les familles. J’étais inquiète d’avoir inscrit des personnes qu’on ne connaissait pas. C’était des familles qui ne pouvaient pas s’inscrire au Babet, pour elles, c’était trop cher. Je trouvais injuste qu’elles ne puissent pas profiter d’une belle journée parce qu’elles ne pouvaient pas payer.

Ces familles ont partagé tout ce qu’elles avaient apporté. Au moment du pic nique tout a été déposé sur la nappe. Nous sommes pour des rapports d’égalité, Comme ça, on peut dire « merci » à tout le monde.

Pendant que certains s’occupaient d’organiser le pic nique, les autres étaient avec les enfants. On aurait dit un village .

C’est comme ça que les enfants apprennent à partager.

La bonne organisation sur le déroulement de la journée rendait chaque moment agréable. Pas besoin de s’inquiéter de risquer d’être oublié, les activités étaient prévues pour tous.

Pendant les 3 mois de confinement, on était mort. Seul le cœur battait. Nous avons pu vivre des premières sorties après toutes ces choses. On a oublié le Covid pour la première fois.

A Retournac, j’ai l’impression d’être partie chez mes parents!J’ai pas senti que quelque chose me manquait.

J’avais peur de partir avec des personnes que je ne connaissais pas. Je suis très sensible.J’ai peur des histoires. C’est pas facile de rentrer dans un groupe.

Pendant ce séjour, on a pu parler de nos difficultés, on a pu se confier sur nos problèmes familiaux comme à des sœurs.

On n’a pas eu besoin de regarder l’heure, on se levait quand on voulait. J’ai jamais entendu « maman ». J’ai pu être moi aussi un peu enfant, pour rigoler, pour penser seulement à moi.

Il y avait une grande attention. Une organisation pour soulager les mères. On est parti juste à côté , pas besoin de chercher le bonheur loin. Pas de tension, donc pas de fatigue.

On a vécu plein de choses qui apportent du bien être. Etre assis à l’ombre d’un arbre pour partager le repas. Se retrouver au bord de la Loire. Danser ensemble en faisant le repas . Regarder les enfants jouer dans la piscine…

Après le confinement de 3 mois, et l’impossibilité de partir retrouver nos familles, comment on allait être prêt à assumer une autre année qui allait démarrer ?

Ces séjours nous ont permis de passer à autre chose.

 

Extrait du livre La voie des femmes.

J’habitais au Nord de la France, mon père était mineur. Je suis arrivée à l’age de 7 ans.

Je suis née au Maroc.

Je savais pas parler Français, je comprenais rien à l’école.

En 89, les mines ont fermées. Un copain a trouvé du travail à mon père, à St Etienne.

 

J’ai commencé le travail a 18 ans. Une amie m’a proposé un poste dans une usine de couture. C’était pas mon truc mais il fallait que je travaille.

J’ai travaillé jusqu’à mon deuxième enfant.

Abdelmagid avait des difficultés. Il avait beaucoup de retard, il pleurait tout le temps.

J’y ai consacré tout mon temps. Ca m’a fait tomber de très haut, je ne pouvais plus m’occuper du reste.

Les sorties c’était pas possible avec Abdelmagid.  Il courrait partout, il se jetait par terre.

J’ai eu plusieurs grossesses à la suite. Je sortais plus.

Couches biberons, couches, biberons, les nuits blanches….Pendant des années, je n’ai jamais fait une nuit complète.

Depuis que je me suis mariée, je n’ai connu que des épreuves.

Une amie m’a fait connaitre le café de femmes. J’ai pu venir parce qu’il n’y avait pas de contraintes. Je pouvais venir comme je voulais. Je me suis sentie bien tout de suite.

Les sorties au bord de l’eau, on n’avait jamais connu.

J’ai pas senti ce poids que j’ai toujours au quotidien. Les enfants, ça leur a fait un grand bien

On n’est pas lassé de venir, c’est un plaisir et un bien être. On prend en compte l’avis de tout le monde. Même si on est en groupe, chacune a sa place. On se retrouve et ça me recharge.

 

On apprend des choses au café des femmes. L’assistante sociale de la sécurité sociale est venue parler des droits. Il y a des droits qu’on ne connait pas et moi, je n’aime pas demander.

Ca donne confiance en soi le fait d’appartenir à un groupe. Depuis que je vis en France, je n’étais jamais allée au Hammam. On le reporte tout le temps. Mais ensemble on est plus fort.

Ca permet de prendre un peu de recul et quand on rentre chez soi, on réfléchit autrement.

 

Extrait du Journal de l’été.

J’aime découvrir des choses nouvelles, et pour moi le Théâtre Forum c’était une belle expérience. J’avais jamais pensé que je pouvais faire du théâtre!. J’aime voir le théâtre, comme spectatrice. J’ai assisté dans toute ma vie à deux séances de théâtre.

C’était fort par rapport à ce qu’on a partagé, plein de choses, pleins d’émotions.

J’ai compris ce que c’est le théâtre, des messages qu’il faut faire passer aux gens. Et il y a eu pleins de messages entre nous.

La rencontre aussi avec les personnes de Grenoble qui nous ont emmenées loin. J’étais dans un autre monde. Par rapport à mon histoire, je suis repartie en 2013, dans la ville où j’habitais alors.

Pour chacune qui partageait un peu de son histoire, c’était comme dans un film dans lequel on rentre, on rentrait dans l’histoire de chacune.

Je ne jouais pas un rôle, c’était avec ma personne, on était dans le rôle, dans l’univers de la personne.

Je me sentais comme une artiste sur scène, qui aurait fait du théâtre toute sa vie. Je ne me sentais pas être une maman qui a plein de soucis. C’était un moment différent de ma vie quotidienne.

J’ai compris que le théâtre ce n’est pas qu’un métier, c’est beaucoup plus profond. C’est un message à faire passer, même simplement avec des gestes, des mimiques. C’est fort.

j’ai senti aussi que les spectateurs, que tout le monde a réagit, tout le monde a vécu quelque chose de ces scènes. On vit tous un peu les mêmes expériences, mais tout le monde se tait. Avec le théâtre, les gens parlent et on comprend qu’on est tous pareille.

 

Il y avait une force sur cette estrade, avec les lumières, les rideaux. Une force qui donne envie de continuer, de faire mieux, plus. La scène de théâtre donne une force qui sort de partout pour que je bouge mieux malgré ma fatigue et le poids du quotidien, que j’ai réussi à oublier!

Dans la vie déjà on cherche des solutions, on cherche celle qui va être la bonne. C’est pareille dans le théâtre, on cherche des solutions. Chacune a donné son avis, chacune a des solutions dans la tête.

Pour l’exemple de l’expérience de Latifa, je suis comme Latifa, dans la même situation, je me tais. Une autre personne ne va pas réagir comme ça: une autre va partir, une autre va mal parler, d’autres vont réclamer à parler au responsable….Il y a plusieurs solutions. Le théâtre montre que chacun a son avis, sa solution, qui est différente des autres.

Comme Latifa, lorsque l’administratrice de la sécu jette mes papiers de CMU, je préfère me taire plutôt que d’appeler le responsable, faire la bagarre. C’est une solution qui permet aussi de régler le problème. Le risque de s’énerver c’est de ne pas régler le problème.

Le message, c’est qu’il y a d’autres manières de faire.

J’aimerai que beaucoup de femmes de terrain d’Entente puissent vivre cette expérience.

Quand j’ai commencé, j’avais peur, après j’ai senti que j’étais en direct avec beaucoup de force. Pour moi, j’étais une actrice. le rêve de l’enfance: être une actrice à la télévision! J’ai vécu ça!

J’avais jamais oser parler de mon problème devant tout le monde. Mais le moment était fort, c’était possible, là.

 

Extrait du journal de l’été.

On a tenu tout ce qu’on avait décidé à la commission vacances. Les projets ont tous aboutis. Cette commission avait commencé en février et elle s’est poursuivit pendant le confinement sous forme de conférences téléphoniques. Nous avions décidé de répondre aux nombreuses demandes pour les séjours enfants/ados de Montmiral.

Nous avons tenu compte du manque de sorties à la journée l’été dernier. Tout ceci grâce au financement de la Fondation Abbé Pierre.

Ces différentes décisions ont été validées au café des femmes.

Nous avons eu le plaisir de rencontrer de nouvelles familles pendant cet été. En espérant qu’on puisse les intégrer à notre association.

 

La satisfaction de cet été c’est que tous ceux qui en ont fait la demande ont pu au moins faire une sortie ou un séjour. Personne n’a été mis de côté.

Pour les sorties à la journée nous n’avons pas hésité à proposer des activités exceptionnelles autant pour les familles que pour les ados. « du grand luxe! » des « premières fois ».

 

J’ai participé aux deux séjours à Montmiral en tant que membre de l’équipe. Montmiral, c’est mon truc!

Durant ces deux séjours, j’ai pu retrouver mon âme d’enfant. C’est moi qui réclamait certains jeux! J’ai appris aussi un peu à nager!

Durant le séjour, j’ai appris à connaitre les enfants , je  les ai découvert autrement, avec leur fragilité. On a pu établir une relation différente. Certains confient leur peine. Ca ne peut pas se produire sur le quartier.

Les craintes que j’avais en partant vis à vis de certains, ce sont toutes révélées fausses. Ce sont ceux qui ont été le plus attentifs, certains ont même pris soin de moi.

De sortir de Tarentaize, ça les apaise. Ils n’ont pas à jouer un rôle, à tenir une image, à vouloir paraître plus grand.  Ils peuvent réaliser tranquillement leur âge réel, et jouer comme des enfants qu’ils sont. On est plus dans des rapports où on s’autorise à être soi même.

Dans ce contexte différent, ils deviennent plus respectueux des règles.

Durant le séjour, il suffisait de rappeler régulièrement les consignes et elles étaient respectées. Ils étaient à l’écoute. Nous nous retrouvons tous au même niveau.

J’ai trouvé facilement ma place au sein d’une belle équipe. Nous avons su nous soutenir, nous répartir le travail de façon égalitaire. Les enfants ont également beaucoup participé, à la cuisine, à la vaisselle, filles et garçons confondus.

Beaucoup de mères au départ souhaitaient éviter le mélange garçon/fille. Mais ça n’a pas été nécessaire, les relations étaient plutôt fraternelles entre eux.

Les sorties à la journée. Chaque fois que j’y vais je m’éclate. C’est super important de faire des activités exceptionnelles, de sortir de ses habitudes, de son environnement habituel. Ca apporte de la détente, du bien être.

Une expérience pleine de richesses, qui  permet des changements, mais qui n’améliore pas les conditions de vie.

Depuis cette année de crise sanitaire, pour beaucoup c’est devenu très dur.

Les difficultés que nous repérons ensemble, nous voulons qu’elles soient posées à toute la société, en terme d’inégalités des droits. Il faut sortir des cloisonnements et faire société tous ensemble

Nous cherchons à nous engager avec d’autres collectifs pour croiser des centres d’intérêt et des préoccupations. Sur cette période deux questions nous paraissent particulièrement essentielles.

La co éducation, pour la rencontre et le travail entre tous ceux qui s’occupent des enfants et des jeunes, avec les enfants et les jeunes eux mêmes.

La question de la démocratie alimentaire, c’est à dire l’accès à une alimentation de qualité pour tous.

 

Le Labo

La question de l’école, de la réussite à l’école est un objectif central dans toutes les familles.

Hors, l’expérience de l’école pour beaucoup est source  d’inquiétudes, voire d’humiliation.

Pour les enfants quand ils ne deviennent pas de « bons élèves », pour les parents quand ils n’arrivent pas à soutenir leurs enfants dans leurs efforts.

Cette question de réussite à l’école se confond trop souvent avec le souhait que chaque enfant, chaque jeune trouve sa place dans la société, développe suffisamment bien toutes ses capacités  pour vivre une existence où il va s’épanouir, avec en main tous ses potentiels.

 

Nous en sommes très loin! Beaucoup de jeunes partent à la dérive. Pour eux, l’école est un vécu d’échecs, certains ont entrepris une formation par défaut et s’essoufflent,  d’autres sont ni en formation, ni en emploi, ni en accompagnement. Le seul pécule qu’ils trouvent c’est grâce au deal. Beaucoup ont un casier judiciaire conséquent. Ils sont en danger.

A partir d’un certain age les filles ne circulent plus sur l’espace public.

 

L’école, tout comme les parents, ne peuvent pas combler tous les besoins de sécurité, d’attention, nécessaires à une  prise de confiance suffisante pour que  chaque enfant puisse développer tous ses potentiels.

Et les expériences extra scolaires sont source de grandes inégalités  pour trop d’enfants et de jeunes.

Il faut tout un quartier pour élever un enfant!

Tout le monde le sait et beaucoup de métiers viennent compléter et enrichir le travail de l’école et le rôle multiple des parents. Certains professionnels luttent pour une éducation plus juste, ouverte sur la vie et accueillant la parole des enfants.
Mais ces différents acteurs  interviennent de façon trop cloisonnée, et ne répondent que trop partiellement aux attentes.

Il faut assurer à chaque enfant, chaque jeune une protection nécessaire, et la plus grande diversité possible d’expériences, de sources de découverte et d’épanouissement.

Durant le confinement nous avons pu prendre conscience de l’importance de la question éducative qui mobilise beaucoup de monde. Mais la co éducation, c’est à dire: faire ensemble de l’éducation ne va pas de soi. Il y a nécessité  d’organiser une recherche, une réflexion avec les habitants, et tous les partenaires possibles. Une recherche pour faire l’expérience qu’on peut essayer de parler ensemble de la même chose.

Le Labo de co éducation regroupe des professionnels et des militants associatifs, engagés autour de l’idée d’éducation globale. Il va chercher à créer la possibilité de cette communauté éducative qui exercerait véritablement sa responsabilité collective dans l’éducation et la protection de chaque enfant, de chaque jeune.

Ce Labo est la possibilité de pouvoir apprendre ensemble à coopérer. L’ Éducation est multi face, on n’éduque et on ne s’éduque pas tout seul. Nous souhaitons signifier que ce labo ne peut exister qu’avec la contribution de chacun. Ca ne peut pas être un lieu où certains viendraient nous transmettre ce qu’il faut savoir et ce qu’il faut comprendre. C’est un espace de partage et d’échange. C’est une réflexion pour permettre une mise en application concrète.

Nous avons  donc invité les participants à cette journée d’anniversaire, à vivre une expérience concrète pour éprouver  l’intérêt d’un tel engagement. Nous nous sommes rassemblé en petits groupes pris au hasard pour réfléchir et donner des idées sur deux questions:

Un enfant, un jeune, dans la journée, dans la semaine, rencontre un nombre important de personnes qui participent à son éducation.

–  Qui sont ces éducateurs? Quel genre d’éducateurs sommes-nous, connaissons-nous?

–  Comment faire, comment s’organiser pour mieux éduquer tous ensemble, co éduquer?

Plusieurs membres fondateurs du Labo étaient présents à cette journée, ce qui nous a permis d’animer les groupes dans les meilleures conditions.
– Frédéric Jésu,  auteur de plusieurs livres entre autre: « Co éduquer: pour un développement social durable » ;
– Catherine Hurtig-Delattre, enseignante et formatrice, autrice du livre: « La coéducation à l’école, c’est possible »                                                                      – Marie Eve Thivillier, enseignante, membre de L’ICEM, Ariane  Fabien, Angélique responsables du secteur jeunesse et parentalité sur la commune du Chambon Feugerolles

Le labo propose de faire l’expérience de pouvoir parler ensemble de la même chose tout en étant différents dans nos responsabilités,  nos fonctions auprès des enfants et des jeunes.

La co éducation c’est l’invitation à mettre en commun nos rôles pour accompagner au mieux les enfants et leur donner leur place. Des approches différentes qui peuvent devenir complémentaires.

Nous sommes encouragés à poursuivre ce petit temps de réflexion partagé avec tous et d’envisager des propositions pour l’année à venir.

 

Pour une alimentation de qualité accessible à tous.

Nous n’avons pas trouvé le temps de partager la question de l’alimentation qui est devenue pour nous très centrale. Voici où nous en sommes de ce travail développé avec plusieurs collectifs.

Terrain d’Entente a contribué à la mise en place de VRAC St Etienne qui va démarrer d’ici Septembre, en collaboration avec les structures du quartier.

VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun)

La possibilité de commander sur un catalogue des produits qui sont vendus à prix coûtant. La possibilité de créer sur le quartier, toute une dynamique de plaisirs partagés autour de l’alimentation plutôt que de l’inquiétude et de la culpabilité à se nourrir pas suffisamment bien.

 

C’est à l’occasion de nos séjours à Retournac chez nos amis paysans que la question de la qualité de ce que nous mangions a commencé à se poser entre nous. Nos amis sont paysans boulangers, et maraîchers. Tout ce qu’ils produisent est bio. Et nous ne pouvons pas acheter ces bons aliments qui sont trop chers pour nous. Les paysans qui produisent de la nourriture de qualité nourrissent qui? Ces paysans ont eux mêmes des revenus très faibles.

Nous touchons la question des inégalités très profondes dans la société.

 

On connaît trop de mères de familles qui consacrent une énorme énergie tout au long de la semaine en traversant la ville de part et d’autre pour trouver les produits les meilleurs marchés possibles.

Tout ce temps consacré aux courses, on aimerait l’utiliser toutes ensembles à notre  bien être, et à notre santé

Donc pour l’accès de tous à une alimentation choisie et saine, il faut poser la question financière pour les ménages et la rétribution juste des agriculteurs.

 

Un large collectif est en route pour rechercher des solutions d’entraide en direction des producteurs et en direction des familles. Une entraide réciproque dans un large réseau de collectifs:

La fabrique de la transition, les Brigades de Solidarité, la Fourmilière, De la Ferme au Quartier, le réseau des AMAP, la cantine solidaire et participative, VRAC en Vert, Bio coop, Les jardins de cocagnes et d’autres.

Cette démarche pour une alimentation de qualité accessible à tous deviendra réellement soutenable et transformatrice, si nous posons la question de la construction d’une sécurité sociale de l’alimentation. Il faut parler en terme de droit pour tous et sortir de la logique de l’aide alimentaire humiliante et indigne.

 

Place à la fête!

 

 

Nous avons été enthousiasmés de pouvoir accueillir autant de diversités. Beaucoup de représentants associatifs étaient présents, beaucoup de familles du quartier également.

On a fait ce jour là société tous ensemble.

Une dizaine de femmes s’étaient mobilisées pour assurer l’organisation de cette journée.

Un remerciement particulier à Amel qui a apporté une contribution très précieuse dans la réalisation du diaporama, du film où des enfants et des femmes témoignent de ce que représente aujourd’hui, Terrain d’Entente dans leur vie. Elle a filmé tout au long de la journée les différentes interventions. Nous allons tout mettre en œuvre pour que notre site trouve la capacité à diffuser tous ces précieux documents.

Des amis nous ont rejoint sur le terrain pour proposer un riche après midi aux enfants. Notre ami Aldérick avec les rollers, l’association Sport Autrement pour un atelier boxe. Simon de la Médiathèque avec les réalisation d’instruments de musique à partir de la récupération de déchets

Une atmosphère joyeuse et festive avec un engagement volontaire de toutes les personnes présentes qui ont expérimenté le lancement de ce Labo de co éducation

Un résultat vraiment encourageant.

 

Pour finir sur une note poétique, teintée d’une vision un peu révolutionnaire de l’avenir. Voici le beau cadeau de Frédéric Jésu.

 

La fête organisée par Terrain d’Entente le 9 juin 2021 pour célébrer son dixième anniversaire a été un cadeau pour chacune et chacun de ses participant.e.s.

Pour les remercier, je voudrais offrir la petite histoire qui suit aux enfants et aux jeunes, mais aussi aux parents, aux autres habitant.e.s, aux associations et aux professionnel.le.s qui partagent et font vivre ce « terrain d’entente ». J’ai écrit cette histoire en pensant à ce que pourraient devenir nos espaces urbains, au moins le temps d’une soirée, si les « temps libres » des enfants et des jeunes étaient vraiment libres, pour toutes et tous.

AVENUE DE L’AVENIR

Frédéric Jésu

« Pour cette étude du milieu local nous irons puiser dans la vie véritable de l’enfant, à l’origine de ses sensations, de ses expériences et de ses découvertes, les éléments essentiels, les éléments de base – les seuls solides et définitifs – de sa formation, de son instruction, et de son éducation ».

Célestin Freinet

Comme j’étais un peu malade, j’avais dû rester à la maison. Enfin, la maison : notre petit appartement, plutôt. Mais je n’étais pas trop malade, juste une espèce de rhume, et j’étais donc surtout occupé à beaucoup m’ennuyer. Aussi, vu que mes parents me l’interdisent la plupart du temps et que je n’avais plus de fièvre, je suis allé au balcon. C’était bon, bien mieux que le salon, presque mieux que le jeu vidéo que je venais de laisser en pause sur le canapé. Les arbres de l’avenue commençaient à verdir. Certains d’entre eux étaient en fleur et leurs parfums venaient chatouiller mon nez débouché. Entre deux coups de klaxon et un rugissement de moto, on entendait même des oiseaux chanter sur les branches. De là où j’étais, c’était bien le printemps que je voyais et sentais se faufiler entre les immeubles. Ou essayer de le faire. Et oui, tout cela était bon, et bien beau à observer ! De plus, c’était bientôt l’heure de sortie de l’école. Et comme celle-ci est toute proche, j’allais sans doute voir passer un ou deux camarades sur le trottoir et en profiter pour les saluer d’en haut, pour leur demander des nouvelles.

Eh bien, tu parles d’un ou deux camarades ! Des milliers, oui ! Mais attends, il faut que je te raconte, cher ami lecteur, chère amie lectrice…

* * *

J’étais donc installé bien tranquille sur mon balcon. A l’heure dite, les portes des écoles se sont ouvertes, et les enfants sont sortis. Mais voilà : ils n’ont pas voulu rentrer chez eux. Aucun d’entre eux. D’un coup, comme ça, sans avertir personne. Sans même savoir exactement pourquoi. Une envie soudaine de liberté. Une idée pas prévue de ne pas faire comme d’habitude. Certains sont juste restés à discuter devant l’école. D’autres sont allés s’installer sur les pelouses de la placette que forme le carrefour, tout près de chez moi. Je les entends discuter et rigoler. J’imagine que d’autres encore se promènent ici ou là. Comme par exemple mon copain Jojo, que je vois avancer sans se presser, les mains dans les poches.

  • « Et ton cartable ? », je lui demande quand il parvient sous mon balcon.

Il lève la tête et hausse les épaules.

  • « Qu’est-ce qui se passe ? », je lui demande encore.

Il me crie que c’est comme ça dans tout le quartier. On le dirait joyeux de ça. Mais pas vraiment surpris.

  • « Ça devait bien arriver un jour ou l’autre, depuis le temps ! », ajoute-t-il.

Et il me fait signe de le rejoindre. Pourquoi pas ?

Dans l’avenue, il y a de plus en plus d’enfants. On dirait même que les arbres se penchent amicalement sur eux. Que les oiseaux piaillent de joie, c’est leur façon d’approuver. Quelques parents tirent leurs petits par le bras mais, tout petits qu’ils soient, ceux-ci chouinent et résistent. D’autres adultes, qui ont coutume de venir attendre les plus grands à la sortie de l’école, piétinent et tournicotent autour d’eux. Ils tentent de les convaincre de les suivre, de rentrer à la maison. Ils leur tendent des goûters. En vain. Ils les supplient presque, avec des mots au bord des larmes. Certains s’énervent et menacent. Mais la plupart finissent par rester là, les pieds collés au trottoir, la bouche ouverte. Ils regardent leurs enfants rejoindre les autres enfants. Ils ne savent pas comment les en empêcher.

Quant à moi, je réfléchis vite. J’appelle mon père, je l’attire vers le balcon et je l’y installe afin qu’il ne rate pas ce spectacle. Quand je le vois bien éberlué, j’en profite pour attraper mon écharpe et mon blouson et pour filer sans bruit. Je sais que ma mère rentre tard, ce soir, et qu’il va donc devoir rester garder mon tout petit frère. Je ne t’avais pas dit que je suis un malin.

* * *

Arrivé sur le trottoir, Jo n’est déjà plus là. Ou bien il s’est noyé dans la petite foule d’enfants qui est en train de gonfler sur l’avenue. Car voici maintenant les collégiens qui sortent, et sans parents ceux-là ! Ils viennent voir ce qui se passe. Ils se frottent les mains. Ça promet !

Ça promet d’autant plus que, avec l’arrivée des grands, c’est toute la chaussée qui est bientôt envahie de gamins et de gamines de tous âges. Ils déambulent joyeusement. Ceux qui ont un peu d’argent de poche s’offrent des glaces au kiosque. J’y retrouve Jo. Mais ses poches sont aussi vides que les miennes. Tant pis. Nous y plongeons les deux mains, à peine dépités mais bravaches, et nous rejoignons tous les autres. La petite foule que nous formons, et qui gonfle à vue d’œil, importe plus qu’une double boule citron-pistache, dit Jo (chocolat-vanille pour moi).

Les adultes se sont maintenant laissé repousser sur le trottoir par le flux des enfants. Ils ne savent que faire pour l’arrêter. De temps en temps un père ou une mère aperçoit son enfant qui passe, l’appelle et tente de l’approcher en lui tendant les bras et un paquet de biscuits. Ou la promesse d’une paire de gifles. Mais, aussitôt, un groupe de grands collégiens vient entourer l’enfant visé. Et celui-ci poursuit son chemin avec eux, lançant un petit geste affectueux à son parent qui, les bras ballants, le regarde s’éloigner.

On entend au loin les premiers klaxons qui protestent. L’avenue est bouchée, des embouteillages se sont sans doute formés, mais qui oserait écraser des enfants ?

Je regarde autour de moi. Tout le monde, petits et grands, a l’air perplexe. Jo a sorti une main de sa poche pour se gratter le crâne. Et, pour de vrai, les enfants sont les premiers à s’étonner de leur audace à se trouver là tous ensemble. Et non pas dans ces endroits où sont d’habitude censés être les enfants. C’est-à-dire : derrière les murs des écoles (mais ils viennent d’en sortir) ; ou, sinon, bien à l’abri dans leurs familles (mais on dirait qu’ils ne veulent pas s’y rendre). Le fait est qu’ils ont choisi de rester dans la rue : mais que leur restait-il d’autre ?

Bande de chenapans ! Suis-je des leurs ? J’en attrape quelques-uns par la manche. Je leur demande des explications. Il y en a qui se taisent ou qui me font des grimaces rigolotes. Ils ne semblent pas inquiets. Ceux qui me répondent me font remarquer que l’air est doux, que le soleil brille encore, et qu’ils n’ont pas envie, après la classe, d’aller s’enfermer dans leur chambre. C’est bien ce que je pensais. A ma place, tu aurais pensé comme eux !

  • « C’est simple », me dit-on. « On n’a rien contre les profs ou les parents. On veut juste se balader, discuter, jouer, ou ne rien faire, avec juste les arbres et le ciel bleu au-dessus de nous ».

Oui, c’est simple. Je comprends ça. Pas toi ?

* * *

Jo me traîne de nouveau vers le marchand de glaces. Le gros homme se voit riche de toutes celles qu’il vient de vendre en moins d’une demi-heure. Il nous regarde du dessus de ses moustaches, et du large sourire qui les soulève en rythme. Il est tellement de bonne humeur qu’il nous offre une boule à chacun (citron pour Jo, chocolat pour moi). La vie est belle.

De petits groupes d’enfants se sont maintenant formés, ici ou là, tout du long de l’avenue. Plusieurs d’entre eux finissent par s’accroupir sur le tapis d’asphalte tiède qui recouvre la chaussée. Les uns continuent leurs discussions – les profs, les parents, ce qu’on va faire maintenant, tout ça. Ou bien ils écoutent des playlists de musique autour des portables des grands. D’autres ont sorti des jeux de cartes, ou connecté leurs consoles en ligne pour des chasses au dragon féroces et partagées. Je vois même une petite qui a sorti un sac clandestin de billes et de calots de son cartable. Elle cherche des copains, des copines et un coin de terre pour commencer une partie ; mais, si la ville ne manque pas de copains et de copines, surtout ce soir, elle se montre avare en coins de terre… Allez les amis : cherchez, et vous trouverez ! A nous de jouer, maintenant !

La vie est belle, je le confirme. Je vais d’un groupe à l’autre en piochant un ou deux bonbons dans un sac qui circule de mains en mains. Il y a quelques canettes, aussi, venues de nulle part et de partout, et j’avale au passage une bonne gorgée d’un soda-litchi pas trop frais. Au loin, on entend un peu moins hurler les klaxons. Les automobilistes, résignés, ont dû faire demi-tour, et c’est tant mieux pour eux comme pour nous. La ville se fait étrangement calme. La ville est belle, elle aussi.

C’est à ce moment, pourtant, qu’on voit s’approcher deux patrouilles de police, une par trottoir. Les parents qui sont encore là tirent la manche des uniformes, se lamentent. Les policiers ont dû recevoir l’ordre d’aller voir ce qu’il se passe. Eh bien ils voient, et ils ne savent pas quoi faire ! Nous sommes quelques-uns à venir les observer de plus près. Les plus vieux des policiers sourient sous leurs casques, ils se regardent en hochant la tête. Ils calment les plus jeunes qui tâtent les grenades accrochées à leurs ceintures et qui parlent déjà de nous arroser avec leurs fameux gaz lacrymogènes. J’entends leurs talkies-walkies qui grésillent. Des voix d’hommes et de femmes y annoncent, les unes après les autres, que toutes les rues de la ville sont pareillement couvertes d’enfants. On devine que, comme Jo tout à l’heure, les grands chefs se grattent la tête. Scotchés et rendus impuissants par la situation.

Jusqu’ici, donc, tout va bien. Il fait bon rester dehors. L’après-midi s’est totalement effacée devant la soirée, et celle-ci est douce et savoureuse. Aucune raison de rentrer chez soi ou ailleurs. On est en sécurité, ici. Il y a même la police pour veiller sur nous ! Enfin, pas très longtemps, car les patrouilles repartent maintenant comme elles sont venues. A nous la liberté !

* * *

C’est à ce moment que notre petite foule commence à ressentir la faim et la soif. La faim, surtout. Ça se voit dans les yeux, qui se mettent à chercher tout autour d’eux ce que les bouches pourraient bien grignoter. Les assis se relèvent. Les voici qui tournent en rond. Qui chuchotent, cherchent des idées. Et peu à peu, presque sans y penser, on se lève aussi, on se dirige en petits groupes ici vers une épicerie, là vers une supérette, là encore vers une boulangerie. On y entre, sans trop se bousculer, par dizaines entières. Les commerçants nous regardent avec stupeur et ils sont tout de suite dépassés. Ils ne peuvent même pas fermer leur porte, ou bien ils n’y pensent pas. Nous sommes trop nombreux. Les policiers sont loin. Les autres adultes restent sur le trottoir, ils n’osent pas s’en mêler. Il ne nous reste qu’à dévaliser gentiment les étagères. Sandwiches, fromages, jambon, yaourts, chocolat, biscuits, baguettes de pain, gâteaux, bouteilles de lait et de Coca : tout est saisi, tout s’envole, tout disparait, tout sort en masse des boutiques. Il parait qu’en Afrique c’est ce que les nuages de sauterelles font aux champs, sur leur passage.

Et maintenant l’avenue, la placette, les rues tout autour sont devenues un gigantesque pique-nique. Nous avons l’appétit bien ouvert. Les denrées sont assez vite englouties. Du coup, le brouhaha des discussions est un peu retombé. Pas pour longtemps. Parce qu’il est assez vite question des emballages – que du plastique ! – , des bouteilles vides – que du plastique aussi ! Il faut les ramasser, les porter aux poubelles, disent les plus petits aux plus grands. « Pas de souci, vous vous en occupez », disent les plus grands aux plus petits. Et plusieurs petits s’exécutent. Jo, toujours à mes côtés, me tend une banane et commente : « Ambiance ! ».

Une fois résolu le problème des déchets – nous nous sommes voulus exemplaires ! – , un ballon apparait comme par magie, et un match de foot s’engage, avec les réverbères pour indiquer les buts. Démarrent aussi des parties de cache-cache, de colin-maillard – on m’emprunte mon écharpe. Un groupe de filles et de garçons se retrouvent, sans doute de la même école, et ils commencent à chanter en chœur. Sans doute ce qu’ils préparent avec leur professeur de musique pour la fête de fin d’année. Un peu casse-pied. On le leur fait savoir en sifflant dans nos doigts. Alors ils enchainent sur des trucs plus « modernes » qu’on connait tous. Ce n’est guère mieux, mais plus entraînant. On tape des mains en rythme pour les encourager. « Ambiance ! », marmonne Jo de nouveau.

Mieux encore, des pétards sont lancés. Pas beaucoup, mais assez, bien sûr, pour agacer la plupart des parents qui sont restés sur le trottoir. Assez même pour franchement les énerver. Ou pour les inquiéter, c’est pareil avec les parents. Il y en a, en tout cas, qui ressortent leurs téléphones. Il y en a quelques-uns, aussi, qui ont sorti des bouteilles d’alcool et qui sont pliés de rire en nous regardant. Ceux-là ont l’air de se dire : « Il se passe enfin quelque chose par ici ! ».

Mais bon, il faut dire que ce sont les enfants les plus âgés – je vois même que poussent sur eux des débuts de moustache, et sur elles de jolis petits seins – qui font le plus de bruit et qui, dirait-on, semblent le faire exprès. Qui s’excitent. Eux n’ont pas besoin d’alcool pour se marrer ou pour se disputer. Car il y a maintenant des disputes, et même un début de bagarre pas loin de moi. Les plus grands des plus grands, des lycéens à coup sûr, viennent essayer de calmer les choses mais parfois ils les font juste rebondir.

Pendant ce temps et malgré le vacarme, ou à cause de lui, les plus petits donnent des signes de fatigue. Ils s’assoient, ils se taisent. Des paupières commencent à flancher. Parmi eux, on se prend à somnoler. Parfois on s’allonge tranquillement : le sol et l’air sont encore tièdes. D’ailleurs la nuit est venue maintenant, et tous les magasins sont fermés. Plus aucun klaxon ne se fait entendre. C’est bientôt l’heure des chats, et même les grands commencent à s’agiter un peu moins.

* * *

Mais avant d’être celle des chats, c’est de nouveau l’heure des policiers. Les voici qui reviennent, en plus grand nombre. En silence, de tous les côtés, en longeant les murs. Et il en arrive d’autres, à moto ceux-là, qui se faufilent entre nous. Les uns, accrochés à leurs guidons, font attention à ne pas nous rouler dessus. Les autres, assis derrière eux, embouchent et font hurler des mégaphones. Ils s’adressent aux parents encore présents comme à ceux qui sont rentrés chez eux. Ou à ceux qui y sont restés, comme mon père sans doute. Ils leurs disent en gros qu’il est temps pour eux de venir récupérer leurs mômes. Ils veulent avoir l’air gentil, mais j’entends bien qu’ils menacent. Ils parlent de « responsabilité parentale », de « Code civil », d’amendes et de convocations chez le juge. Je ne comprends pas tout, mais je comprends que ça chauffe pour nos parents. Pour qu’on en prenne nous aussi de la graine, ils ajoutent que les enfants n’ont pas tous les droits. On les voit venir.

On dirait bien, tu vois, que les grands chefs, tout là-bas, ont repris des forces. Ils savent enfin quoi faire de nous. Enfin, ils croient ça ! Parce qu’une bonne masse de collégiens et de lycéens sont tout d’un coup de mauvaise humeur. Ils rouspètent, ils protestent, ils tapent du pied, même. J’entends une idée qui commence à tourner entre eux : « Plutôt que de nous laisser reprendre et enfermer, choisissons plutôt nos murs ! ».

Je ne comprends pas tout, non plus. Mais voici une vingtaine de garçons et de filles qui partent en bande. Ils disent qu’ils vont forcer la porte du collège et s’y installer. « Que les écoles nous apprennent au moins à nous débrouiller par nous-même ! ». D’autres groupes se dirigent vers le gymnase ou vers le Centre culturel. Ils disent presque pareil. « Qu’on puisse au moins faire du sport quand on veut, jouer de la musique comme on veut ! ». Certains ajoutent : « Maintenant, si des adultes veulent nous aider à nous entraîner, à répéter, ils sont les bienvenus ». Je me dis : « Belle jeunesse, ça, non ? »

Les mégaphones des motards ont réveillé les petits. On entend de minuscules pleurnichements. En vrai, quelques-uns partent déjà à la recherche de leurs parents. Ceux qui finissent par les retrouver n’ont pas d’autre choix que de se faire tirer par la main des mères ou prendre dans les bras des pères. Retour maison dodo. Game over.

Mais pas pour tous, oh que non ! Les plus grands sont bien décidés à faire ce qu’ils ont dit. Ils entreprennent de secouer les portes. Celles du collège, par exemple, de mon futur collège, sous mes yeux. Je me vois même donner un coup de main. Un coup d’épaule, plus tôt. Et, justement, j’entends le bois qui commence à craquer sous la pression de nos épaules.

C’est le moment qu’attendaient les policiers, je crois, pour intervenir et se mêler de nos affaires. Ça les démangeait un peu, depuis qu’ils étaient revenus. Des parents les rejoignent, des pères surtout. J’aperçois d’ailleurs le mien. Pas de petit frère dans les bras, ma mère a dû rentrer. Il est venu pour moi. Je n’ai pas, pas encore, envie de le suivre. Alors je me cache au beau milieu du désordre qui est en train de s’installer, et qui gagne peu à peu toute l’avenue. Mais les adultes et les policiers ont quitté leurs fidèles trottoirs. Ils sont bientôt partout sur la chaussée. Ils nous encerclent. Nous séparent en petits troupeaux, comme des moutons. Ils nous poussent dans le dos. C’est la fin de la fête, de notre fête.

D’ailleurs, plusieurs enfants s’éloignent, la tête basse. On voit bien qu’ils ont finalement décidé de rentrer chez eux, qu’ils connaissent le chemin. Les petits qui restent sont récupérés par leurs parents, parfois par un grand frère ou une grande sœur. Plus personne ne sourit.

J’ai perdu Jo de vue depuis longtemps. Un bras se glisse sous le mien. C’est celui de mon père. Il m’a retrouvé et ne me lâche plus. Il me tire vers chez nous, sans desserrer les dents. Il a l’air à la fois furieux et inquiet. Il ne sait pas quoi me dire. Ou bien – c’est tout lui, ça – il n’a rien à me dire. Et moi non plus. Pas besoin d’ajouter des mots à ce que nous avons fait, tous ensemble. Sans lui. Sans les autres parents. Sans les profs.

* * *

Le moment est venu de te saluer et de te quitter, cher ami lecteur, chère amie lectrice. Je suis rentré chez moi, en famille. On se reverra plus tard. J’ai accroché mon écharpe et mon blouson au porte-manteau. Je suis allé à la fenêtre qui donne sur le balcon. Elle était fermée, verrouillée même. A travers les carreaux, je voyais l’avenue qui continuait de se vider. Des voitures recommençaient à passer.

J’ai récupéré ma console de jeux. On m’a envoyé me coucher avec un verre de lait. Je devais me préparer à retourner en classe puisque, comme le remarqua ma mère avec un petit sourire pincé, on aurait dit que je n’étais plus du tout malade. Ils avaient tous raison, même mon petit frère qui comprendra plus tard.

Je devais en effet reprendre des forces et être en pleine forme, le lendemain, pour retourner à l’école et, surtout, pour être là – et bien là – au moment de la sortie de l’école.