Fonctionnement de TERRAIN D’ENTENTE

Ce temps long du confinement : Le journal de Terrain d’Entente

« L’annonce du confinement a été un choc, on ne s’y attendait pas. On a traversé des catastrophes mais pas sur notre période actuelle ». (Fathia)

Le temps a été suspendu. Une expérience inédite s’est imposée à nous tous. Face à une menace mortelle, nous avons du renoncer à tout ce qui construit notre quotidien qui nous a alors échappé. Nous avons du arrêter des activités qui assurent le maintient de notre existence, lui donnent du sens. Si cette remise en question radicale a concerné toute l’humanité, elle n’a pas été vécue de la même façon en fonction de la situation sociale de chacun.

Terrain d’Entente s’est efforcé de rester intègre par rapport à ses principes. Aujourd’hui, il nous semble indispensable de donner la parole à ses différents acteurs pour évoquer cette période. Il s’agit des différents membres de l’équipe et d’habitantes du quartier de Tarentaize-Beaubrun.Nous espérons que ce partage nous donne la possibilité de tirer des enseignements de ce que nous avons subi pour envisager autrement notre avenir.

Fathia: Le décès de la maman de Nabila, c’était horrible. C’est ce qui m’a marqué le plus. Elle s’est retrouvée seule pour faire son deuil. C’était inhumain de là voir pleurer de son balcon et de ne pas pouvoir là tenir dans nos bras. Sinon je sens que ça a rapproché les familles. Ca a crée des liens plus forts entre les parents et les enfants. Tu te découvres. J’ai retrouvé également des souvenirs en triant mes affaires. J’avais le temps. J’ai senti un élan de solidarité. Pour une fois, on était tous dans la même situation, tous pareils. Avec l’humain qui avait vraiment sa place d’humain. Des relations où ce n’est pas l’hypocrisie qui domine. De ne pas pouvoir être en lien avec les personnes ça permet de comprendre à quel point on y tient. Les gens te manquent, tu mesures plus ce qui a de la valeur dans la vie. La famille, l’amitié. Des relations qui sont précieuses. J’ai senti beaucoup d’émotions autour de moi la première fois qu’on s’est retrouvées. On a été mis face à la réalité. La vie, et la mort…. On le sait mais ça a permis une plus grande prise de conscience. Dans le quartier, un petit collectif s’est organisé pour que personne ne soit oublié. Le mari de Nabila y a participé. Une somme d’argent a été récoltée entre les habitants, durant toute la période du confinement, pour proposer des colis alimentaires à ceux qui n’avaient plus rien. Cette solidarité s’est prolongée durant toute la période du ramadhan. Des familles préparaient chaque jour des repas que des bénévoles de la mosquée distribuaient. Le regard des gens a changé. On est tous pareils avec les masques. Le port du voile qui était choquant auparavant a trouvé sa place comme une mesure de protection nécessaire aujourd’hui. Ca fait du bien la fin de ce racisme! Ce que je retiens surtout du Covid c’est le développement des solidarités ».

Une annonce que nous n’avons pas su anticiper: le coronavirus s’est propagé partout dans le monde! De l’épidémie annoncée en Chine, nous découvrons que la pandémie va immobiliser toute l’activité humaine! La veille du discours présidentiel qui annonçait l’injonction à l’auto enfermement, nous étions sur le terrain avec les familles, c’était un Samedi. Nous avions prévu des petites mesures d’hygiène: de l’eau, du savon pour encourager les enfants à se laver les mains. Les verres et le goûter étaient restés au garage. Le lundi tout le monde devait rester confiné chez soi!

Zahia: « Je vais vous exposer mon ressenti sur la situation actuelle qui est inédite et déroutante à la fois. CONFINEMENT. Un mot que beaucoup de gens ne connaissaient pas , mais qui allait mettre tout le monde, oui le monde entier dans une situation de retrait social , physique et économique pour cause de crise sanitaire mondiale. Ce virus a fait des millions de morts dans le monde sans distinction de lieu,de race, de couleur, de richesse ou de pauvreté. Tous les continents ont été touché, toutes les populations ont vécu cette situation inédite et particulière. Confinement, un mot que je ne connaissais pas . On a tous été obligés de nous confiner, tout s’est arrêté! On aurait cru être dans un film américain d’apocalypse! On a pu remarquer que même les grandes puissances mondiales, les pays dotés des dernières et meilleures technologies n’ ont pas pu échapper à la contamination de ce nouveau virus . Un virus venu de Chine et qui a provoqué une pandémie mondiale, une contamination à laquelle personne ne s’attendait et n’était préparé. J’ai été choquée d’entendre tous les soirs vers 20h00 , le Professeur SALOMON qui venait nous annoncer , nous énumérer le nombre de morts par jour. L’ image de l’alignement des cercueils dans une longue fosse aux Etats -Unis à été impressionnante. Tout le monde : riche comme pauvre, adulte comme enfant, patron comme chômeur, toutes les nationalités , toutes les cultures et toutes les religions du monde ont été touchés. L’Humanité sans aucune distinction et cela doit nous amener à réfléchir sur notre façon de penser, sur notre rapport à l’ autre , sur nos dirigeants etsur notre avenir surtout. Rien n’ est acquis , l’ Homme restera toujours vulnérable sa connaissance, son intelligence, malgré le progrès . Il faut réfléchir sur le sens même de la vie et sur notre rapport aux autres. Une chose positive , c’ est que cette expérience nous a permis de réfléchir et de nous recentrer sur l’essentiel, et non sur des choses éphémères. BON COURAGE A TOUS ».

Devant la bonne volonté manifestée par le plus grand nombre, d’utiliser ce « temps libre » imposé pour apprécier les petits plaisirs de la vie familiale, nous avons vécu la première semaine comme une opportunité. Pour notre vie d’équipe, comme pour l’ensemble de notre collectif, nous avions enfin du temps! Ce temps qui nous manque toujours pour enrichir notre site de témoignages; pour finaliser des projets tous ensemble, en réfléchissant aux enjeux, en prenant en compte l’avis de chacun; pour s’astreindre à rédiger les bilans exigés par chaque financeur; pour organiser des vacances dignes de ce nom…. Nous avons mis en place des temps de réunion plus fréquents pour tenter de répondre à la complexité de ce nouveau contexte. Car pour construire des actions qui répondent aux besoins réels, et qui deviennent transformatrices, les temps consacrés à la discussion sont essentiels, déterminants. Nous avons besoin de la capacité de chacun à comprendre, analyser, proposer. Nous avons pris également le temps de téléphoner à chacun et à chacune. Nous avons partagé ainsi des moments d’intense intimité, à parler de nos conceptions de l’existence, de ce qui avait du prix à nos yeux, et de ce qui était ressenti comme une difficulté… Des échanges en vérité qui renforcent les relations. Très paradoxalement, malgré la conscience d’avoir à traverser un moment difficile, inédit et plein d’incertitudes, les premiers jours ont été vécus comme un souffle un peu nouveau. Nous avions le sentiment, en acceptant de bonne grâce cette lourde réduction de nos libertés, cette limitation volontaire de nos déplacements et de nos relations, de participer à cet effort collectif pour vaincre cette maladie inconnue. Nous trouvions notre place dans cette épreuve qui nous concernait tous. Nous étions comme tous les autres. La question des lieux de prières fermés à tous concernaient les citoyens de toutes les confessions. Il n’y avait plus ce discours sur les musulmans qui, par leur pratique, semblaient pour certains, contrevenir aux valeurs de la République. Nous devenions un peu égaux.

Bertrand: « Guerre », « confinement », « Gestes barrières » et « mesures de distanciation sociale »… Autant, à titre personnel, le confinement m’a permis de vivre un temps unique de repli familial tourné vers des choses plus essentielles, avec un rythme de vie beaucoup moins épuisant. Autant en ce qui concerne mon engagement à Terrain d’Entente, au fil des jours, je m’épuisais à ne rien faire et trouvais de plus en plus difficile le fait de ne plus faire vivre les projets de l’association, les actions qui faisaient mon engagement. Les termes utilisés par notre système gouvernant pour justifier la gestion de la crise, étaient aux antipodes de ce que peut / veut proposer l’association : • « Confinement » alors que nous faisons le choix d’être dehors de manière inconditionnelle. • « gestes barrières » et « Mesures de distanciation sociale » alors que l’association lutte depuis 9 ans pour casser ces barrières et processus de distanciation déjà existant et enclavant socialement les habitant-e-s des quartiers. • « Guerre » alors que nous appliquons des principes de non-violence et sommes convaincus que la guerre ou l’affrontement visant la destruction ne sont en rien précurseurs de paix ou retour au calme. Ceci, cumulé aux nouvelles lois en vigueur interdisant ou limitant drastiquement nos déplacements sur l’espace public, la mise en place de nos actions devenait impossible. Cependant, les difficultés sociales que vivent des personnes fréquentant l’association étaient toujours d’actualité et le manque de services proposés sur le quartier devenait inquiétant. Ainsi, les premières semaines, nous avons essayé de concevoir nos missions à distance par le biais d’appels et conférences téléphoniques. C’était loin d’être suffisant, on captait les difficultés rencontrées par chacun mais restions impuissants à pouvoir y apporter des réponses collectives. Seules les projections sur des périodes futures soulageaient mon implication au sein de l’association : organisation de l’été et de l’année prochaine. On pouvait alors imaginer des jours plus libres. Finalement, juillet et août seront bien plus compliqués à projeter puisque à priori les voyages à l’étranger seront annulés. Il faudra revoir nos prévisions de fréquentation à la hausse, sans être sûr d’avoir des moyens supplémentaires…

Claire: Les trois premières semaines du confinement, la commission vacances a continué de se réunir. Nous avons eu trois réunions téléphoniques, grâce à Ramzi qui organisait ce temps : Bertrand, Ramzi, Fatiha, Stéphanie et Claire. Nous avons bien travaillé durant ces réunions, prévisions des séjours, du nombre de personnes, établissement des budgets : locations, transports, loisirs, nourriture… bref, tout comme l’an dernier, sauf que nous n’étions pas dans la même pièce mais chacun chez soi !ça nous faisait du bien de se retrouver au téléphone, et aussi de mettre en forme des projets pour l’été 2020, même si nous n’étions pas du tout certains que tous seraient possible avec ce satané virus. Une grande occupation a été aussi de chercher des idées de sites où l’on trouvait des activités pour les enfants qui puissent être réalisées avec ce que l’on a à la maison, des sites d’activités sportives à la maison pour les adultes, les enfants.

Au cours de nos longs entretiens téléphoniques, nous avons entendu aussi d’autres témoignages. Plusieurs de ces pères et de ces mères allaient devoir poursuivre leur travail: vider nos poubelles, remplir les rayons des super marchés, assurer le ménage et la désinfection des locaux, se rendre auprès de nos aînés pour en prendre soin. Les « premiers de corvée » n’ont pas eu de répit, bien au contraire. Les annonces en boucle des morts qui augmentaient, des hôpitaux saturés, des malades qui ne pouvaient pas tous être accueillis en réanimation, ont eu raison de notre premier élan de bonne volonté.

Amel: « Les deux premiers jours de confinement ont été très difficiles. J’étais malade, j’avais besoin de me reposer. Les enfants n’avaient pas l’habitude de rester enfermés à la maison. Quand ils voulaient sortir je leur disais « si vous sortez, vous allez m’apporter la mort! ». J’ai eu mal de les retenir, surtout les adolescents pour lesquels c’était le plus difficile. Les deux plus grands avaient envie de faire des jeux sur la play en même temps, ils étaient beaucoup en conflit. Peu à peu, on a trouvé un mode d’organisation. Dans notre appartement, nous n’avons pas de balcon. Il y a une petite cour pour tous les habitants de l’immeuble, mais nos enfants n’y allaient pas. Ils ont passé un mois, sans voir le soleil! Puis leur père les a sortis un par un, pour qu’ils prennent un peu l’air. Le sport à la maison, c’était difficile, on avait peur de déranger les voisins. Durant deux mois, je n’ai pas vu mes voisins. J’ai fini par leur envoyer un mail pour prendre de leur nouvelle. Les réseaux sociaux m’ont aidée. Il y a plein de choses à partager. J’ai apprécié tous les liens que j’ai eu avec les autres grâce à face book, « whatsapp » , le partage de vidéo avec les femmes de terrain d’entente. On se passait le « bonjour » avec l’association « vélo en quartier ». J’ai beaucoup écouté les informations pour savoir ce qu’il se passait dans le monde. Entendre que peu à peu, il y avait moins de morts, ça m’a rassurée. Je ne me suis pas sentie en difficulté pour aider mes enfants dans leurs devoirs, mais il y en avait trop, avec des limites de temps imposées pour réaliser certains exercices. On me demandait de chronométrer ma fille qui est en CE1!. On n’arrivait pas à tenir les temps. J’étais inquiète. Ca remplissait toute la journée, j’étais pas préparé à faire tout ça. Et j’avais autre chose à faire: le ménage, la préparation des repas pour 6 personnes. Je me suis organisée. J’imprimais tout le travail scolaire le matin. Mais nous nous sommes retrouvés en panne de cartouche. Mon mari a parcouru toute la ville, dans plusieurs grandes surfaces, il est allé jusqu’à Andrézieux et finalement il a trouvé la dernière cartouche, mais elle était en couleur, ce qui nous a coûté plus de 40 euros!. Il l’a achetée, on n’avait pas le choix. Le matin je faisais le travail de la maison pour toute la famille, et l’après midi , le travail de l’école qui nous prenait 6 heures par jours. C’était très dur de devoir sortir avec un virus qui circule. Les rares fois que je suis sortie, c’était très calme. Il y avait très peu de personnes dehors. L’air était lourd. Je sentais que beaucoup de morts circulaient. J’arrivais pas à marcher. Je suis sortie avec un masque, des gants, j’avais peur de toucher quoi que ce soit. Je ne savais pas vraiment comment ce virus se transmettait. J’avais trop de questions sans réponse. J’avais peur d’ouvrir les fenêtres avec le virus qui circulait, c’était étouffant. Mon mari sortait une fois par jour. L’enfermement était très dur pour lui. Au début il s’est occupé de faire des réparations dans l’appartement. Il aime beaucoup bricoler, mais on n’a pas de place pour ça. Tous les examens que je devais passer pour mes problèmes de santé ont été annulés. J’ai été rappelée au bout de plusieurs semaines. Mais certains examens n’ont pas pu être encore réalisés, il faut attendre encore, après le déconfinement. Je n’ai toujours pas eu de rendez vous. Ce qui m’aurait aidé, c’est d’avoir une maison avec un jardin pour que les enfants puissent profiter de l’extérieur. Le confinement nous a donné le temps de réfléchir. A tout ce à quoi on tenait, de ce qu’on avait « avant ». Notre liberté de sortir. On n’en tenait pas compte avant: le plaisir de partager le trajet de l’école avec les enfants, de voir les gens….Tout ça nous a manqué. Le confinement m’a donné le temps de réfléchir sur ce qu’il y a de mieux à faire. Nos réunions au café des femmes, c’étaient des moments ensemble. Des moments de partage, d’échanges pour savoir ce qu’il se passe. Il faut changer notre vie après le confinement. Je voudrais faire beaucoup de sport pour prendre soin de ma santé. Je voudrais avoir la liberté de sortir pour faire des choses pour moi même et pour les autres. Pour aider. Donner de mon mieux. Laisser de bonnes traces. Est-ce que j’ai fait du mal? Est-ce que j’ai demandé pardon? Est-ce que j’ai fait du bien? Quel est le sens de ma vie? On réfléchit pour mieux donner. Le virus est venu comme ça, il attrape des innocents qui n’ont rien fait. On réfléchit chaque jour à la mort, on se dit qu’on va mourir dans son lit. Mais mourir comme ça c’est trop difficile. Chaque jour je priais pour ne pas mourir dans le corona. J’ai vu comment ils traitaient les morts avec du désinfectant. Ils les mettaient ensuite dans un sac en plastique. Pas de famille pour entourer le défunt. Pas d’amis. C’était l’armée qui s’occupait d’emporter les corps et qui circulait la nuit. Personne ne savait qui était dans les camions. Si c’était mon père, je ne sais pas dans quel camion il est! C’est comme s’ils jetaient les morts. Les morts, ils ne méritent pas ça! Dans ma religion, il faut les traiter au mieux, les honorer. Aujourd’hui, c’est le déconfinement et je ne me sens pas libre. L’état nous dit « vous allez sortir 3 semaines en test » Qu’est ce que ça veut dire « en test »? C’est pas normal de faire prendre des risques aux gens! Le virus il est toujours là! C’est pas logique de « tester » les gens! Allez, sortez! Tout le monde va dehors! Et le virus, il est où? Est ce qu’il y a des médicaments? Est ce que c’est sûr que toute la France est désinfectée? Tester les gens? Ils attrapent le virus et ils meurent. Certains n’ont plus de symptômes. Qui peut savoir que telle personne est porteuse du virus? On ne doit plus s’embrasser, plus se serrer la main. On sait que les chinois ne se serrent pas la main. Mais le virus il vient de là! Au début, ils disaient que les enfants sont porteurs du virus. C’est pour ça qu’ils ont arrêté l’école. Mais aujourd’hui ils ouvrent les écoles. Moi, je suis une personne malade. C’est sur qu’ils vont se toucher les enfants! Un porteur de virus touche une table, et c’est bon! Le virus vit 3 heures sur un meuble. Le masque est une protection. Le lendemain ils disent que non! C’est juste les personnes malades qui doivent se protéger d’un masque. Je ne comprends pas: le masque, c’est une protection pour moi ou pour les autres? Est ce que le masque suffit? Ils disent: « il faut porter des gants ». Quand je suis allée à l’hôpital pour faire soigner mon fils qui s’était blessé, les soignants m’ont interpellée en m’expliquant que les gants c’étaient des conducteurs du virus! Il fallait prendre du gel. mais il y avait des ruptures de stock! J’ai donc touché des portes, sans pouvoir me nettoyer avec du gel, et je suis rentrée chez moi le virus à la main! J’ai finalement pu acheter du gel en pharmacie qui coûtait 4 fois plus cher! Les gens de la STAS, les soignants, ils ont une protection transparente sur le visage. Pourquoi eux et pas nous? Pourquoi l’Etat n’a rien fait? Les masques qui sont distribués dans la rue ne sont pas protégés d’une enveloppe en plastique, et les gens mettent ces masques exposés à l’air libre, directement, sur leur visage! Est ce que c’est vraiment une protection? J’ai peur.

Nous avons été également témoin d’un drame. Une grand mère que nous connaissions tous et qui nous a quittés, suite à un arrêt cardiaque. Les règles du confinement ont interdit toute manifestation d’empathie pour sa famille, aucune visite, aucune présence n’ont été possible. Un enterrement provisoire a été assuré, sans savoir à quel moment cette dame pourra retrouver sa place parmi les siens en Algérie. Un deuil qui n’a pas pu se faire. L’une de ses filles en a subit un très lourd préjudice. Le souffle s’est transformé en sentiment d’oppression, la peur s’est installée dans de nombreux foyers. Sortir de chez soi devenait un vrai supplice. Alors nous avons continué à faire ce qui nous mobilise depuis toujours: rester « présent », accorder beaucoup d’attention à ce qui se manifeste, pour tenter d’y apporter des réponses.

Aïda : Durant cette période de confinement j’ai été en contact avec les pré-ados via les réseaux sociaux, nous avons créer un groupe afin de pouvoir partager des informations aux jeunes ou bien parler tous ensemble des difficultés qu’ils pouvaient rencontrer pendant le confinement. Il y a eu pour eux deux gros problèmes : le premier est le fait de ne pas pouvoir sortir. Eux qui étaient très souvent dehors ont mal vécu le fait d’être « enfermé » (Cilia : « chui comme une folle chez moi en plus il fait beau sa mère dehors »). Le deuxième problème: l’école à la maison, suivre les cours à distance, les multiples devoirs donnés par les professeurs à rendre rapidement même pendant les vacances! et les difficultés qu’ils ont rencontrées pour les faire (Asma : « J’en ai marre, je te jure je suis fatiguée, j’ai fait beaucoup de travail en plus taleur j’ai eu cours, en plus j’ai fait des exercices, j’ai trop fait pour aujourd’hui! ») (Mehdi : « c’est trop les devoirs même pendant les vacances ils nous en donnent plein ») . Grâce à ce contact que nous avons gardé via les réseaux, certains jeunes ont demandé de l’aide pour pouvoir faire leurs devoirs que nous avons tenté à distance, nous avons pu tous ensemble faire des jeux pour se divertir et pendant un moment oublier la situation dans laquelle nous étions.

Marion : Au fur et à mesure que les semaines passaient je tenais à proposer aux familles des activités pour les jeunes enfants. Ayant une connaissance plus particulière des tout-petits je me suis lancée dans une chasse aux activités. J’ai alors recueilli un grand nombre d’activités, que je mettais « en forme » pour qu’elles soient simples à réaliser. L’équipe transmettait ensuite ces activités aux familles. J’ai eu quelques retours « Il en faudrait pour les plus grands » «C’est génial je peux faire des activités avec mon enfant je n’en fais jamais, il est petit ». Ces remarques intelligentes m’ont poussé à élargir mon éventail de propositions ! Plus tard, avec les écoles qui donnaient toujours plus de devoirs, les activités que j’envoyais n’avaient plus trop de sens, à part surcharger les familles encore plus dans leur culpabilité de ne pas trouver le temps pour faire des activités. Du coup mes recherches ont été réalisées pour pouvoir porter des activités simples pendant les « terrains » !

Fyala: « Le 16 mars la France est confinée, les enfants doivent rester à la maison mais restent en contact avec l’école grâce à Internet pour suivre le contenu des leçons et devoirs. Chaque jour, les devoirs tombent comme de la grêle! Chaque enseignant exige des élèves ( mes enfants : PS-CM1-6eme- seconde, terminale) un travail fait et rendu pour chaque matière. Les deux grands travaillent seuls dans leur chambre. Ce n’est qu’après quelques jours que je me rends compte que je ne vois presque plus ma fille, qui est en terminale, sortir de sa chambre. Je lui pose la question, elle me répond quelle est débordée, le travail demandé est plus lourd que d’habitude, et qu’elle doit toujours être à jour dans son travail et présente quand il y a classe virtuelle. Pour les deux plus jeunes je m’ appuye sur mon mari . Il est chargé de télécharger leur travail scolaire. L’imprimante n’arrête pas: elle imprime les leçons et les exercices chaque jour et pour tous les enfants! Au bout de quelques jours l’imprimante n’a plus d’encre. Nous ne trouvons plus de cartouche sur le marché, il faudra attendre une semaine pour en trouver à nouveau. A la maison les enfants se bagarrent entre eux pour avoir le PC ou l’ordinateur pour le travail de l’école mais aussi pour tuer le temps en regardant des séries , des films ou jouer. L’ordinateur ne supporte pas, il surchauffe et s’arrête. Les jours passent, ils se ressemblent , enfermés entre quatre murs les enfants se lèvent tard ils dorment jusqu’à midi mangent et font leurs travail en traînant les pied , le soir tombé je remarque qu’ils ne dorment plus au heures habituelles. Ils veillent jusqu’à l’aube. Je n’arrive pas à coucher la plus petite avant minuit. Le matin je trouve la cuisine en désordre se sont les enfants qui se mettent à cuisiner à trois heures du matin quand ils ont un petit creux ou pour se faire plaisir . De mon côté j’essaye du mieux que je peux de suivre la scolarité de mes enfants qui sont en CM1 et 6eme. Je trouve que c’est dur, ça me stresse et me fatigue. La maîtresse de mon fils a mis peu à peu en place une classe virtuelle une fois par semaine. Je compte sur ma fille pour mettre le code de la réunion sur l’ordinateur tandis que moi je me transforme en policier pour faire régner l’ordre lors de la conversation : interdit de déranger, de parler et surtout ne pas se bagarrer! C’était vraiment un moment de tension chez nous pendant une heure . Pour le travail de ma fille qui est en petite section de maternelle, j’ai baissé les bras. Bien sûr je travaillais avec elle mais à ma façon. Son maître m’a téléphoné pour m’encourager à suivre le travail numérique. Alors j’ai fais de mon mieux je l’ai inscrit a « educartable » et depuis nous travaillons ensemble. Aujourd’hui le confinement est terminé les enfants vont reprendre le chemin de l’école. J’espère que tout ira pour le mieux pour eux, pour moi et pour le monde entier. AMEN. »

Ramzi : Il était évident que le télétravail pour lutter contre l’exclusion et la misère des uns et des autres allait être un coup « d’épée dans l’eau ». C’est pourquoi en discutant en équipe et avec les familles, nous avons pu identifier diverses besoins pour lesquels les jeunes pouvaient contribuer en donnant un coup de main en ces temps difficiles. Ainsi après sondage auprès des jeunes via les réseaux sociaux, je leur ai proposé d’aider des personnes vulnérables et plus particulièrement sur la tache des courses alimentaires pour éviter aux plus fragiles de se mettre en danger. De manière très spontanée la stricte majorité m’ont répondu : «Ramzi on est chaud ( partant) ». Adem ajouta « mais on va pas faire ça gratuit ». D’autres étaient un peu plus direct Mehdi :« je gagne quoi moi je suis pas un pigeon» Certains étaient sur d’autres réflexion du type « c’est sûr ces gens font zerhma (exprès) d’être dans la merde, ils ont pas besoin nous ». Ou plus simplement Fares « je veux bien aider si tu me fais un tour de vago (voiture )». Après discussion j’ai donc invité les uns et les autres à tenter l’expérience dans la mesure où ils avaient plus de temps que d’habitude en cette absence d’Ecole. Face à cette sollicitation la stricte unanimité des jeunes que j’avais contactés étaient près à être solidaires. Dès lors il nous fallait juste trouver les modalités d’organisation collective afin de créer une sorte de communauté d’entraide. Le leitmotiv était « frère y a rien à faire faut bien servir à quelque chose ». Malek D’autant plus que dès la première semaine et l’entrée en vigueur rapide de l’interdiction de tout déplacement non justifié, plusieurs jeunes du quartier avaient déjà subit des amendes de 135€ pour non respect du confinement car ils étaient dehors seulement au quartier. A ce moment-là avec les jeunes, nous étions d’abord beaucoup en contact via les réseaux sociaux. Je leur envoyais régulièrement des petites vidéos de sport à faire chez soi, des clips de musique véhiculant des messages éducatifs ou simplement marrants. Certains se plaignaient en effet des amendes. Malek me dit « les keufs s’ils auraient notre âge c’est sûr ils auraient pris des amendes comme nous » Adem lui répondait : « frère de toute façon on les paiera jamais ». Un autre jeune a profité du confinement pour construire avec des potes un projet musique. Il s’est donc mis à faire lui-même du rap. Younes m’envoyait ces petit extraits en me disant « regarde ma musique est mieux que tout le monde mais je suis pas connu». Une phrase de résilience! Cela me faisait penser à cette urgence de valoriser ces jeunes et en même temps de les encourager à persévérer dans leurs efforts. Nous avons donc demandé à ces jeunes de nous aider à aider les autres afin qu’on puisse nous mêmes les aider en retour durant les vacances d’été. Bon nombre d’entre eux ne vont en effet pas pouvoir sortir du quartier. Cette entre aide a donc commencé dès la deuxième semaine du confinement et perdure encore à l’heure actuelle. Concrètement et dans le respect des normes sanitaires ( masque, gel hydro alcoolique, distanciation sociale, attestation de déplacement), deux fois par semaine, je prenais avec moi un à deux jeunes pour faire les courses à des personnes très vulnérables que nous avions identifiées en amont ( assez âgées ou malades voir sans moyen de locomotions) sur le quartier de Tarentaize. Avec les familles je préparais une liste de course et je la partageais entre jeunes qui étaient en autonomie, même s’ils pouvaient compter sur moi en cas de difficulté. Grâce à ces petites expériences j’ai pu voir à quels points ces jeunes étaient compétents et qu’ils pouvaient réellement aider. Youcef savait où était placés la plus part des produits en grande surface, chose que seul j’aurais mit 4 fois plus de temps à trouver. Il me disait même : « t’inquiète quand il faut être op je suis op ( opérationnels) ». Ichem qui était réticent au départ à l’idée d’aider « gratuitement » m’a fait cette remarque dès sa première intervention « Ramzi c’est pas normal dans cette vie on laisse des grands mères porter des bouteilles de gaz toutes seules ». Dans ce cadre au service de l’intérêt général, les familles étaient ravies de laisser sortir leurs adolescents qui en avaient cruellement besoin. C’est ainsi à travers ces petites solidarités que plusieurs adolescents ont pu trouver une place certes ponctuelle, mais qui avait du sens pour eux. En retour les personnes vulnérables ont pu ouvrir leurs portes à ces jeunes avec une confiance qui augmentait au fil du temps. J’ai encore cette image de cette dame qui donne de l’argent liquide à un jeune qu’elle ne connaît pas. Cela est à mon sens porteur pour l’avenir.

Notre volonté tout au long de ces semaines, a été « d’ouvrir des fenêtres », tenter de sortir du malaise de plus en plus envahissant. Les « vacances de printemps » approchaient, on venait d’apprendre que le confinement se prolongeait jusqu’au 11 Mai! Une perspective très inquiétante pour les enfants, beaucoup ne sortaient plus de leur appartement. Comment allaient-ils supporter cet enfermement dans la durée? Nous avons alors décidé de proposer des distributions de jeux, livres, coloriages pour apporter un peu de nouveau dans ce quotidien où les repères dans le temps devenaient plus diffus. Notre premier rendez vous au coeur du quartier a nécessité une semaine d’organisation! Dans cette fameuse »Attestation de Déplacement Dérogatoire », personne n’avait envisagé que les enfants pourraient avoir d’autres besoins que de manger, dormir et faire leurs devoirs. Nos échanges téléphoniques avec des agents de la Mairie, du Commissariat, et de la Préfecture, ont permis de faire reconnaître cette initiative comme nécessaire.

Bertrand: Las de ne pouvoir rien faire, nous avons adapté notre position à cette période, en passant du « faire avec » au « faire pour ». En effet, après avoir identifié des besoins prioritaires, nous avons imaginé quelques actions qui pourraient y répondre et nous permettre d’être présents sur le quartier : • accompagner certaines personnes dans l’incapacité d’effectuer leurs achats de premières nécessité • organiser des temps de distribution et d’échange quasi hebdomadaire de jeux de société, livres, puzzles, coloriages, attestation de sortie et matériel scolaire,… • transmis 22 ordinateurs sur le quartier à des familles dont les enfants n’arrivaient plus à suivre le travail demandé par leurs établissements scolaires. Je fus agréablement surpris par l’implication de nombreuses personnes et organisations qui ont accompagné de manière sincère et désintéressée nos différentes actions : • les brigades de solidarité de Saint-Etienne pour les récoltes de dons et la mise à disposition de militants qui nous accompagnaient à préparer et mener les distributions; • la fondation Abbé Pierre pour les fonds exceptionnels attribués à l’achat d’ordinateurs, de jeux de société et aide vitale; •une partie du personnel de la médiathèque pour avoir transmis des livres de très bonne qualité, en quantité; •la présidente de l’amicale Laïque de Beaubrun qui a effectué près de 3 000 copies; •ENVIE pour leur réactivité sur cette période de vie pourtant au ralenti, qui nous ont mis à disposition les ordinateurs.

Claire: La recherche de masques a mis à contribution des gens qui ne se connaissaient pas, certains ne connaissaient pas Terrain d’Entente et cela nous a donné l’occasion de nous présenter ! La solidarité a joué à fond, ceux qui ne pouvaient pas en faire car n’avaient plus de tissu, ou d’élastiques, nous donnaient un autre contact. Avant le 11 mai, nous avions 170 masques, donnés par : Philippe Léonard (110) le collectif Masquesaintetienne (50), et des couturières voisines qui ont trouvé tout naturel de donner de leur temps et de leur talent pour en confectionner aussi : UN GRAND MERCI à tous !!

Marion : La distribution commence avant tout par une réflexion, une installation, une organisation. J’ai pu aider à installer plus précisément trier encore et encore, les jeux, les livres dans une cohérence d’équipe jamais au complet pendant ces temps-là. Pour la dernière distribution toute l’équipe était présente et nous avons pu apporter du sourire sur des visages, des rires d’enfants, des discussions, des retrouvailles ! Je suis contente d’avoir participé à ce renouveau du quartier Tarentaise ! Malgré le fait que mon visage ne soit pas très connu, les gens me parlaient, me demandaient des conseils, me souriaient ! Je voyais comme une libération dans les visages, une libération de pouvoir sortir chercher des jeux, croiser les voisins !

Martin: Je n’ai participé qu’à la dernière distribution donc je ne peux pas m’exprimer sur celles d’avant. J’ai quand même ressenti une grande joie qui cachait une grande peur, il y avait la joie de se retrouver, de revoir ses amies, de pouvoir échanger des nouvelles mais il n’y avait qu’un seul sujet de discussion “Le confinement” et toutes les douleurs qui en ont découlé. Certaines des familles ont été “démolies” mais ces distributions ont peut être été le début d’une longue rémission qui soignera les cicatrices de cette crise.

Sur les trois temps de distributions réalisés, nous avons senti une belle évolution. Les rares enfants qui nous ont rejoins la première fois sont arrivés avec des manteaux d’hiver! Ils n’avaient pas remarqué qu’on avait changé de saison! Ils ne manifestaient que peu d’enthousiasme face à nos propositions. Cet appétit de vivre, tous ces élans qui les caractérisent s’étaient peut être un peu émoussés? Par contre les pères étaient beaucoup plus présents que durant nos rendez vous habituels. Ils sortaient pour laisser leur famille à l’abri! La deuxième semaine, nous avons retrouvé des mères, et des enfants plus demandeurs! Plusieurs avaient rapporté des jeux à échanger avec d’autres. Ils savaient que ce partage permettrait de vivre des journées plus lumineuses. Des dons ont ainsi circulé entre nous. Notre dernière rencontre nous situait déjà dans « l’après confinement ». Nous étions tous plus détendus. Plusieurs familles se sont un peu attardées pour discuter entre elles, et pour rire aussi!. Certaines ne s’étaient jamais croisées dans le quartier depuis toutes ces semaines.

Bertrand: Bien que ces actions aient été très bien vécues par tout le monde, j’étais mal à l’aise dans ce rapport de faire pour et ce manque de concertation avec la communauté que forme habituellement l’association. J’ai hâte de retrouver nos relations antérieures et ces rapports collectifs et démocratiques entrepris depuis toutes ces années.

Ramzi : Concernant les ordinateurs cela s’est fait à travers les nombreux appels téléphoniques. Mon coup fil se résumait à un simple « comment ça va en ce moment? ». Le plus frappant chez ces familles c’est qu’elles ne demandaient rien à personne et, malgré leurs précarités, elles étaient toujours prêtes à donner un coup de main. Zahia une maman de 5 enfants aidait une femme âgée et très malade depuis plus de 2 ans. Je lui ai donc proposé de l’épauler en ajoutant : « prends soin de toi » et là elle ma répondu « oui mais dieu compte le khir ( bien ) qu’on fait au autres pas à nous mêmes ». Pour d’autres comme Karima qui m’expliquait « smehli ( désolée) j’étais pas joignable car mes enfants font leurs devoir sur mon téléphone ». Safia:« ma formation pôle emploi d’habitude je la fais sur l’ordinateur là-bas maintenant je peux pas parce que ça marche pas sur le téléphone ». Ou encore Yakoub un lycéen en filière scientifique qui me dit « c’est chaud de faire mes devoirs vu que tout le monde chez moi utilise l’ordi ». Cela était valable pour l’ensemble des familles nombreuses qu’on connaissait. Collectivement, nous avons pu trouver des solutions. Yakoub me demanda s’il était possible d’imprimer des feuilles pour pouvoir réaliser son travail. Et des partenaires sur le quartier nous ont permis cela. Yakoub a pu récupérer l’ensemble de ses impressions et celles de ses potes. « Ahchum (c’est rien), c’est normal » Dans cette dynamique solidaire un autre jeune qui m’avait accompagné pour les courses a appris que la fondation Abbé Pierre allait nous permettre de financer des ordinateurs. « non, saha ( merci) Ramzi, propose aux autres, ils ont plus besoin pour moi c’est fini pour moi l’école de toute façon. ». Face à cette difficulté qu’a présenté le confinement pour l’ensemble de la population, ces quelques jeunes ont pu faire preuve de résilience au service de tous.

Bertrand: Durant mes interventions sur le quartier, j’ai perçu une évolution des visages d’enfants qui sur la fin du premier mois m’apparaissaient vidés et inertes, alors qu’au fil du deuxième mois et surtout après le début du ramadan ceux-ci me semblaient reprendre vie. Cela correspondait avec une pratique du confinement moins tendue, perceptible par le nombre de personnes dans l’espace public de plus en plus conséquent. Ce qui rassure sur les aptitudes à sortir d’une telle expérience, mais nourrit mon inquiétude profonde concernant les impacts de ces méthodes inadaptées à nos besoins sociaux pour celles et ceux qui ne sortent pas encore ou très peu. Quels seront demain les réactions des enfants d’aujourd’hui suite à cette expérience ? N’est-ce pas plus dangereux que les risques de contracter le COVID-19 ? De plus, le dé confinement est loin d’être ce que j’imaginais et notre retour « à la normale » est loin d’être clair pour notre association. L’évidence est que Terrain d’Entente doit continuer d’être présent malgré les mesures sanitaires, mais comment allons-nous pouvoir effectuer des gestes de protection? Comment être « collectivement responsable » à 1 mètre de distance ? Avec un masque et à moins de dix regroupés au même endroit ? Nous devons revoir notre organisation afin d’adapter nos problématiques sociales à la protection sanitaire des personnes les plus vulnérables. Et pour le coup, il ne faudra pas faire pour, mais bien refaire avec.

Les prix des produits de première nécessité ont doublé tout au long de cette période. Les familles ont du s’affronter à une nouvelle difficulté. Le manque d’argent pour subvenir aux besoins élémentaires. Dans ce territoire, comme dans bien d’autres, le quotidien est devenu difficilement supportable. Les discours des représentants de l’état se sont contredits à plusieurs reprises. Toutes les contraintes subies ont mis à mal l’équilibre de vie familial. Un sacrifice qui a coûté trop cher. Les discours présidentiels et de ses représentants ont perdu toute crédibilité. Dans ce contexte d’urgence sanitaire, il nous faut réinventer d’autres façon de faire et de se retrouver collectivement. Nous souhaitons maintenir ce qui fait sens pour nous dans l’acte d’éduquer: la co construction collective de notre environnement, de la vie du groupe. Et créer ensemble un espace sécurisant où les interactions sont possibles, où il est possible de vivre du collectif. Tout ceci ne peut se réaliser que dans la relation, le dialogue, et les ajustements permanents. Nous devons être des personnes ressources et organiser un espace où les enfants puissent s’échapper, rire, et être en sécurité. Nous ne voulons pas oublier les besoins et les droits des enfants. Le droit de jouer, de parler entre eux, d’exprimer leurs émotions, de manipuler des objets. Leur bien être psychique est aujourd’hui, notre principale préoccupation. Notre responsabilité d’adultes est de rendre la situation la moins anxiogène possible. Les protocoles sanitaires sont drastiques, ils nous semblent incompatibles avec le bien- être des enfants. Il nous faut prendre ce risque d’être présents avec eux, sur le terrain. Etre vigilants avec eux. Nous nous devons d’accompagner la dynamique de groupe dans le sens de la protection de tous. Nous souhaitons donc donner aux enfants les moyens d’apprendre des réflexes de protection et de bienveillance sanitaire vis à vis de soi même et des autres, qu’ils puissent s’approprier en dehors de notre présence. Plutôt que d’imposer des « gestes barrières », nous souhaitons leur transmettre des attitudes de précautions respectueuses des personnes les plus vulnérables. Les enfants doivent comprendre leur responsabilité dans la possibilité de transmission du virus. Plutôt que d’inspirer de la peur et de la culpabilité, nous souhaitons nous engager ensemble dans l’apprentissage de « prendre soin les uns des autres ». Les enfants doivent pouvoir reprendre prise sur un réel qu’on ne leur a pas suffisamment expliqué, et mettre des mots sur cette période de confinement qu’ils ont subi. On ne sait pas à ce jour ce qu’ils ont compris du virus et de cette obligation au confinement prolongé. Il est indispensable de parler, d’écouter et de partager notre position: notre prise en compte de leur besoin de jouer avec les autres, d’être dehors, notre envie de construire avec eux des temps de rencontre et s’interroger sur ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire. Sur l’espace Jean Ferrat, qui est un espace public, ouvert à tous, nous avons organisé un conseil des enfants pour se poser ensemble certaines questions déterminantes: Comment on peut se dire bonjour? Rechercher des activités où on ne se touche pas. Comment s’organiser pour éviter de se retrouver à plus de 8, 10, sur le même périmètre? Comment éviter que tout le quartier soit malade? Nous en avons également discuté avec l’ensemble des familles. Ce temps a été également l’occasion de partager nos analyses avec ceux avec lesquels nous avions engagés des chantiers et d’envisager « l’après ».

La communauté éducative:

Des militants de la pédagogie Freinet, des acteurs de l’éducation populaire, ont organisé différents échanges sous forme de conférence téléphonique. Nous avons pu mettre en évidence que le projet affiché de la « continuité pédagogique » dans cette période de confinement mettait en difficulté trop de familles et d’enseignants. L’école s’est retrouvée isolée, à devoir construire quelque chose d’impossible. Alors que la « continuité éducative » aurait permis d’engager de nombreuses institutions. L’absence de coordination entre les différents secteurs de l’éducation, leur cloisonnement ont paralysé les initiatives. Les tentatives pour briser cet isolement sont restées marginales, alors qu’il était indispensable d’inventer des modes de « présence » auprès de ceux pour lesquels la situation est devenue rapidement anxiogène. Les injonctions institutionnelles ont concerné seulement l’école, laissant une fois de plus à penser qu’on n’apprend que dans ce lieu… Certaines mères de familles consacraient plus de 6 heures par jour aux devoirs. D’autres ne pouvaient matériellement pas faire travailler les enfants. Les enseignants avaient le sentiment de faire intrusion dans les familles et d’imposer une manière de faire, irrespectueuse du cadre de vie familial. Les incompréhensions se sont multipliées. La connaissance et le lien avec les familles par les différents acteurs de chaque territoire, aurait pu donner des indicateurs pour apporter un soutien adapté à tous ceux que cet enfermement dans le temps long oppressait.

Nos différentes places – enseignants ICEM, professionnels de collectivité, et militants de la pédagogie sociale- nous ont permis de comprendre certains besoins. Des actions de solidarité se sont organisées sur le terrain, en réponse aux problèmes matériels. Mais elles sont restées très marginales au sein d’une école, d’une association.

Tous ces constats confirment le caractère indispensable de la mise en place de centres de communauté éducative pour assurer la continuité éducative, notamment en direction des familles les plus impactées par la précarité. Nous engager pour faire alliance et trouver nos complémentarités dans une même conception de l’apprentissage. Tous les espaces de vie de l’enfant peuvent contribuer à construire des espaces d’apprentissage, de coopération, de mutualisation et d’entraide. Des espaces qui dynamisent chacun, enrichissent le collectif et construisent des savoirs susceptibles de nous permettre à tous de percevoir, qu’en dépit de nos différences, nous sommes tous appelés à participer à la construction du commun. Il nous faut donner à tous un environnement culturel de qualité, des situations plus riches et stimulantes. Nous souhaitons prévoir pour la rentrée de septembre l’ouverture d’un chantier pour construire les modalités d’un travail collectif avec les différents acteurs du champs éducatif.

Projet d’une alimentation de qualité accessible à tous.

Une rencontre entre des membres de la Fourmilière et des adhérentes de Terrain d’Entente avait mis en évidence une préoccupation et une volonté partagées pour favoriser une alimentation de qualité pour tous, qui contribue à la préservation de l’environnement. Malgré tout, depuis l’ouverture de ce magasin coopératif, et différentes tentatives pour organiser la découverte de cet espace, aucune habitante n’est devenue coopératrice. La situation très précaire de ces familles est l’explication essentielle de leur absence de participation concrète. La dynamique que Terrain d’Entente a initié depuis 9 ans permet d’affirmer qu’il est indispensable d’aller à la rencontre des gens, d’être présents sur les territoires pour rendre possible des actions transformatrices. La précarité est un vécu si contraignant que la tendance pour toute personne qui là subit est de renoncer à des besoins fondamentaux comme l’alimentation de qualité, l’accès à la santé, à la culture… Le projet VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun) est présent dans différentes régions du territoire, il favorise le développement de groupements d’achats de produits de qualité dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville. Il permet l’implication des adhérent.e.s dans le fonctionnement. L’objectif est de créer des rencontres qui produisent du plaisir partagé et non de l’anxiété autour des questions d’alimentation, de santé et d’environnement. Plusieurs acteurs impliqués dans d’autres collectifs sont partie prenante pour rendre possible ce projet qui pourrait se développer dans différents quartiers de la ville. Cette démarche ne deviendra réellement soutenable que si nous posons d’emblée la question financière pour les ménages et la rétribution juste des agriculteurs. L’alimentation de qualité, la préservation de l’environnement, la reconnaissance des travailleurs de la terre, la relocalisation de la production alimentaire, doivent être considérées comme une question de santé publique.

Ce temps long du confinement a contribué à aggraver beaucoup de situations familiales, pour toutes celles qui subissent depuis des décennies toutes les violences sociales. Cette période a mis en évidence l’inégalité d’accès face aux apprentissages de manière si catastrophique que certains pédagogues ont lancé des cris d’alarme en évoquant des situation d’enfants « morts scolairement »! La satisfaction des besoins alimentaires du quotidien est devenue une question centrale dans trop de foyers.

Terrain d’Entente s’indigne de ce maintien d’une vie à minima, pour tous les « bénéficiaires des minima sociaux » et poursuit son engagement auprès des familles, avec différents collectifs, pour refuser que ces inégalités continuent de se renforcer. Un engagement parmi beaucoup d’autres pour contribuer à construire notre avenir commun sur une planète habitable pour tous.

Josiane GUNTHER Le 10 Juin 2020

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LES DIFFERENTS TEMPS DE TERRAIN D’ENTENTE

LES TERRAINS

Les terrains sont le nom donné au temps où nous – l’équipe pédagogique – nous trouvons au sein du parc Jean Ferrat (Tarentaize). Ces temps-là sont fondamentaux dans la pédagogie sociale et pour notre travail qui demande une présence régulière et constante au sein du quartier où nous intervenons. 

Les terrains sont un temps d’accueil libre, inconditionnel et gratuit où nous y côtoyons un public très varié d’enfants de tous âges, des adolescents mais aussi des mamans, voir quelques papas. 

13h30 :

Avant de nous rendre au sein du parc, nous nous rejoignons en équipe au garage où se trouve notre matériel pour nos interventions (jeux de société, ballons, corde à sauter, coloriage, goûter). Nous récupérons le diable qui est l’un des éléments principaux lors de nos terrains car c’est avec ceci que nous transportons notre matériel. Si la météo le permet, Nous emmenons à chaque fois :

  • Le tapis qui est roulé à l’arrière de la charrette
  • Une caisse avec les coloriages et les crayons de couleurs
  • Une caisse avec quelques jeux de société et des jeux de cartes
  • Une caisse avec des jeux d’assemblages pour les plus petits 

Les caisses peuvent être modifiées au fil de nos interventions et des personnes de l’équipe. Avec ceci nous prenons impérativement un sac de sport où se trouve :

  • Ballons
  • Corde à sauter
  • Raquettes 
  • Diabolos, …

Nous emmenons également un jerricane et dix verres en plastique pour que les enfants puissent boire, accompagné d’un goûter.

13h50 :

Une fois que nous avons tout ça, direction le terrain !

13h55 :

En premier lieux nous déroulons le tapis, et y posons les caisses dessus. Cela est plus convivial pour y jouer ou même s’asseoir dessus – le tapis et pas les caisses… – pour discuter. L’un de nos rôles durant le terrain est d’accompagner les enfants pour qu’ils s’approprient cet espace, dans un but ludique et éducatif, nous faisons, ensemble, des jeux de société sur les tapis. De plus, nous proposons en parallèle des tapis ; des activités comme du foot, roller, ping-pong, badminton, volley, slackline, molky, corde à sauter…

Les « tapis » sont l’espace qui doit être identifié Terrain d’Entente par les personnes présentes sur le parc au moment des terrains. Installé à proximité du terrain de foot, l’équipe pédagogique doit assurer la veille de nos règles de fonctionnement collectives basées sur la bienveillance et le respect de soi, de chacun et du matériel mis à disposition. Ainsi, il est indispensable qu’un pédagogue minimum soit présent sur ce lieu afin d’assurer son bon fonctionnement durant le terrain. Chaque pédagogue fait l’activité qui lui plaît, personne n’est forcé de faire du foot ou de la corde, il faut juste qu’il ait l’œil sur ce qui se passe sur le terrain.

Nous n’imposons pas les jeux et ne forçons pas les enfants à jouer avec nous, ils sont libres de créer et développer leurs propres activités sans ou avec nous. Nous devons même accompagner et permettre cette création.  

Les terrains sont également un lieu d’échange où certains se confient sur leur vie quotidienne ou les difficultés qu’ils rencontrent au niveau scolaire. Notre rôle à ce moment-là est de les soutenir et de leur redonner confiance en eux. Ces échanges permettent aussi de mettre des projets en place avec eux que ce soit ponctuellement, sur la durée, ou encore pour les vacances. 

16h15 – Le Conseil des Enfants sur le Terrain

Matériels : sac à dos du conseil avec à l’intérieur :

  • Bâton de parole,
  • Cahier du conseil (un côté compte rendu et un côté inscription pour les sorties organisées),
  • Stylos,
  • Tapis en toile ciré pour s’asseoir
  • Flyers de l’association

Déroulement du Conseil :

Il y a une installation précise, qui créée une forme de rituel avec les tapis dit du conseil installé de manière circulaire et individuelle : afin que tout le monde puisse se voir, s’écouter et se distribuer la parole. 

Lors de ce conseil, plusieurs sujets peuvent être évoqués en fonction de ce qui est prévu pour les semaines à venir (activités, sorties, planning des vacances, tout type de projet ou idées…). Ces choses que nous leurs annonçons sont programmées à l’avance. Le conseil est préparé en amont au sein de l’équipe. On peut également faire des retours aux enfants sur certains comportements qui nous ont interpellés lors des précédents terrains. La parole des enfants est aussi importante que celle de l’adulte lors de ces conseils. Nous avons établi des règles pour s’exprimer dans le cadre du conseil : on doit prendre le bâton de parole, et ne parler qu’à ce moment-là, si on ne l’a pas, on écoute l’autre. Le conseil est avant tout un temps qui doit permettre aux enfants d’avoir l’occasion de s’exprimer, de faire des remarques ; mais aussi de partager leurs envies, leurs idées, et ainsi de faire naitre des projets.

Ce conseil a donc pour but de créer un temps démocratique, d’où l’utilisation du bâton de parole qui a une double utilité : éviter qu’on se coupe la parole et donner l’habitude de s’écouter et de se respecter les uns avec les autres.

Lors du conseil, les membres de l’équipe ont différents rôles : 

-Un « meneur » : qui va annoncer les nouvelles, qui va aussi donner et récupérer le bâton. 

-Un « secrétaire » : qui va noter, avec un enfant, l’ordre du jour et ce qui a été établie et pour garder une trace de ce qui se dit, pour que l’équipe puisse se ressaisir des remarques des enfants. 

-Un « maître du temps » : une personne gère le temps pendant le conseil. 

-Un ou deux « encadrants » : qui ont pour rôle de faire des retours au silence ou qui cadrent en rappelant les règles s’il y a trop d’agitation.

Il est important de savoir que le conseil n’est pas obligatoire, mais fortement recommandé auprès des enfants car c’est le moment pour eux de donner un avis ou de proposer une idée. Il faut donc encourager au maximum les enfants à participer aux conseils.

Il faut également que l’équipe pédagogique reprenne le compte rendu de ce conseil en réunion d’équipe afin de donner une suite à ce temps qui se veut participatif.

16h30 – Le gouter :

C’est un temps qui se situe avant que nous quittions le terrain, ce temps permet que l’adrénaline et l’excitation des jeux s’apaisent peu à peu, de se dire au revoir de manière collective. Nous essayons de réunir tous les enfants sur le tapis ou sur les tables de pique-niques afin de pouvoir être tous ensemble et de discuter du déroulement de l’après-midi – sauf s’il vient d’y avoir un conseil. Les enfants sont généralement demandeurs pour distribuer le goûter, afin de cela leur permettre de se sentir responsables, autonomes et investis au sein de l’association

LE CAFE DES FEMMES

13h30

Nous préparons la salle avant que les femmes arrivent : nous faisons le café, nous préparons l’eau pour le thé, nous mettons sur la table les tasses ainsi que le sucre, les cuillères.

14h00-14h30

Les femmes commencent à arriver, nous -les pédagogues- sommes déjà assis autour de la table, on se dit tous bonjour. Ensuite quand elles sont tous assis, tous ensemble essayons de faire l’ordre du jour de ce que nous allons aborder.

Le café des femmes est un temps convivial pour lequel nous nous retrouvons dans une salle prêtée par le Centre social du « Babet ». Les femmes du quartier qui le souhaite y participent avec l’équipe pédagogique. On y retrouve ainsi les mamans de certains enfants qu’on côtoie sur les terrains.

Ce temps d’échange (autour d’un café, d’un thé etc…) permet de discuter de sujet divers et variés, qui peuvent être : 

  • Les projets à venir concernant les enfants, pour que les femmes du quartier nous aident aux préparatifs.
  • Les projets concernant ces femmes, par exemple pour une sortie ou bien pour une organisation telle que la journée de la femme, là aussi pour qu’elles investissent dans la réservation etc…
  • Parfois il peut y avoir des interventions d’intervenants extérieurs par des partenaires de l’association : yoga, relaxation, interventions santé, présentation projet sur le quartier,…

Mais c’est avant tout un temps où elles peuvent discuter des difficultés qu’elles rencontrent dans la vie quotidienne. Et nous solliciter si besoin, pour un accompagnement aux freins rencontrés. 

Pour celles qui viennent avec leur(s) enfant(s), un ou deux membres de l’équipe pédagogique installe puis anime un accueil maternel dans une salle. Cela permet aux mères de pouvoir « souffler » et discuter plus paisiblement, en sachant leur enfant est occupé à jouer. Cependant les enfants peuvent aussi rester avec leur mère pendant le café des femmes, ou alterner.C

LE CAFE DES ADOS

Le café des ados se déroule chaque jeudi de période scolaire à partir de 17h dans la « Salle Descours » du quartier. C’est un temps où les adolescents viennent nous voir librement, et partage avec l’équipe pédagogique autour de :

  • Projet Foot à 7 FSGT (retour sur les rencontres, planification des suivant, attitude pendant les match, travail tactique, maillot personnalisé, documents administratifs etc.)
  • PlayStation 
  • Ping-pong 
  • Cartes 
  • Jeu de ballon dans la cour de la salle.
  • Atelier boxe 
  • Musique 

Ce temps est un temps de prévention, un temps pour essayer de créer du lien avec certains ados vulnérables qui ont des comportements à risque pour eux et pour les autres. C’est également un temps pour échanger sur leur place dans la société : ainsi, nous avons pour rôle de les accompagner à comprendre et réaliser cette dernière. 

Durant ce temps, les ados peuvent également nous solliciter pour les aider dans leurs recherches de stage, dans leurs travaux scolaires ou bien dans l’accompagnement d’autres recherches.

Ce temps permet aussi de réfléchir aux projets qu’ils peuvent mettre en place durant les vacances : comme pour l’ensemble de nos actions, Nous partons de leurs idées et les amenons à réfléchir à la faisabilité d’un projet et sur la façon dont ils vont devoir s’impliquer et participer pour qu’il se réalise.  

LA PRESENCE APRES L’ECOLE

Ce temps se déroule au ‘’Terrain’’ – parc Jean Ferrat- et doit permettre aux enfants de faire une coupure avec l’école, nous n’amenons pas les tapis mais seulement le minimum nécessaire : sac de sport et si le temps le permet jeux de société et jerricane. Le match de foot est ce jour-là, un match « cool » et « populaire » qui doit permettre de faire jouer tout le monde, quel que soit le niveau technique. Afin de porter cette dynamique sur le terrain de foot, il est indispensable que l’équipe pédagogique soit présente dans ce-s match-s, et surtout les personnes qui ne pratiquent pas le football.

Parfois et si nous sommes nombreux en tant que pédagogues nous pouvons aider les enfants qui sont en demande pour réaliser leurs devoirs à la médiathèque : le taux d’accompagnement et d’un pédagogue pour 3 enfants maximum.

LE SOUTIEN SCOLAIRE

Ce temps à lieu à la salle Descours et parfois au CDAFAL quand nous n’avons pas la salle, ce temps permet aux enfants qui ont des difficultés ou qui n’arrivent pas à réaliser leur travail scolaire, chez eux pour quelconque raison, de faire leurs devoirs. Ils peuvent également retravailler les notions où ils ont des difficultés avec l’aide de pédagogue présent. 

Nous installons les tables de manières à ce que les enfants soient en petit groupe ou seul avec un pédagogue afin de les aider au mieux.

Nous essayons d’être un pédagogue pour un enfant dans la limite du possible.

Nous essayons de suivre leur évolution afin de voir ce qu’ils ont acquis et ce qu’ils leur restent à améliorer pour les guider dans leurs apprentissages. 

Nous acceptons sur ce temps uniquement les enfants qui ont des devoirs, de plus, lorsqu’un enfant présent à « terminé » ses devoirs, il peut soit rester au calme dans la salle, soit rentrer chez lui. Le temps de devoir étant consacré à la concentration et au travail scolaire, nous essayons d’instaurer un climat adapté. 

Nous pouvons en fin de séance animer un jeu collectif comme un « petit bac », pour mettre fin à ce temps et se dire au revoir.

Lors des vacances scolaires, la salle est divisée en deux, un côté pour faire ses devoirs, accompagné d’un pédagogue et d’un autre côté, les enfants peuvent faire des jeux de société « calmement ». 

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TERRAIN D’ENTENTE MODE D’EMPLOI

Pour ceux et celles qui voudraient mieux comprendre notre démarche, il est important de faire un petit retour sur ce qui a motivé la mobilisation d’une poignée de militants et de décrire au mieux notre mode d’organisation et l’évolution de ce petit collectif. 

Nous avons voulu répondre à une demande d’enfants qui nous rejoignaient, de plus en plus régulièrement, aux permanences d’accès aux droits ouvertes aux adultes, sur le quartier, dans le cadre du Portail « Pour l’accès aux droits sociaux ». Ils réclamaient du temps de présence, ils se dénommaient « les galériens ». Des enfants qui se retrouvent seuls sur l’espace public, qui ne sont pas inscrits au centre de loisir, qui n’ont pas d’activité sportive, qui ne partent pas en vacances

Depuis Avril 2011, nous proposons des ateliers de rue, tout au long de l’année au pied des immeubles, dans le quartier Beaubrun/Tarentaize à St Etienne, au Parc Jean Ferrat. Nous apportons des tapis, des jeux diversifiés pour tous les âges. Nous offrons un temps de présence pour rejoindre les familles qui ont très peu accès aux structures censées accueillir tout le monde.                                                                                                                              

Notre accueil est libre, inconditionnel et gratuit.       

 –    Un accueil libre, où l’on vient quand on veut, et l’on part quand on veut. C’est le respect du temps des personnes qui nous rejoignent quand c’est utile et possible pour elles.

–    Un accueil inconditionnel, pour tout le monde. Notre collectif organise ces rencontres à partir du multi âge et du multiculturel. 

–    Un accueil gratuit qui nous met dans un lien d’égalité où chacun participe en fonction de ses centres d’intérêt et non de ses possibilités financières.

Notre équipe est constituée d’une militante permanente, fondatrice de l’association, qui travaille bénévolement et de deux personnes plus présentes sur les tâches administratives, et ponctuellement, sur les différents temps de rencontre.                                                                         

Deux personnes sont employées, au travers d’un CCD, pour assurer la coordination de l’équipe et de ce qui se développe au fil des années.                                                                                         

Des jeunes travailleurs sociaux en formation nous rejoignent chaque année pour un temps de stage d’une durée de deux à 9 mois.                                                                                                     

Des jeunes volontaires en services civique, sur un contrat de 10 mois, sont présents tout au long de l’année.                                                                                                                                 

Tout au long de ces années, des personnes bénévoles nous ont rejoint, se sont engagées avec nous, puis sont reparties. 

Le statut très fragile, très précaire de notre association, nécessite l’implication de chacun pour agir, penser, comprendre la réalité et que les projets puissent aboutir. Une forte relation de confiance et de reconnaissance réciproque s’est construite entre nous. Les liens s’approfondissent avec beaucoup. On estime ensemble aujourd’hui, que nous avons dépassé le stade de la relation classique au sein d’une association, avec des « responsables » et des « adhérents ». Nous pouvons compter sur les ressources des uns et des autres pour développer ce qui nous parait utile et nécessaire. Nous avons développé une histoire commune, des centres d’intérêt communs, notamment le soucis du bien être des enfants.

Toutes les actions que nous menons à bien se construisent avec la participation active d’adultes et d’enfants de plus en plus nombreux. Il existe différents espaces de participation démocratique :

 –  Le café des femmes le vendredi après midi où on partage nos préoccupations, nos envies, où nous élaborons des projets à partir des besoins manifestés.

 –  Le conseil des enfants le samedi après midi, où chacun est invité à dire comment il vit ces temps collectifs, où on réfléchit à la meilleure façon de régler certaines difficultés, où nous élaborons des projets. 

 –  Le CA, des adhérentes habitantes du quartier (6 à 15), décident des orientations de l’association. Il se réunit une fois par mois depuis octobre 2018.                           

 –  Le café des ados le jeudi à 17h. Pour parler des difficultés, construire des projets à partir des envies.

Nous avons développé des actions qui sont devenues pérennes, depuis bientôt 9 ans. Nous poursuivons les ateliers de rue, (tous les mercredis et samedis, et les mardis et vendredis pendant les vacances scolaires). À partir de cet espace, nous organisons de plus en plus régulièrement, avec les enfants, différentes sorties, à leur initiative (Piscine, sorties natures, cinéma, théâtre, temps de lecture dans une librairie d’enfants, atelier bricolage organisé par un autre collectif). 

Les enfants ont su manifester leurs inquiétudes et leur difficulté à accomplir seuls le travail scolaire, nous proposons des temps réguliers pour l’aide aux devoirs, et également une présence auprès des adolescents, qui souhaitent se retrouver après l’école, dans un espace où ils se sentent accueillis. ces temps sont organisés dans une salle mise à disposition de la Mairie.

Suite à nos conversations avec les adultes qui nous ont rejoint au cours de ces temps de présence réguliers les mercredis et samedis après midis, des espaces se sont crées pour répondre à des besoins, et des envies. La garde mutuelle des bébés le Jeudi après midi et le café des femmes le vendredi après midi dans les locaux mis à disposition par le Centre social du quartier « le Babet. »

Des moments exceptionnels, rythment l’année, ils sont également construits à partir de ce que manifestent les enfants, les adultes. La période du Ramadan est un temps très privilégié de l’année pour les familles de confession musulmane, elle conditionne l’agendas de notre association. Nombreux sont les adhérents de Terrain d’Entente à vivre sur ce rythme. Chaque année, nous souhaitons manifester notre marque d’attention et de respect sur ce temps fort et important. Chaque vendredi soir, nous nous retrouvons au Parc Jean Ferrat, pour fêter la rupture du jeûne.

Les « rencontres pays d’origine » sont proposées en fonction des envies des adultes de présenter leur région d’origine. Nous nous adressons à des familles qui sont nombreuses à avoir migrées, en laissant loin derrière, une partie d’elles même, une famille, des racines. À l’heure où les migrations sont interprétées comme des menaces, un danger, qui justifient la fermeture de toutes les frontières, nous affirmons ensemble que ceux qui rejoignent ce territoire sont pour nous tous une ressource, une richesse et une force. Ces rencontres sont l’occasion de découvrir d’autres façons d’appréhender la réalité et de l’organiser au quotidien, de partager nos compréhension du monde, nos cultures et de nous enrichir mutuellement.                                                                                                                          

Un diaporama est réalisé et commenté par leurs autrices, au cours de ces rencontres. Eh puis nous dansons, nous chantons, nous dégustons des saveurs qui nous font vivre et goûter des petits bouts de nos diversités. Autant de fenêtres qui s’ouvrent sur le monde qui devient plus accessible et plus joyeux.

Avec les adultes, nous avons mis l’accent depuis quelques années, sur les ateliers beauté, bien être et les sorties au Hammam. « Le hammam, on le reporte tout le temps ». Ces femmes ont très peu d’occasion pour prendre soin d’elles. Il y a des choses plus vitales à tenir pour essayer de construire un quotidien acceptable. Ces temps que l’on consacre à soi même et aux autres nous paraissent de plus en plus essentiels. Une petite exception dans le quotidien, un petit changement, un peu d’énergie retrouvée, et le regard qui change sur soi même, change sur ce qui nous entoure, change sur ce que nous ressentons comme possible. Nous retrouvons le sens, l’envie et l’énergie de construire avec d’autres. Les ateliers beauté, coiffure, maquillage, épilation, coloration, sont entièrement pris en charge par les adhérentes. Chacune participe aux frais, apporte le matériel nécessaire, consciente de la fragilité financière de notre association et volontaire pour apporter sa contribution de façon à la rendre pérenne. Latifa, masseuse, réflexologue et aromathérapeute, propose des séances d’auto  massage une fois par mois. 

Ces familles, pour la plupart, subissent un enfermement sur leur lieu d’habitation qui les dévitalise. Toutes, pour décrire cette situation, évoquent des termes très éloquents : il est question de « prison », de « fond du puits », de « galère »…. La demande de sorties est permanente, pressante. Avec des moyens dérisoires, nous tentons des réponses, en saisissant des opportunités. Le centre social bénéficie d’un financement de la CAF, durant la période estivale, pour organiser des sorties « familles ». Durant les deux mois été, des sorties au bord de l’eau sont proposées chaque mercredi.

Au jardin « Les Moyens du Bord », dans un magnifique espace de nature qui surplombe la ville, nous retrouvons cette association amie, quelques journées durant l’été, pour partager des temps de cuisine collective, des ateliers d’expression artistique, des spectacles.

Depuis plusieurs années nous organisons des séjours vacances dans une ferme en Haute-Loire. Nous rejoignons des amis paysans boulangers, éleveurs de chèvres avec lesquels nous construisons ces séjours. Depuis deux ans, nous nous sommes associés à différents collectifs, pour gérer une propriété,dans les Monts du Forêt, à Champoly. Des séjours ont été réalisés pour rassembler des membres de ces collectifs et créer ainsi des opportunités de rencontres, des petits temps de vie qui nous sortent de nos cloisonnements, de nos entre soi.                                                                                                               

Les enfants sont nombreux à souffrir à l’école, à ne pas y trouver leur place, à ne pas arriver à se rendre disponibles pour apprendre, et à, finalement, estimer qu’ils n’ont « pas de cerveau ». Au fil des années, leurs ambitions se réduisent, ils renoncent d’eux mêmes à poursuivre des études. Face à ce désastre, à cette très préjudiciable blessure narcissique, où les enfants n’osent plus rêver à un avenir où ils pourraient se réaliser, nous recherchons d’autres modes d’expression pour chacun qui le valorise, qui mette en évidence des capacités bien réelles. Nous développons des ateliers d’expression artistique après avoir repérer les envies, pour mettre en évidences tous ces talents qui ne demandent qu’à s’exprimer. En fonction également des personnes qui rejoignent notre équipe, tout au long de l’année, nous proposons du théâtre, du rap, de la peinture, des paperolles, des origamis…

Les Ateliers cuisine sur le terrain sont également un moyen pour produire des choses ensemble, se rapproprier notre pouvoir d’agir. Nous apportons régulièrement une carriole fabriquer par un ami et nous réalisons avec les enfants, notre goûter du jour. D’autres envies ont émergées de cette pratique régulière, nous organisons des après midis « galettes » cuites au feu de bois, à partir d’un foyer réalisé par les enfants. Les mères prennent alors en charge la cuisine, et s’occupent de tout les nécessaire: l’achat des denrées, les ustensiles de cuisine.

Nous insistons également sur l’accès aux droits et nous nous inquiétons notamment des conditions de travail qui se détériorent. Ces femmes quand elles travaillent sont pour l’essentiel femmes de ménage. Elles se retrouvent toutes dans des conditions indignes, leur santé est mise à mal. Leur corps est véritablement malmené, beaucoup développent des troubles musculo-squelettiques invalidants. Certaines, à 35 ans ne peuvent plus exercer leur métier. Nous avons construit un partenariat avec la médiatrice santé du quartier, une assistante sociale de la sécurité sociale,  une juriste, des militants de la LDH, et nous recherchons des issues sur ces problèmes de santé au travail. 

En fonction des événements qui frappent notre société et qui nous indignent, nous trouvons des modes de manifestations, d’actions. Nous recherchons à exprimer nos valeurs, nos aspirations de manière publique.

Nous avons organisé une soupe, sur l’espace public, suite à l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015, pour faire la démonstration qu’il est possible et heureux de construire des choses tous ensemble et de pouvoir faire société commune. De nombreuses familles voulaient affirmer qu’elles s’indignaient face à la violence de cet attentat. Mais nous voulions également manifester notre inquiétude face à  la stigmatisation des citoyens de confession musulmane, des populations qu’on cherchait ainsi à opposer aux autres. Nous avons souhaité manifester notre sentiment d’injustice face à cette tentative d’amalgame, qui a semé le trouble et la confusion. Nous sommes face à de très graves et très préjudiciables injustices qui se multiplient toujours depuis ces dernières années. Il s’agit pour nous de les identifier clairement pour se donner les moyens d’y apporter des réponses adaptées. 

Certains étés, nous organisons un tournoi de foot, en soutien au peuple palestinien avec le collectif BDS (Boycotte, Désinvestissement, Sanction en direction du gouvernement d’Israël). Notre modeste contribution à cette solidarité internationale pour dénoncer ce génocide et ce massacre qui perdurent depuis bien trop longtemps et réclamer que le peuple palestinien puisse bénéficier enfin du droit internationale pour exercer sa souveraineté et reconstruire un état de droit et de dignité.

Un autre tournoi de foot a été réalisé en hommage à Yassin, 20 ans, qui est mort assassiné. Yassin était un enfant du quartier. C’était une façon pour nous de dire que nous ne voulons plus de cette sauvagerie pour nos enfants. La violence est partout. La violence pour nos jeunes, c’est d’abord de ne pas pouvoir choisir une formation, un métier qui leur plaise vraiment, de ne pas avoir un revenu suffisant pour vivre bien. Nous voulons nous battre ensemble contre cette injustice qui bloque leur avenir.

Nous participons au bal populaire du 14 Juillet que le collectif « Les cris du quartier » propose depuis quelques années. Nous avons été sensibles à cette invitation qui rassemble plusieurs associations qui interviennent dans différents quartiers. Toutes développent des démarches d’éducation populaire et réalisent des actions culturelles, sportives, citoyennes qui s’adressent à tous. Tout un réseau se développe pour mutualiser et enrichir les initiatives de chacun. Une journée de fête ouverte à tous, où chacun apporte sa contribution.

Les ados deviennent beaucoup plus partie prenante dans nos actions. Plusieurs ont participé à l’organisation des tournois de foot. Nous avons pu organiser une grande fête d’Halloween au parc Courriot avec plusieurs jeunes, qui ont fait preuve d’une grande créativité. Certains viennent nous prêter main forte pour l’aide aux devoirs. 8 se sont organisés pour être admissibles au Fond de Participation des Habitants, en rédigeant un dossier qu’ils ont présenté à une commission. La somme d’argent qu’ils ont récolté a contribué largement au coût d’un séjour à la Ferme des fromentaux à Retournac, pendant les vacances de printemps.  Des projets plus en direction des filles deviennent possibles également.

Nous avons initiés des collectifs que nous allons poursuivre :

Le Collectif « Accès aux vacances pour tous ». La marchandisation des vacances a eu pour conséquence d’une part, de supprimer en l’espace de quelques années, la moitié des lieux d’accueil, et de priver ainsi un nombre de plus en plus important de personnes d’espace de ressourcement pendant l’été ; et d’autre part, de nous faire devenir consommateurs de loisirs. Nous avons réfléchi au sens des départs en vacances. Partir, c’est l’occasion de rencontrer d’autres personnes, de découvrir d’autres façon de vivre et de comprendre la réalité. Dans cette société qui se segmente, le temps des vacances peut être l’occasion de construire d’autres relations humaines. Il nous faut développer des opportunités de rencontre avec tous. Cette aspiration concerne de plus en plus de monde, au delà des familles des milieux populaires.                                                              

Le Collectif pour la réussite de tous les enfants à l’école avec le groupe ICEM Freinet. Nous émettons l’ hypothèse que les enfants des milieux populaires souffrent à l’école parce qu’il n’y a pas suffisamment de prise en compte et d’effort de compréhension de leur réalité. Le corps enseignant a la responsabilité de l’ouverture de l’école sur le quartier, de l’organisation de la rencontre avec les familles. Mais cette institution ne peut pas réaliser ce travail seule et de manière isolée. Nous souhaitons engager un chantier, dans la durée, pour rechercher à offrir les meilleurs conditions pour construire une communauté éducative qui assure de manière effective notre responsabilité collective dans l’éducation des enfants, avec les différents acteurs du champ éducatif, les parents.    

Condition incontournable pour permettre à chaque enfant de faire des liens entre les différents espaces dans lesquels il évolue et de trouver ainsi du sens et de la cohérence dans les apprentissages organisés de manière différente à l’école, en famille, dans le milieu associatif….   

Il est nécessaire que tous les espaces d’apprentissage se rencontrent , s’organisent ensemble pour que les enfants comprennent la cohérence entre tous ces espaces et en retire d’utiles enseignements de façon à devenir le plus possible « citoyens ».                                                                                                                                                                                                               

Cette démarche particulière s’est inspirée de ce que développent d’autres collectifs à l’échelle du territoire, depuis près de 20 ans : Intermèdes Robinson à Lonjumeau dans l’Essonne, Madame Rutabagga à la Ville Neuve à Grenoble. Nous sommes ensemble engagés dans une démarche d’éducation populaire qui se réfère à la pédagogie sociale 

La pédagogie sociale est une pédagogie engagée, une pédagogie de l’action. Elle se base sur la réalité sociale et sa critique, avec la volonté de construire un projet collectif, d’initier quelque chose qui n’existe pas encore, pour transformer cette réalité, pour là rendre plus vivable, plus habitable.

Depuis toujours, elle s’adresse à une population à l’ère de la précarité, des catastrophes sociales. C’est une pédagogie de l’urgence qui tente de retisser des relations sociales. Face à la précarité, nous cherchons à créer du durable, de l’ordre d’une sécurité relationnelle et sociale. Nous le réalisons à partir d’une pratique sociale communautaire à durée indéterminée.

Ces collectifs mettent en évidence ce que la société produit de plus violent : les ravages de la précarité, qui rendent impossible pour ces familles des perspectives d’avenir. Des familles qui ne peuvent pas s’inscrire dans un avenir commun, condamnées à la solitude, à l’incertitude, à l’instabilité permanente. Les conditions de travail indignes, l’inscription dans une logique de survie où on renonce peu à peu à faire valoir des droits, l’intégration de son statut dans la société « on est des arabes, on ment, on vole! », l’auto enfermement.

Ces collectifs mettent en évidence le travail considérable du quotidien réalisé par ces adultes pour assurer le plus de sécurité possible à leur famille, les ressourcesles forces de mobilisation qui se manifestent, si on sait être présent et impliqué, dans la durée. Les aspirations à produire collectivement des choses utiles à la société. Et enfin, les capacités des enfants et des jeunes qui s’adaptent en permanence à l’imprévu, qui font face aux dangers de la rue. Des enfants et des jeunes qui prennent en main les choses: ils se saisissent de toutes les opportunités qui se présentent, ils s’ inscrivent seuls à des club sportifs et en assument les contraintes, prennent en compte le budget familial et renoncent aux activités dont ils rêvent quand ils les estiment trop coûteuses. Ils prennent des initiatives lorsqu’on sait être présents à leur côté  de manière inconditionnelle.

Ces ressources qui donnent la force et le souffle pour continuer sans relâche de rechercher des solutions d’espoir.

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