Les enfants du chaos…. Les enseignements et les actions qui en découlent….

En septembre 2016, Terrain d’Entente a fait la proposition à la médiathèque de Tarentaize, d’inviter Alain Bertho pour parler de son dernier livre, « les enfants du chaos ». Ce qu’il évoque de la situation sociale et politique rentre en résonance avec la grille d’analyse et la démarche portée par la pédagogie sociale.

Alain BERTHO est anthropologue, il enseigne à l’université Paris-8 et consacre ses travaux aux mobilisations urbaines et aux émeutes. Il a publié comme dernier ouvrage, « les enfants du chaos. Essaie sur le temps des martyrs »

Dans cette analyse, Alain Bertho situe les derniers évènements meurtriers du mois de Novembre à Paris à partir de différents épisodes de notre histoire.

« Toute une partie de la jeunesse française est constituée de petits-enfants ou d’arrières petits enfants de personnes venues des ex-colonies françaises pour travailler en métropole et que l’on a traitées comme des chiens lorsque l’industrie a commencé à battre de l’aile. Quelque chose s’est constituée sur quatre générations autour de stigmates accumulés dans une population que l’on n’a jamais considérée comme complètement française. Aujourd’hui, une partie de cette population revendique une fierté et une identité à travers l’islam.

A cela s’ajoutent les désillusions et la perte d’avenir qui touchent tous les jeunes, et pas seulement ceux qui sont nés dans des familles de culture musulmane.

On a pu observer une réislamisation de populations des banlieues après les émeutes de 2005, liée à la façon dont on a géré ces événements. La quasi-totalité de la classe politique de l’époque a estimé qu’il était scandaleux de brûler des voitures bien avant de s’indigner de la mort de deux enfants. Cette priorité accordée aux voitures incendiées a eu un effet symbolique dramatique sur la jeunesse des quartiers, que l’on a laissée seule.

Cette expérience collective a sans doute eu un effet souterrain largement sous-estimé. Le passage à l’acte s’inscrit dans un contexte historique, social et culturel. »

Dans ses recherches, Alian Bertho interpelle les acteurs de l’action sociale

« L’urgence n’est pas de « déradicaliser » une poignée de jeunes que l’on aura isolés des autres, mais d’accompagner les milliers de jeunes aujourd’hui en rupture et en danger, et d’imaginer des solutions permettant une remédiation générale. Il faut travailler au plus près de ces jeunes, et pour cela on devrait recruter en masse des travailleurs sociaux. »

Nous n’avons pas la prétention d’imaginer que la pédagogie sociale va mettre daech en difficulté, hélas. Mais nous souhaitons prendre notre part de responsabilité dans les questions qui nous sont posées par notre époque. La question des conséquences dévastatrices pour les populations qui sont discriminées, dans ces quartiers relégués qui concentrent la misère, et où il ne semble plus y avoir d’espoir d’un avenir meilleur. Nous pouvons affirmer aujourd’hui à partir de ces 6 années d’expérience sur le quartier, que c’est possible de faire tous ensemble société, que lorsque des espace sont ouverts, les gens sortent de chez eux, se mobilisent pour réaliser des projets avec d’autres, pour construire des relations d’entraide et de solidarité. Et nous allons tous ensemble bien mieux en construisant ce climat de confiance et de reconnaissance mutuelle. Un collectif multiculturel, qui est porteur d’avenir

Nous avons souhaité proposer ce temps de rencontre parce que nous ressentons une urgence à réagir face à la menace actuelle.

Une double menace en fait, celle des folies meurtrières qui se multiplient partout et que rien ne semble pouvoir arrêter, et celle de la réponse exclusivement répressive de notre gouvernement.

Le maintient de l’état d’urgence est en train de transformer nos rapports sociaux en grande peur de l’autre. Plus on s’enfonce dans l’ordre sécuritaire, plus la politique apparaît comme une guerre que l’état mène à la société. Il ne semble plus y avoir de limite à la stigmatisation des musulmans.

Tout dans leur comportement irait à l’encontre des valeurs fondamentales de notre pays. Mais on fait peu de cas de ces valeurs dans des débats plus déterminants quant à notre devenir.

Que dire de l’égalité, face au passage en force de la loi travail?

Que dire de la liberté alors que l’état d’urgence est constamment renouvelé?

Que dire de la fraternité avec la stigmatisation d’une partie de la population?

Que dire de la laïcité quand elle sert systématiquement d’arme contre les musulmans?

Des initiatives existent, qui pensent et expérimentent d’autres formes d’intervention sociale. Cette rencontre est l’occasion de réfléchir ensemble à l’impact d’une démarche particulière qui mobilise de nombreux acteurs sur différents territoires : la pédagogie sociale. Démarche dans laquelle l’association terrain d’Entente est engagée depuis 6 ans, sur le quartier Tarentaize/Beaubrun.

Laisser un commentaire